jeudi 15 février 2024

[Lectures de vacances] L'École des Massacreurs de Dragons - 1 - Le nouvel élève (1997) / Au poil (2022)

C'est bien beau de raconter sa vie, mais maintenant il faut se remettre au boulot !


L'École des Massacreurs de Dragons - 1 - Le nouvel élève

Kate McMullan, illustrations de Bill Basso

Gallimard Jeunesse, 2000

104 p. 

Wiglaf est le plus petit de sa grande fratrie ; il est aussi le seul rouquin. Sa famille lui fait exécuter toutes les corvées, sans ménagement. Gentil, de bonne volonté et ami des animaux, il n'a jamais songé à se plaindre de son sort. Un ménestrel de passage lui a bien prédit un avenir héroïque.. Avant de s'évaporer. 

Un jour, lors d'une sortie familiale à la foire, Wiglaf lit une affiche faisant de la pub pour une École des Massacreurs de Dragons. S'il pouvait l'intégrer, il deviendrait le héros de la famille.. Dès le lendemain, il part avec pour compagnie Daisy, sa truie de compagnie, et une épée magique nommée Droitauoeur. 

Un mélange de Dragons, de Cosette, du Petit Poucet et de Harry Potter, mais dans un univers purement médiéval et en version "light", accessible aux plus jeunes. 

J'étais passée à côté de cette série fantasy pour enfants, j'imagine qu'elle a dû avoir un certain succès à l'époque ! Les illustrations et la carte de départ rendent bien la tonalité comique de l'histoire. Ce n'est pas du tout triste ! 

Est-ce qu'on peut le mettre dans le CDI d'un collège ? Rien ne l'interdit, mais il me semble que c'est vraiment pour les plus petits _pour les 6ème, éventuellement. À voir, je changerai peut-être d'avis lorsque je lirai la suite.. et j'entends bien le faire : quelques questions subtilement laissées sans réponse donnent envie d'en savoir plus.

À la base, je l'ai choisi pour mes neveux de 5 et 7 ans, qui sont dans leur phase chevaliers. ⚔️⚔️⚔️


Au poil 

Sophie Adriansen. Magnard Jeunesse, 2022. Coll. La Brève

Omé est en fin de 3ème ; alors que son principal souci est d'arriver à concilier les révisions du brevet avec l'organisation du voyage en Allemagne prévu avec sa classe, sa mère lui rajoute une nouvelle prise de tête : l'urgente nécessité de se débarrasser de ses poils aux jambes. Encouragée par Maf, sa meilleure copine, elle se plie au soi-disant rituel de passage à l'institut de beauté. L'expérience étant franchement mauvaise, elle se met à chercher des alternatives pour gérer sa pilosité sans trop souffrir. Son séjour en Allemagne va lui donner l'occasion de rencontrer des femmes poilues qui le vivent très bien. C'est une révélation : s'épiler n'a rien d'obligatoire, c'est simplement la culture et la pression sociale qui le laissent penser. Omé opte pour la jachère, en plein de mois de juin... mais surtout au collège, où on n'a jamais intérêt à sortir du lot !   

Ce roman de Sophie Adriansen fait partie de La Brève (Magnard Jeunesse), une collection qui traite de sujets tendus chez les jeunes : stéréotypes, éco-anxiété, harcèlement, violences... En effet, Au poil parle avec humour _de façon un petit peu trop didactique à mon goût, mais c'est juste mon avis... des diktats qui pèsent sur l'apparence physique des femmes, et de ce foutu conditionnement qui les amènent à les véhiculer elles-mêmes : la mère et la meilleure amie de Salomé ne se demandent pas pourquoi elles font la chasse au poil. Elles le font, c'est comme ça ! 

Une histoire de l'épilation à travers les âges nous est présentée de façon claire et efficace ; elle pourra être lue en regard avec la super série documentaire Poilorama, que vous pouvez visionner sur Dailymotion. 

Si vous scannez le QR code situé sur la quatrième de couverture, vous pouvez écouter la version audio du livre, lue par l'autrice. Cette lecture sonore incluse est une spécificité de cette collection, qui me semble particulièrement intéressante pour des élèves de 13 ans et + allophones ou présentant des difficultés de lecture. Souvent, on ne trouve pour eux que des romans ou albums pour petits.

Question qui n'a pas rien à voir avec ce roman, mais avec un autre titre de la collection : est-ce que quelqu'un sait pourquoi il est impossible de se procurer Ni prince ni charmant de Florence Medina ? Il est marqué définitivement indisponible de partout... 

mercredi 14 février 2024

C'était y a dix ans, y a prescription !

Pendant des années, j'ai râlé contre l'existence de la Saint-Valentin ; je me suis attachée à dénigrer tout ce qui s'y rapportait, avec force soupirs et grimaces de dégoût. C'était une pure expression de mon seum, soit parce que j'étais aigrie de "me retrouver seule" à la date fatidique _et donc exclue de toutes les joyeusetés, soit parce que j'étais avec quelqu'un que je n'aimais pas. 

La quéquette, bien avant la Quête.

Avec le recul, je me rends compte que la seconde option était bien plus difficile à vivre et bien plus culpabilisante que la première. En effet, à une époque, j'ai eu la chance d'avoir à mes côtés quelqu'un qui avait des sentiments profonds pour moi, et je me sentais nulle d'être incapable de les lui rendre de façon honorable, en dépit de nos efforts conjoints. C'était quelqu'un pour qui j'avais une forte et sincère amitié, mais là n'était pas la question. C'était _et c'est toujours, j'imagine _quelqu'un de bien. 

Le cinéma a duré trois ans ! Trois ans à mentir, et à essayer de me convaincre que "ça viendrait avec le temps", comme disent les potes bien avisés. Mais la bouture n'a jamais pris racine, malgré l'eau, le soleil, le petit terreau qui va bien et une lecture approfondie du guide Rustica. Autant d'années amochées, à développer des angoisses et à ravaler nos frustrations respectives pour le bien de l'autre. A jouer le couple parfait. Quand ça veut pas, ça veut pas. J'ai été lâche du début à la fin : c'est même pas moi qui ai mis fin au carnage !


                                           A ceux qui assument pas leur copine / copain moche

Bref, tout ça pour dire que la vie solitaire n'est plus à mes yeux un synonyme de loose absolue. La plupart du temps, elle ne me dérange pas, bien au contraire. Bien sûr, il arrive que l'idée d'être seule me déprime parfois : faut pas charrier ! Mais une nuit de sommeil et quelques bornes en courant ont vite fait de balayer les idées sombres.  

Être avec quelqu'un qu'on n'aime pas vraiment.. alors là c'est une autre paire de manches. C'est triste, glauque H24, et ce même avec un excellent matelas. J'ai pas trop envie de me risquer à (faire) revivre cela, quitte à passer à côté de quelque chose.  


Déjà mise sur ce blog, mais je m'en lasse pas !

Pire ! Cohabiter avec une personne violente et/ou malveillante doit être terrible, et plus cruel encore que d'habitude, ces jours-ci. 

Que dire à ceux qui sont seuls parce que la mort a eu le malheur de passer par là ? Rien, si ce n'est qu'on est là si besoin.    

Pensée pour ceux qui sont en pleine séparation, et pour qui la fête des amoureux doit avoir quelque chose de malaisant cette année. 

Quant à ceux qui sont juste bien ensemble, profitez !! On est contents pour vous, bonne Saint-Valentin !!  




dimanche 11 février 2024

[BD] Deux romans jeunesse adaptés en bande dessinée : Momo petit prince des Bleuets (2023) et Babyface (2022)

Hasard des lectures, je suis récemment tombée sur deux BD jeunesse à la fois pleines de points communs et très différentes l'une de l'autre : Momo petit prince des Bleuets et Babyface. Dans les deux cas, on a affaire à une adaptation d'un roman écrit par deux autrices incontournables des CDI de collège et des sections jeunes des bibliothèques : Yaël Hassan, pour le premier ouvrage, et Marie Desplechin pour le second. Les personnages évoluent dans des décors urbains faits d'immeubles et de tags ; ils gravitent autour de lieux publics de socialisation : la bibliothèque, la supérette, la maison de quartier, l'école... Tous expriment un ennui ou un frustration de ne pas pouvoir aller ailleurs... pour l'instant. 

Pourtant, les jeunes héros (Momo et Nejma) ne risquent pas de se marcher dessus : ils ont le même âge _ils vont entrer au collège, mais n'ont pas du tout les mêmes occupations. Ils semblent avoir des caractères diamétralement opposés. Leurs destins jusque-là insignifiants vont être extraits de leur torpeur par la rencontre de quelqu'un qui va poser un regard bienveillant et valorisant sur eux.   


Momo petit prince des Bleuets 

Marc Lizano ; d'après le roman de Yaël Hassan 

Nathan, 2023. 96 p. ISBN 9782095003302

Résumé : 

C'est l'été à la cité des Bleuets. Pour Momo, les dernières grandes vacances avant l'entrée au collège s'égrènent le plus tranquillement du monde, jusqu'au jour où la directrice de l'école lui rend visite pour lui offrir une liste de livres à emprunter à la bibliothèque. Le garçon ne se le fait pas dire deux fois et saute à pieds joints dans l'univers de la lecture. 

Ses découvertes littéraires vont l'amener à croiser le chemin de Monsieur Edouard, un instituteur à la retraite qui saura l'encourager et qui le baptisera "Petit prince des Bleuets". Exploration de la capitale, fresques murales et découverte des classiques de la littérature : la rencontre sur fond d'amitié intergénérationnelle sera déterminante et l'été restera inoubliable pour Momo. 

Une chouette adaptation par Marc Lizano du roman de Yaël Hassan. La BD en photo ici m'a été prêtée par une collègue prof de français, qui m'en a dit le plus grand bien. J'ai beaucoup aimé aussi, les traits tout doux des personnages _il nous en faut bien de la douceur_, leurs "gros crânes" _comme disent les élèves, les couleurs vives qui mettent bien en valeur les décors urbains. L'histoire de Momo date un peu, mais elle ne se démode pas : elle nous rappelle que, si on a fini par prendre le pli de se méfier des mauvaises fréquentations, on en est venus à oublier qu'il peut y en avoir des bonnes, propres à nous tirer vers le haut.   

Les + : l'album se termine sur un petit dossier qui raconte l'élaboration de la bande dessinée par l'auteur, et notamment de la façon dont il s'est imprégné, puis détaché de l'œuvre d'origine. On peut y lire une interview de Marc Lizano par Momo, c'est marrant.  


Babyface 

Olivier Balez, d'après un roman de Marie Desplechin : Babyfaces (2010) 

Rue de Sèvres, 2022. 120 p. ISBN 9782810200290

Résumé : 

J'ai découvert un extrait deBabyface en feuilletant le petit magazine des éditions Rue de Sèvres, gentiment gratté au SLPJ de Montreuil, fin 2022. Ma première impression a été mitigée : d'un côté, le dessin et les couleurs m'en mettaient plein la vue _et ça m'a décidée à pousser plus loin la lecture ; d'un autre, le résumé ne me donnait pas trop envie car il avait l'air d'être un de ces bons scénarios bien déprimants dont la littérature pour la jeunesse à le secret. Je craignais que le tout ne soit généreusement imbibé de clichés sur la vie dans les "quartiers difficiles".

Finalement non, pas du tout. Enfin pas tant que ça,même si on commence fort : méchante, moche, grosse, pauvre, Nejma n'est pas gâtée par la vie. Son père est parti, sa mère travaille tard le soir, et elle se retrouve souvent seule après l'école, livrée à elle-même, à errer à la supérette du coin. Elle entretient une amitié toxique avec le petit Freddy, qui est aussi le narrateur, puisqu'elle lui rackette son goûter en même temps qu'elle le protège de la violence des autres gosses.

Lorsque les frères Fiores décident de dispenser des "cours de catch" aux enfants du quartier, l'excitation est à son comble : tous les petits veulent reproduire les exploits de Babyface, et des autres, comme à la télé.

L'engouement est tel qu'un accident se produit bientôt dans l'enceinte de l'école. Nejma, témoin et réactive, est désignée coupable d'agression sur l'enfant blessé. Même si elle se sait innocente, elle sait très bien que contre la parole des adultes qui l'accusent, elle ne peut pas grand chose. Comment ne pas partir en vrille, dans ces conditions ?

Une histoire bien plus surprenante que prévu, où on lève un tabou : les personnels de l'Éducation Nationale ne sont ni infaillibles, ni irréprochables _je me mets dans le lot bien volontiers. Je n'ai pas lu le roman donc pas de point de comparaison, mais cette bd est une belle découverte artistique et littéraire. Bravo à l'auteur d'avoir su peindre les décors urbains sans les rendre glauques.




Enfin. Deux jours complets de solitude, loin de toute interaction sociale. J'arrive déjà à me ménager des moments neutres et calmes au quotidien _j'ai cette chance inouïe de pouvoir le faire. Mais ça ne me suffit jamais. Je ne sais pas pourquoi, toute présence humaine à proximité devient fatalement insupportable, à plus ou moins long terme. Sans doute parce que je n'ai jamais eu à subir un "vrai" isolement bien pesant, sans perspective de retrouver de la compagnie un jour ou l'autre.