samedi 21 mai 2016

Larme de rasoir, suivie d'une pause vampire ! Le partage du monde - Kebir Ammi (1999) / Vampire Diaries Saison 1, Episode 1 (2009)



Parce que ça faisait trop longtemps qu'on avait pas pleuré sur le sort d'un malheureux, découvrons ensemble Le Partage du Monde de Kebir Ammi. Comme vous pouvez le constater, ce petit livre édité chez Gallimard aurait aussi pu concourir dans la catégorie "couvertures déprimantes" ; mais l'intérieur étant encore plus plombant que l'extérieur, je me suis dit qu'il ferait une excellente larme de rasoir.  


Vous commencez à connaître ce blog : plus une histoire est triste, plus je me moque. Il est donc possible que je tourne en dérision ce qui ne devrait pas l'être ; n'en prenez pas ombrage, c'est juste une manière comme une autre de ne pas sombrer. 

Brahim est un enfant abandonné ; du haut de ses dix ans, il nous raconte les aventures qui ont ponctué sa jeune vie. Son premier souvenir est celui d'une mère qui le dépose à contrecœur près d'une voie ferrée, aux abords de Marrakech. Il passe ensuite les premières années de sa vie dans un orphelinat miteux où on le surnomme le "Fils du Train". Pour qui n'a rien connu d'autre, ce lieu est le Paradis sur Terre, et c'est l'âme en peine qu'il le quitte lorsqu'il atteint l'âge de cinq ans : en effet; le directeur de l'établissement considère qu'il est alors assez mûr pour gagner sa croûte.

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est pas victime de harcèlement à l'école.
Forcément, le petit se retrouve à la rue, et, plein de rêves et d'espoir, il se met en quête d'un emploi. Faut-il s'en réjouir ? Il en trouve sans trop de problème. Mais il s'est fixé un objectif bien plus ambitieux que porter les sacs des voyageurs qui descendent du train : quitter Marrakech, voir Tanger, traverser la mer et tenter sa chance en France, le pays des gros touristes riches et tout roses qui transpirent ! La faim et l'indifférence auront-elles raison de ses rêves et de son honnêteté ? Vaut-il mieux suivre un régime cafards ou voler des fruits à l'étalage ? On lui souhaiterait presque que le brouillard de l'enfance ne se lève pas trop vite sur la réalité du monde...


Source de protéines.
Son insouciance lui permettra d'accomplir des exploits au péril de sa vie, de rencontrer des personnages hauts en couleur qui tenteront de l'aider : un écrivain américain imbibé de vin, un marin estropié condamné à regarder passer les bateaux. Son imagination deviendra vite son seul vrai réconfort. La couche onirique qui saupoudre ce récit (désolée, j'ai un peu la dalle) est d'ailleurs d'un grand secours dans la cruelle réalité que nous présente l'écrivain et enseignant Kebir Ammi ; le monologue des vagues exhortant Brahim à s'accrocher lors de la traversée de la mer est une belle réussite.

Un enfant qui n'a que la peau sur les os, qui raconte comment il gère sa faim, son quotidien de sans-papiers et sa peur d'être attrapé par la police, sa tendance à considérer chaque nouvelle rencontre comme une figure parentale qu'il n'aura jamais, ses rêves sans queue ni tête tellement plus beaux que la vie terrestre... L'éclate totale ! Cela dit, Le partage du monde fera réfléchir les jeunes et les moins jeunes sur les conditions de vie des enfants dans les pays pauvres ; et ça, c'est toujours bon à prendre.


A lire, mais pas avant d'aller au lit... comme tout bon Prozac d'Or qui se respecte !

AMMI, Kebir. Le partage du monde. Gallimard, 2000. Coll. "Frontières". 138 p. ISBN : 2-07-052500-7


Allez, mouche-toi, Stephen




AH STEPHEN TU TOMBES BIEN on allait parler de toi justement ! 
En effet, pour que vous puissiez dormir un peu quand mère malgré toute cette misère du monde venue vous oppresser le thorax depuis que vous avez refermé le livre, nous allons faire une récré vampire ! Ouais !!

Juin : Des enfants s’amusent au camp des enquêteurs de l’écosystème au parc national des Lacs-Waterton




 
Salut les boutonneux ! 

Afficher l'image d'origine
"Barrez-vous !!!"

Vampire Diaries

Voilà maintenant quelques années, j'ai eu le plaisir de regarder la première saison de Vampire Diaries dans son intégralité. Pour être franche, je ne suis pas une inconditionnelle des histoires de vampires et je remercie vivement Audrey de m'avoir fait connaître les premiers épisodes de cette série sur laquelle je ne me serais jamais penchée de moi-même. A cause d'une bête question de temps, je n'ai pas pu suivre les aventures de la gentille Elena au-delà de la saison 1 ; et pourtant, après avoir vu une copine se balader avec un volume du Journal d'un vampire, Mystic Falls et ses jeunes _et moins jeunes héros me sont revenus en mémoire et m'ont donné envie de m'y remettre. Je vous propose un petit résumé bien subjectif du premier épisode. 


Episode 1 - "Mystic Falls" 
J'ai piqué une image de l'épisode 3, pas bien ! mais tellement pratique ! 

C'est la rentrée des classes à Mystic Falls ; Elena se remet comme elle peut dans l'ambiance du lycée, quatre mois après la mort accidentelle de ses parents. Par chance, elle est bien entourée : Bonnie, sa meilleure amie un peu voyante, un peu sorcière, la soutient et lui remonte le moral comme elle peut ; le brave Matt, en bon amoureux éconduit, se montre disponible pour elle bien qu'il soit blasé de s'être fait larguer. Caroline, la blondinette exubérante, alterne boulettes et conquêtes masculines aussi serré que des bouts de viande sur une brochette, et souffre un peu d'être prise pour une cruche. Or Elena s'inquiète surtout pour son petit frère, Jeremy ; ce dernier tue son chagrin à coup de cachets bizarres et de bières. Malgré tout, elle tente de faire bonne figure et attend le soir pour déverser sa peine dans son journal intime. En ce jour de rentrée cependant, un nouvel élève plutôt beau gosse va intégrer le lycée de la petite ville tel un rayon de soleil (ahah, c'est le comble !) et faire crier plus ou moins intérieurement toutes les filles : Stephen Salvatore...

...du moins, quand il aura fini de vomir !

Le type en question, qui dit vivre seul avec son oncle dans une vieille et grande maison, cherche aussitôt à entrer en contact avec Elena. Il y parvient plutôt facilement ; quoi de mieux que les toilettes d'un lycée pour engager une conversation à bâtons rompus ? Dès lors, il semble la suivre à la trace (au cimetière, chez elle...), la mate pendant les cours, et veut apparemment lui dire quelque chose sans pour autant y parvenir ; n'importe quelle personne flipperait à moins, mais Stephen est tellement beau, calme, intelligent, mystérieux etc... que la jeune orpheline trouverait presque ce pistage excitant.


Les dangers du tabagisme passif. 


Ce qu'elle ne sait pas, au contraire du spectateur qui dispose très vite d'éléments lui permettant de le comprendre, c'est que Stephen est un vampire. Mais pas de n'importe quel acabit : le mec est un repenti, c'est à dire qu'il est en plein sevrage de sang humain et qu'il suce des petits animaux la nuit pour ne pas être trop faiblard le jour (bien qu'il soit mort). Lui-même consigne ses souffrances _qu'on ne connaît pas encore_ dans un petit cahier personnel. Au cours de cet épisode, les scénaristes nous révèlent l'existence de son frère Damon, visiblement moins sympathique mais beaucoup plus fort... *

La suite au prochain numéro ! 
Comment ça, vous vous sentez encore plus déprimés qu'après la lecture du Partage du monde ? Eh, les gars, au bout d'un moment on ne peut faire grand chose pour vous ! 

Vampire Diaries 
Saison 1 - 22 épisodes
Julie Plec, Kevin Williamson 
Première diffusion en 2009 

jeudi 19 mai 2016

Conan Lord - Le Pique-nique du Crocodile - Serge Brussolo (1995)


Oh le curieux petit roman policier que voilà ! Si la couverture colorée de sa dernière édition en poche évoque rapidement les gentilles aventures marécageuses d'une sorte de Club des Cinq revisité, Le Pique-nique du crocodile de Serge Brussolo révèle bien des surprises !  


  

L'histoire

Dexton Colby est un dur. Il semblerait que rien ne puisse plus effrayer ni dégoûter cet homme sorti vivant de la guerre du Pacifique et ayant tué de sa main de nombreux soldats japonais. Rien, sauf peut-être l'idée de devoir rentrer chez lui, en Floride, dans la moiteur des Everglades... et de renouer avec ses vieux démons. Lorsqu'il avait douze ans, son petit frère s'est fait dévorer par un crocodile qui rôdait près de la maison familiale, et depuis, il s'attend à tout moment à en voir débouler un pour lui faire sa fête. Ces craintes presque puériles _il en vient à barricader la salle de bains de sa chambre d'hôtel pour être certain de dormir en paix_ sont renforcées par l'omniprésence de sa vieille nourrice Nounou Babo. La vieille femme l'a toujours bercé de superstitions plus effrayantes les unes que les autres, et continue maintenant qu'il est adulte. Si elle trouve toujours des oreilles pour l'écouter et de bonnes âmes pour la croire, c'est parce qu'il se passe bel et bien des choses étranges chez les Colby : tous les étés, un gamin de dix ans appartenant de près ou de loin à la famille meurt dans des circonstances inexplicables. A chaque fois que la malédiction se produit, on soupçonne l'oeuvre d'un crocodile.

Mais non c'est pas nous !

Pour mettre au clair ce secret de famille bien embarrassant, Dexton embauche un duo d'enquêteurs non moins mystérieux : les fameux "Conan Lord" qui donnent leur nom à l'ouvrage, à savoir Peggy et Tiny. Vous pourrez en apprendre plus sur eux en lisant le premier roman de la série : Conan Lord, carnets secrets d'un cambrioleur, mais en l'occurrence il vous suffira de savoir que Tiny est un homme d'une vingtaine d'années frappé d'une maladie qui le condamne à garder l'apparence d'un enfant, et que la jeune et belle Peggy l'accompagne dans ses tribulations en se faisant passer pour sa nurse. Dex Colby reconnait en l'homme-enfant son sauveur, et lui promet de les payer grassement s'il arrive à résoudre le problème. Il devra se fondre dans un groupe de préados (des vrais...) et accepter de devenir une cible potentielle du crocodile... ou d'autre chose ! Les Conan Lord acceptent aussitôt car ils sont avides d'empocher la somme qui leur permettra de consulter un médecin capable de guérir la maladie de Tiny ; sachant qu'ils ont le choix entre cette mission ou un cambriolage pas forcément moins risqué... même s'ils ont l'habitude !  


Faites des gosses ! 

Bien que les deux détectives n'en soient pas vraiment, ils ne tardent pas à se lancer sur la piste d'un éventuel croco à deux pattes. Autant dire qu'ils ont l'embarras du choix, entre un Dexton excessivement nerveux, son père, Jessup, connu pour avoir la gâchette facile depuis la mort de son fils, un Indien solitaire porté sur la boisson, un shérif trop résigné pour être honnête, trois enfants bizarres suivis de leurs mères complètement tarées et persuadées qu'un trésor a été caché dans la demeure.

Désolée ! J'ai trouvé cette image ici : http://fabenalsace.over-blog.com/
Serge Brussolo nous suggère de poser un regard bien particulier sur l'enfance : comme Tiny, nous essayons de nous fondre dans le petit groupe formé par trois jeunes plus étranges et suspects les uns que les autres. Mina s'impose en leader face à Barry, le futur ingénieur aux inventions déjà prometteuses _selon sa mère, et Cosinus le petit singe savant. Sa mère est dessinatrice de comics et lui a permis de comprendre, par sa grande activité sexuelle, que les rejetons ne naissaient ni dans les choux, ni dans les roses. Si elle en souffre, elle se sert de son "expérience de la vie" pour mener ses copains par le bout du nez et leur mettre juste assez de pression pour qu'ils fassent les conneries à sa place sans pour autant cesser de l'adorer. Evidemment, son côté manipulateur n'a pas d'effet sur le faux enfant, puisqu'il en a vu d'autres ; d'ailleurs, elle se refusera toujours à le "ranger" dans la même catégorie que les autres, à tel point que Tiny se demandera si la jeune fille n'avait pas perçu dès le début son intrusion dans le monde bien fermé des gosses. Mais cela le rassurerait presque, lui qui se sent parfois fragilisé par l'infantilisation qu'il vit au quotidien : c'est déjà dur d'être pris pour plus jeune que l'on est, alors imaginez que vous entrez dans un bar pour prendre un bière et qu'on vous propose d'office une limonade tout en vous passant la main dans les cheveux !

La famille nous est aussi présentée sous ses aspects les plus malsains : les préférences des parents pour l'un ou l'autre de ses rejetons, les mères toxiques qui prennent leurs petits pour des Pokémons de compétition et entretiennent une rivalité entre eux, l'appât sur gain masqué sous le désir de passer les vacances en famille auprès d'un ancêtre. On se rendra compte qu'elle est (presque) cause de tous les maux. 

Enfin on choisit pas ! 

Le Pique-nique du crocodile se situe aux frontières de la littérature pour enfants ; des adultes peuvent lire cette histoire sans jamais craindre de soupirer devant la niaiserie de tel ou tel personnage. Au contraire, un lecteur trop jeune pourrait être quelque peu effrayé par certaines scènes où l'angoisse est particulièrement pesante _ou passer à côté des discrètes allusions au cul, mais c'est un moindre mal. Dans tous les cas, ce livre de 400 pages, quand même ! est très réussi : du suspense, de l'angoisse, des sables mouvants, des crocodiles et beaucoup d'humour. Et surtout, aucun sombre enquêteur à pipe pour vous briser l'humeur !

Moite mais original !

BRUSSOLO, Serge. Conan Lord - Le Pique-nique du Crocodile. Hachette Jeunesse, 2005. Coll. "Policier". 417p. ISBN : 2-01-321951-2 
Première publication en 1995.





samedi 7 mai 2016

Soyons sérieux ! Quels usages pour les jeux électroniques en classe ? Rapport d'étude (2009)


Faire apprendre en utilisant le jeu, de préférence électronique ou informatique n'est pas une excentricité de profs qui voudraient se démarquer de leurs collègues en testant de nouvelles méthodes sur leurs cobayes du moment. Si c'est encore ce que pensent certains parents déstabilisés par l'évolution de la société (et donc de l'école, forcément), ces idées reçues tendent à disparaître. Pour l'IFSE* et l'European Schoolnet**, il a même paru intéressant d'observer de plus près les expériences menées aux quatre coins de l'Europe afin de voir dans quelle mesure on pouvait se servir du jeu vidéo pour permettre aux élèves de progresser. Nous étions alors en 2009 ; leurs constats ont donné lieu à une étude réalisée par l'European Schoolnet, dont voici le rapport intégral. Afin de pouvoir répondre aux problématiques suivantes : "que peuvent apporter aux élèves les jeux électroniques lorsqu'ils sont utilisés en classe ?" et "quels sont les partenariats possibles entre l'école et l'industrie du jeu vidéo", elle s'organise en plusieurs temps :

- Pour commencer, une enquête "sur le terrain" d'expériences ponctuelles déjà menées en Europe. Huit pays ont été "visités" pour l'occasion : l'Autriche, le Danemark, l'Espagne, la France, le Royaume-Uni, la Lituanie et les Pays Bas.
- Un retour des enseignants concernés sur leur pratique, élargie à ce qui se fait dans les différents pays d'Europe, à ce qui ne se fait pas et pourquoi. En tout, 600 professeurs ont été questionnés et ont avancé des avis plus ou moins nuancés, allant du réel enthousiasme à des attitudes plus réservées.
- Un aperçu de la place du jeu électronique dans les systèmes éducatifs
- Enfin, elle présente différents points de vue de chercheurs sur les apports du jeu vidéo en contexte pédagogique.

Ce rapport d'étude est paru en 2009 ; cela signifie que les informations qu'il contient ne sont plus toutes fraîches, mais après lecture je dirais qu'on peut encore en exploiter une bonne partie.

Ouais, arrêtez de faire les cons, là ! Y en a qui bossent ! 


"Qu'observons-nous sur le terrain ?" 

Après une définition large du jeu électronique, insistant sur la grande variété de supports (console, portables, ordinateur) et d'activités possibles (jeux de rôles, jeux d'adresse, de stratégie, fonctionnement en réseau...), une sélection d'expériences parlantes menées un peu partout en Europe nous est présentée. C'est la partie qui se lit le plus facilement, dans laquelle ont peut piocher quelques idées quand on est prof... et qui va nous faire gagner du temps, grâce au bilan critique du projet qui suit le compte rendu.

Exemple 1 :  l'école Hojby au Danemark
Conformément au "Projet IMTF" (en gros, développement des compétences informatiques) en vigueur au Danemark au moment de la réalisation de l'étude, les jeux informatiques ont été introduits dans les enseignements de cette école, ouverte aux élèves. Il faut noter que les jeux utilisés en contexte pédagogique ne sont pas des jeux éducatifs, à la base : il s'agit des Sims2, de Patrician 3, de Harry Potter et l'Ordre du Phoenix et Zoo Tycoon. Mais, placés dans un contexte pédagogique, ils deviennent utiles. Par le biais des SIMS2, les enfant ont crée des personnages et des situations de jeu sur deux cours. Ils en ont gardé une trace et s'en sont servis pour produire un travail associant texte et image, dans lequel ils ont été poussés à présenter des personnages, à décrire un environnement... Par exemple, le jeu de stratégie Patrician 3 a favorisé l'étude de la société médiévale et notamment des relations de pouvoir. L'activité a même donné lieu à un jumelage entre deux écoles. Dans le cas de Harry Potter, une lecture du roman et un visionnage du film a précédé l'utilisation du jeu, rendant possible une comparaison entre l'oeuvre et ses adaptations. Toujours avec le développement des compétences informatiques

Exemple 2 : The Consolarium, c'est à dire le "Centre d'utilisation du jeu en contexte d'apprentissage" (Ecosse) 
Les élèves ont travaillé les maths avec le programme d'entraînement cérébral du Dr Kawashima tous les jours, pendant 20 - 25 minutes. D'autres ont utilisé Nintendogs, un jeu dont le but est de créer un chien virtuel et de le faire grandir au mieux ; ici, il paraissait utile dans le cadre de l'apprentissage de l'anglais. Les enfants étaient amenés à imaginer des histoires dont leur chien était le héros.


C'est mignonnnnnnnnn !

Exemple 3 : Les jeux sérieux comme stratégie de remédiation (France) 
Dans un collège français, le jeu Farm Frenzy, dont le but est de manager sa ferme, a été utilisé avec un groupe de six élèves en difficultés. Il a contribué à faire travailler les jeunes sur leur organisation, sur la verbalisation des difficultés rencontrées, sur la résolution de problème et sur le travail en collaboration.

Exemple 4 : Le projet Didactic Assisted by New Technologies / Iprase, Institut Provincial de Recherche, de Formation et d'Expérimentation (Italie)
Des jeux éducatifs informatiques sont utilisés dans le cadre du cours d'italien et de maths, afin d'illustrer le cours ou de tester les connaissances des élèves. 

Exemple 5 ; le jeu Frequency 1550 (Pays Bas) 
Ce quiz portant sur l'histoire d'Amsterdam en 1550 s'adresse en particulier aux adolescents, puisqu'il allie déplacement autonome sur le terrain et communication avec un outil numérique dont il a déjà la maîtrise. Les jeunes forment des équipes de 4, elles-mêmes scindées en binômes. Deux élèves se rendent en ville, et deux restent dans un laboratoire équipée de façon à pouvoir faire des recherches sur Internet tout en restant en contact avec "l'équipe de terrain". Ainsi, ils sont en mesure de se guider les uns les autres. Le but du jeu est de répondre collectivement aux questions sur la ville d'Amsterdam en l'an 1550, en tirant parti de la complémentarité des deux binômes. 
Personnellement, c'est l'exemple qui m'a fait le plus triper ! Si quelqu'un a déjà mené une aventure semblable dans son bahut, laissez un commentaire s'il vous plaît ! 

Ouais, je suis dans une période puzzle, désolée ! Vous remercierez ma pote !

Bien que très différents les uns des autres, ces cinq exemples sont tous novateurs et très enrichissants. Pourtant, les conclusions que les enseignant en ont tirées se font relativement souvent écho : 

- Le jeu n'est efficace que s'il est placé dans un contexte pédagogique précis ; un travail de synthèse est incontournable en fin de séance, afin que les élèves ne perdent pas de vue qu'ils n'ont pas "joué pour jouer", mais qu'ils ont acquis des connaissances, des savoirs-être en lien avec le cours. Si le projet dépasse le cadre de la classe et touche d'autres établissements, voire toute un région, c'est encore mieux car il prend encore plus de sens pour les élèves et devient plus visible (et souvent mieux appuyé...). Rappelons que "jouer en classe" n'est pas synonyme de rupture avec la pédagogie qu'on pourrait qualifier de "traditionnelle". Les deux approches, les différents supports sont complémentaires.

- D'un point de vue disciplinaire, le caractère ludique des activités n'a pas d'influence probante sur la progression des élèves. Toutefois, le jeu informatique favorise forcément les apprentissages numériques : il peut s'avérer déterminant dans le repérage des difficultés et la mise en oeuvre de stratégies de remédiation, comme c'est le cas dans les exemples italien et français notamment.

- Par contre, l'impact du jeu sur la motivation des élèves est indéniable, de même que sur le rapport de certains jeunes à l'école. Relier les apprentissages à leurs propres pratiques numériques favorise une mise en confiance et donne envie de repousser ses limites.  

- D'autres compétences relevant du développement personnel et du savoir-être sont plus facilement acquises, également, ou au moins améliorées : la concentration, les réflexes, l'imagination, la sociabilité.

- On constate d'ailleurs, pour chacun des exemples d'actions présentés, une implication sensible des instances éducatives ; elle est indispensable au bon fonctionnement du projet... et devrait être renforcée...

- En amont, il est donc recommandé de prendre le temps de monter son projet et d'en communiquer les grandes lignes à la famille ; en effet, il arrive que les parents aient une image négative des jeux vidéos et émettent des craintes lorsqu'ils apprennent que leurs enfants "jouent en classe", même en sachant que le professeur les encadre. L'enseignant gagnera à se poser comme "metteur en scène" de l'activité, et non comme "joueur spécialiste", même si une bonne maîtrise du jeu est requise pour mener l'activité. Lorsque cette étape de communication est passée, une amélioration du rapport entre l'école et les parents est perceptible.

- Il est important de souligner l'émulation pédagogique créee par ces pratiques novatrices : le partage des expériences citées a donné lieu à des échanges riches, des débats, des idées de prolongements des projets ou d'actions nouvelles. Dans tous les cas, l'enseignant doit, sinon maîtriser le jeu, au moins posséder lui-même des compétences numériques de base... et si ce n'est pas le cas, être formé...


Opinions et pratiques des enseignants

Généralement, les profs concernées par les expériences relatées dans cette étude en font un bilan positif de l'expérience, y compris lorsqu'elles représentaient pour eux un baptême du feu informatique. Si certaines matières se prêtent mieux à l'exercice (technologie, langues vivantes, histoire..) la motivation des élèves augmente dans tous les cas ; ce qui ne peut que satisfaire l'enseignant et améliorer les conditions de travail de tous. 

L'enquête a ensuite été élargie à un panel de professionnels de l'éducation exerçant en Europe, via un questionnaire en ligne portant sur l'utilisation des TIC à l'école. Les résultats ont parfois fait écho aux retours d'expérience déjà relevés ; parfois non... 

- Pour faire le portrait robot du prof qui "joue en classe", disons qu'il s'agit  d'une femme d'âge non déterminé oui oui parfaitement, ça peut aussi être une vieille ! qui utilise les couramment les TIC en situation pédagogique. Elle s'en sert pour faire grimper la motivation de ses élèves, pour qu'ils acquièrent des compétences en passant par des chemins différents, pour travailler sur leur savoir-être et pour promouvoir des valeurs humaines. Elle utilise un large choix de jeux sur PC ou console, parfois conçus par des pédagogues, mais plus souvent commerciaux et sans visée éducative particulière. Pour s'informer de ce qui se fait autour d'elle et pour améliorer ses séances, elle s'adresse à ses collègues et fait des recherches sur Internet.

Clichés clichés clichés... Ralalala !

- Contrairement à ce qu'on a pu "observer sur le terrain", les jeux vidéos sont surtout utilisés avec des groupes d'élèves rencontrant des difficultés, c'est à dire : les élèves à besoins éducatifs particuliers, les élèves en échec scolaire, démotivés ou qui marchent à la carotte  pourvus d'un fort esprit de compétition qu'il leur est utile d'exploiter. 

- Certains professeurs n'utilisent par les jeux électroniques, informatiques, vidéo... au sein de la classe et ils le disent ; on se doute bien que ce ne sont pas tous de gros réacs, hein. Ils donnent des arguments recevables et pointent du doigt des obstacles bien réels : le prix des jeux (eh oui, tout n'est pas gratuit ; l'achat du jeu / d'une licence s'impose... on va pas commencer à cracker à l'école, hein !), les contraintes matérielles (pas assez d'ordinateurs, classes trop nombreuses), les contraintes de temps (heures de concertation et de formation nécessaires et pas toujours prévues !), les difficultés d'intégration au programme scolaire de jeux pourtant intéressants du point de vue du développement personnel, et bien sûr les aléas de l'aspect "récréatif" du jeu. 


Quelle est l'attitude des systèmes éducatifs face aux jeux en classe ?

Gnééé ??? 
Là, comment dire ça bien... On va passer très vite sur le sujet, dans le sens où rien de très officiel ne se dégage à l'échelle européenne ni dans les systèmes éducatifs des voisins ; on ne sera donc pas surpris que les subventions accordées aux projets soient moindres. 

Les apports du jeu en classe sont reconnus et les instances s'accordent à dire qu'il faut les développer afin...
- ... d'aider les élèves en difficulté (Italie
- ... de modernisation de l'enseignement (Tous) 
- ... de familiariser les jeunes aux univers virtuels (Danemark) et  renforcer la prévention des risques liés aux jeux vidéos (Autriche). En ce sens, la conception des jeux par les élèves eux-même est préconisée.
-... d'encourager la créativité (Russie), et de renforcer les liens entre l'école et les parents via le jeu. 

Malgré ce manque de reconnaissance de la part des hautes sphères, les recherches poursuivies du côté des enseignants ont donné naissance à des communautés de pratiques qui ont de beaux jours devant elles ; bientôt, le jeu se sera fait un bon trou dans les TICE en Europe.



Ce que nous dit la recherche sur l'utilisation des jeux en classe

Depuis les années 1990, nombreux sont les chercheurs qui pensent que les jeux vidéos peuvent améliorer les connaissances et les compétences des élèves, de la même façon que toutes les autres tentatives de modernisation de la pédagogie. A ceci près que le jeu a l'avantage d'impacter directement d'évolution des apprentissages comportementaux (communication, résolution de problèmes.. ). Utilisé avec modération, il ne nuirait pas à la sociabilisation des enfants... Après tout, on sait depuis longtemps qu'un usage raisonné d'une nouveauté qui effraie est mille fois moins dangereux que l'ignorance... 

Dans le rapport, vous trouverez toutes les références des chercheurs qui se sont penchés avec intérêt sur la question des jeux vidéos/électroniques/informatiques comme outil éducatif : Marc Prensky, l'"inventeur" des "digital natives", ces jeunes nés dans un monde en voie de numérisation ; Mitra et Rana, passeurs d'une intéressante expérience sur des enfants capables d'utiliser un ordinateur au bout de quelques heures seulement, alors qu'ils n'en avaient jamais vu un de leur vie... ; Mitgutsch, qui insiste sur l'importance du côté divertissant du jeu vidéo ; Ko encourage à instiller en contexte pédagogique la démarche de résolution de problèmes rencontrée dans les jeux : Curtis et Lawson sont plus axés sur l'amélioration par le jeu de performance et de compétences déjà acquises, et un peu moins par l'apprentissage en lui-même.

N'hésitez pas à laisser en commentaire d'éventuelles remarques / erreurs constatées dans ce petit résumé... mais dans la bonne humeur s'il vous plaît. Si vous êtes prof, intéressé par les TIC ou non, je vous conseille de parcourir ce rapport d'étude qui vous donnera sans doute des idées d'activités, et quelques tuyaux, même s'il date un peu.

EUROPEAN SCHOOLNET. Quels usages pour les jeux électroniques en classe ? Rapport de synthèse. mai 2009. URL : http://games.eun.org/2009/05/research_results_released.html. Visité le 07/05/2016. ISBN : 9789078209881





J'en profite pour parler d'un jeu éducatif repéré via le catalogue 2014 - 2015 des ressources en Histoire des Arts du CANOPE, et testé dans la foulée : Vivre au temps des châteaux fortsIl s'agit d'un jeu de simulation où l'élève est plongé dans le quotidien d’un chateau fort et de ses environs, au coeur de la Normandie du XII°s. Il doit se déplacer à l'aide des flèches du clavier pour répondre à des questions et pour ramasser des pièces de puzzle. Ces dernières lui permettront de résoudre des énigmes ; à lui de se promener dans différents lieux en se repérant sur la carte affichée en haut à gauche de l'écran, à lui de cliquer sur les bons objets. Parfait pour des 5èmes ! 
Le tout est 100 % gratuit et disponible en téléchargement sur PC. Par contre, il nécessite l’installation de Quick Time 7 (sinon on ne peut pas lire toutes les vidéos qui permettent de répondre aux questions). 
https://www.reseau-canope.fr/vivre_temps_chateaux_forts/#
Vous trouverez plus d'informations sur le blog dédié au projet : http://vivre-au-temps-des-chateaux-forts.blogspot.fr/ 


*IFSE ; Fédération Européenne de Logiciels Interactifs
** European Schoolnet : réseau européen d'aide à l'utilisation des TIC à l'école, à travers un portail de ressources. Il travaille en collaboration avec 30 ministères de l'éducation. Site : http://www.eun.org/ 



dimanche 1 mai 2016

L'assassin royal - 7 - Le prophète blanc - Robin Hobb (2001)


Quand y en a plus, y en a encore ! 

Pas plus tard que le mois dernier, je me lamentais tellement de voir la saga des Aventuriers de la Mer se terminer que vous avez failli voir des larmes couler sur votre écran, ce qui vous aurait sûrement saoulés plus qu'autre chose. Il m'a donc paru judicieux, dans l'intérêt de tous, d'entamer la lecture du deuxième cycle de L'Assassin Royal, qui comme vous le savez (ou pas), s'inscrit dans le même univers que celui des Aventuriers de la Mer.    


Où est-ce qu'on en était ? 

Quinze années se sont écoulées depuis que FitzChevalerie et ses (rares vrais) amis ont terminé leur mission royale. Traumatisé, fatigué, lassé de tout, et par dessus tout, mort pour la plupart de ceux qui l'ont connu, le "bâtard au Vif" a tiré un trait sur sa vie d'assassin royal. Il a réalisé son rêve d'enfant : prendre les rênes de son destin, et mène une existence simple, à l'écart de la société. Pour les rares personnes qu'il croise lorsqu'il va vendre de l'encre sur les marchés, il n'est plus Fitz mais Tom Blaireau. Seuls un jeune orphelin et son vieux loup Oeil-de-Nuit partagent son quotidien, et les liens ténus qu'il garde avec son passé se résument aux visites occasionnelles de la ménestrelle Astérie Chant d'Oiseau. Hors du temps, loin de la cour, il a presque réussi à enfouir ses douleurs les plus lancinantes : d'une part le fait que Molly et Burrich aient fondé une famille, d'autre part l'idée qu'il ne connaîtrait jamais sa fille. 


Un jour pourtant, la venue de son ancien mentor Umbre Tombétoile, vient lui rappeler que les bonheurs simples ne siéent pas à son destin de Loinvoyant. Selon les dires du maître empoisonneur, on aurait de nouveau besoin de lui à la cour de Castelcerf, non plus pour jouer les assassins mais en tant que formateur : le prince Devoir est en âge d'apprendre l'Art. Fitz refuse en bloc de suivre le vieil homme ; mais ce dernier ne repart pas bredouille pour autant. Il a semé une graine de doute dans le coeur son disciple. 

Famille de sang, famille de coeur, famille de Vif 

En effet, dès le départ d'Umbre, Fitz se retrouve seul à cogiter dans sa chaumière déserte : doit-il être fier de cette vie simple qu'il s'est choisi, ou se lamenter sur ce qu'il aurait pu être si tout n'avait pas été biaisé dès sa naissance ? Le temps des questions existentielles est revenu, même s'il tente toujours d'oublier la longue liste de ratages que fut sa vie d'avant : né avec une étiquette de bâtard ; élevé à la cour dans le secret, non pas pour lui-même mais pour commettre des meurtres à la place de la famille royale : placé chez un maître d'Art désireux de le faire échouer ; pas assez noble pour accéder au trône mais trop pour épouser une fille du peuple : porteur du très mal vu don du Vif ; sauveur de sa lignée, puisque le roi Vérité devenu impuissant a juste utilisé son jeune corps, tranquille ! pour féconder la reine ; mais néanmoins menacé de mort ; par conséquent, "officiellement" mort pour les être qui lui sont chers ; condamné à voir sa femme refaire sa vie avec l'homme qui l'a élevé, à savoir que sa fille ne le connaîtra jamais et que l'un de leurs enfants porte son nom en souvenir de lui... Non, pourquoi remuer la merde ? La semi-noblesse de son sang ne lui a attiré que des problèmes et il n'est plus un Loinvoyant, si tant est qu'il l'ait jamais été ! En fin de compte, le taciturne Tom Blaireau ne s'en sort pas si mal. Et pourtant... Fitz sait au fond de lui qu'il va céder à l'appel de la cour, à un moment ou à un autre ; cette idée le révulse et pique sa curiosité en même temps.         

Si vous comptez lire ce livre, arrêtez-vous là ! On va rentrer dans le Vif du sujet (ahahah). 



Oeil-de-Nuit ne peut pas pleinement partager son trouble, lui qui a toujours perçu les humains comme une entrave à leur fraternité : il se considère comme sa seule vraie famille à présent, et n'a-t-il pas raison ? Umbre et Astérie sont bien aimables mais ils ne viennent le voir que lorsqu'ils ont une idée derrière la tête. Quant au jeune Heur, il est parti à la découverte de Castelcerf avec la ménestrelle, justement. Il faut bien que ce petit voie du monde ! Si le Bâtard a choisi la vie d'ermite, il n'entend pas l'imposer à celui qu'il considère comme son fils d'adoption. De toute façon, l'orphelin ne le connaît que sous l'identité de Tom Blaireau (paye ta relation père-fils bien malsaine) et n'aurait guère pu le comprendre.  

Parce que les liens du sang n'ont plus de sens pour lui, parce qu'il a trop de secrets pour ceux qu'il aime et de méfiance envers eux, parce que son amante le déçoit, Fitz mise tout sur son lien de Vif avec son loup. C'est le coeur serré qu'il le voit vieillir, et qu'il sent l'animal se détacher peu à peu de lui, lucide quant à son état de santé et trop fier pour se laisser chouchouter comme un chien infirme par son frère bipède. On se souvient qu'à une époque, ce don de communication avec les animaux a sauvé la vie de l'empoisonneur, mais elle peut à présent lui coûter sa tête ; car il semblerait qu'à Castelcerf, tout le monde soit très remonté contre les "vifiers". Les dénonciations vont bon train, et le prince Devoir lui-même est soupçonné d'être trop proche de sa chatte de chasse (oui oui...). Raison de plus pour ne pas quitter sa campagne... Et pourtant... 

Fitz fait un peu son Bilbon, à plus vouloir sortir de chez lui...
Mais sa cabane a l'air moins classe qu'un trou de Hobbit.


Fitz, ce tombeur 

Si Umbre ne parvient pas tout à fait à convaincre Fitz de partir sur le champ, un autre revenant de l'Assassin Royal va presque y parvenir : le Fou. C'est à travers ce fascinant personnage aux multiples casquettes qu'on se rend compte qu'il vaut mieux avoir lu les Aventuriers de la Mer avant d'attaquer Le Prophète Blanc. L'idéal serait aussi d'avoir bien en tête le premier cycle, également... ce qui n'est pas mon cas. Heureusement, de nombreux rappels sont faits dans ce tome 7... ou malheureusement pour ceux qui enchaînent les tomes 6 et 7, car ce doit être un peu lourd pour ces lecteurs-là. Sans vouloir trop en dévoiler, sachez seulement que le Fou va ici sortir l'artillerie lourde pour se dissimuler aux yeux de ses semblables afin d'apparaître sous le nom du précieux et exigeant Sire Doré. L'énergumène est toujours autant épris (éprise ?) de Fitz bien que celui-ci ne semble toujours pas mesurer la profondeur de ses sentiments, bête comme il est. Ouais, l'excuse de la jeunesse ne passe plus à présent ! 


J'ai piqué cette illustration sur le Tumblr de Camille Talon.
Allez y faire un tourc'est trop beau ! 


J'y vais, j'y vais pas

Le Bâtard au Vif est plus que jamais agaçant ; pendant 200 pages, on le voit se torturer l'esprit tout en rangeant sa cabane, toujours plus indécis. Sur le choix à faire, puis sur la date du départ. Comment dire, après avoir été habitués à des aventures toujours plus périlleuses et à de l'action sans relâche, le lecteur pourrait bien trouver ce début de cycle un peu longuet. On a parfois eu l'impression que Robin Hobb a écrit, écrit, mis en scène des visites et de nouveaux personnages en se disant qu'à force de dialogues et de digressions, une idée de suite finirait bien par arriver au bout de sa plume. Mais bon, Fitz, c'est un peu un ami de la famille, et on sait que quand il va s'y mettre, tout va s'accélérer et on sera bien contents d'avoir gardé des forces jusque là ! Alors on lui pardonne, tout comme on accepte que sa créatrice laisse entrevoir, à l'issue de ce volume, des perspectives moins alléchantes que dans ses précédents ouvrages... Ca reste génial, et ça se lit toujours aussi vite ! 

Robin Hobb. L'Assassin Royal 7. "Le prophète blanc". 2001, parution française en 2003
Présente édition : J'ai Lu, 2007. 412 p. ISBN 978-2-290-33770-7. 8,00€ 
Illustration : Vincent Madras


Histoires de canassons : Je m'appelle Holly Starcross - Berlie Doherty (2001)


J'ai eu envie d'ouvrir une série "Histoire de canassons" consacrée aux romans pour la jeunesse où il est question de chevaux et/ou d'équitation. On a tous, dans notre entourage, une copine qui aime les chevaux ; moi oui, en tous cas :) et la passion prend souvent sa source dès l'enfance. Du coup, ça pourra peut-être vous servir.

Par contre, autant vous prévenir tout de suite : je ne sais rien des chevaux, et j'ai longtemps eu une représentation négative du sport qu'est l'équitation. A savoir, une activité de richous. Merci Sacha ! qui m'a permis de m'accrocher plus longtemps que prévu à ce cliché. Sacha, c'était un petit bourge du Mirail qui m'a beaucoup emmerdée pendant toute une année scolaire. Ce connard en herbe (ou en avoine, ahah) était un ange avec le reste du personnel éducatif, ce qui lui assurait de pouvoir me faire des sales coups sans qu'on le soupçonne une seule seconde. En contrepartie, je le surnommais Sachatte, pour son plus grand agacement. Ce gamin excellait dans ce sport ; il s'entraînait dur et ça payait. Il n'en était pas peu fier, et il pouvait se le permettre ; je le lui accorde. Bref, s'il ne s'est pas fait aplatir la tronche par un bec de gaz, il doit avoir dans les 18-19 ans. Alors, Sachatte, si tu passes un jour par là... n'oublie surtout pas de te raser, et n'abuse pas du Jockey !


Salut Sachatte !

Afin d'inaugurer cette série d'"histoires de canassons", il sera question du roman Je m'appelle Holly Starcross, écrit par Berlie Doherty, prof anglaise et auteure de nombreux romans pour enfants. Après l'avoir lu, je me rends compte qu'il n'est pas très représentatif dans sa catégorie, mais... ce petit ouvrage a des qualités insoupçonnées et il est beaucoup plus profond que je ne le pensais !



L'histoire 



Holly a quatorze ans et, comme beaucoup d'enfants de son âge, elle ne sait pas vraiment qui elle est. Qu'est-ce qui cloche chez elle ? Alors que tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, elle se rend bien compte que son humeur maussade ne la quitte jamais vraiment. Tout l'énerve et personne ne lui paraît digne de confiance. Pourtant, lorsqu'on a une mère présentatrice de télé connue et admirée dans toute l'Angleterre, un beau-père qui joue les potes, des petits frères et soeurs pénibles par définition mais pleins de vie, une meilleure copine qui tient la route et un ordinateur connecté à Internet dans sa chambre, est-ce qu'on a le droit de se plaindre ? On pourrait dire que non... à première vue. En réalité, Holly souffre de l'absence de son père. Huit ans plus tôt, ses parents se sont séparés et sa mère a subitement fui la maison familiale pour s'installer avec un autre homme, l'emmenant avec elle sans lui donner aucune explication. Depuis, la pilule ne passe pas pour la fille du premier mariage. Elle ressent le besoin d'en savoir plus sur ce père dont elle n'a plus aucune nouvelle, et s'efforce vainement de comprendre la logique de sa mère à l'époque. Mais la célèbre Mrs Murray s'enferme à double tour dans le silence lorsque Holly la questionne... Heureusement, le mystérieux Zed et ses e-mails rassurants parviennent, à mettre un peu d'ordre dans le bazar infernal qui l'agite. Un jour cependant, la terreur envahit les couloirs du collège : des filles remarquent qu'un rôdeur passe ses journées près de l'école, planqué dans sa vieille voiture cabossée. Il paraît qu'il cherche une certaine Holly...


Et sinon, quand est-ce qu'on parle canassons ? 

"Où est le cheval dans l'histoire ?" me direz-vous plutôt, si vous êtes du genre poli. On y vient, on y vient. Le type qui tourne autour de l'héroïne n'est autre que son père, qui semble enfin avoir retrouvé sa trace après des années et des années de recherches infructueuses. Avec l'accord de sa fille, il l'"enlève" afin de la ramener "à la maison". La maison, c'est la ferme isolée de Noedale, dans le Derbyshire où il élève ses chevaux avec passion. Il y mène la vie simple et sans surprise qui lui plaît mais qui a fini par rendre sa femme malheureuse, petit à petit, jusqu'à ce qu'elle pète un câble... Holly n'a plus beaucoup de souvenirs de cet endroit ; la plupart renaîtront au fil de leur périple, notamment celui de la jument Dixie. Elle se rappelle alors le bien être qui l'envahissait lorsqu'elle était au milieu de ces grandes bêtes et qu'elle copinait avec Rosa, "son" poulain. O combien, déjà, elle les préférait à sa mère ! L'escapade de la jeune Holly et de son père prendra fin à l'issue d'une balade à cheval riche en émotions pour tout le monde.

Sur ce, interlude Petit Poney.
Désolée, j'ai encore trop de mal à ne pas me moquer. Mais j'y bosse ! 


Pire que les gosses 

L'inévitable confrontation entre Diane, la mère, et Phil, le père, sera l'occasion de souligner une réalité souvent peu osée en littérature de jeunesse : l'immaturité des adultes. En effet, les parents de la jeune Holly Starcross sont tous deux des enfants : l'un vit dans son monde de chevaux, l'autre veut punir son ex-mari d'avoir fait passer les animaux avant son confort en se barrant avec leur fille et en imposant à cette dernière d'"oublier" son père. En réponse à cela, le premier enlève la gamine pour que son ex-femme "voie ce que ça fait". C'est par pur égoïsme que Diane a refusé que Holly garde contact avec son père ; l'ultimatum qu'elle pose ensuite à sa fille, à savoir, choisir de vivre avec son père ou avec sa mère, ne vise qu'à piéger l'éleveur de chevaux : pour sûr, il ne s'en sortira jamais avec une ado à charge ! Le fait est que l'homme prend la fuite avant que leur fille ait pu donner une réponse, pour la plus grande joie de la mère qui se met à pérorer "ah, tu vois ! pas de couilles au cul !" Dans certains cas, la conciliation n'est pas possible, même des années après le divorce ! Alors la seule qui puisse faire son choix, de façon neutre, en tenant compte de ce qu'elle veut, elle (car ça, tout le monde s'en fout apparemment...), c'est Holly ! Pour quitter en paix le monde de l'enfance, elle a besoin de connaître son histoire, et celle de sa famille ; son père aura le mérite de bien vouloir répondre à ses questions (et d'être en mesure de le faire), même si l'homme de la campagne n'est pas exempt de tout reproche.

Ok, ils ont su se mettre d'accord pour appeler leur fille Houx.
 Par contre un divorce à l'amiable c'était trop pour eux...

Le choix  

Ok, Phil ne s'embarrasse pas de manières et offre même une bouffée de zénitude plus qu'appréciable pour l'adolescente sous pression : on va ou on veut, et après on verra. Voilà un style de vie auquel Holly n'est pas vraiment habituée, elle qui doit s'occuper des jumeaux, de Zoé, elle qui doit se montrer digne de sa mère, elle qui est bien trop grande pour qu'on la console quand elle pleure. L'espace de quelque jours, elle redevient la fille unique d'un père qui lui dit qu'elle lui a manqué, qu'elle est jolie, que ses idées sont super... Bref, la revoilà au centre de l'attention, et ce n'est pas pour lui déplaire. Mais, aussi improbable que ce soit, Holly a vite la nostalgie de la maison ; et surtout de Zoé, la petite dernière de la fratrie. Elle s'en ouvre à ce père qu'elle connaît si peu, introduisant avec classe et justesse la question du handicap. Lorsqu'on apprend à travers son regard qui se cache derrière le mystérieux Zed, on se dit que le choix de la raison s'impose... Sauf qu'on n'est pas à sa place. A vrai dire, ce roman est curieux : on a l'impression que tous les éléments sont réunis pour que le destin de l'héroïne tourne à la catastrophe, et le choix de la première personne dans la narration renforce cette idée : des ados insouciantes, un rôdeur qui les mate, un mystérieux correspondant virtuel bon pour les déclarations d'amour, une voiture en panne, des gares désertes, un hôtel mal-famé... Et pourtant... rien ne se passe. Les seules aventures dignes de ce nom sont celles appartenant à la "mémoire familiale" des ancêtres de Holly Starcross, que son père lui transmet petit à petit, à chaque étape de leur parcours.. Que va décider Holly ? Retourner chez sa mère ou rester à la campagne avec sa famille paternelle ? Le voilà, le suspense...

Vous l'aurez compris, j'ai été très agréablement surprise par ce petit roman que je pensais orienté sur le nombril d'une ado geignarde amie pour la vie avec les chevaux... et qui s'est révélé à mes yeux comme une quête d'identité, une réflexion sur le passage à l'âge adulte. Ne vous arrêtez pas à la couverture, qui est très jolie mais qui sonne un peu midinette, et plongez-vous dedans !

Je m'appelle Holly Starcross a fièrement gagné son badge Licorne de Brume, le label des jeunes lecteurs et lectrices perchés qui cogitent !




DOHERTY, Berlie. Je m'appelle Holly Starcross. Le Livre de Poche Jeunesse, 2005. Coll. "Mon bel oranger". ISBN 2-01-322018-9