lundi 31 octobre 2016

L'histoire d'Halloween sans queue ni tête de citrouille : la porte du monde des morts


Un milieu d'histoire à la con pour un soir de fête à la con ! 
Vous trouvez pas que ça tombe bien ? 



Le mur était tagué d'inscriptions fleuries. Ma pote en palpait les briques avec expertise, et je la regardais distraitement jouer des paumes. Curieux. Ce n'est pas ainsi que je m'imaginais la porte du monde des morts. Pas la moindre brumeille mystérieuse au-dessus du rempart, ni même un semblant d'aura lumineuse sur la paroi. Les anges ne s'étaient pas tirés du lit pour nous encourager à coups de harpe. Non, le passage vers l'au-delà n'était autre que le petit frère rachitique du mur de Berlin, en encore plus dégueu. 



Est-ce que la grand-mère serait là pour m'accueillir, de l'autre côté ? C'était peu probable. Comment aurait-elle su que je venais ? Toujours est-il que moi, il allait falloir que je la trouve. J'en ressentais un mélange de joie et d'embarras. Les interrogations se heurtaient sous mon crâne ; dans quel état allait-elle m'apparaître ? comment allais-je m'y prendre pour la retrouver ? et si elle avait gardé son enveloppe de jeune fille 100% occitanophone ? là, j'étais pas dans la merde... Or un sentiment de culpabilité, tapi dans l'ombre, me guettait et prenait le pas sur ces questions existentielles. Quand avais-je été à la hauteur de ses espérances ? Jamais. A présent je redoutais de potentielles retrouvailles autant que je les souhaitais. Je n'avais pas honte de ce que j'étais devenue, bien au contraire, mais ça restait beaucoup moins classe que ce qu'elle aurait voulu. 

"Je penserai à toi jusqu'à mon dernier souffle" 

Voilà ce qu'elle m'avait dit maintes fois, tandis que je repoussais de la main ce moment qui n'arriverait peut-être jamais, qui sait ! Si on se donnait la peine d'y croire... Parfois je me demande si j'ai vraiment été dans ses dernières pensées claires, et j'aime à penser que non. Ça me briserait de savoir qu'elle n'ait pu que constater mon absence à ce moment-là.  

"Ah !" 

En poussant un cri de satisfaction, ma palpeuse de parpaings me tira de ma torpeur. Sa main se plaqua avec force sur une grosse bite peinte à la bombe, et sous la poussée, trois ou quatre briques s'enfoncèrent. Le mur semblait avoir englouti son avant bras. Sans plus se poser de questions, elle se laissa tomber à la renverse dans l'espace béant et bientôt je ne vis plus que ses pompes. De peur de passer pour une conne trouillarde en restant plantée là, et de peur aussi de louper je ne sais quel mystérieux wagon, je l'imitai. Elle avait l'air de savoir ce qu'elle faisait, elle. 

Tu veux booster tes stats ? Fous des dessins de bites dans tes articles !
Imparable !

Ce qui se passa ensuite est difficilement descriptible ; imaginez-vous bloqué dans un ascenseur sombre avec très peu d'oxygène à votre disposition. Eh bien c'était un peu ça, à la différence qu'on n'était pas du tout dans une cabine et qu'autour de nous s'étendait le vide, sombre et froid. Alors qu'on aurait pu s'attendre à tomber, on montait. Enfin, on aurait dit. Ou alors on était en apesanteur. Je ne saurais dire exactement. 

Nous nous faisions face et pour être honnête, c'était pas la grande poilade. 

Heureusement, ce fut bref. 

Enfin la lumière de nouveau, suivie d'un chaleureux accueil de l'air ambiant. Ce n'était pas dommage. Chez les morts, il faisait beau et bon. En deux sauts de cabris, ma chère soeur de traversée disparut de mon champ de vision. Elle avait ses propres affaires à régler, et si je les devinais quasi semblables aux miennes, je m'étais bien gardée de l'assommer de questions. Notre amitié fonctionnait ainsi : "va pour les bons délires, l'écoute et la loyauté indéfectible si tu veux, mais ne viens pas marcher sur mes plates-bandes. Ainsi les petits moutons seront bien gardés." Comme dans un couple, des amis devraient toujours s'aménager dans le cœur une petite retraite inconnue de l'autre.

Enfin, la chienne ! elle n'avait pas traîné pour se carapater ! J'étais là, seule dans les broussailles du "Monde des morts" _avait-il un véritable nom, au moins ? bien décidée à retrouver ma grand-mère mais bien incapable de savoir quelle direction prendre. Derrière moi, la friche dans laquelle nous avions atterri. En face, un halle de marché où erraient quelques vieux. Cet endroit me disait vaguement quelque chose...  




vendredi 28 octobre 2016

Rue Jean Jaurès - Frédéric Michelet et la Compagnie Internationale Alligator (2016)

L'autre soir, une collègue professeur d'histoire-géo est arrivée au CDI comme d'habitude avec son groupe d'élèves d'Aide Personnalisée et a annoncé : "Aujourd'hui, on refait la Révolution !". Elle comptait en fait orchestrer une reconstitution de la société française telle qu'elle pouvait être en 1789, dans laquelle ses 4° incarneraient soit le Tiers Etat, soit le Clergé, soit la Noblesse. Ce jeu de rôles avait pour but d'amener les jeunes à comprendre les déclencheurs et les enjeux de la prise de la Bastille et du joyeux bordel qui a suivi. Autant dire que ça a marché : les élèves de 4ème se sont prêtés au jeu, même s'ils ont d'abord été déstabilisés _mais pas bien longtemps ; et au final, ils ont tout compris car le cours d'histoire avait pris pour eux une forme réelle.


Ce même soir, j'ai commencé à lire Rue Jean Jaurès, une retranscription d'un spectacle de rue du même nom, crée par le comédien et metteur en scène Frédéric Michelet et par la Compagnie Internationale Alligator (CIA). Le texte est paru aux Editions Entretemps en 2016 et fait belle figure dans la collection "Scénogrammes". Au passage, merci à elles, ainsi qu'à Babelio, pour l'envoi de cet ouvrage dans le cadre de l'opération Masse Critique.



Comme son titre l'indique, Rue Jean Jaurès retrace la vie du célèbre philosophe devenu homme politique sans perdre de son humanisme. "Rue Jean Jaurès", parce que nombreuses sont les villes françaises à avoir la leur. "Rue Jean Jaurès" parce qu'à travers ce spectacle sa vie va se rejouer sous nos yeux de citoyens version 2016. Il fallait y penser. D'ailleurs, ce spectacle s'inscrit, à mon avis, dans la même démarche que celle adoptée par ma collègue prof d'histoire géo lorsqu'elle a choisi d'aborder la Révolution française sous l'angle de la mise en activité des élèves. En effet, si l'on parle d'un personnage important de l'Histoire _Jean Jaurès_ en le faisant déambuler dans un décor on ne peut plus actuel, non seulement nous sommes plus sensibles à sa vie et à ses messages car il est "incarné", mais il devient en outre plus facile de mettre en miroir ses combats avec ceux de notre société actuelle. Cent ans après son assassinat, il est troublant de voir avec quelle facilité on peut faire des liens entre l'Histoire d'hier et le monde d'aujourd'hui...

En quelques phrases, en quelques répliques, à travers le jeu d'acteurs-scénaristes bien documentés, le spectateur retrace la trop courte existence de Jean Jaurès, depuis son enfance jusqu'à sa mort, en passant par son entourage familial, via le regard de ses amis et de ses opposants, en slalomant entre événements politiques et culturels de l'époque... pour arriver aux prémices de la Première Guerre Mondiale. L'ouvrage est vite lu ; on suppose la prestation théâtrale légère et sans plus de longueurs ; et pourtant, aucune étape de sa vie n'est laissé de côté. Pas même son entrée en politique, qu'on connaît finalement peu ; encore moins son investissement dans la naissance de l'Humanité ; et certainement pas ses prises de position lors de l'affaire Dreyfus. Je ne pense pas trop m'avancer en disant que chacun apprendra de Jean Jaurès et de son époque quelque chose qu'il ignorait.

"Devine c'est qui !"

Jusqu'à présent,  je n'avais jamais lu d'écrit basé sur un spectacle de rue, car, comme vous le savez à présent, ma sensibilité aux arts du vivant sont moindres... Bien que Frédéric Michelet et ses acolytes ne fassent pas exception à la règle, j'ai beaucoup apprécié cette redécouverte de Jean Jaurès : quelqu'un aura donc enfin ! réussi à le libérer des manuels scolaires de 3° !

A découvrir absolument, même si vous non plus vous ne savez pas toujours faire la différence entre un acteur de théâtre et un mec bourré. Même si l'Histoire ne vous passionne pas. Surtout si elle ne vous passionne pas. D'autant plus que le texte est accompagné d'une documentation historique complète sans être indigeste.


Frédéric Michelet et la Compagnie Internationale Alligator. Rue Jean Jaurès. L'Entretemps, 2016. "Scénogrammes", série "Rue". 96 p. Prix : 15,50 €. ISBN 9782355392221


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samedi 15 octobre 2016

L'assassin royal - 13 - Adieux et retrouvailles - Robin Hobb (2006)


Je me suis longtemps lamentée d'avoir découvert L'Assassin Royal dix ans après sa sortie, soit bien trop tard à mon goût. Aujourd'hui, tout en tournant les dernières pages de la série, je m'en réjouis : au moins, je sais qu'il y a une suite intitulée Le Fou et l'Assassin. Les fans de la première heure n'ont pas eu cette chance et ont dû éprouver pleinement la tristesse des adieux faits à Fitz et aux autres ! 



Où est-ce qu'on en était ? 

Le prince Devoir, la narcheska Elliania et leur délégation sont rentrés dans leurs contrées après l'aboutissement de leur quête. Ils sont à présent libres de faire leur vie au nez et à la barbe de ceux qui ne voient pas leur union d'un très bon oeil. Seul Fitz demeure sur l'Ile d'Aslevjal : anéanti par la mort du Fou, le Bâtard au Vif ne conçoit pas de reprendre une vie tranquille de garde royal à Casltelcerf sans avoir tiré son ami hors de son tombeau de glace. Son besoin de solitude ne sera pas longtemps satisfait : premièrement, Lourd a échappé au retour en bateau et traîne encore dans ses pattes. Ensuite, il fait enfin la rencontre de l'Homme Noir, qui se révèle être un affable Prophète Blanc physiquement marqué par son échec...   



Attention ! Spoilers ! (oui, ça commence tôt, aujourd'hui...) 




On ne meurt que deux fois 

Après en avoir appris encore un peu plus sur son rôle dans l'avancée du monde, Fitz laisse Lourd aux bons soins de l'Homme Noir et retourne dans la glaciale Cité des Anciens ; non sans peine et sans souffrances, il retrouve le cadavre de son "Bien Aimé" dont les tatouages dorsaux ont été cruellement arrachés, et tente de le porter en surface. Encore faudrait-il qu'il soit résolu à accepter sa mort... En coiffant la couronne de bois ornée des plumes trouvées sur l'Iles des Autres, il parvient à ressusciter le Fou... après avoir rencontré de drôles de poètes dans un énième voyage onirique. Tiens donc ! Ce retour du pays des trépassés ne vous rappelle rien ? FitzChevalerie n'a-t-il pas lui-même connu l'état de mort, autrefois, avant de basculer dans le corps de son loup-frère de Vif ? N'a-t-il pas été conservé en vie par le Fou, à l'issue de son combat contre Laudevin, le chef des Pie ? Il semblerait que, chez Robin Hobb, la mort ne soit pas définitive (sauf pour Burrich et quelques autres malchanceux, apparemment...). C'est bien pratique, mais... les résurrections commencent à être un peu trop courantes dans son oeuvre pour être pleinement appréciées...




Le sauvetage du Fou donne pourtant un nouveau souffle à l'histoire, et une trop grande liberté aux personnages principaux ! Le destin du Prophète Blanc était de mourir dans le château de la Femme Pâle et celui de son Catalyseur dépendait de la mort du Prophète. Mais, comme Fitz a changé le cours des choses poussant très loin son attachement à l'homme aux multiples facettes, ce n'est pas le cas. Les deux amis sont bien vivants et n'ont plus d'ordres à recevoir de personne ! Toute une vie s'étend devant eux, avec son lot de choix à faire et de décisions à prendre. Qui ne serait pas effrayé par tant de liberté ?

Plus rien ne les oblige à se séparer, à présent ; et si le Prophète... qu'on suppose jaune maronnasse au sortir d'Aslevjal...! se consume toujours d'un amour inconditionnel et non réciproque pour son Catalyseur, Fitz rêve lui aussi d'un quotidien paisible et partagé avec le Fou. Aussi, lorsque ce dernier lui annonce qu'il a l'intention de couper les ponts définitivement, il en reste sonné. Nous voilà arrivés aux pages les plus profondes et les plus émouvantes des "Adieux et retrouvailles", où le sage bouffon nous expose avec une logique implacable qu'on peut quitter quelqu'un par amour sans pour autant se contredire. En effet, il sait très bien qu'il est censé être mort et que de sa mort devait découler le bonheur de Fitz ; donc il décide de s'éloigner de lui pour éviter de parasiter son existence à venir. En filigrane, on comprend aussi qu'il essaie de se protéger : voir son Catalyseur se reconstruire une vie sentimentale sans pouvoir y prendre part serait néfaste à leur amitié. Il préfère clore leur relation par un poème d'adieu et une pierre de mémoire contenant leurs meilleurs souvenirs : quelle classe, ce Fou... 


La meilleure idée de Robin Hobb : les piliers de pierre permettant de passer d'une région du monde à un autre...
J'ai essayé de m'appuyer sur un arrêt de Médi@bus mais je ne me suis pas retrouvée de l'autre côté d'Aulnay pour autant.
Tant pis !
Et vive le Médi@bus ! 

Non ! Non, pas ça !  

Oui, parlons-en, de la vie sentimentale du héros ! Je vais peut-être passer pour une rabat-joie, mais je trouve que Robin Hobb a un peu trop tendance à jouer aux Lego sur la fin de ses romans ! Vas-y que je tue Burrich, histoire de libérer Molly : Fitz n'a plus qu'à faire ami-ami avec les fils aînés et à toquer à la porte de son premier amour, qui résiste deux minutes pour la forme avant de lui ouvrir son lit. Lui aussi fera son examen de conscience en trois phrases avant de s'immiscer, l'air de rien, dans une famille endeuillée. Cette reconstitution capillotractée des amoureux d'il y a quinze ans aura eu le mérite d'être totalement imprévisible... A la fin de l'Assassin Royal, Fitz a tout ce à quoi il aspirait dans sa jeunesse : la tranquillité, l'aisance, plein d'enfants... Il fait partie du clan d'art avec sa fille Ortie et à récupéré sa femme. Pourtant, la présence de son meilleur ami à ses côtés lui fait défaut.  

La palme du couple à la con revient à Molly et Fitz !
Eh ben, faire le bonhomme pendant treize tomes pour finir comme ça... C'est pas joli joli ! 

On n'en doutait pas une seconde : l'Assassin Royal se termine en beauté, après un feu d'artifice d'émotions... sans mièvrerie, cependant. A l'exception, peut-être, de la niaiserie de Fitz face à Molly alors que Burrich n'est pas encore froid. Enfin si ! vu qu'il a traversé un glacier sur une civière avant de mourir, mais bon... on se comprend ! Comme il reste encore ! des questions sans réponses, que les personnages principaux continuent d'entendre des voix, et que les deux dragons passent leur vie à niquer, lançons-nous à l'attaque des Cités des Anciens ! 


Edition utilisée ici : 
ROBIN HOBB. L'Assassin Royal 13 - "Adieux et retrouvailles". Trad. A. Moustier-Lompré. Editions J'ai Lu, 2007. 380 p. ISBN 978-2-290-00296-4

Illustration couverture : Vincent Madras


lundi 10 octobre 2016

Dans la série "T'as intérêt à aimer le bleu !"Alexis, Alexia...Comme un baiser fait à la nuit - Achmy Halley (2004) / L'infirmerie après les cours 1 - Setona Mizushiro (2008)

Du haut de ses douze jours, le petit Paul a déjà une sacrée garde robe de babygros bleus et de polos de rugby. Il dort dans une chambre bleue avec des rideaux bleus ornés de petits avions. La seule veste saumon qui lui ait été offerte "par erreur", se repose elle-aussi, bien cachée, se réservant pour la future "petite sœur". Tant de conditionnement m'a fait penser à deux récentes lectures, où l'on nous rappelle que, heureusement ! tout n'est pas si simple.

 Alexis, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit - Achmy Halley (2004) 



Jusqu'à cet été, Alexis était le fils parfait : efficace dans les études, champion de plongeon acrobatique et doté du corps d'athlète qui va avec, proche de ses parents, calme et posé... peut-être trop pour un gars de seize ans ? Mais à présent, les vacances familiales en Lozère perdent de leur attrait, et la compagnie de ses proches l'agace plus qu'autre chose. Alexis est perdu, incapable de trouver ce qui relie son âme à cette enveloppe charnelle qui ne suffit pas à le définir. Il a besoin de s'isoler, de se dissoudre dans son élément de prédilection _l'eau, pour découvrir toutes les facettes de lui-même. Cette quête d'identité l'amène à répondre à une petite annonce parue dans le journal : Yvan, un détenu âgé de vingt-sept ans, cherche une correspondante afin de rompre sa solitude. Il décide alors de laisser s'exprimer Alexia, cette femme si différente d'Alexis qui existe en lui. Où ce petit jeu les emmènera-t-il ? De son côté, le prisonnier au grand coeur se confie sans réserve sur sa vie passée, sur l'événement qui l'a mené en taule et sur la perspective d'avenir qui le maintient en vie : rejoindre ses frères les Indiens d'Amérique. En attendant, il demande à Alexia de l'appeler Tonnerre Fou, et non plus Yvan.

Ce roman court, dont la fin ouverte nous invite à imaginer toutes les suites possibles, s'adresse plus aux jeunes adultes qu'aux enfants... et idéalement à ceux qui connaissent un peu l'oeuvre de Marguerite Yourcenar. En effet, les allusions à l'auteure des Mémoires d'Hadrien parsèment l'oeuvre ; on ne s'en étonne pas lorsqu'on apprend qu'Achmy Halley a étudié de près ses travaux avant de se lancer dans la littérature. Le prénom Alexis fait d'ailleurs écho à son roman épistolaire : Alexis ou le traité du vain combat. 

Il me semble qu'Alexix, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit soulève des questions que tout jeune est amené à se poser : qui suis-je ? Quelle différence y-a-t il entre un homme et une femme ? Qui serais-je si je relevais d'un autre genre ? Pourquoi mon esprit n'est-il pas en harmonie avec mon corps en évolution ? Jusqu'où dois-je aller pour faire plaisir à mes parents ? Suis-je capable de prendre mes propres décisions _et de faire un truc complètement fou ? En ce sens, il est intéressant à lire, même si la brièveté de l'oeuvre nous laisse sur notre faim : qui est vraiment Yvan ? quelle sera sa réaction lorsqu'il apprendra qu'Alexia a en fait, l'apparence d'un jeune homme ? Ce n'est pas spoiler que ne dire qu'on n'aura pas de certitude à ce sujet... et c'est un peu frustrant.

Achmy HALLEY. Alexis, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit. Le Livre de Poche Jeunesse, 2004. Coll. Histoires de vie. 95 p. ISBN 2-013-2238-6



L'infirmerie après les cours 1 - Hokago Hokenshitsu (2008) 




Comme Mashiro ne sait pas vraiment s'il est un garçon ou une fille, il a décidé de se construire une virilité exacerbée pour se raccrocher au genre masculin, celui qu'il s'est choisi. Mais son corps revient à la charge, ramenant à la surface des problèmes qu'il pensait avoir écartés : si la nature l'a doté du torse d'un homme, il a aussi la chance de voir ses règles apparaître. Ce grand événement le force à quitter le club de kendo où il avait pourtant trouvé sa place... aura-t-il également un impact sur la vie au lycée, où son identité masculine n'avait pas lieu d'être remise en cause jusque-là ?

Est-ce une chance ou non ? Mashiro n'est pas scolarisé dans une école ordinaire : là bas, on ne sanctionne pas les années d'études par un diplôme, mais par la réussite d'une quête personnelle que chaque élève poursuit lors d'un passage hebdomadaire à l'infirmerie du sous-sol. Une fois que les ados ont réglé leurs comptes avec eux-mêmes, ils sont jugés "prêts" à quitter le lycée.

Lors d'un premier entretien avec une infirmière des plus mystérieuses, Mashiro boit un breuvage "qui sent bon" mais qui le plonge dans un sommeil agité où il vit un affreux cauchemar. A l'issue de son périple onirique, dans lequel il porte un uniforme de fille, il se fait planter sauvagement par un gamine dépenaillée.. qui s'avérera être Kureha, une de ses copines de classe. En voilà déjà une qui connaît son lourd secret. Saura-t-elle tenir sa langue ?

Il ne faudrait surtout pas que la nouvelle arrive aux oreilles de So. Mashiro veut absolument éviter d'avoir maille à partir avec ce beau ténébreux qui passe sa vie à le chercher. Parce que, même s'il est capable de s'agacer et se battre sans problème contre lui, il sait qu'il perdra car au fond... il n'est qu'une fille, il est faible. Que peut-il faire contre sa nature ? Ce manga fantastique, où les personnages semblent résoudre leurs problèmes existentiels dans des rêves qu'ils partagent, bouleverse les clichés qui pourrissent les genres : la femme est une brave soumise, le bonhomme utilise sa force physique  pour taper sa dame ou violer des enfants. L'air de rien, la bande de lycéens torturés pourrait bien faire cogiter nos boutonneux chéris... qui ne sont jamais très loin de ces grossières représentations.

L'infirmerie après les cours 1 passe très bientôt en comité d'intégration _ou non ! au CDI. Son sort est maintenant entre les mains des mangavores du collège ; autant dire que je ne m'inquiète pas trop pour lui !


Setona MIZUSHIRO. L'infirmerie après les cours 1. Asuka, 2008. "Shojo". ISBN 2-84965-130-3



Bonne nuit les petits !! 


Dans la série "T'as intérêt à aimer le bleu !"Alexis, Alexia...Comme un baiser fait à la nuit - Achmy Halley (2004) / L'infirmerie après les cours 1 - Setona Mizushiro (2008)

Du haut de ses douze jours, le petit Paul a déjà une sacrée garde robe de babygros bleus et de polos de rugby. Il dort dans une chambre bleue avec des rideaux bleus ornés de petits avions. La seule veste saumon qui lui ait été offerte "par erreur", se repose elle-aussi, bien cachée, se réservant pour la future "petite sœur". Tant de conditionnement m'a fait penser à deux récentes lectures, où l'on nous rappelle que, heureusement ! tout n'est pas si simple.

 Alexis, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit - Achmy Halley (2004) 



Jusqu'à cet été, Alexis était le fils parfait : efficace dans les études, champion de plongeon acrobatique et doté du corps d'athlète qui va avec, proche de ses parents, calme et posé... peut-être trop pour un gars de seize ans ? Mais à présent, les vacances familiales en Lozère perdent de leur attrait, et la compagnie de ses proches l'agace plus qu'autre chose. Alexis est perdu, incapable de trouver ce qui relie son âme à cette enveloppe charnelle qui ne suffit pas à le définir. Il a besoin de s'isoler, de se dissoudre dans son élément de prédilection _l'eau, pour découvrir toutes les facettes de lui-même. Cette quête d'identité l'amène à répondre à une petite annonce parue dans le journal : Yvan, un détenu âgé de vingt-sept ans, cherche une correspondante afin de rompre sa solitude. Il décide alors de laisser s'exprimer Alexia, cette femme si différente d'Alexis qui existe en lui. Où ce petit jeu les emmènera-t-il ? De son côté, le prisonnier au grand coeur se confie sans réserve sur sa vie passée, sur l'événement qui l'a mené en taule et sur la perspective d'avenir qui le maintient en vie : rejoindre ses frères les Indiens d'Amérique. En attendant, il demande à Alexia de l'appeler Tonnerre Fou, et non plus Yvan.

Ce roman court, dont la fin ouverte nous invite à imaginer toutes les suites possibles, s'adresse plus aux jeunes adultes qu'aux enfants... et idéalement à ceux qui connaissent un peu l'oeuvre de Marguerite Yourcenar. En effet, les allusions à l'auteure des Mémoires d'Hadrien parsèment l'oeuvre ; on ne s'en étonne pas lorsqu'on apprend qu'Achmy Halley a étudié de près ses travaux avant de se lancer dans la littérature. Le prénom Alexis fait d'ailleurs écho à son roman épistolaire : Alexis ou le traité du vain combat. 

Il me semble qu'Alexix, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit soulève des questions que tout jeune est amené à se poser : qui suis-je ? Quelle différence y-a-t il entre un homme et une femme ? Qui serais-je si je relevais d'un autre genre ? Pourquoi mon esprit n'est-il pas en harmonie avec mon corps en évolution ? Jusqu'où dois-je aller pour faire plaisir à mes parents ? Suis-je capable de prendre mes propres décisions _et de faire un truc complètement fou ? En ce sens, il est intéressant à lire, même si la brièveté de l'oeuvre nous laisse sur notre faim : qui est vraiment Yvan ? quelle sera sa réaction lorsqu'il apprendra qu'Alexia a en fait, l'apparence d'un jeune homme ? Ce n'est pas spoiler que ne dire qu'on n'aura pas de certitude à ce sujet... et c'est un peu frustrant.

Achmy HALLEY. Alexis, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit. Le Livre de Poche Jeunesse, 2004. Coll. Histoires de vie. 95 p. ISBN 2-013-2238-6



L'infirmerie après les cours 1 - Hokago Hokenshitsu (2008) 




Comme Mashiro ne sait pas vraiment s'il est un garçon ou une fille, il a décidé de se construire une virilité exacerbée pour se raccrocher au genre masculin, celui qu'il s'est choisi. Mais son corps revient à la charge, ramenant à la surface des problèmes qu'il pensait avoir écartés : si la nature l'a doté du torse d'un homme, il a aussi la chance de voir ses règles apparaître. Ce grand événement le force à quitter le club de kendo où il avait pourtant trouvé sa place... aura-t-il également un impact sur la vie au lycée, où son identité masculine n'avait pas lieu d'être remise en cause jusque-là ?

Est-ce une chance ou non ? Mashiro n'est pas scolarisé dans une école ordinaire : là bas, on ne sanctionne pas les années d'études par un diplôme, mais par la réussite d'une quête personnelle que chaque élève poursuit lors d'un passage hebdomadaire à l'infirmerie du sous-sol. Une fois que les ados ont réglé leurs comptes avec eux-mêmes, ils sont jugés "prêts" à quitter le lycée.

Lors d'un premier entretien avec une infirmière des plus mystérieuses, Mashiro boit un breuvage "qui sent bon" mais qui le plonge dans un sommeil agité où il vit un affreux cauchemar. A l'issue de son périple onirique, dans lequel il porte un uniforme de fille, il se fait planter sauvagement par un gamine dépenaillée.. qui s'avérera être Kureha, une de ses copines de classe. En voilà déjà une qui connaît son lourd secret. Saura-t-elle tenir sa langue ?

Il ne faudrait surtout pas que la nouvelle arrive aux oreilles de So. Mashiro veut absolument éviter d'avoir maille à partir avec ce beau ténébreux qui passe sa vie à le chercher. Parce que, même s'il est capable de s'agacer et se battre sans problème contre lui, il sait qu'il perdra car au fond... il n'est qu'une fille, il est faible. Que peut-il faire contre sa nature ? Ce manga fantastique, où les personnages semblent résoudre leurs problèmes existentiels dans des rêves qu'ils partagent, bouleverse les clichés qui pourrissent les genres : la femme est une brave soumise, le bonhomme utilise sa force physique  pour taper sa dame ou violer des enfants. L'air de rien, la bande de lycéens torturés pourrait bien faire cogiter nos boutonneux chéris... qui ne sont jamais très loin de ces grossières représentations.

L'infirmerie après les cours 1 passe très bientôt en comité d'intégration _ou non ! au CDI. Son sort est maintenant entre les mains des mangavores du collège ; autant dire que je ne m'inquiète pas trop pour lui !


Setona MIZUSHIRO. L'infirmerie après les cours 1. Asuka, 2008. "Shojo". ISBN 2-84965-130-3



Bonne nuit les petits !!