dimanche 30 décembre 2012

Les Aigles Décapitées - Tome 10 - L'héritier de Crozenc. Jean-Charles Kraehn ; Michel Pierret. 1996


Tiens, je me rends compte que j'ai laissé tomber Les Aigles Décapitées ces derniers mois, juste après avoir lu le dixième album "L'héritier de Crozenc" à la FNAC. Habituellement, le compte rendu tombe peu de temps après la lecture, mais cette fois-ci, allez savoir pourquoi, il est passé à la trappe. Non pas que le Tome 10 de la série ne soit pas intéressant, non pas qu'il soit pauvre en rebondissements, bien au contraire. Mais à part présenter un petit résumé de l'histoire en cours, je ne savais pas vraiment comment le critique, quel point mettre en valeur. Enfin, j'en voyais bien un, mais il était hors de question de le traiter, car il aurait dévoilé LE retournement de situation de la série. 

A vrai dire, je viens feuilleter "L'héritier de Crozenc" pour me le remettre en mémoire et ... il ne suscite aucune inspiration particulière ! Alors on verra bien après le résumé ! 


On dirait que Prince Valiant s'est fait une couleur !

Non, sérieusement, vous ne trouvez pas qu'ils se ressemblent ?
(Je parle de celui de gauche bien sûr, puisque l'autre est déjà blond.)

Où est-ce qu'on en était ? 

Les Tomes 9 et 10 sont indissociables ; il faut d'abord résumer l'un pour pouvoir parler de l'autre. Hughes de Crozenc est donc un bâtard, un imposteur, un orphelin autoproclamé seigneur de Crozenc après la chute de son prédécesseur ; certains l'ont toujours su, d'autres l'ont appris en écoutant aux portes, et beaucoup se délectent des miettes d'un secret ébruité. Ravenaud, vassal rebelle et faux, veut faire tomber Hughes en prouvant à tous, et en particulier à Alphonse de Poitiers, qu'il n'a aucune légitimité. Pour arriver à ses fins, il dispose d'une preuve de choix : Roger de Castelnau, l'assassin du "vrai" descendant de Renaud de Crozenc. Mais l'oncle d'Alix, dont Hughes à tâté la tripaille dans les albums précédents, ne veut pas témoigner : que gagnerait-il à avouer qu'il a tué un nourrisson qui lui barrait l'accès au pouvoir ? Ravenaud le force à se rallier à sa cause en faisant enlever Oulfaut, le fils aîné de Roger : il lui sera rendu sain et sauf dès qu'il aura rapporté ses actes. 

Hughes apprend les sombres projets de son chevalier et se met en tête de libérer le fils de Roger, pris en otage par Ravenaud et la meute de brigand à qui il a fait miroiter monts et merveilles pour en obtenir les services. Il sait que, sans l'épée de Damoclès qui menace son fils, il ne témoignera pas contre lui. Or, il est fait prisonnier par l'oncle d'Alix avant de pouvoir lui apporter son aide : c'est bien un blond ! Par chance, il  arrivera à s'évader de sa geôle en soudoyant les gardiens, et rejoindra sa forteresse pour y reprendre son souffle ... avant de se lancer à nouveau à la recherche des brigands. Sur sa route, il sauve Nolwenn des griffes du brigand Torchecul, vexé d'avoir été roulé quelques jours plus tôt par la coriace dame déchue, et la laisse entre les mains de la vieille Mahaut. 

Le respect des vieux 

Mahaut n'apparaît que sur les toutes dernières planches de la bande dessinée ; pourtant, on sent bien qu'elle n'aura pas un simple rôle de figurante dans la suite des Aigles Décapitées. Un peu sorcière, un peu guérisseuse, redoutée pour son hérésie et moquée pour l'ensemble de son oeuvre, la vieille Mahaut avait déjà été évoquée dans l'album précédent, sans être dessinée pour autant. Il en avait été question lors du retour de Nolwenn à Crozenc en tant que femme répudiée et enfermée dans la Tour Grosse : il semblerait qu'à partir de ce moment, les deux parias de la cour se soient rapprochés. Nolwenn est un peu le pendant "jeune et frais" de Mahaut, la sorcière décalée qui ne mâche pas ses mots et crache en prononçant le nom d'un noble, si bâtard soit-il. La guérisseuse tient d'autant plus à Nolwenn, la parvenue, qu'elle déteste Alix, la jeune dame prétentieuse. Elle ne porte pas non plus Hughes dans son estime, et ce dernier le lui rend bien, en ne lui accordant aucun crédit ni même aucune attention... tout en gardant sa crainte par devers lui. Prendra-t-il conscience que "c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ?" et que la parole d'une vieille qu'on soufflette sans vergogne compte au moins autant que celle d'une blonde à forte poitrine ? 

J'aurais bien voulu faire un développement sur le petit passage philosophique de la BD : en entraînant ses faucons, Hughes réalise que ces rapaces si puissants, et d'apparence si libres, finissent toujours par revenir vers ceux qui les nourrissent : prisonniers de leur instinct, ils sont condamnés à manger dans la main de l'homme. Mais finalement non : les passages de réflexion du héros sont bien trop rares pour qu'on puisse se permette d'y toucher.   

Dernière chose, Alix est à poil sur deux ou trois vignettes. Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus.

KRAEHN, Jean-Charles ; PIERRET, Michel. Les Aigles Décapitées. Tome 10 : "L'héritier de Crozenc". Glénat. 1996. Coll. "Vécu". 48 p.  


mardi 25 décembre 2012

Premier Noël pour King Kraby et Fifitness


Avec l'aide de mon cher M2P, nous avons pu immortaliser les fêtes de Noël, cette année.


La chambre de King Kraby : un espace aménagé dans un placard, histoire de passer des nuits tranquilles.


Fifitness, le calme avant la tempête



Mickey, un habitué 

lundi 24 décembre 2012

Les racailles du poulailler




Ne jamais mettre un Cou-Nu du Forez en colère ! 
Hum, inutile de préciser que tout cela a été retouché sur Picasa, hein !

samedi 8 décembre 2012

Blog - Jean-Philippe Blondel - 2010



 
« Blog » est un roman pour ados qui aborde à la fois les rapports inter-générationnels, la question de l'identité numérique et les pratiques culturelles des jeunes. Le héros, un lycéen, découvre que son père a lu son blog en long, en large et en travers : il ressent cette immersion dans son univers comme un « viol virtuel ». Alors, il décide de ne plus adresser la parole à son père et se ferme complètement à lui. »


 
Après nous avoir brièvement annoncé la couleur de cet ouvrage de Jean-Philippe Blondel, la bibliothécaire l'avait reposé sur son présentoir avant d'en empoigner un autre. Lequel ? Je ne sais plus, car je n'avais plus suivi son passage en revue, fort intriguée que j'étais par cette curieuse embrouille sur fond de blog passé au tamis de la censure parentale. Il me fallait absolument le lire, au plus vite. Puis notre visite matinale de la médiathèque de Mérignac s'est terminée, nous sommes tous retournés à l'IUFM l'après-midi pour reprendre notre préparation du Capes de Documentation là où nous l'avions arrêtée, tandis que l'eau coulait sous les ponts et que les trains passaient dessus. Mon enthousiasme est parti aussi vite qu'il était venu, et je n'y ai plus pensé. Deux ans plus tard, Blog demeurait un mythe, un de ces ouvrages « cultes » de la littérature de jeunesse qu'on cite sans avoir lu. Autant dire que mes attentes étaient grandes, quand j'ai enfin pris le temps de le lire.  

Résumé multimédia... 

...Parce que nous sommes tous multitâches !  

Voici un fichier son réalisé par mes soins (et avec l'aide d'Audiacity, à l'origine de cette voix bien virile dont j'ai toujours rêvé) pour vous résumer le roman. Pour ceux qui n'auraient pas envie de le télécharger, sachez que j'y raconte mot pour mot ceci :

Un lycéen réalise un jour avec stupeur que son père lit régulièrement le blog personnel qu'il tient depuis plusieurs années. Il vit très mal cette intrusion dans un espace privé qu'il a pourtant bien peu cherché à protéger, et se sent vraiment trahi. C'est un mélange de colère et d'indignation qui l'amène à ne plus adresser la parole à son père. Ce dernier culpabilise et lui confie, en guise de compensation, les journaux intimes qu'il tenait dans sa jeunesse. D'abord bien décidé à ne pas tomber dans les travers du voyeurisme, l'adolescent va se prendre au jeu et lire avec assiduité les aventures de celui qui deviendra son père, et avec qui il entretient bien plus de points communs qu'il n'aurait pu le supposer. Il va alors découvrir un secret de famille bouleversant.


Fraîcheur et efficacité 
   
L'entreprise de Jean-Philippe Blondel n'était guère aisée : comment se mettre dans la peau d'un adolescent lorsqu'on n'en est plus un, et comment adopter son langage sans avoir l'air d'avoir converti du français standard en dialecte djeuns à l'aide de Google Trad ? Sans doute l'écrivain _ enseignant de son état _ a-t-il observé la jeunesse d'aujourd'hui et en essayant de se fondre dans celui qu'il fut autrefois. Toujours est-il qu'il s'en sort bien, bien qu'on ne s'y trompe pas : au pays des enculés de ta race et autres fils de pute bien décidés à niquer leur mère, peu nombreux sont ceux qui expriment leur colère à coups de « putain de merde » aujourd'hui. Il n'y a guère que Frank Gallagher pour utiliser pareille formule.


Frank Gallagher de Shameless, Saison 8, épisode 18

 Mais passons, c'est un détail. 

Qu'on apprécie ou pas le jeune blogueur en crise dont il est question dans Blog, on ne peut que reconnaître la facilité avec laquelle Jean-Philippe Blondel pousse de grands débats d'actualité sur le devant de la scène : les rapports parents – enfants, l'expression de soi, la prise en compte de l'Autre dans sa construction personnelle, les frontières de la vie privée et de la vie publique sur Internet... Pour chacun d'eux, Blog est sans doute le point de départ d'une réflexion.


Pourquoi un blog ?

Le blogueur démasqué a les idées claires : il sait pourquoi il a ouvert son espace virtuel, il explique très bien pourquoi il l'entretient régulièrement, il a pleinement conscience d'une évolution de ses écrits au fil du temps. Il n'y a pas de doute, ce héros qui « aime écrire » et qui reconnaît sans problème qu'il a commencé son blog pour faire comme tout le monde et « épater » une fille, c'est bien un adolescent fictif ! Sans doute le jeune lecteur doit-il aller au-delà de la simple représentation du héros, dont le réalisme est contestable, et utiliser le personnage pour forger sa propre conception du blog. Par exemple, l'argument de la publication d'articles pour laisser une "trace" des personnes et des événements, pour retenir les souvenirs, reflète parfaitement l'objectif que je me suis fixé en ouvrant "Une Poule Sur Un Mur". Mais la façon dont il nous est présenté me froisse un peu, parce qu'il manifeste une trop grande prise de recul, à mon avis : "C'est pour ça aussi, le blog. J'en suis conscient. Pour conserver. Parce que j'ai peur que tout ne nous échappe. Ne nous file entre les doigts. Et qu'un jour nous nous retournions et que nous nous apercevions soudain que nous évoluons au milieu d'un désert et que le point de départ, notre oasis, est inatteignable désormais." Loin de moi l'intention de prendre les jeunes de quinze ans pour des abrutis sans aucun discernement ; pourtant, ce n'est pas pour rien que l'auteur choisit comme héros un adolescent qui ne se sent pas tout à fait comme les autres. Il se distingue du "blogueur moyen" en entretenant ses pages sur la durée alors que les garçons, soi-disant, ne le font pas ; en allant au-delà de la publication de photos, et en prenant peu à peu conscience de son besoin d'écrire.


Qu'est-ce qu'on y met ? 


Ce rapport à l'écriture est l'un des principaux points communs entre le héros et son père ; du moins, c'est celui qui nous intéresse le plus. Pour se "racheter" d'avoir épié le blog de son fils, Philippe lui offre les journaux intimes qu'il écrivait lorsqu'il avait sensiblement le même âge. Peut-on dire qu'ils sont quittes ? Répondre "oui" sous-entendrait que le blog est un parfait équivalent du journal intime ; pourtant, ce n'est pas le cas. Le journal intime n'est pas censé être lu, en principe. Le blog, si. Même si l'accès est restreint, on écrit pour des "visiteurs", ou pour soi, mais en sachant qu'on sera lu par quelques uns d'entre eux. Dans cette mesure, il est bien difficile de ne pas s'autocensurer un minimum. La qualité d'écriture, quant à elle, se voit forcément stimulée par l'idée qu'on va devoir se faire comprendre auprès des autres. On ose beaucoup sur un blog personnel, au péril de sa réputation, mais on n'ose jamais autant que dans un journal. Dès que l'anonymat est rompu un tant soit peu, le blogueur n'est plus totalement libre de ses mouvements : en fonction de son niveau de diplomatie, ou d'hypocrisie, comme vous voudrez, il sera amené à peser ses mots pour "plaire", pour "ne pas froisser" ses lecteurs fidèles et pour ne pas les compromettre. L'adolescent de Blog pratique ce contrôle de ce qu'on dit et de ce qu'on ne dit pas : il fait l'impasse sur ses murges, persuadé qu'une instance supérieure pourrait le confondre en utilisant ses billets. Par contre, il fait part de ses exploits aux (jeunes) lecteurs du roman, qu'on peut ici prendre comme un journal écrit en parallèle du blog "gelé". 



Un roman en pâte feuilletée 


C'est ma manière de dire qu'il y a plusieurs "couches d'expression" à explorer dans Blog. On peut aussi dire "strate narrative", je sais. Mais ce roman n'est pas assez calcaire pour correspondre à ce terme : 


- le récit du héros passant au crible ses états d'âme au fil des jours, à partir du "gel" de son blog. 


- le blog, dont on ne sait rien, puisqu'on ne figure pas dans la liste de ses meilleurs potes.


- le journal du père, analysé et commenté par le héros. Ce dernier va très vite passer l'étape "Sa mère en boîte ! Mon Dieu ! Mon père fût un boutonneux autrefois !" pour mieux s'attacher à faire des liens entre "Philippe" et lui.  


- un peu de communication orale, que diable ! J'ai bien envie de rajouter à toutes ces "states" (allez, les falaises ont leur petit côté romantique) les échanges entre Anne-So et le héros, car ils viennent compléter l'interprétation de la lecture du journal de Philippe. La copine du blogueur porte un regard extérieur sur la situation et le guide, en quelque sorte, vers la résolution du problème relationnel entre le père et le fils. Anne-So rend bien service, en effet. Mais je ne comprends pas pourquoi l'auteur a tenu à les faire coucher ensemble. S'est il lancé un défi du type "il faut absolument que mon blogueur se fasse dépuceler avant la fin de l'histoire, allez, je peux le faire, je le sais !" ? Plus probablement, il a sans doute voulu montrer que, quel que soit la forme d'expression,  certains instants d'une vie ne peuvent être partagés. Sur certains points, Blog m'a beaucoup rappelé Paranoïd Park de Blake Nelson : l'écriture pour se libérer d'un poids en situation de crise, le caractère des deux héros, le recours à la "bonne copine" pour surmonter l'obstacle... 


Le roman a fait l'objet d'un dossier pédagogique plutôt intéressant, à mon avis.          



BLONDEL, Jean-Philippe. Blog. Actes Sud Junior. Arles, 2010. Coll. "Romans Ado". 114 p. ISBN : 978-2-7427-8936-8. 

    




  


jeudi 29 novembre 2012

Clin d'oeil à Lucio Dalla


Dans la chaleur de la salle, nos esprits confinés n'avaient d'autre choix que de somnoler. Ils ne demandaient pas mieux que de sortir de leur léthargie, mais n'en voyaient pas l'issue.

"Perché piange la signora della canzone ?

_ Forse il professore gli a detto che lei cantava male ...

Quelques rires dans la classe. 

_ Si, è possibile, ma c'è une altra raggione, più probabile. 

_ ...

_ Conoscete la vita delle cantatore Caruso ?

_ ...

_ Caruso era un cantante lirico, un tenore. Infatto, gli a detto che lui a un cancro alla gola. Pero lei è molto trista e piange.

_ Aahh  

En écoutant l'émission "Du grain à moudre", diffusée sur France Culture le 4 mars 2012, j'ai appris la mort du chanteur et compositeur Lucio Dalla. Oui, je sais, ça fait déjà quelques temps. Il n'avait trouvé aucune place dans le carton de 45 tours de ma mère, et pas plus dans les playlists de mes stations de radios préférées. Alors il a fallu que j'attende d'être au lycée, d'apprendre l'italien, et d'avoir une de ses chansons en texte d'appui au programme du bac pour connaître sinon son existence, au moins son aura dans le panorama culturel de la grande botte. Comme tout le monde, je connaissais Caruso, dont on retient souvent l'interprétation de Luciano Pavarotti, sans savoir qu'il en était l'auteur. Ce sont les paroles de cette chanson que nous avons étudiées pendant quelques semaines automnales, les lundis et vendredis de 17 à 18 heures, dans la lumière jaunâtre d'une salle de cours aux murs déjà crème, tandis qu'à l'extérieur il faisait aussi sombre que sur la vecchia terrazza davanti al golfo di Surriento. 

"Andiamo. Ascoltate bene."

M. Roger (allez, on peut bien le nommer, après tout ! s'il passe par là, il pourra peut-être corriger mes fautes, j'ai tellement perdu de mon niveau depuis le temps) mettait en route le lecteur CD.

Qui dove il mare luccica e tira forte il vento 
su una vecchia terrazza davanti al golfo di Surriento 
un uomo abbraccia una ragazza dopo che aveva pianto 
poi si schiarisce la voce e ricomincia il canto.

Te voglio bene assaje 
ma tanto, tanto bene sai 
è una catena ormai 
che scioglie il sangue dint'e vene sai.

Vide le luci in mezzo al mare 
pensò alle notti là in America 
ma erano solo le lampare e la bianca scia di un'elica 

sentì il dolore nella musica, si alzò dal pianoforte 
ma quando vide la luna uscire da una nuvola 
gli sembrò più dolce anche la morte 

guardò negli occhi la ragazza, quegli occhi verdi come il mare 
poi all'improvviso uscì una lacrima e lui credette di affogare.

Te voglio bene assaje 
ma tanto tanto bene sai 
è una catena ormai 
che scioglie il sangue dint'e vene sai. 

Potenza della lirica dove ogni dramma è un falso 
che con un po' di trucco e con la mimica puoi diventare un altro 
ma due occhi che ti guardano, così vicini e veri 
ti fan scordare le parole, confondono i pensieri

così diventa tutto piccolo, anche le notti là in America 
ti volti e vedi la tua vita come la scia di un'elica

ma sì, è la vita che finisce ma lui non ci pensò poi tanto 
anzi si sentiva già felice e ricominciò il suo canto. 

Te voglio bene assaje 
ma tanto tanto bene sai 
è una catena ormai 
che scioglie il sangue dint'e vene sai


Le silence fermait toujours la marche à la triste mélodie, et j'avais un peu la gorge nouée. Peut-être à cause des paroles, peut-être à cause d'autres choses aussi.

Puis j'ai découvert L'anno che verrà", qui est de loin ma chanson préférée de Lucio Dalla, bien que je ne prétende pas connaître toute son oeuvre.




Voici un petit hommage marrant, made in Audiacity*, en souvenir des sales années passées, et en l'honneur du présent qui est tellement mieux !

* Faut cliquer sur Download ;-)

lundi 19 novembre 2012

La société numérique en question(s) - Isabelle Compiègne - 2011



C'est en la questionnant, en explorant sa complexité que l'on peut comprendre la société actuelle et appréhender son évolution. Ainsi, Isabelle Compiègne nous propose de réfléchir aux aspects de la "société numérique" et aux réalités qu'elle soulève. Va-t-elle dans le sens d'une démocratisation des savoirs, ou aggrave-t-elle les inégalités ? Doit-on la placer sous le signe de l'interactivité et du renforcement de la communication, ou marque-t-elle plutôt le début d'une déshumanisation du lien social, voire d'une surveillance ininterrompue ? Toutes ces questions ne trouveront pas de réponses, mais elles auront le mérite d'avoir été soulevées. 






        Isabelle Compiègne a tenté de définir les contours de cette « société numérique » mise à l'honneur dans l'ouvrage. Il faut dire que cette expression courante s'inscrit dans la même mouvance que les autres « sociétés de » (de l'information, des réseaux …).

Elle marque ici la conciliation entre l'essor des technologies pour l'information et la communication, et une tendance générale des hommes à fonctionner en réseau. Ce phénomène est matérialisé par des outils faisant appel aux technologies numériques. Souvent destinés à un usage individuel et personnel, ces nouveaux appareils (téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs, tablettes, lecteurs mp3) sont fabriqués en grand nombre et largement diffusés. Faut-il alors croire au déterminisme technologique (1) de Mac Luhan ou, au contraire, à l'apparition d'objets répondant aux besoins d'un humain placé au coeur du réseau ? Isabelle Compiègne semble opter pour la deuxième hypothèse.

      Quoiqu'il en soit, la société numérique correspond à une réalité très inspirée de grandes représentations mythiques des sciences et des technologies. Issues de la pensée collective, elles mêlent l'admiration pour l'efficacité, la puissance des appareils de communication et d'information, le rêve d'un brouillage des repères spatio-temporels, et la crainte de machines plus fortes que l'homme, ou de la surveillance permanente de Big Brother. Aussi, les ordinateurs, les téléphones portables sont-ils des objets aussi fascinants qu'intrigants. L'homme peut-il correctement s'insérer dans une société où sa position sera forcément marquée par la mobilité ? Sans doute, s'il adapte le processus de socialisation aux exigences de son temps.


Le rapport à soi sensiblement modifié.


         Nous l'avions déjà vu en lisant Les liaisons numériques, vers unenouvelle socialbilité d'Antonio Casilli, l'hypothèse est encore soulevée ici : le rapport de l'homme à lui-même, à son corps comme à ses idées, connaît des changements. Nous devenons des « homo numericus » : nous pouvons faire plusieurs choses en même temps, jongler entre les échange avec nos pairs et notre activité professionnelle. Nous voulons rentabiliser au maximum notre temps en sollicitant plusieurs de nos sens dans des buts d'information et de communication, et cela influe sur notre manière d'être : le caractère très individuel de nos sociétés est conforté par le recours à des objets personnels pour communiquer. Le plus drôle, c'est qu'en écrivant mon interprétation de la lecture de ce livret, j'écoute aussi une conférence sur la vie de Bram Stocker tenue lors du Festival du Vampire et publiée peu après sur Youtube. Mes oreilles sont libres, faudrait pas gâcher.

          On se rapproche dangereusement (ou pas) de certains mobiles de la science fiction où hommes et machines sont indissociables. Des cyborgs au transhumanisme, l'évolution humaine implique forcément des attributs technologiques divers et une conciliation du monde réel et des sociétés virtuelles. En effet, chacun de nous peut créer sa « vie parallèle » en jouant à Second Life sur la toile, par exemple : c'est l'opportunité de se créer un « avatar » parfait de corps et d'esprit... peut-être en dépit de l'intégrité de sa « vraie » personne. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? Sans doute suffit-il juste d'avoir assez conscience de cette évolution pour en tirer profit et éviter les zones d'ombre (malveillance, dépendance aux TIC, déni de soi).

         Les mutations ne se limitent pas l'apparence physique de l'homme : les modes de stockage, l'hypertexte, le multimédia influent sur la manière de penser de l'homme. Ce phénomène n'est pas nouveau : de tous temps, les technologies intellectuelles ont amené le cerveau humain, extrêmement plastique, à s'adapter aux activités qui lui sont proposées. C'est pourquoi, de nos jours, le cerveau est caractérisé de « multitâches ». Les plus optimistes y voient une amélioration des capacités de l'homme, d'autres sont réticents et craignent un impact négatif dû à la surcharge cognitive, à l'hyper-attention, tels que la régression de la mémoire et de la réflexion. Il est important de constater une « fracture cognitive » en marge de la « fracture numérique » : si tout le monde n'est pas à égalité face aux technologies, tout le monde ne connaît pas non plus les mêmes transformations cognitives.

        Si le rapport de l'homme à lui-même évolue, il en va de même pour la prise en compte de l'Autre... même si tout ne change pas catégoriquement. Les interactions humaines prennent des formes différentes à l'ère du numérique : l'échange en face à face, par exemple, n'est plus indispensable à la mise en place d'une situation de communication, même s'il demeure important pour entretenir une relation de longue durée. Les téléphones, les smartphones, les ordinateurs permettent un contact non présentiel et pourtant instantané entre plusieurs personnes. Ils ouvrent ainsi la voie à une nouvelle sociabilité. Parallèlement, on note l'apparition de communautés virtuelles basées sur les centres d'intérêts ciblés, significatives d'une démarche de socialisation bien particulière : au lieu d'apprendre à se connaître et à se découvrir des points communs, les individus viennent s'intégrer dans un groupe en mettant en avant la petite partie d'eux-même qui les rapproche des autres. Si la solidarité est nécessaire à la survie et à la prospérité de ces sphères virtuelles, l'ouverture au monde est remise en cause : si les personnes d'un même groupe communiquent perpétuellement entre elles, elles se privent du contact de tous les autres.

          Toujours est-il que l'expression du « moi » face à l'autre devient la condition à la socialisation. Le succès des blogs et des réseaux sociaux illustrent bien ce phénomène : c'est en parlant de soi qu'on attire l'attention des autres et qu'on crée des liens. Bien entendu, la diversification des modes de sociabilité n'excluent pas les façons « traditionnelles » de nouer le contact. A trop parler de soi, on court le risque de brouiller les frontières entre vie privée et vie publique, et de devenir une proie facile pour les personnes mues par des enjeux commerciaux, politiques ou tout simplement malveillants. En effet, la société numérique symbolise à la fois la liberté d'expression et le risque d'un contrôle des échanges. La cybernétique et les débuts d'Internet sont marqués par leur idéal premier : accorder à tous la parole et la possibilité de s'informer. Mais les technologies facilitant l'expression de tous sont aussi celles qui facilitent le fichage et la localisation en tirant profit des informations données volontairement ou par inadvertance. Elles contribuent donc à la mise en place d'une société de surveillance, à la fois redoutée et demandée par les citoyens, pour des raisons sécuritaires. D'autant plus que cette surveillance prend, elle aussi, une nouvelle forme : à Big Brother, l'instance supérieure contrôlant les masses, succèdent des masses dont les individus se surveillent les uns les autres. En résistance à cette évolution d'une expression de soi déviée de ses objectifs premiers, des contre-pouvoirs se mettent en place : on peut citer la CNIL, l'Habeas Corpus du numérique. Cependant, la protection à l'excès ne suffit pas : il vaut mieux amener les citoyens à prendre conscience des risques pour élaborer eux-même leurs propres stratégies de vigilance. 


La puissance des peuples dans la société numérique.

De nos jours, détenir l'information est un pouvoir ; les sociétés démocrates mettent donc un point d'honneur à favoriser l'accès pour tous aux sources de connaissances. Elles visent ainsi l'utopie du savoir universel qui guidait un grand nombre de scientifiques et d'intellectuels, bien avant l'apparition des TIC. Isabelle Compiègne cite les exemples des travaux de Paul Otlet, créateur du Mondaneum (2) et de la CDU (3), de Vannevar Bush, inventeur de l'hypertexte facilitant les démarches de recherche et d'organisation des connaissances. Elle évoque également le projet de bibliothèque universelle né dans l'esprit de l'informaticien Ted Nelson : Xanadu.

Si les nouvelles technologies améliorent le partage des savoirs, et notamment des savoirs scientifiques, l'accès à toutes les informations pour tous est loin d'être assuré, car l'information a souvent un prix. D'une part, des restrictions s'appliquent à la diffusion illégale d'une information, telles que la loi DAVDSI et d'HADOPI, afin d'en protéger son créateur. Sur Internet, des partenariats commerciaux avec les moteurs de recherche mettent en évidence certains sites, certaines sources, au détriment d'autres non moins fiables. Ensuite, la trop grande quantité d'informations disponibles brouille les pistes et rend difficiles les recherches : la classification est loin d'être de mise sur le web, l'hypertexte peut nous égarer et la recherche textuelle a ses limites à l'ère du multimédia. Enfin, la fracture numérique perdure dans toutes les sociétés ; tout le monde ne possède pas l'équipement technologique ou le capital socio-culturel nécessaire aux démarches d'accès au savoir.

Pourtant, la société numérique serait significative d'une redistribution des pouvoirs. Dans les démocraties, les citoyens sont assez décomplexés pour ne plus avoir peur de donner leur avis avant-même de se poser la question de leur légitimité. Les TIC deviennent alors des moyens d'expression particulièrement faciles à utiliser, une fois qu'on peut bénéficier du matériel nécessaire : le web 2.0 permet à tous de devenir un acteur de l'information.

Le journalisme participatif est révélateur de la liberté d'expression demandée par les citoyens : sur Agoravox, les reporters en herbe peuvent écrire des articles et les enrichir de vidéos, de sons captés par leurs propres portables, appareils photos. On peut se demander si un tel contrôle de l'information par les citoyens ne constitue pas un contre-pouvoir à une éventuelle manipulation des médias de masses très souvent évoquée. Des problèmes se posent : les citoyens demeurent des journalistes amateurs qui, de fait, ne sont pas censés respecter les règles du métier. Ils peuvent donc se laisser aller à des approximations et à l'expression de leur point de vue personnel. Venant d'eux, ces imperfections sont tolérées et donnent même un aspect « naturel » que les professionnels se réapproprient ; parallèlement à leur activité, ces derniers ressentent le besoin de « se lâcher » sur un blog d'humeur ou sur les réseaux sociaux.

Mais Isabelle Compiègne reste mesurée quant au « cinquième pouvoir » des médias participatifs _ en référence au « quatrième pouvoir » des médias de masse : tant que les citoyens se préoccuperont en priorité de faire partager leur avis personnel aux autres, au lieu de former des groupes, de s'organiser pour atteindre un objectif commun, on ne pourra pas parler de véritable « pouvoir » populaire.


Pistes de réponses aux problématiques de la société numérique

On contrôle mieux une situation lorsqu'on a conscience de ses propres atouts et de ses propres limites. Certes, cette vérité générale pourrait bien ne nous emmener nulle part, mais elle correspond bien à ce que m'évoque la lecture de La société numérique en question(s) d'Isabelle Compiègne : l'impact du numérique dans la société n'a de raison d'être craint ou redouté que si les citoyens (ou futurs citoyens) l'ignorent ou le méconnaissent. D'où l'intérêt d'une formation de tous aux réalités de la société _ et pas seulement aux outils de télécommunication et à leurs « dangers ». Elle prendra des formes diverses, allant de la mise en place d'une éducation à l'information pour les jeunes, à l'accent mis sur l'importance de la formation tout au long de la vie, en passant par l'acceptation d'une évolution constante de nos cerveaux en fonction de nos activités et des exigences de notre société. Si l'auteur ne consacre pas nettement de chapitre à la formation de ceux qui composent la société numérique, c'est parce que la question est abordée à tous les niveaux de l'ouvrage.

La société numérique en question(s) offre un panorama intéressant de notre environnement actuel en abordant beaucoup de ses facettes encore incertaines. Pour les lecteurs non avertis des sciences de l'information et de la communication, cette courte publication est tout à fait abordable ; d'autant plus qu'elle a été rédigée par une enseignants. L'ensemble est donc très structuré, bien dirigé, bien écrit, et par conséquent assez agréable à lire. Pour les documentalistes, coutumiers des questions liées à la société numérique, elle constitue un bon récapitulatif propre à leur rafraîchir la mémoire, sans vraiment leur apporter de grandes nouveautés. Les spécialistes pourront même trouver l'ouvrage un peu trop condensé et pas assez approfondi. Mais le but n'est pas de faire de grandes découvertes : Isabelle Compiègne, comme beaucoup de profs, préfère soulever les points « chauds » pour nous amener à réfléchir par nous-même.


1) Mac Luhan défendait l'idée d'une pensée et d'une action humaine modelées par les outils et les technologies propres à chaque époque.

2) Mondaneum : projet de rassemblement et d'organisation de tous les savoirs

3) CDU : Classification décimale universelle


Sources : 

  • COMPIEGNE, Isabelle. La société numérique en question(s). Sciences Humaines Editions, Auxerre. Coll. « La petite bibliothèque de Sciences Humaines ». 2011. 128 p.


  • CASILLI, Antonio A. Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité? Seuil, Paris. "La couleur des idées". 2010. 336p. 


vendredi 9 novembre 2012

Roux cools - Il faut sauver Aymeric !


Dès que je l'ai rencontré, j'ai compris qu'il faudrait que je fasse définitivement abstraction de la notion de performance... Pourtant, Moins Deux Pixels et moi, on s'adore déjà !   

En même temps, c'est presque miraculeux qu'un appareil photo soit arrivé sain et sauf jusqu'aux fins fonds de ma campagne, alors bon ! 

Inauguration du flash (ah, y en a un !?) de Moins Deux Pixels, alias M2P

Aymeric, mon unique playmobil roux, a été pris en otage par celle qui n'était rien de moins que sa prostituée favorite ! On était sans nouvelles de lui jusqu'à ce que Josyanna (la ravisseuse) nous envoie sa tête en guise de preuve de vie. Ouf, nous voilà donc rassurés !  

mercredi 7 novembre 2012

Noël avant l'heure !


Encore un cadeau de Bubulle !!! Merci !!! 


J'ai failli craquer la première fois que j'ai vu cet Agenda des poules exposé au Virgin de Bayonne il y a quelques jours, mais je me suis dit que ça pourrait attendre un peu. Sauf qu'à ce moment-là, Bubulle rôdait dans le rayon, devenant témoin oculaire de mon extase ! 

Les illustrations à l'ancienne qui font tout son charme sont des reproductions d'images publiées dans d'anciens numéros de Rustica Hebdo : chacune met à l'honneur une variété de poules, ou des étapes incontournables de l'élevage. Enfin, un récapitulatif des caractéristiques des différentes espèces de gallinacés vient clôturer ce bel agenda qui donnerait presque envie d'être en janvier !  

C'est la fête ! :)

mercredi 31 octobre 2012

Janua Vera - Jean-Philippe Jaworski (2009)



La lecture de L'Assassin Royal de Robin Hobb aura été source de grands bouleversements dans ma vision de l'écriture du héros et de la place qu'il occupe dans une intrigue donnée. L'oeuvre n'est sans doute pas la plus révélatrice dans le domaine, elle ne figure même pas parmi les nombreux cas d'école tournés et retournés comme des crêpes par les techniciens de la littérature (si si, ça existe ! bien qu'on les nomme sans doute autrement). Pourtant, Fitz me parut plus loquace que les centaines de personnages haut de gamme issus des cœurs d'intellectuels dignes d'être étudiés et cités que j'ai pu croiser au lycée et à la fac. Il n'a pas innové, mais il m'a permis de vraiment comprendre ce que Perceval, Ruy Blas et Britannicus me criaient du sixième étage depuis des années. Enfin, n'exagérons rien. L'Assassin Royal, c'est avant tout mon premier saut dans le tourbillon de la fantasy : la part de magie a du faire son effet.

Tout ça pour dire que, depuis que j'ai compris qu'un gars pas tout à fait noble voire ordinaire, assassin de son état, complètement dépassé par les événements et par les mobiles de son commanditaire pouvait intéresser les jeunes, je me dis qu'on peut puiser pas mal de ressources dans la littérature. On me l'avait souvent dit, mais je ne l'avais jamais vraiment cru. Depuis, les antihéros et plus particulièrement les héros criminels attirent mon attention. C'est pourquoi je me suis récemment empressée de télécharger l'enregistrement d'une conférence programmée lors de l'édition 2012 des Imaginales  (le festival des mondes imaginaires d'Epinal), consacrée aux héros criminels. A l'occasion, j'ai découvert l'écrivain Jean-Philippe Jaworski, (pas) venu parler de son premier roman Gagner la guerre, et plus particulièrement de son héros, le tueur à gages Benvenuto Gesufal. Une lecture d'extrait m'a engagée à rechercher l'ouvrage, par chance disponible à la bibliothèque (vous n'imaginez pas à quel point cela tient du miracle actuellement), ainsi que le recueil de nouvelles qui l'a d'abord fait connaître : Janua Vera. 



Ce bordel ! 
L'inconvénient des recueils de nouvelles réside dans la difficulté à trouver un fil conducteur entre les pièces du puzzle - à supposer qu'il y ait un puzzle et un fil conducteur. Janua Vera nous épargne le casse-tête, puisque les huit longues nouvelles se situent toutes dans un cadre commun : celui du Vieux Royaume, un territoire perdu aux fins fonds du Moyen-Age, occupé seulement à contempler sa déchéance, voyant ses frontières brouillées se réduire comme peau de chagrin.

 

"Oulala, c'est la décadence !" 
Bon, ça n'a pas grand chose à voir mais il fallait que je la place tout de même !
Fake ou pas, la vidéo vaut le détour.


Janua Vera, la nouvelle initiale qui donne son titre au recueil, annonce la couleur. Le puissant Léodegar de Léomance, "Roi-Dieu" de cet l'univers nébuleux, sent arriver sa chute, aussi redoutée qu'inévitable : à tel point qu'elle vient le chercher jusque dans ses rêves.


Si Janua Vera présente une histoire courte et énigmatique, Mauvaise Donne est un récit conséquent, en quantité et en complexité : il aurait presque pu constituer un roman à lui seul, à mon avis. D'ailleurs, on y rencontre pour la première fois le fameux Benvenuto Gesufal qui s'illustrera dans Gagner la guerre _ si j'ai tout bien compris _ et on y découvre la foisonnante république de Ciudalia. Ancien galérien et affilié malgré lui à une redoutable confrérie d'espions, le tueur n'est pas aussi ordinaire qu'il le pense. Aussi, lorsque l'assassinat qu'on lui ordonne de commettre tourne en sa défaveur, c'est tout un pan de la vie politique qui menace de lui tomber dessus s'il ne remporte pas le combat de la tête et des jambes.

Dans Le service des dames, Aedan va mettre à rude épreuve les codes de la fin'amor. Pour passer une frontière du comté de Brochmail et gagner du temps sur son trajet, le chevalier doit obtenir l'autorisation de la Dame de Bregor. Mais la maîtresse des lieux entend bien tirer profit de cet homme preux que la fortune lui envoie : il ne pourra passer que s'il tue l'ennemi de son mari trépassé.

Le barbare Cecht s'est tiré comme il a pu du chaos de la bataille, emmenant sur son dos Dugham, un vieux guerrier blessé. Perdu dans la forêt, il sent bien que le combattant affaibli rejoindra bientôt les fantômes qui le hantent. A moins qu'il réussisse à apporter à la fée Onirée une offrande très précieuse. 

Le conte de Suzelle s'éloigne dangereusement du conte de fées auquel on pourrait s'attendre. Suzelle est une petite paysanne à la fois espiègle et incontrôlable qui a bien du mal à s'adapter à la vie calme de son village. La brève apparition de celui qu'elle considérera toujours comme son prince charmant lui apprendra l'existence de la joie et de la souffrance.

Jour de guigne est la nouvelle la plus drôle du recueil ; mêlant le burlesque aux situations kafkaïennes, elle nous amène sur l'itinéraire semé d'embûches du copiste Calame, touché par la malédiction d'un parchemin sur lequel il travaillait. La région de la Marche Franche est peuplée de mystères.

Dans Un amour dévorant, un prêtre appartenant au culte du Desséché enquête sur la légende des "appeleurs" habitant la forêt. Ces deux chevaliers fantômes sèment la terreur, toujours en quête d'Ethaine, la femme qu'ils convoitent ; mais le charbonnier Hunaud ne les craint pas, lui, car il est sourd.

 Le confident est le témoignage d'un autre prêtre tenu au voeu d'obscurité. Depuis sa cellule sans lumière, il nous raconte son parcours, depuis sa naissance jusqu'à sa vocation et sa proximité avec les morts.       

Le parcours du combattant 

Savoir que Jean-Philippe Jaworski est à l'origine de plusieurs jeux de rôles m'a peut-être influencée ; toujours est-il qu'en suivant les courses à travers la cité de Benvenuto, de Maître Calame, et les déplacements de Leodegar de Léomance dans son château, on a de quoi se sentir dans un jeu vidéo : courses poursuites, esquives, combats, fuite et cachettes nous tiennent en haleine sur plusieurs pages d'affilée. C'est encore une manière différente d'explorer les genres de la littérature médiévale, de l'heroic fantasy et d'en diversifier les codes. Ceux qui aiment l'empreinte du réalisme sur les intrigues merveilleuses seront servis ; les autres risquent un peu d'être froissés par l'attachement du créateur à décrire parfaitement les rouages d'un univers qu'il met en place... malgré l'absence de cartographie, plutôt incontournable dans ce type d'ouvrages. Le défi de concilier le genre de la nouvelle et les longueurs descriptives nécessaires à la compréhension d'un monde dont personne à part Jean-Philippe Jaworski ne peut connaître le fonctionnement est plutôt réussi. L'écriture en elle-même est très agréable à lire... même si l'on a parfois l'impression (mais les occasions sont rares) qu'on lit des "exercices" de style et de narration, un peu comme les premiers paragraphes des Essais de Montaigne, qui voyait en son oeuvre avant tout un travail de l'esprit et de la formulation...

En conclusion, 

Bordeaux est éliminé en Coupe de la Ligue après une défaite contre Montpellier. Même si tout le monde s'accorde à dire que cette coupe n'a pas plus de cohérence que d'utilité, ça reste toujours frustrant. Encore ne nous plaignons pas : il vaut mieux supporter les Girondins que l'OM ce soir... Je sais, ma conclusion est hors sujet, mais je m'en fous car c'est mon blog et j'y mets ce que je veux.

Sur ce, bonne soirée à tous !

 :)

JAWORSKI, Jean-Philippe. Janua Vera. Gallimard. Coll. Folio SF. 2009. 488 p. ISBN 978-2-07-035570-9.