lundi 30 décembre 2013

Pitch Perfect - Jason Moore (2012)



Vendredi soir, veille des vacances de Noël, j'avais pas le moral. Mais vraiment, pas du tout. Pourtant, j'aurais du : tous les gens qui bossent dans l'Education Nationale ne vivaient que pour ce jour-là depuis des semaines ! De plus, mes séances avec les 5° et les 6° s'étaient relativement bien passées _petit jus de litchi aidant^^, malgré une gestion du temps encore bien approximative et un collègue... hum... pas super convaincu par l'utilité de l'IRD et du Projet Sciences.

Certes, j'avais eu le regret d'avoir à décliner une invitation à un repas au thaï avec les collègues, qui fut sans doute, même si on ne le saura jamais, un épisode charnière de la série  On prend un pichet de rouge ? S02X24, mais ce ne fut rien d'autre qu'une légère contrariété.

Non, ce jour-là, c'était l'enterrement d'un gars qui était dans ma classe, au lycée. Désolée de plomber l'ambiance du blog, hein, mais je vous assure que ça vous retourne, ces choses-là, quand bien même vous auriez le cœur fripé comme un vieux pruneau.

Un mec de mon âge, que j'ai vu tous les jours pendant trois ans. Avec qui je n'avais pas spécialement d'affinités ; à qui je ne me suis absolument jamais intéressé, avec qui je n'ai jamais réellement pris le temps de parler. Qui m'agaçait un peu, que j'avais parfois envie de boxer : c'est tout naturellement qu'on a pas gardé contact après le BAC. C'est con, y avait sûrement bien mieux à faire. A présent j'ai l'impression que mon souvenir de lui est beaucoup plus net que celui que j'ai gardé de certains de mes bons potes de l'époque. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est mort ou quoi. Mais pourquoi disserter là-dessus ? Y a plus rien à faire de toute façon, à part penser à sa famille, se dire : "quel dommage, quelle injustice" et éventuellement pleurer.

Il était 21h et j'avais beaucoup de mal à penser à autre chose. Se secouer, là, tout de suite, avant que la situation ne s'installe, parce que s'apitoyer ne nous le ramènera pas. Saisir un moment drôle, s'y fixer et tenir bon.

Le boulot, inévitablement, puisque j'y passe les 3/4 de mon temps.

Le CDI. Ma collègue assistante péda (future prof de maths)* et moi, en train de chanter devant une poignée d'élèves, qui ne savent pas s'ils peuvent se permettre de rire, ou pas.

On gueule (très mal, exprès) une chanson qu'on travaille avec la chorale du collège : When I'm gone, "Cup song", qui s'accompagne d'une espèce de chorégraphie avec des gobelets. Un chanson extraite de la BO d'une comédie musicale, Pitch Perfect. 

Se remettre dans l'ambiance de la chorale. Entendre ma géniale et survoltée voisine d'en face* (oui je le pense) dire que "c'est un film super", ou quelque chose dans le genre.

Sentir l'effet du Get 27 dans ma face. M'entendre ouvrir la bouche pour demander si c'est un film qui parle de brioches aux pépites, et la refermer en me disant que non, ça fait trop pitié comme vanne. L'alcool n'excuse pas tout.

Ladite comédie musicale. Trouver une bande annonce, voir si ça a l'air assez marrant ou pas. Ouais, ça a l'air. Le chercher en streaming, s'agacer, s'impatienter, le télécharger. En VO, avec les sous-titres... en anglais. Illégalement : faut pas abuser. J'achèterai le DVD seulement si le film me scotche, et honnêtement, là comme ça, j'y crois pas trop. Poser son cerveau et le regarder.       


"Bon, sinon, quand est-ce que tu nous parles du film (, bouffonne) ?"

Maintenant !  

C'est purement pour faire plaisir à son père que Beca vient d'intégrer la Barden University ; elle n'a pas plus l'intention d'aller en cours que de profiter de la vie d'étudiante. La jeune fille solitaire et quelque peu hautaine poursuit un autre rêve : se faire une place dans l'univers des DJs en se battant à coups de sons techno. Elle projette donc très logiquement de passer ses journées à créer des "remixes et des "mash-up" sur son Mac au lieu d'étudier.

Or, Beca sait très bien que lorsqu'on veut se faire connaître et se constituer un réseau, il vaut mieux se montrer un minimum sociable : elle se rapproche rapidement de la radio étudiante tenue par Luke, un type un peu décalé à qui elle propose ses créations, et écume d'un oeil lointain la Foire aux Activités de sa fac : saura-t-elle y dénicher un club de petits David Guetta en herbe ? Non point. Même s'il y en a pour tous les goûts, Beca ne trouve pas chaussure à son pied. Par contre, elle tape dans l'oeil de Chloé et Aubrey, deux membres des Barden Bellas, une chorale de chant a cappella exclusivement féminine.


Chloé, c'est la rousse.

Avant, les Barden Bellas formaient un groupe très sélect et défendaient leur répertoire vieillot en prônant le respect des traditions. Elles représentaient l'université au concours national de chant a cappella et pouvaient se permettre de refouler sans ménagement pas mal d'étudiantes attirées par leur prestige. Mais ça, c'était avant. Depuis, il y a eu cette désastreuse finale de concours pendant laquelle Aubrey a généreusement dégueulé sur le public en plein milieu de sa prestation, laissant s'envoler toutes chances de victoire. Autant dire que l'épisode a gelé la notoriété du groupe et généré les chambrages de rigueur : non seulement, plus personne ne veut faire partie des Bellas, mais en plus de ça, elles sont en proie à un foutage de gueule général. Les voilà réduites à recruter des filles bien loin de la perfection initialement visée, tant au niveau plastique que vocal. Parviendront-elles à vaincre enfin les arrogants Treblemakers, leurs homologues masculins et concurrents directs ?


Gros plan sur la Cup Song 

A l'issue du racolage commercial dont elle est la proie, Beca affirme simplement qu'elle ne sait pas chanter et décline poliment les propositions des Bellas, un peu à la manière dont on laisse les témoins de Jéhovah sur le pas de la porte.




Mais Chloe ne s'arrête pas à ce refus : elle piste Beca et finit par la coincer sournoisement dans les douches de sa résidence pour la convaincre de venir passer les auditions. Allez savoir pourquoi, la DJ se présente effectivement au test et éblouit son monde avec la fameuse Cup Song évoquée plus haut.

Au fait, l'héroïne est interprétée par Anna Kendrick. 
Bubulle, je pense que tu la connais.

Comme vous pouvez l'observer ici, les jonglages avec le gobelet servent avant tout à créer un rythme sur lequel la fille s'appuie pour chanter. Nombreux sont ceux qui s'amusent à reproduire la performance en y apportant des variantes. Visuellement, le résultat obtenu est fascinant...

Voilà : ça, c'est ... la version en rapport avec le film...

... ça, c'est ... magnifique ! 

.... ça, c'est .... irlandais...

et ça... c'est un peu moi...


... mais il n'en demeure pas moins assez galère à réaliser. D'ailleurs, voyant qu'après un mois d'entraînement quotidien au CDI, toujours avec ma collègue assistante péda*, mes efforts restaient stériles, j'ai été obligée de prendre des mesures radicales pour éviter que la situation ne stagne :

Faut jamais rester sur un échec.
Plus sérieusement, ça vaut le coup de s'accrocher : sachez que les gosses de la chorale réussissent très bien et s'éclatent à fond avec cette petite chorégraphie en plastique.

Sur ce, fermons la parenthèse et revenons à nos phacochères.


La dure vie des Bellas 

Beca devient donc membre à part entière de ce groupe de chanteuses aux caractères et aux qualités vocales disparates. Toutes sont tournées vers un objectif commun : battre ces cons de mecs des Treblemakers pour qu'enfin ils ferment leurs gueules., et en particulier Bumper, leur insupportable chef de file.




La guerre est déclarée ! Par conséquent, tout contact rapproché avec un gars de la bande à Bumper est prohibé, sous peine d'exclusion définitive des Bellas pour cause de haute trahison. Pourtant, les comportements hostiles manifestés ouvertement de part et d'autre n'empêchent pas le Treblemaker Jesse de draguer lourdement Beca en émettant cash l'hypothèse d'avoir des enfants avec elle. Ce qui reste, soit dit en passant, un des meilleurs moyens de faire tracer une nana jusqu'à la ligne d'horizon.




Sous la houlette d'une Aubrey à la limite du despotisme, les Bellas entament un entraînement vocal et sportif intense qui rappellera à certains des épisodes de la série Un Dos Tres... à la différence que, dans Pitch Perfect, les exercices "éprouvants" sont tournées en dérision : on reste bien ancrés dans la comédie (musicale, certes...) et ne se prend pas au sérieux.



Bien entendu, Beca s'insurge contre les chansons qu'elles vont devoir préparer, car elles lui semblent trop anciennes, mais en tant que nouvelle arrivante, elle n'a pas vraiment son mot à dire. D'autant plus qu'elle n'est pas suivie par ses copines de chorale. Sa tendance à se rebeller contre le système bien huilé des Barden Bellas ne risque-t-elle pas de nuire à son intégration ? La suite le dira.

Je m'arrête là, sinon on va encore me dire que je dévoile trop d'éléments du film (alors que non) ! 

L'originalité est ailleurs... 

De toute façon, que je vous raconte l'histoire en détail ou pas, vous verrez par vous même que le cheminement de l'intrigue de Pitch Perfect (sorti en France sous le titre The Hit Girls) est assez prévisible. Deux équipes rivales qui s'affrontent à coups de battles musicaux, une revanche à prendre, deux personnages qui sympathisent... Même pour quelqu'un qui n'est pas spécialement fan de comédies musicales, de séries télévisées telles que Glee, d'émissions de télé-réalité dans le style de Star Academy, A la recherche de la Nouvelle Star, et j'en passe, Pitch Perfect aura forcément un air de déjà-vu. Dès lors, comment faire la différence ?

Jason Moore a quand même su relever le défi ! Si le réalisateur de Dawson ne s'est pas gêné pour réexploiter le contexte du lycéen qui arrive à l'a fac, s'y paume, découvre les joies de la chambre partagée avec un(e) grincheux(se)...

Kimmi Jin, avec toute la grâce qui la caractérise...
... ou un(e) nympho...

Audrey (la colloc de Joey, Dawson S05X01)

 ... et part en quête d'une secte asso ou d'une "confrérie" aux codes aussi comiques que flippants, ...

.... telle que les Treblemakers (Pitch Perfect)

... ou les Sigma, les potes de Jack (Dawson, S05X03)
... il s'est essayé à quelques injections de fraîcheur dans son premier long métrage :

  • L'héroïne n'a pas vraiment l'âme d'une chanteuse. Alors que les héros de séries ou de comédies musicales se battent et se bouffent pour avoir le premier rôle, être les premiers de leur promo, Beca se greffe à la chorale parce que... tiens bonne question ! Bah, parce que Chloe l'a un peu tarabustée et aussi parce qu'elle a rien trouvé de mieux à faire ! C'est avec un léger mépris qu'elle considère l'enthousiasme et l'investissement de ses nouvelles copines. Bien entendu, elle finit par se prendre au jeu et par instiller le petit plus qu'elle porte en elle : son goût pour la musique électro, sa connaissance des titres actuels, sa capacité à "mixer".
  • Il est rare, me semble-t-il, qu'un réalisateur prenne le risque de mettre à l'honneur la techno, la trance. Dommage que cette nouveauté ne soit pas exploitée à fond. De même, le fait que la compétition de chant a cappella nécessite de la part des artistes une capacité à "tout faire avec la bouche" en l'absence d'instruments n'est pas vraiment mise en valeur. Mais c'était une bonne idée quand même.  
  • Amy ! Elle porte à elle seule les trois quarts des effets comiques du film. Elle est pleine d'autodérision sur son physique et parvient toujours à dédramatiser les situations tendues (plus ou moins volontairement, d'ailleurs). Je n'ai pas le souvenir d'avoir croisé un équivalent à ce personnage dans un autre film.




  • C'est assez rare pour être souligné : Pitch Perfect est un film sans cul. Autant dire que je trouve cela très appréciable ; en outre, l'absence de scènes d'amour et de sexe représentent un gain de temps inestimable : la durée du film reste en deça des 120 minutes _durée maximale supportable pour un film, à mon avis. La frustration des autres spectateurs pourra cependant se comprendre aisément : si Amy n'était pas là pour parler d'herpès, railler la coéquipière qui baise plus que la moyenne ou prendre des paris sur l'orientation sexuelle de Cynthia Rose, on pourrait croire que les étudiants de Barden ont tellement tout donné au lycée que niquer ne les intéresse plus du tout ! Quant à la pseudo histoire entre les héros, elle avance aussi vite que les travaux de rénovation de mon ancien bahut, c'est dire... Merde alors, bougez-vous un peu, même dans Loving Annabelle, il se passe deux-trois trucs à la fin ! En même temps, quand Beca aura chassé la Joey Potter qui sommeille en elle, autrement dit, quand elle saura enfin ce qu'elle veut, on pourra PEUT-ETRE songer à mettre de la monnaie de côté pour le paquet de capotes. Par contre, je suis déçue qu'elle se soit pas tapée la rousse, c'était plutôt bien parti.  
  • Ah ! J'avais jamais vu autant de vomi dans un film depuis La cité de la peur ! Je sais pas si c'est une donnée encourageante ou pas pour la suite de la carrière de Jason Moore au ciné, mais il fallait y penser... 



  • Enfin, c'est avec une grande joie que j'attibue à Pitch Perfect le Label Rainbow, réservé à toutes les oeuvres cinématographiques qui mettent en scène correctement au moins une fille ou un mec de la maison ! Par "correctement", j'entends : assez subtilement pour que l'effet produit ne sonne pas trop comme une présentation de bête de foire ni rameutage d'une clientèle ciblée pour mieux promouvoir le film.

Bon, Cynthia Rose est quand même un joli cliché ambulant, mais au moins, on ne lui met pas les projecteurs dans la gueule pour lui tirer les vers du nez... enfin si, à la fin, mais la scène tourne à la blague et on enchaîne très vite sur un autre sujet.

Attention, attention : le film est une adaptation du roman d'un certain Mickey Rapkin ; dans l'idéal, il faudrait d'abord le lire pour se prononcer sur la qualité du film. Mais maintenant que je connais l'histoire, je n'ai plus forcément envie de découvrir le roman : donc tant pis, je prends le risque d'être à côté de la plaque.

On pourra reprocher au réalisateur de ne pas assez creuser l'histoire, les personnages, de ne proposer que de courtes scènes chantées... mais la légèreté à parfois du bon. Pitch Perfect / The Hit Girls est exactement le film marrant et sans prise de tête à regarder quand on a passé une journée de merde. Comme cela vous arrivera forcément tôt ou tard, gardez ce titre en tête !


Pitch Perfect / The Hit Girls 
Jason Moore 
(Comédie musicale)
2012 
Universal 
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* Coucou Amélie !
* Coucou Val !
* Coucou Amélie (bis) !

jeudi 26 décembre 2013

Les blaireaux à l'assaut du pâté en croûte...



... Ou comment perdre 20 ans d'âge mental en 30 secondes ! 

Ayant reçu en cadeau de Noël le grandiose Calendrier de l'Avent Playmobil, je n'ai pas pu m'empêcher de me faire des films d'aventures entre les figurines et la bouffe.


vendredi 20 décembre 2013

Le retour des dessins (faussement) glauques



Croyez-moi ou pas, c'est donner de la confiture aux cochons que d'accorder trop d'importance à ce qui n'en a pas. Arrêtons de nous prendre la tête pour des conneries qui n'en valent pas la peine, gardons nos forces pour les vraies batailles : elles ne manqueront pas, c'est certain. Quitte à passer pour des je-m'en-foutistes apathiques. Ca vaut le coup de profiter de la vie à la manière qui nous va le mieux, sans réfléchir à tout, tout le temps. 

RIP, pote de TL.





jeudi 12 décembre 2013

Soil Vol.1 - Atsushi Kaneko (2011)


Tout à l'heure, à l'issue du club lecture _sournoisement rebaptisé "Découvertes au CDI" pour attirer plus de monde, ma collègue assistante péda* me disait qu'elle comptait faire don à l'établissement d'une série de livres. Son mec avait craqué pour une saga de type heroic fantasy avec supplément dragons avant de se se rendre compte que ça ne lui plaisait pas du tout. Résultat, il se retrouvait avec cinq ou six livres neufs sur les bras : quoi de plus frustrant ?

Rien, si ce n'est le cas contraire. Un dimanche matin avec ma putain , alors que je retournais comme une crêpe la bouquinerie de la rue Daguerre, seule dans le magasin et bercée par les délires des deux vendeurs, j'ai craqué pour Soil, un manga d'Atsushi Kaneko à la couverture plaisante. Quand on ne connaît pas, on n'a plus qu'à y aller au pif. Cela va peut-être vous choquer, mais mon ignorance en terme de livres à l'envers est telle que si Soil Premier de la liste n'avait pas été coloré en bleu pétrole, il n'aurait jamais fini dans mon sac ! D'autant plus que le second tome est rose, baaahh ! 

Petite photo de famille (disparue)

L'histoire 

Une fois n'est pas coutume, il s'est passé quelque chose d'étrange à Soil Newton : la famille Suzushiro a disparu, et pour de bon ! Pouf pouf ! Madame, Monsieur, leur fille et le hamster se sont évaporés dans laisser la moindre trace, si ce n'est l'énorme tas de sel qui a "poussé" dans la chambre de Mizuki, la fillette. Pourtant, ce sont des gens sans histoire, à l'image de tous les habitants de cette ville calme comme une mer d'huile. Autant dire que devant tant de mystère, l'émoi de la population est à son comble.

Le lieutenant Onada et le capitaine Yokoi sont dépêchés sur place pour mener l'enquête et résoudre cette drôle d'énigme. Il leur faudra faire preuve de professionnalisme pour ne pas être décontenancés par la perfection presque douteuse des lieux et des hommes du coin. L'intrigue va rapidement prendre une dimension étrange et sombre.


"Je crois qu'ils attendent qu'on s'en aille pour fermer..." 

N'appréciant pas spécialement les exploits de flics, je me suis limitée au premier volume des trois disponibles dans la boutique : pour un peu que ce soit nul ! Sauf que ce n'est pas nul du tout, bien au contraire, donc me voilà à présent contrariée de ne pas avoir la suite sous la main, et au taquet pour remédier au plus vite à cela. Quelle idée, aussi, de s'intéresser subitement aux mangas ? Peut-être qu'on mange trop asiatique avec les collègues, en ce moment, et que mine de rien ça nous influence ! Allez savoir. Il est vrai qu'on est plutôt bien équipés à Aulnay, entre le thaï, le chinois, et le japonais ; dans tous les cas, lorsqu'on est bien accompagné, les chances sont grandes d'assister à du spectacle. Mes profs à moi, ils valent une troupe de théâtre à eux-seuls, ils sont moins chers et surtout moins chiants. Pourtant, certains d'entre vous savent à quel point le théâtre m'indiffère, et connaissent mon incapacité à distinguer un artiste d'un mec bourré qui gueule. Cela devrait vous donner une idée de leur talent.

S. - Moi avant j'habitais rue Machin à Paris ! 
D. - Ah bon ? Mais tu sais qu'on a été voisines pendant longtemps sans le savoir ! J'habitais avenue Ducon ! 
V.- Pchtt Pchtt ! S., je suis ta mère !!! 

Là, c'était au japonais, un mercredi à midi. Bon, hors contexte c'est difficile de bien saisir l'effet comique mais sachez simplement que c'était une conversation aussi riche que drôle. Du maki au manga, il n'y a qu'un pas. Il suffit d'enjamber Dark Vador.


Désolée....

Eh, suis-je la seule à penser que le lieutenant Onada est de la maison ? 

Revenons à nos Bambis.

Soil est avant tout la mise en scène d'un duo policier on ne peut plus dépareillé évoluant dans une utopie qui prend l'eau. Si les premières planches suscitent l'interrogation en présentant des paysages divers qui n'ont en commun que l'espèce d'étoile filante qui traverse leur ciel, les premiers dialogues nécessitent plutôt d'avoir le coeur bien accroché. A plus forte raison si l'on est un tant soit peu féministe. En effet, notre premier contact avec le binôme d'enquêteurs est l'intérieur de la voiture censée les amener à Soil. La jeune Onada, lieutenant débutant et pleine de volonté, est au volant ; son front goutte à cause de la fièvre causée par la concentration, mais aussi parce que son collègue l'assomme de propos machistes, moqueurs voire insultants. A noter qu'elle ne se défend d'ailleurs pas trop mal en pointant régulièrement le sexisme du capitaine Yokoi.

"_Est-tu capable de courir comme une dératée derrière un suspect quand tu as tes règles ? Es-tu capable de regarder sans tourner de l'oeil le cadavre couvert de sperme d'une fille violée ? 
_ J'ai des règles très supportables et j'ai déjà assisté deux fois à des expertises sur des lieux de meurtres avec viol. De plus, Capitaine Yokoi, ça c'est du harcèlement sexuel. 
_Du harcèlement ? Parce que tu imagines qu'on peut fantasmer sur toi ? 

Si la question d'installer ce manga au CDI du collège a pu se poser un jour, autant dire que ce n'est désormais plus le cas !

Reconnaissons-le : Onada est quand même un gentil petit boulet et n'a pour elle que son envie de bien faire. Toujours transpirante de stress et d'empressement, la jeune lieutenant oublie sa propre personne derrière les enjeux du mystère. Pourtant, son attitude face aux personnages féminins, plus encore que le costard cravate et la pseudo barrette qui sonne faux, pourrait laisser croire qu'elle chasse sur les mêmes terres que Xéna ! C'est un point de vue spéculatif, certes, mais laissez-moi rêver jusqu'au tome 2, parce que ça serait tellement fun si elle pouvait s'en taper une ou deux au nez et à la barbe de son vieux porc de collègue !

Bizarrement, Yokoi ne lui reprochera pas trop son incompétence au fil des aventures, et leur collaboration semble finalement plus heureuse qu'on aurait pu l'imaginer au premier abord. L'homme a beau être détestable, le policier n'en est pas moins méthodique, direct et efficace. Il est le premier à soupçonner "le ver dans le fruit" qui mange la cité résidentielle encore neuve et prononce la réplique qui pourrait bien être la devise de la série :
"les gens normaux, ça n'existe pas !" 



Beaucoup écrivent ça et là sur le net que ce manga fait penser à Twin Peaks, mais comme je n'ai pas vu cette série, je m'en fous un peu et je me garderai bien de relancer le débat. Mes références télévisuelles me renvoient plutôt vers Wisteria Lane, mais ça ne me dérange pas. En tous cas, ça promet d'être glauque à souhait, sans toutefois trop en faire...

Le graphisme se distingue pas mal du manga tel qu'on se le représente : même si beaucoup de codes sont conservés (les yeux vides de dépit, les personnages rapetissés, agrandis, les expressions faciales), les visages sont réalistes et tracés par des lignes épaisses. On aime ou on n'aime pas. Personnellement, j'étais un peu froide au début, mais au vu de l'histoire je pense que Kaneko a fait le bon choix en sélectionnant ce crayon-là.


KANEKO, Atsushi. Soil T.1. Ankama Editions. 2011. Coll. Kuri. 226 p. ISBN ; 978-2-35910-131-7 

* Coucou Amélie !
   
 

         

dimanche 1 décembre 2013

La sélection Larme de Rasoir du CDI : Tout contre Léo - Christophe Honoré (1996), Anka - Guillaume Guéraud (2011), La liste des fournitures - Susie Morgenstern (2002)


Comme je sens que vous allez bientôt me dire d'arrêter de me lamenter et de bâcher tout le monde, j'anticipe par la dérision : alors qu'à Montreuil on vient de décerner les "Pépites" au Salon du Livre et de la Presser Jeunesse, j'inaugure dès maintenant la toute première édition de la Larme de Rasoir du CDI. Ce sera une sorte de "top déprime" des ouvrages de fiction qui constituent notre fonds documentaire. Autant dire qu'il y a le choix, parce qu'entre la maladie, la mort, le stress, les idées noires des héros ados, la littérature de jeunesse nous envoie tellement de situations réalistes dans la tronche qu'on ne sait plus trop si on doit se tailler les veines ou se pendre avec.

Les prix ont été démocratiquement décernés par moi-même, faute de mieux : insurgez-vous si vous n'êtes pas d'accord !

La Palme Tailladée ... 



... revient à Tout contre Léo, de Christophe Honoré. 

Voyant la journée internationale de lutte contre le sida approcher à grand pas (pour finalement tomber un dimanche), je me suis dit qu'il serait de bon ton de mettre en valeur les fictions parlant plus ou moins directement de ce virus qu'on n'a pas fini de combattre. La recherche dans le catalogue a déterré ce seul et unique roman publié en 1996 à l'Ecole des Loisirs : autant le lire, tant qu'à faire. Marcel, 10 ans, est le petit dernier d'une fratrie de quatre garçons. Ses parents et ses trois frères aînés le couvent jusqu'à putréfaction tout en le surnommant "P'tit Marcel". Mais bien sûr, il fallait qu'un drame vienne troubler la petite famille bretonne tranquille et unie : Léo, le plus beau des quatre, celui qui enchaîne les copines, a chopé le sida et se sait condamné. Marcel l'apprend en écoutant les conversations des "grands" et ne comprend pas pourquoi tout le monde s'obstine à lui cacher la vérité. D'ailleurs, est-ce que tout cela est bien vrai ? Léo n'a pas l'air malade ; et puis le sida, c'est bien une maladie de pédé, non ? Entre déni de la réalité et manque d'informations, l'enfant enchaîne les conneries.

J'ai toujours quelques appréhensions à lire des histoires racontées par un narrateur enfant, car on y reconnait souvent trop nettement la parole de l'auteur à peine voilée par quelques mots en verlan et deux ou trois vulgarités pas trop hard. Histoire de faire croire que c'est un gosse qui s'adresse à nous, avec sa petite voix de vieux sage. Sur ce point, P'tit Marcel ne fait pas figure d'exception, mais mon regard d'adulte m'empêche peut-être de rentrer dans le jeu : à mon avis, le jeune lecteur n'aura pas matière à se plaindre d'un héros "qui sonne faux". N'oublions pas que ce court roman est sorti en 1996, c'est à dire pendant une période où le sida était au centre de toutes les attentions. Tout comme Marcel, j'avais 10 ans à ce moment-là et autant dire que dans la cour de récré, il suffisait qu'un gars tombe et s'écorche le coude pour que l'ambiance tourne à la psychose : "l'approchez pas, vous allez choper le sida !". Mon pote Sylvain avait même menacé Rémi, le criquet au visage anguleux qui séchait tous les samedis matin, de le contaminer volontairement dès sa prochaine chute. Alors, si je me permets de citer Christophe Honoré pour le caractère plombant de son ouvrage, ce n'est que pour mieux valoriser sa démarche : il choisit d'aborder un sujet grave à travers le ressenti et l'incompréhension d'un proche, sans porter de jugement, sans faire culpabiliser qui que ce soit. "C'est la moindre des choses !" direz-vous. Certes, mais il y a 20 ans, ça ne l'était pas !





Le prozac d'or ...



... c'est pour Anka, de Guillaume Guéraud. Chacun a son chouchou : ma tutrice adore Mourlevat, je vénère Guéraud, les deux sont aussi désagréables l'un que l'autre, affirme-t-on ça et là. Mais comme dirait Nicole*, "on" est un con ! D'ailleurs, dans le cas où leur sale caractère serait avéré, est-ce qu'il ne vaut pas mieux avoir à faire à un vrai chieur plutôt qu'à un faux gentil ? A méditer ! Mais revenons à nos chevrettes. Anka est le dernier roman pour ado publié en 2012 par l'auteur de Je mourrai pas gibier. Il constitue rien moins que mon dernier craquage, puisque je l'ai acheté au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse (the famous), pendant que les 4° choisissaient dans quoi ils allaient bien pouvoir griller leur chèque-livre de 8euros. "S'il n'est pas trop trash, je le mettrai au CDI", me suis-je dit pour me donner bonne conscience, tout en sachant très bien que si, il le serait sans doute trop !    




Marco Fontan, 14 ans, est un apprenti looser : élève de troisième en pleine crise d'ado, sans projet d'avenir, perturbateur en classe, Marseillais, la totale ! Il avance péniblement ses devoirs de géométrie, bien au calme dans la maison familiale, lorsqu'on cogne à la porte. Des flics entrent, lui annoncent la mort de sa mère, et repartent aussitôt. Alors qu'il peine à réaliser la gravité de la situation, sa mère passe la porte d'entrée comme si de rien n'était.

Et là, je me dis : "ça y est, on est partis dans un délire à la Paul Auster avec quête de l'identité dédoublée puis éparpillée dans quinze personnes différentes, qui disparaissent pour réapparaître sous un autre nom !". En fait, pas du tout !

Les parents de Marco se voient obligés de lui révéler un secret familial vieux de dix ans : pour gagner quelques centaines d'euros, M. Fontan a magouillé un mariage bidon avec Anka Petrescu, une inconnue sans papiers. Pour la jeune femme, c'était la seule solution de régulariser sa présence en France. Chacun ayant tiré parti de la situation, ils se sont séparés pour ne plus jamais se revoir. Sauf que c'est Anka qui est morte, sous le nom de "Mme Fontan". Marco se passionne soudain pour cette mystérieuse femme rétamée à 29 ans par la tuberculose, devenue chômeuse et SDF : il tente de remonter son parcours en s'aidant du peu d'éléments dont il dispose.  

Nous voilà partis pour une lapidaire quête de 108 pages et 13 chapitres, intercalés de "morceaux" de la vie d'Anka, disposés de manière ante-chronologique depuis sa mort dans le parc jusqu'au jour du mariage. Oh, que voilà un judicieux procédé ! Au fur et à mesure que Marco court après son fantôme, Anka retourne sur ses pas. Que faut-il comprendre ? A vous de voir.


Difficile de critiquer Guillaume Guéraud : je n'ai pas encore trouvé d'écrivains qui sachent traduire aussi justement ce qui se passe dans la tête des jeunes paumés. Lire la pensée du héros et se dire "ah, j'aurais très bien pu prononcer les mêmes insanités quand j'avais quinze ans, j'aurais très bien pu avoir envie de cogner, de réagir comme lui", c'est à la fois fascinant et flippant. Est-ce parce que l'écriture est agréable, voire limpide, parce que j'adore les marques d'oralité dans les textes _du moins quand c'est instillé avec naturel_, parce que la scène de violence extrême finale est décrite avec une telle clarté qu'une vidéo n'y ajouterait rien ? J'en sais rien.

Cela dit, avoir mis Anka dans la sélection Larme de Rasoir avant-même de l'avoir lu laissait présager de la joyeuseté de l'intrigue. Guillaume Guéraud deviendrait-il prévisible ? Je dois bien reconnaître qu'en lisant son dernier roman, j'ai cru reconnaître le personnage principal de Je mourrai pas gibier, mêlé au héros de Blog (Jean-Philippe Blondel) et à celui de Paranoid Park (Blake Nelson). Et un poil de Quentin dans Quentin sur le quai (Françoise Grard). Ca fait un peu beaucoup. Le collégien ou le lycéen dans la moyenne, voire en dessous, perdu, indifférent à tout mais pas forcément innocent, pas toujours attachant, pas toujours sympathique...pourrait-il être, d'ici quelques années, le héros typique des romans ados ?


La corde de bois....


... de chauffage !!
Bah quoi, après tout, André Breton avait bien mis une photo de gant en plomb dans Nadja !

La corde de bois...

... étranglera gaiement La liste des fournitures de Susie Morgenstern.
Quand j'ai vu que nous avions ce livre au CDI, je me suis dit : non mais elle est sérieuse, là ? Quelle sorte de gosse pourrait bien être attiré par un livre intitulé La liste des fournitures ? Même moi, qui faisais croire à mes parents que j'aimais l'école pour me faire bien voir, je n'aurais pas poussé le focuisme jusqu'à emprunter ça à Monette ! Vous savez, la bibliothécaire à pustule ? Bref, peu importe.
Du coup, je l'ai lu.

Et 10 ans plus tard ...

... Cerise de GROUPAMA !!

L'histoire commence à la fin du mois de juin, dans une école. Emma, Ugo, Farida et Josselin sont quatre élèves de CM1 qui se connaissent mais qui ne sont pas dans la même classe. Leurs quatre profs respectifs viennent de leur remettre la liste des fournitures en vue de la prochaine année scolaire. Mais qui dit profs différents dit listes différentes : Emma s'émerveille déjà en lisant l'énumération des articles demandés par Mme Sylvie ; Ugo se sent lésé car Laure, la maîtresse, n'a pas pris la peine de demander quoi que ce soit pour la rentrée ; Farida va pouvoir rêver tout l'été de son prof Alexandre puisqu'il ne réclame ni cahiers ni crayons, mais des souvenirs de vacances. Enfin, Josselin est désarçonné devant la liste de la vieille et sévère Mme Plumecoq : c'est une suite de sentiments à définir par écrit sans utiliser le dictionnaire. De quoi stresser et réfléchir pour tout l'été ! Emma aura un mal fou à dégotter le matériel imposé par Sylvie, Ugo va s'inventer des fausses listes pendant deux mois en se demandant pourquoi il a une maîtresse aussi "débile", Farida tentera coûte que coûte d'apporter tous les souvenirs listés, et Josselin définira avec ses mots l'"intelligence", l'"amour", une "graine de folie"... mais sera-t-il compris ?

En tous cas, moi j'ai pas compris la fin de l'histoire... et visiblement je ne suis pas la seule.

Ou comment passer juillet avec l'école en toile de fond... L'utilisation du sujet est cependant plutôt ingénieuse dans le sens où on nous présente plusieurs types d'enseignants qui ont chacun leur manière d'exercer  leur métier, et dans la mesure où la "liste" sert surtout de fil conducteur au suivi des quatre enfants pendant leurs deux mois de vacances, également très éloignés les uns des autres. Comme vous l'avez compris, l'histoire ne m'a pas branchée outre mesure, mais l'écriture est agréable et l'ouvrage est bien illustré. Ce livre est, apparemment, souvent utilisé en classe de CE2 - CM1 comme lecture suivie.


La mention Chant du Cygne



...revient à deux romans hors compétition dont j'ai déjà parlé ici-même _ raison pour laquelle ils ne peuvent être nominés_ :

- Maboul à zéro - Jean-Paul Nozières
- Mongol - Karin Serres

HAUTS LES COEURS !!!!

Bibliographie : 

GUERAUD, Guillaume. Anka. Editions du Rouergue. Coll. "Doado". 2012. 108 p. ISBN : 978-2-8126-0302-0

HONORE, Christophe. Tout contre Léo. L'Ecole des Loisirs. Coll. "Neuf". 1996. 126 p. ISBN : 978 - 2211-037785

MORGENSTERN, Susie. La liste des fournitures. L'Ecole des Loisirs. Coll. "Mouche". 2002. 77 p. ISBN 978-2-2110-66006



* Une ancienne collègue du Mirail, spéciale dédicace !!