mardi 30 juillet 2019

Se droguer, c'est risqué : Family business (2019)


Dorénavant, le blog comportera une (énième) nouvelle rubrique : "Se droguer, c'est risqué". Cet intitulé fait référence à un vieux livre documentaire du même nom publié dans la collection Hydrogène des Éditions de La Martinière Jeunesse, au début des années 2000.

Les billets qui en feront partie seront axés sur la manière dont on parle des drogues dans les œuvres de fiction (romans, séries, films...). On essaiera d'aborder le sujet de manière sinon humoristique, au moins détendue, le but n'étant évidemment pas de promouvoir la consommation de substances illicites. Si cette initiative chiffonne les auteurs et l'éditeur du livre auquel j'ai choisi de rendre hommage, qu'ils n'hésitent pas à me le faire savoir.

Se droguer, c'est risqué
Marie-José Auderset
Jean-François Bloch-Lainé
Jean-Blaise Held
Christine Coste (illustrations)
Éditions de La Martinière jeunesse - Coll. Hydrogène - 2001

Comme c'est l'été et qu'on est nombreux à avoir plus envie de regarder la télé que d'ouvrir un bouquin, même moi, commençons pas une série, tranquillement !


Family Business est une série française produite par Netflix et disponible sur la plateforme depuis à peine un mois ; eh, je n'ai pas l'habitude d'être à ce point dans le coup ! Peut-être même que vous allez apprendre des choses, ici, pour une fois. La première saison a été réalisée par Igor Gotesman et compte six épisodes d'environ 25 minutes ; on sait depuis quelques jours qu'une deuxième est en préparation.

Résumé express 

Paris, de nos jours. Depuis la mort de sa femme, Gérard Hazan (Gérard Darmon) a du mal à relever la tête ; il tient à bout de bras une boucherie casher au cœur du Marais, avec l'aide ponctuelle de ses enfants. Il aimerait bien profiter de sa retraite, n'étant plus très jeune, mais ni Joseph (Jonathan Cohen) ni Aure (Julia Piaton) n'ont vraiment envie de prendre la relève. Tous deux ont leurs propres projets, certes bien foireux, mais en tous cas bien éloignés de l'affaire familiale : Joseph tente de vendre des applications pour smartphones a des entreprises, tandis qu'Aure se prépare à partir vivre à Tokyo. Alors, quand Gérard décide de passer officiellement le témoin à Joseph, ce dernier est plus embêté qu'autre chose.



Le hasard des rencontres va le mettre sur la route de Camille, une étonnante jeune femme ; elle va l'informer de la légalisation du cannabis en France dans un avenir très proche. Comment le sait-elle ? Son père n'est autre que le ministre de la Santé. Source fiable, donc. La nouvelle ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd ; Joseph a une idée, une de plus : pourquoi ne pas convertir sa boucherie en "beuhcherie" ? Il se voit déjà ouvrir le premier coffee shop français...

Evidemment, il va devoir faire face à pas mal d'obstacles : déjà, Gérard lui reprend la boucherie après une dispute. De plus, il a besoin de fonds, d'associés, de fournisseurs et d'un coup de piston pour lancer le projet, mais personne ne se sent prêt à s'engager dans une aventure aussi risquée (bizarrement), si ce n'est Olivier, son meilleur ami. Seule Camille veut bien les aider, mais, hum, elle a des conditions aussi chelou qu'elle...

Joseph et Olivier savent que le problème à régler en priorité est celui du local. Il faut que Gérard change d'avis, mais il est tellement vénère que personne n'arrive à le faire redescendre de ses tours, pas même la drôle et sage grand-mère Ludmila qui assure l'équilibre de la famille Hazan à coups de gueulantes. Ils jouent leur dernière carte en faisant appel à Enrico Macias, l'idole de Gérard. Le pire, c'est que ça va marcher. Je vais pas spoiler plus que ça, mais sachez que quelques joints (et un aller-retour épique à Amsterdam) plus tard, la beuhcherie est devenue une affaire de famille. 

Maintenant, y a plus qu'à être discret en attendant que la loi passe... sauf que les Hazan ne sont pas très forts à ce jeu-là, justement.



Le coin fumette 

On va pas cracher dans la soupe. Si la moitié des personnages s'étaient indignés devant l'idée de Joseph et avaient dit "oh pas bien de jouer avec la santé des gens", déjà y aurait pas eu de série, et en plus on aurait été les premiers à gueuler contre leur ton politiquement correct. Mais le fait est que dans Family Business, le cannabis est quand même traité de façon assez positive : c'est une très jolie plante verte qui passe bien à l'écran, qui provoque des fous rires, désinhibe assez pour dire aux gens leurs quatre vérités, pour prendre certaines décisions... Même les effets pervers de la défonce deviennent le ressort de gags plus ou moins bien sentis, pour ne pas dire relous, mais de gags quand même. On dirait que le seul défaut du cannabis est d'être illégal. Forcément, vu sous cet angle-là, on adhère à fond à l'initiative de cette famille de bras cassés dont le capital sympathie monte en flèche ! Bien joué !



La drogue, on en parle, on en parle, mais on la voit peu, finalement. Elle apparaît pour la première fois vers la fin du deuxième épisode, sous forme d'énormes joints ; ceux qu'Olivier file à Enrico Macias en lui faisant croire que ce sont des "faux" ; il veut qu'il les fume avec Gérard pour le convaincre que le shit c'est bon, inoffensif, thérapeutique, et que c'est porteur d'investir dedans. Souvenez-vous que Gérard a récupéré la boucherie, et qu'à présent, Olivier et Joseph doivent le rallier à leur cause pour espérer la transformer en bar à shit... Pour assurer la médiation, ils misent sur Enrico Macias, son idole.

Vient ensuite la fumée gris-blanche abondante, nébuleuse, qui flotte dans la boucherie et qui semble suivre Gérard jusqu'à Amsterdam, où il va découvrir les joies du chichon commandé à la carte sur fond de reggae.



Toujours à Amsterdam, Ludmila se fait une place dans la micro-entreprise en prenant en charge la partie culture grâce à Yohan le fleuriste, "un vieil ami", qui va également devenir leur fournisseur. On apprend par la même occasion que la grand-mère a un paquet de cash sous la main, ce qui n'est pas étonnant pour une mamie feuj, non ? Dans le même registre, on apprendra plus tard que la petite soeur planque des sous à l'intérieur de ses chaussettes, et ce moment marquera selon moi la mort clinique du respect dans cette série, ahah. Aure rejoindra sa grand-mère et, en s'informant sur Internet, elles deviendront toute deux les jardinières attitrées. Elles superviseront consciencieusement le bien-être des plants stockés dans grange de la demeure familiale. C'est assez marrant de voir que, sans même qu'on assiste à une quelconque répartition des tâches, les femmes se mettent d'elles-même au second plan et s'affairent à une besogne nécessaire mais ingrate, tandis qu'aux hommes reviennent les échanges commerciaux, la spéculation, le danger...



J'en profite pour poser là mon paragraphe "féminisme à prix discount". Sur Internet, les critiques de Family Business ne sont pas toujours très bonnes. Les téléspectateurs se plaignent notamment de la pauvreté de l'action et de la mise en scène de personnages stéréotypés. Peut-être à juste titre, je ne juge pas, même si je trouve qu'on a fait largement pire en France ces dernières années. Cf. Plus Belle La Vie, cette série fleuve qui ne raconte rien mais qu'on suit tous les soirs depuis plus de quinze ans. Non, moi je m'en fous un peu des défauts d'interprétation de Jonathan Cohen, de ses mythos tirés par les cheveux et de ses blagues pas drôles. Ce qui m'intéresse, c'est la vie sentimentale de la sœur la question de la culture du cannabis en sous-sol ! Mais j'ai aussi constaté que, pour ne pas faire chuter cette nouvelle production Netflix qui ne vole pas haut, les internautes avaient tendance à s'appuyer sur les personnages féminins, en disant qu'ils étaient assez hauts en couleur et plutôt réussis : Camille joue fort bien la folie et/ou la fille perchée, aussi flippante qu'attachante. Son jeu me fait vaguement penser à celui de Marion Cotillard dans Dikkenek, vous savez : "La schnouf, c'est un fléau !"



Ludmila est une matriarche en pleine rebellion, ce qui ne l'empêche pas d'avoir le coeur sur la main lorsqu'elle essaie de compenser l'absence de la mère auprès d'Aure et de Joseph. Aure, c'est la fille sage, posée, pragmatique, qui empêche les autres de partir en vrille au détriment de son propre épanouissement. Vient enfin Aïda, la petite amie de Joseph qu'il fait trop souvent passer au second plan parce qu'il n'assume pas de sortir avec. Ok, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, mais la logique voudrait qu'elle se barre ! Oui, à côté d'elles, Joseph, Olivier, Gérard et les autres sont de gros gamins qu'elles gèrent et qu'elles canalisent fort bien : ces femmes sont vraiment braves... elles sauvent la série. Eh bien, j'avoue que ça me pose un problème d'essayer d'adopter ce point de vue. Parce qu'elles sont bloquées par les hommes de l'histoire, engoncées, trop occupées à rattraper leurs boulettes. Elles sont les éternelles nourrices _sans jeu de mot, et ne peuvent pas prendre leur envol à cause de ça. Vous allez me dire que c'est le lot d'une majorité de femmes dans le monde réel, et vous aurez raison. Pour ma part, c'est le seul aspect de Family Business qui me chiffonne vraiment.

Revenons à nos moutons.

La "serre" des Hazan _ qui décidément semblent avoir la main verte_ évoque la féerie d'un marché de Noël en nocturne...



Dans le quatrième épisode, on voir Gérard Darmon et un de ses amis utiliser un tube et une pipe en verre ; je ne suis ni cinéphile ni sériophile, mais il me semble que ce mode de consommation du cannabis est beaucoup moins fréquent que le joint ou le spacecake. Par conséquent je préfère le mentionner.



Enfin, soulignons que le "vrai family business", à la base, c'est la boucherie Hazan. La transition va se faire dans la douleur pour les parents comme pour les enfants, quoi qu'ils en disent, et le vocabulaire met en évidence la difficulté à tourner la page : l'âme de la boucherie ne subsiste-t-elle pas à travers le mot "beuhcherie" ? Lorsqu'elle prend le contrôle de la serre, Ludmila parle de "pastraweed" pour désigner les plants, si je ne me trompe pas. Sinon dites-moi. Dans tous les cas, ce néologisme issu de "pastrami" (un façon de préparer la bidoche, apparemment, au moins j'aurai appris un truc) et de "weed", est validé par tout le monde ; Aure se montrant particulièrement enthousiaste. On évolue, mais on ne coupe pas le cordon ! On n'oublie pas d'où on vient ! C'est beau.

Série à voir, ou pas ? 

Entre ceux qui applaudissent avec les pieds et ceux qui jettent des fruits pourris sur Family Business, il n'est pas évident de se faire une opinion. En fait, tout dépend de ce que vous, vous attendez de cette série. Si vous êtes amateurs du suspense, de satire sociale poussée, si vous êtes à l'affût du Breaking Bad français, forcément vous allez plaindre votre abonnement Netflix. Par contre, si vous êtes en vacances et que vous avez la possibilité de laisser votre cerveau en jachère pour les trois prochaines heures, allez-y, vous passerez un bon moment.


Verdict 



On aime...

  • ... le format court - Forte de ses six épisodes de 25 minutes, cette série comique sans prise de tête ne vous fera peut-être pas rire, mais ne vous laissera pas non plus le temps de vous consterner. L'air de rien, c'est aussi ce qui fait qu'on a envie de regarder jusqu'au bout, même si on n'est pas super fan. 
  • ... l'absence de tensions entre Arabes et Juifs ; ça nous a pas manqué ! 
  • ... le jeu de mots sur le titre du deuxième épisode : "Les porcs d'Amsterdam", ainsi que sa corrélation avec la scène d'ouverture du troisième épisode... Le scénario est globalement prévisible, mais pour le coup j'ai vraiment été surprise à ce moment-là ; ça m'a bien fait rire. 



On a moins aimé...


  • Les clichés - Allez, faut reconnaître qu'il y en a quand même pas mal. Entre le pieds-noirs fan d'Enrico Macias, l'arabe qui sort de taule pour trafic de drogue, celui qui conduit un Uber et qui pense que "Anne" et "Frank" sont deux personnes différentes... c'est marrant deux minutes. 
  • Quelques retournements de situations bien pratiques, mais improbables - Sans spoiler, on peut quand même dire que la saison 1 finit en queue de poisson ; un peu comme si les scénaristes s'étaient dit : "allez, on a traîné sur les quatre premiers épisodes, on en a plus que 2, faut qu'on trace pour boucler tous les problèmes existentiels des personnages avant la fin du 6". Du coup, certains personnages changent radicalement d'avis sans problème, ça arrange bien tout le monde sauf le spectateur. 
  • Les mythos improvisés ; je ne sais pas pourquoi, je trouve que tout ce que le personnage de Joseph Hazan raconte sonne faux, même si on sent qu'il y a un vrai boulot d'acteur derrière. Je dois avoir un peu de mal avec le personnage que s'est forgé Jonathan Cohen au fil du temps. 

Family Business Saison 1 - 2019
Igor Gotesman 
Netflix 
Genre : comédie 
6 épisodes 

mardi 23 juillet 2019

Dans la série "J'ai payé, merde !" : Poldark - Saison 1 (2015)

Après avoir écumé le portail de Netflix, j'ai tapé "Écosse" dans le moteur de recherche. Ouais, je fais une fixette sur l'Ecosse en ce moment, allez savoir pourquoi. La série Poldark est apparue dans les résultats, ce qui est à la fois étrange et marrant car les huit épisodes de la saison 1 se jouent dans les Cornouailles, et non en Écosse. Alors soit l'algorithme s'est dit : "allez, l'Angleterre c'est à côté, c'est presque pareil, ça peut passer...", soit les personnages vont migrer au nord plus tard dans l'histoire. 

Du coup, j'ai commencé à regarder, sans grande conviction, le descriptif de Netflix et les toutes premières minutes ne me faisant pas vraiment rêver. Cela dit, toute oeuvre a droit à sa chance.



Poldark - la saison 1 racontée en version express (ou pas)    

Ross Poldark est un type bien, mais il est un peu trop remuant et insolent pour l'Angleterre de 1783, où tout n'est que bonnes manières, mariages de raison, amitiés stratégiques, travail acharné et gros sous planqués dans des coffres forts. Quelques erreurs de jeunesse lui ont valu d'être envoyé en Amérique pour prendre part à la guerre d'indépendance, histoire de lui faire les pieds. Il subira une grave blessure sur le champ de bataille qui retardera son retour sur ses terres natales. Mais il reviendra pourtant, le visage marqué d'une petite balafre stylée très peu cohérente avec le semi-arrachage de tête qu'il a vécu quelques scènes plus tôt.




Peu importe. Il fait une arrivée d'autant plus fracassante que tout le monde le croit mort depuis des lustres ! Du coup, les retrouvailles sont compliquées. Ross apprend que son père, respectable propriétaire minier, est mort pendant son absence en lui laissant plein de dettes. Son oncle George n'est pas franchement enchanté de le voir réapparaître, car une âme de moins aurait fait ses affaires : il aurait pu mettre le grappin une bonne fois pour toutes sur l'intégralité des biens des Poldark et en faire bénéficier son fils Francis. Lequel en passe de se marier avec Elizabeth, qui n'est autre que l'ancienne copine de Ross. Dépité, le rescapé rentre dormir dans la maison déserte de son père. Enfin déserte, pas tout à fait : Jud et Prudie, les domestiques, squattent les lieux et semblent s'accommoder fort bien de la compagnie d'animaux dans leur chambre à coucher. Bref, la loose totale. Ross déprime ; mais pas pour longtemps. Il sait que quand on touche le fond, on ne peut que remonter.



Deux ou trois levers de soleil plus tard, Poldark est remotivé : il va relancer la mine de cuivre, même si c'est un peu la crise à ce moment-là, et redonner du travail à tous ces jeunes mineurs avec qui il a passé sa jeunesse à batifoler, et qui le considèrent comme un frère. Ouais, il est comme ça, Poldark, il est né du bon côté de la barrière, mais il est nature ! ça le dérange pas de défricher lui-même son devant de porte et de serrer la pince à des gens sales et mal habillés.

"et la famille ?"

Bref, un jour, tonton Georges vient mettre un coup de pression car il le sent un peu trop enthousiaste. Tellement, même, qu'il se demande s'il ne pourrait pas réussir, en fin de compte... Il lui tape sur l'épaule en lui disant : "Écoute mon petit, je te connais, la campagne c'est pas pour toi, t'es un malin, tu mérites mieux, va faire ta vie à Londres et laisse les mines à ton cousin." Ce à quoi Ross répond : "Ouais ouais, mais non, je reste ici.", et l'aventure peut commencer. Il rachète la mine de Leisure, avec l'aide de quelques associés prêts à miser quelques livres sur son projet audacieux.


"Tu sais, tu devrais partir...
_ Non.
_Je te le dis autrement : casse-toi !
_ Non.

Parallèlement, il se lie d'amitié avec une paysanne nommée Demelza qu'il rencontre en faisant quelques courses au marché. Pour être exact, disons que la jeune femme est en train de se faire bastonner par quelques bonhommes car elle n'a pas accepté qu'ils s'emparent de son chien pour le donner à manger à un autre chien. Ross la sauve en jouant de sa canne d'aristo et s'apprête à la raccompagner chez elle, vu qu'il est à cheval et qu'elle habite dans le village voisin. Mais elle lui confie qu'elle n'est pas très chaude pour rentrer à la maison car son père et ses frères la fracassent. Il lui propose donc de travailler pour lui en tant qu'aide-cuisinière, ce qu'elle accepte sans savoir qu'elle va aussi se faire bolosser par cette pochtronne de Prudie.

"Qu'est-ce que je pourrais bien faire, là, maintenant, pour emmerder mon monde ?"

L'épisode 1 se termine de manière surréaliste car le père de Demelza rapplique sur la propriété Poldark avec tout son village pour récupérer sa fille, qui ne sera pas la pute d'un gentleman, qu'à cela ne tienne ! Ross se fait défoncer par les gueux, finit en sang, mais il gagne quand même la partie contre toute attente, sans qu'on comprenne à partir de quand il a pris le contrôle de la situation. On comprend bien que ses propres paysans sont venus lui filer un coup de main sur la fin de la baston, mais c'est clairement pas eux qui ont fait la différence. Une fois que la maison est retournée, tout le monde reconnaît la supériorité du Poldark et lui serre la main : c'était un beau match, vraiment ! Ils rentrent chez eux, et Demelza sort du placard où elle s'était rangée. Je ne vous cache pas que cette scène m'a paru tellement capillotractée que je me suis demandée si j'allais enchaîner sur le deuxième épisode. Mais allez, ne soyons pas mauvaise langue : ç'aurait été dommage de s'arrêter là.

La nouvelle de l'embauche d'une nouvelle cuisinière chez Poldark fait jaser, car il n'est pas marié, elle est pas trop mal, et ils rigolent beaucoup ensemble. Et puis d'abord, comment il la paye, lui qui n'a pas un rond. Mais Ross n'est pas un goujat, sachez-le : non, il ne couchera pas avec son employée. Pas avant l'épisode 3, en tous cas.

Cousin Francis se montre favorable à une co-gestion de la mise de Leisure, jusqu'à ce qu'il se rende compte que Ross et Elizabeth sont toujours en très bons termes, et même en très très bon termes. Sa jalousie a le dessus. Ce premier micro-événement marque le début d'une longue série où les décisions professionnelles et/ou impliquant un grand nombre de destins seront guidées par les sentiments de trois pelés.


Dans ce deuxième épisode, on se penche un peu plus sur le cas intéressant de Verity, la gentille soeur vieille fille de Francis, qui rend tellement de services à tout le monde que personne n'a réellement envie qu'elle se case : ça la rendrait beaucoup moins disponibles pour toutes les tâches à la con dont elle doit s'acquitter. Manque de pot pour son vieux père, elle rencontre Blamey, un capitaine au lourd passé ! c'est le coup de foudre. Personne ne valide cette relation, sous prétexte que le marin aurait tué sa femme.

"Oui, j'ai tué ma femme, mais... c'était un accident !"

Seul Ross semble décidé à les aider et leur prête sa maison pour qu'ils puissent faire connaissance de manière plus approfondie, mais Francis découvre le pot-aux-roses et fait irruption chez lui pour agresser les amoureux. Le duel est inévitable ; on va découvrir à ce moment-là que Demelza possède des compétences d'infirmière non négligeables...

... et bien plus efficaces que les talents d'avocat de Poldark. Au cours d'une troisième épisode particulièrement dense, ce dernier doit tirer du pétrin son ami Jim, un jeune mineur asthmatique qui s'est fait choper en train de braconner. Ross fera irruption au procès, retournera la salle et passera un bon savon au juge pour lui rappeler ce que sont la justice et les maladies respiratoires ; le magistrat lui répondra que oui, pauvre garçon, mais bon c'est la vie, foutez-moi ça en prison !

A part ça, les beaux jours reviennent, annonçant la saison des mariages et des gosses : Elizabeth accouche d'un fils, Geoffrey-George _c'est sûrement son bizut de père qui a choisi les prénoms. Le même jour, l'oncle George fait un malaise et demande à Francis de se bouger le cul professionnellement car il sent qu'il ne fera pas de vieux os. Que va devenir la mine si son seul fils ne parvient pas à prendre la moindre initiative ?

Pour finir, comme spoilé plus haut, Ross couche avec Demelza en mettant en avant un argument imparable : quand on ne peut pas faire taire une rumeur, autant lui donner raison ! C'est une manière de voir les choses.

"Est-ce bien le mien, d'abord ?"

Poldark a des principes : quand il se tape une fille, il assume jusqu'au bout et l'épouse (épisode 4). Autant dire que son mariage précipité avec Demelza est une surprise pour tous, y compris pour l'heureuse élue. En effet, passer de Cendrillon à maîtresse de maison n'est pas évident pour. Comment manager des serviteurs quand on a passé sa vie à recevoir des ordres ? Ross se fout des possibles réactions de son entourage, du qu'en dira-t-on et du malaise de sa femme, qu'il perçoit à moitié sans vraiment le comprendre. Il devrait s'inquiéter pourtant, car ses amis investisseurs se demandent si leur choix de le suivre dans son aventure minière ne relève pas de la faute stratégique. Est-il bon et profitable d'encourager un homme qui prend plaisir à faire outrage aux codes de la bonne société ? Dans le doute, certains préfèrent se désengager.



Tonton George tombe et ne s'en relève pas ; Francis est projeté sur le devant de la scène bien plus tôt que prévu. Toujours jaloux de Ross pour plein de raisons, inquiet de ne pas arriver à gérer le lourd héritage que représente la mine de Gambling, il canalise ses angoisses en jouant et en allant aux putes assez fréquemment. Par conséquent, il délaisse sa femme et son enfant ; Elizabeth se doute bien de ce qui se passe, mais choisit de se boucher les oreilles en chantant lalala quand les on-dit arrivent jusqu'à elle.

La gentille Verity prend Demelza sous son aile et tente de lui apprendre les bonnes manières pour qu'elle fasse illusion lors des prochains repas de famille. L'épreuve de mise en application arrivera en même temps que la neige, à Noël _ouais, on a de bonnes grosses ellipses entre certains épisodes. Elizabeth se montrera plutôt bienveillante envers celle qu'elle pourrait considérer comme sa rivale, mais c'est bien la seule. D'autres aristocrates tenteront de mettre la jeune paysanne mal à l'aise, or Demelza s'en sortira avec un pirouette qu'il vaut mieux que vous découvriez par vous-même. Je précise que ce n'est pas sexuel. A la fin de l'épisode, elle apprend à Ross qu'elle est enceinte à son tour, ce qui tombe bien puisqu'ils sont en train de réaliser qu'ils s'aiment vraiment bien, en fait !

Je ne sais plus trop si c'est avant ou après, mais Poldark et ses associés habituels entreprennent de monter leur propre fonderie, histoire de rentabiliser le cuivre remonté de leurs mines. Malheureusement, les Warleggan _aka les (vrais) méchants de la série_ vont lui mettre les bâtons dans les roues. Cette famille de banquiers désireux de compenser leur statut de "parvenus" par la richesse va prendre en grippe l'homme aux trop bonnes idées. A leur tête, on retrouve le jeune George (encore un George ! on va finir par se perdre !), une petite teigne qui vendrait sa mère pour trois piécettes et qui a été assez malin pour devenir l'homme de confiance du cousin Francis... 



Le cinquième épisode est marqué par 1/ la naissance de Julia, la fille de Poldark 2/ l'arrivée de son ami de longue date, le docteur Enys, un BG célibataire très efficace et très remarqué. D'autres événements un peu fous se produisent, on sent qu'on se dirige à grands pas vers la fin de la saison et que le rythme s'accélère. Je ne dirai pas tout, au cas où certains d'entre vous voudraient encore regarder cette série, en dépit de tous mes spoils. Sachez juste que Ross fout sa femme dans la merde en invitant au baptême les deux familles de la petite Julia _on se souvient de la dernière visite du père de Demelza, et que Francis joue sa mine aux cartes. Et perd la partie. Parallèlement, le cuivre se vend mal, les ouvriers ont faim et les émeutes éclatent ça et là. C'est la crise.



Si vous trouvez que c'est moyen de ma de stopper le résumé ici sous prétexte de ménager le suspense, alors qu'il ne reste plus que trois épisodes, dites-vous bien que les coups de théâtre nous arrivent à la fin. Une fois le décor et le contexte social plantés, on sent clairement le changement de cadence _sans que cela semble bâclé pour autant. Certes, l'action devient un peu plus dure à suivre et demande un visionnage plus attentif qu'au début de la série, mais elle reste cohérente et c'est le plus important. 

Verdict 
Bien que je n'aime pas du tout l'univers dans lequel se déroule la série, j'ai voulu regarder la première saison jusqu'au bout pour savoir si je pouvais la conseiller à ma mère. Il se trouve qu'elle adore les histoires de servantes maltraitées à coups de trique et prêtes à mourir de froid pour veiller toute la nuit sur les enfants d'aristocrates au teint de lait, à l'abri des murs sombres et suintants d'un manoir anglais du XIX°siècle. Dans lequel riches et pauvres succombent tous à la même peste bubonique, à la fin. Chacun ses goûts.

J'aime 



  • Poldark a des poules dans son jardin, et même dans sa maison. On les aperçoit par trois fois dans le premier épisode, et ensuite plus vraiment. Sûrement la faute à Demelza... 
  • Un héros qui se moque des apparences et des bonnes manières, ça fait jamais de mal ! Les premières séquences mettant en scène Ross Poldark dans la "haute société" m'a rappelé le personnage de Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent : un type déjà trop occupé à contenir sa violence intérieure pour mettre en pratique des codes appris tardivement. En fait, les deux figures sont très différentes ! Poldark a baigné dans un environnement d'aristos où le moindre faux pli de la manchette peut être pris pour un marque d'insolence. Il connaît tous les codes et les maîtrise parfaitement ; c'est juste qu'il s'en fout, et qu'il adore montrer qu'il s'en fout. Cette facette du personnage de Ross Poldark me semble vraiment très bien traitée.  
  • Les femmes de la série parviennent souvent à prendre leur place et à sortir de leur condition _ merci à Graham, l'auteur des romans qui ont inspiré la série télé_ : Demelza, capable de se travestir pour exister sur la place du marché, et de s'adapter à sa nouvelle vie ; Verity saura elle aussi dévier de son chemin tout tracé de vieille célibataire, tellement pratique quand on a besoin de quelqu'un pour s'occuper des gosses et des vieux. 
  • On n'a pas besoin d'être esthète de formation pour remarquer que les paysages sont magnifiques. Je ne dis pas que c'est ce qui fait la différence entre une série qu'on regarde jusqu'au bout et une série qu'on abandonne au milieu du champ, mais vraiment, l'image vaut le coup d'oeil. Je tiens à le souligner. 


Je n'aime point... 


  • Poldark reste quand même un héros trop parfait : brave, talentueux, juste, audacieux, capable de faire un usage à peu près raisonné de ses poings, capable de trouver du cuivre alors que c'est la dèche et du travail à ses amis d'enfance,... Même quand il échoue dans ses différentes entreprises, même quand il fait des boulettes, ben on ne peut pas lui en vouloir car c'était pas vraiment sa faute. En plus, il est bon aux cartes et tient bien l'alcool : il nous énerverait presque ! D'ailleurs, on n'a jamais compris comment ça se faisait que Ross, sa famille, ses personnes de service ne crèvent pas de faim littéralement, et comment il faisait pour rémunérer ses ouvriers à un meilleur taux que son cousin pété de thune, sachant qu'il est censé n'avoir reçu que des dettes en héritage. Mystère. 
  • J'ai eu beaucoup de mal avec Elizabeth, alias la première copine de Poldark, finalement mariée au calme et riche cousin Francis. Déjà, ses airs de biche apeurée qui ne sait pas si elle doit traverser la route ou pas m'ont pas mal agacée. Et vas-y que je mette un mur à mon ex en jouant la carte de la raison, et vas-y que je revienne lui tourner autour deux jours après... Cela dit, il faut reconnaître que ce personnage évolue sensiblement et devient presque attachant, au fil des épisodes. C'est l'inverse avec Francis, qu'on trouve sympa au début, ou du moins qu'on prend en pitié tellement il fait pâlichon à côté de son cousin charismatique, et qu'on finit par détester au fil des événements. Son manque de personnalité a indéniablement laissé de la place à sa connerie, mais vraiment. C'était nécessaire de lui coller cette tête de bizut ? Bref, je n'ai pas réussi à prendre au sérieux ces deux pièces maîtresses de la série, mais c'est très personnel. 
  • La saison 1 compte 8 épisodes de 50 minutes, clairement délimités, faits pour être regardés d'une traite ; alors tout dépend des préférences des spectateurs et des capacités de concentration de chacun, mais il faut savoir ceci : le mieux pour bien suivre Poldark, pour ne pas en louper une miette, c'est de se poser devant et de ne rien faire d'autre. 


Si vous aimez les séries historiques qui prennent un peu le temps pour démarrer, Poldark vaut vraiment le détour. Par contre, si vous n'adhérez pas à l'ambiance lutte sociale dans les Cornouailles au XIX°siècle, peut-être vaut-il mieux passer votre chemin.


Poldark 
2015 
Création : Debbie Horsfield 
Royaume-Uni - BBC One 
Série adaptée des treize romans de la saga Poldark écrite par Winston Graham




samedi 13 juillet 2019

Lectures de vacances : Le voyage de Mémé - Gil Ben Aych (1982) / Le jour du meurtre - Hubert Ben Kemoun (1996)


Quand tu vis en hauteur et en Seine-Saint-Denis, tu as la chance de pouvoir admirer quatre feux d'artifice différents, le soir du 13 juillet. 
Mais ça évidemment, personne n'en parle !



Bien que je les sorte et que je les range régulièrement, je ne suis toujours pas en mesure de dire que j'ai lu "tous les livres" du CDI. Quoique les deux dont nous allons parler aujourd'hui sont relativement anciens et n'ont pas été empruntés depuis un bout de temps. Est-il temps de les désherber ? Pas encore, je pense. Au contraire, ils gagneraient à être mis en valeur, car les messages qu'ils véhiculent sont encore très actuels. Lisez-les, vous me direz bien. Moi, j'ai un mal fou à pilonner les fictions... 

Le voyage de Mémé - Gil Ben Aych (1982)

Promis, je ne vous saoulerai pas avec mon arrière grand-mère !
Même si j'en ai bien envie.

Nous sommes en 1962 ; Simon, ses parents et sa grand-mère vivent au nord de Paris. Quelques années plutôt, pendant la guerre d'Algérie, ils ont quitté la petite ville Tlemcen et s'adaptent à leur nouvelle vie. Comme d'autres membres de la famille vont bientôt les rejoindre en France, ils s'apprêtent à déménager un peu plus loin de la capitale, à Champigny.  

Déménager les meubles, c'est une chose ; aller d'une ville à une autre en métro et en bus, c'est largement faisable. Par contre, faire bouger Mémé de son ancienne maison vers une nouvelle, ça c'est une tâche compliquée. En effet, la vieille dame a plus de mal que ses descendants à s'acclimater ; elle refuse notamment de se déplacer autrement qu'à pieds, car les transports en commun lui font peur et la rendent mal à l'aise. Et quand Mémé ne veut pas faire quelque chose, il est inutile d'essayer de la faire changer d'avis. Alors on confie à Simon la lourde mission de faire Paris - Champigny à pieds, "bras dessus bras dessous" avec Mémé ; c'est le début d'une odyssée de 20 km et de plusieurs heures dans la capitale. 

Je me tenterais bien leur petit pèlerinage..
Qui m'aime me suive !

Comme on s'en doute, Simon et sa grand-mère vont profiter de ce périple pour échanger sur leur vision du monde, sur le choc des cultures et des générations. Bien sûr, la société a bien changé depuis les années 1980, mais quiconque ramène en ville un parent un peu âgé et un peu blédard (de France ou d'ailleurs) se reconnaîtra dans certaines situations cocasses. Je pense au moment où la mamie commence à dire bonjour à tous les parisiens qu'elle croise parce que "c'est des voisins", ou commente la tenue trop légère à son goût d'une jeune femme. Tantôt butée et caractérielle, tantôt entière et aimante, Mémé soulève pas mal de débats sur le mariage, sur les relations entre juifs, musulmans et catholiques, sur la guerre d'Algérie, et amène son petit-fils à expliciter ce qui nous paraît évident mais qui ne l'est pas tant que ça : pourquoi la station La Chapelle s'appelle-t-elle ainsi ? Pourquoi y a-t-il des publicités partout ? Pourquoi vend-on de l'eau en bouteilles alors qu'elle n'appartient qu'à la nature ?   

Un livre court, qui se lit facilement et qui peut faire l'objet d'une lecture collective dans le cadre d'un club. L'auteur prend soin de retranscrire les accents et de forcer les marques d'oralité : cela rend possible une éventuelle mise en scène.    

Gil BEN AYCH. Le voyage de Mémé. Pocket Junior, 1996. 96 p. ISBN 2-266-09418-1


Le jour du meurtre - Hubert Ben Kemoun (1996)



École, sport, filles : Antoine est médiocre à tous les niveaux. Alors, lorsqu'il tombe sous le charme de la belle Virginie, une élève de sa classe qui le fascine parce qu'elle est plus mature que toutes celles de son âge, il se défonce pour lui écrire une belle lettre d'amour _qu'il choisit de lui remettre en mains propres, quel cran ! Hélas, loin de lui répondre favorablement, sa gente dame le snobe et se met à corriger toutes les fautes d'orthographe qu'elle repère sur le papier à lettres choisi avec soin. Elle (le) termine en notant 0/20 en haut de la page et le somme de passer à autre chose, sans aucune compassion. Antoine s'attendait à tout sauf à une réaction aussi sèche. Au fond du trou, il se fait la promesse de laver cet affront en tuant Virginie.

Quelques jours après, le petit "Toine" insignifiant est devenu un bon psychopathe échappé de Vauclaire qui s'isole pour bricoler des messages de menace et passer des coups de fil anonymes... L'amour est devenue haine.

Au passage, petite parenthèse datation : il semblerait que l'histoire se déroule à la fin des années 1990, car les collégiens squattent les cabines téléphoniques (nostalgie !), n'ont pas de CPE (mais un "surveillant général") MAIS vont au CDI (et non pas à la "bibliothèque scolaire"). 
Autre indice : le livre est sorti en 1996. 
Verdict carbone 14 : Le jour du meurtre, c'est vieux mais pas trop. 
 
... Il devient tellement chelou et hargneux que même son pote Lionel n'arrive plus à le suivre et prend ses distances.

Un jour du meurtre, un grain de sable vient se glisser dans les rouages bien huilés de son projet morbide : le prof de musique se fait porter pâle. La classe bordélise les lieux en attendant qu'un surveillant prenne place au bureau, et le cancre officiel se met à scander un rap d'un goût douteux, entraînant tout le monde. Evidemment, il se fait choper par le fameux surveillant général, qui lui met un coup de pression à moitié efficace devant les autres élèves soudain devenus muets. Virginie décide de prendre le parti et son camarade, met le maton plus bas que terre et se barre du collège. Voilà qui n'arrange pas du tout Antoine : il avait prévu de la balancer sous un train à la sortie des cours ! Il se lance à sa poursuite.

Attention, la page 76 va vous surprendre.   

Vouloir faire danser la gigue celui ou celle qui nous a éconduit sans ménagement, histoire de lui faire payer le fait de ne pas nous avoir laissé au moins une petite chance... on a tous connu ça, moi la première ! Hubert Ben Kemoun parle très bien des réactions démesurées propres aux adolescents, celles qui peuvent les amener bien plus loin qu'ils ne le soupçonnent eux-même. Il peint extrêmement bien le personnage de Virginie, qui joue les grognasses pour ne pas courir le risque d'être aimée, de s'attacher aux autres. Entre les contrariétés des uns et les vrais malheurs des autres, il n'y a souvent qu'un pas.  

Par contre je ne comprends pas pourquoi ce livre est classé en roman policier ; certes Antoine anticipe une potentielle enquête après son meurtre programmé, mais... c'est clairement pas le sujet principal.

Il s'agit d'un roman court et accessible, écrit à la première personne, aux chapitres découpés équitablement ; le suspense est maintenu assez longtemps pour qu'on puisse le proposer dans le cadre d'une opération "lecture en début d'heure", "un livre pour la classe", ou je ne sais quel autre dispositif d'incitation à la lecture.

Thèmes abordés : amour / violence / relations parents - enfants / adolescence / amitié / haine / crime / train / cutter / seum total / gros vent ...

Hubert BEN KEMOUN. Le jour du meurtre. Nathan Poche, 2006. Coll. Policier. 90 p. ISBN 2-09-251118-1



vendredi 12 juillet 2019

Téma la bibliothèque ! L'attente infinie - Julia Wertz (2015)


Ce n'est pas sans une certaine émotion que j'évoque ici L'attente infinie de Julia Wertz, car cette BD m'a été offerte récemment par mon pote Xavier pour mon anniversaire. Même si on avait pas mal parlé de ce livre plein d'humour dans lequel l'héroïne entretient des rapports délicats avec l'alcool _un peu comme moi !, ce cadeau a été une vraie surprise. Je ne suis pas sûre d'avoir encore trouvé les bons mots pour le remercier. 
  


L'histoire

Dans ce petit pavé de planches (pas loin de 250 pages), la dessinatrice américaine Julia Wertz raconte son parcours personnel et professionnel en trois chapitres intitulés "Au turbin", "L'attente infinie" et "Un endroit bien singulier". Le premier parle de son expérience du monde du travail, depuis les représentations construites pendant l'enfance jusqu'à sa réussite artistique à New-York, en passant par une succession de petits boulots dans le domaine de la restauration. Dans la deuxième partie, elle aborde plus longuement l'entrée dans l'âge adulte, à travers une poignée d'années d'errance post-secondaire à San Francisco ; c'est au cours de cette période dissolue qu'elle découvrira qu'elle est atteinte d'un lupus érythémateux systémique, maladie grave qui l'épuisera mais qu'elle parviendra à combattre. Enfin, "Un endroit bien singulier" clôture cet album de "nouvelles dessinées" : l'auteure y rend un vibrant hommage à la petite bibliothèque qu'elle fréquentait dans sa jeunesse.




La bibliothèque de Julia Wertz 


Le dessinateur revient toujours sur les lieux du crime. Quand, en 2012, Julia fait un tour dans la bibliothèque de sa ville d'origine, elle consulte le catalogue informatisé et constate que l'un de ses romans graphiques y apparaît : pour celle qui rêvait lorsqu'elle était petite d'écrire un livre et de le voir en rayon, la boucle est bouclée. 

Les nombreux souvenirs de lectures qu'elle nous fait partager le temps de quelques vignettes _ce dernier chapitre est nettement plus court que les deux précédents_ nous permettent de constater que Julia avait facilement accès aux livres, même à la maison, même s'il s'agissait surtout d'ouvrages religieux... et que la culture n'était pas laissée de côté. Lire des histoires pouvait être une source de tensions avec Josh le grand frère, comme un moment de partage avec Jonathan le petit dernier : dans tous les cas, c'était un moment significatif et jamais vain. Plus tard, Julia a choisi ses livres en fonction de ses questionnements, de ses fréquentations, de ses problèmes, de sa santé... et à découvert pas mal de choses auxquelles elle ne s'attendait pas. On remarquera avec étonnement que la dessinatrice a été maintes fois choquée par les images et les textes sur lesquels elle est tombée dans sa jeunesse, à peu près autant qu'un gosse de douze ans sur la page de résultats de Google Images après qu'il a tapé "syphilis" dans la barre de recherche. Enfin plutôt un gosse de 8 ans, d'ailleurs. Au-delà, ils ont déjà tout vu...

Malgré tout, si elle ne devait en retenir qu'une, ce serait celle qui l'a vue grandir. Avec son bazar... 


ses mystères... 


son fichier ... 


qui deviendra un espace informatisé beaucoup moins à son goût... 

En bref, Julia Wertz estime que si elle est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est parce que ce lieu clé de son environnement a su nourrir son imaginaire d'enfant et lui servir de refuge quand elle en a eu besoin. Un point de vue intéressant et inspirant au possible sur l'impact des livres sur une vie ; tous les professionnels œuvrant au développement de la lecture publique devraient jeter un oeil sur ses propos. 

J'en profite pour dire aux bibliothécaires et documentalistes de passage sur ce blog que L'attente infinie mentionne très clairement et à deux reprises la classification de Dewey, chose relativement rare en littérature ! A peu près aussi rare qu'un hommage à une médiathèque de quartier... 



Il y aurait encore beaucoup à dire sur L'attente infinie... 

... mais pour cela il faut d'abord que je la relise avec plus d'attention. Comme elle se plaît à le revendiquer, Julia Wertz appartient à la mouvance d'auteurs américains des années 2000 qui se sont lancés dans une sorte de "one man show" version BD, en partant de leur vie quotidienne et en tournant en dérision leurs galères. Ces trois histoires courtes, qu'elle a choisi de présenter sans suivre d'ordre chronologique, pourraient donc être fort ennuyeuses ; pourtant, elle parleront à beaucoup de monde. Maladie, alcoolisme, relations familiales, conversations sans queue ni tête entre frères et soeurs, colocations compliquées, séchage de cours, boulot de merde et avenir tellement flou que c'en devient angoissant... qui n'est pas passé par là ? On se reconnaît tous à un moment ou à un autre dans le personnage de Julia, et ça ne fait pas de mal. 

L'illustratrice nous fait partager la naissance de sa vocation, sa vision de la bande dessinée et de l'art, sa manière d'être artiste, son besoin de liberté sur lequel elle ne fera aucune concession. Ok, je n'ai pas lu ses autres publications, mais je pense que ce n'est pas prendre un mauvais départ qu'entrer dans l'oeuvre de Julia Wertz par L'attente infinie. Après, personnellement, je suis assez séduite par ce trait à la fois épuré et sûr de lui qui rappelle les dessins animés d'il y a quelques années ! 

Julia Wertz. L'attente infinie. L'agrume, 2015. 233 p. ISBN 979-10-90743-28-1



mercredi 3 juillet 2019

Mihiel - La seconde sagesse - 1 - Axel Vachon (2019)


Merci aux éditions Pierre Téqui et à Babelio pour l'envoi du roman Mihiel - la seconde sagesse - Tome 1 publié en 2019 et écrit par Axel Vachon.  


L'histoire 

Corolle et Dagobert vivent une vie de pantouflards dans la région lyonnaise, si je ne me trompe pas. Centrés sur eux-même, un peu aigris et seulement touchés par le bien-être de leur chienne, Harpie, ils portent bien leur nom de "Tiaide". Tous deux sont chrétiens non pratiquants. Ils vont bien à la messe de temps en temps pour ne pas trop se faire mal voir de la communauté, mais le coeur n'y est pas vraiment. Alors, quand Mihiel, leur nièce âgée d'un an, leur est confiée de droit après l'effroyable meurtre de ses parents, leur change du tout au tout. Au fil des jours, Corolle devient altruiste, Dagobert agréable, et Harpie n'a pas d'autre choix que prendre le pli. Leurs yeux s'ouvrent sur le monde qui les entoure, leur entourage cesse de se résumer à un tas d'empêcheurs de tourner en rond. Ils découvrent que chacun a sa personnalité et sa richesse. Comment un bébé sans défense a-t-il ainsi pu les métamorphoser ?

Mihiel n'est pas un bébé comme les autres. Lors de son baptême, sa mère lui a offert une "médaille miraculeuse" porteuse de la puissance de Dieu ; cela lui a permis d'échapper à l'attaque du Diable qui a tué ses parents, et même de le contrer au point de presque l'anéantir. Depuis, Mihiel est la petite protégée des anges et ses bonnes ondes résonnent dans le coeur de ses parents d'adoption et de son entourage.

Un jour, les Tiaide déménagent dans l'ancienne maison des parents de Mihiel ; ils découvrent leurs nouveaux voisins et notamment deux enfants pleins de bonne volonté : Félix et Rose. Les combats acharnés qu'ils vont livrer contre le Malin et aux côtés des anges vont lier leurs destins.  

Parallèlement, et à l'insu des humains, les anges et les démons se battent et influencent les comportements de leurs protégés... 

Harry Potter catho

C'est la première fois que je lis un roman jeunesse religieux donc désolée par avance pour mes éventuelles maladresses, erreurs d'interprétation et autres boulettes. Ne les prenez pas pour argent comptant, et partez du principe que je n'ai pas tous les codes et toutes les clés de lecture pour analyser avec justesse ce type d'ouvrage. N'ayant jamais été touchée par la foi et bénéficiant plutôt d'éléments de culture protestante, j'ai toujours eu l'habitude de tourner en dérision les catholiques et leurs angelots. Cocher Mihiel - La seconde sagesse dans la liste d'ouvrages proposés par Babelio relevait du défi, dans le sens où la mention "Livre religieux" figurait clairement au début du petit résumé accompagnant les références du livre. Je partais donc avec pas mal de préjugés : tout en essayant d'être "dans le coup" et de toucher les jeunes par l'usage d'un vocabulaire adapté, ce livre allait forcément être moralisateur et lardé de discours bien pensants.

Ce serait mentir que d'affirmer que Mihiel ne tombe pas dans ces écueils-là. Mais je m'attendais à pire, honnêtement. Au moins, on apprend des choses sur l'"organigramme" des anges et les nombreux combats qui opposent ces envoyés de Dieu aux suppôts de Satan tout au long de l'histoire dynamisent la lecture.

Au début du roman, j'ai été interpellée par la ressemblance entre l'enlèvement râté de Mihiel par le Diable et le premier contact entre Harry Potter et Voldemort : dans les deux cas, les parents sont tués mais le bébé résiste à l'attaque car il est protégé par un objet sacré ou par un sortilège. Mieux, il contre-attaque au point d'anéantir le représentant des forces du mal. Puis il est sauvé du carnage par un ange baraqué qui ne sait pas se tenir, qui jure comme un charretier et qui nous fait fortement penser à Hagrid. Ces similitudes m'ont donné envie de m'accrocher un peu mieux à ma lecture et d'essayer de retrouver des clins d'oeil dans ce qui pourrait être Harry Potter version chrétienne. Mihiel - la seconde sagesse 1 moralise, parle de la distinction entre le Bien et le Mal, mais n'effraie pas par ses propos et de pousse pas à la conversion.

Les athées et les non-pratiquants ne comprendront peut-être pas toutes les références, mais après tout, n'est-ce pas l'occasion de s'informer ?

VACHON, Axel. Mihiel - La seconde sagesse - 1. Pierre Téqui Éditeur, 2019. ISBN 978-2-7403-2170-6