dimanche 24 avril 2011

Avoir des petits bras et faire avec - How to train your dragon - Chris Sanders, Dean Deblois (2010)

How to train your dragon, ou Dragons pour la version française, est un des nombreux films d'animation qui prennent le parti de mettre à l'honneur des anti-héros aussi faibles moralement que maigrichons. Bien qu'on ne puisse plus considérer ce choix comme original, reconnaissons que cela fait toujours autant de bien de voir David gagner contre Goliath et de rêver pendant quelques minutes que la loi du plus fort puisse être abrogée un jour.

L'histoire
Harold vit à Berk, un village de Vikings infesté de dragons nuisibles qui déciment les troupeaux des habitants. Ici, on apprend très tôt que, pour défendre ses biens et sa vie, il faut cogner dur sur la tête des Lézardus, des Gronks, des Pouilleux et des Furies Nocturnes, qui sont autant d'espèces de dragons. Mais Harold n'est pas du tout doué pour la chasse, bien qu'il y mette beaucoup de volonté, parce qu'il est tout maigre et empoté. Ses échecs sont d'autant plus difficile à vivre pour lui que son père est le chef de la tribu, et qu'il est reconnu de tous pour ses qualités de démontage de dragons enflammé à mains nues. Comme si ça ne suffisait pas d'être physiquement fragile, il fallait aussi qu'il ait trop de coeur : lorsqu'il arrive enfin à blesser Krokmou, une Furie Nocturne, il n'a pas le courage de l'achever.

Y a rien de tel qu'une balade en dragon pour choper!"

Le message de How to train your dragon n'est pas tant "Pourquoi tuer les dragons alors qu'on pourrait s'en faire des copains?" que "tire quelque chose de ta faiblesse au lieu d'essayer de devenir fort".
Je me mets à la place du gamin qui regarde Dragons, et qui est en mesure de s'identifier à Harold : être faible, c'est nul. Vous courez moins vite que les autres, vous vous essoufflez avant eux et ils vous les regardez vous semer pendant que vous crachez vos poumons. Vous ne pouvez pas ouvrir seul les fenêtres de chez mémé, parce que c'est une vieille maison humide dont les boiseries gonflent l'hiver, et que par conséquent il est nécessaire de posséder une certaine force pour les débloquer. Plus tard, vous voyagez en train et vous essayez de ranger votre valise en hauteur. Vos bras tremblent sous le poids ahurissant de vos fringues du 14ans, elle vous retombe dessus lourdement. Si vous êtes une fille, vous pouvez demander à votre voisin de la monter à votre place. Si vous être un gars, il faudra vous démerder. Vous essayez de remédier à cela en soulevant des poids ou en faisant des pompes des jours durant, mais rien ne change et tout vous rappelle que vous avez des petits os friables à la place des bras.

Scottie - 1m73, 62kg : ohu! la vieille chanson!

Tout devient alors matière à ruser et à faire preuve d'imagination. 

Stratagèmes et prothèses 
Comme chacun sait, l'outil a pour vocation de prolonger les membres de l'humain chétif. Harold l'a bien compris. Il n'est pas capable d'assommer avec son poing un dragon enflammé, comme son père sait si bien le faire, donc il sait qu'il ne peut pas se permettre de ne pas réfléchir. Dans l'atelier du forgeron où il est apprenti, il dessine des dragons, essaie de comprendre leur fonctionnement, et élabore ensuite des catapultes pour les atteindre sans avoir directement affaire à eux. Effectivement, il parvient à en blesser un. Haricot vert : 1, Dragon : 0

Le jeune Viking est pris de remords lorsqu'il se rend compte que Krokmou (Toothless pour la VO), le dragon qu'il a atteint, ne peut plus prendre son envol car il a un morceau de la queue arraché. L'animal est physiquement diminué, et on pourrait presque déclarer sa vie foutue! Heureusement, Harold l'a bien observé et dessiné sur son petit carnet d'apprenti. Bien au chaud dans l'atelier, alors que son père et tous les costauds du village ont lancé leurs drakkars sur les eaux glaciales pour quelques temps, il fabrique à son dragon une belle prothèse caudale. A eux les vols planés dans les forêts nordiques! Prothèse : 1, Déprime : 0.

Parfois, il faut savoir faire preuve de diplomatie avec ces grosses bestioles. Comme quelques jeunes de son âge, le fils du chef des vikings suit un entraînement intensif de chasse au dragons; évidemment, ses armes ne lui servent à rien puisqu'il n'arrive même pas à les soulever. Il a donc pris l'habitude de cerner le caractère et les goûts de chaque espèce en terme de poissons pour les appâter et les faire fuir sans que personne n'ait d'égratignure. Diplomatie : 1, Massue : 0.

Enfin, il est à noter que dans cette société viking, les gens qui ont une jambe de bois ou un crochet à la place de la main acquièrent un certain prestige, et parviennent même à choper plus facilement!

How to train your dragon
Chris Sanders, Dean Deblois 
1h37 - Dreamworks - 2010
Esthétiquement, ce film est très réussi. Je regrette de ne pas être allée le voir au cinéma quand il est sorti l'année dernière. L'occasion s'était pourtant présentée, mais après avoir longuement hésité, mon choix s'est porté sur un long métrââge en noir et blanc, déjà vu et jamais totalement compris.
Dragons est une adaptation du roman de Cressida Cowell : Comment dresser votre dragon
Une suite (Dragons2) est prévue pour bientôt. 







 
















mardi 19 avril 2011

"Il a un rêve, il a un rêve!" - Raiponce dans la Taverne du Canard Boiteux


Raiponce 
           Grâce à Bubulle, je commence à combler mes lacunes en films Disney! Elle m'a d'ailleurs fait découvrir l'un des plus récents : Raiponce, sorti en 2010. Du moins, elle a essayé, car il n'était pas prévu que je m'endorme sur elle j'entre en phase de méditation profonde, au bout de dix minutes de projection du DVD. Bien qu'elle ne s'en soit pas offusquée, il faut bien reconnaître que c'était fort incorrect de ma part!


 


D'autant plus que l'histoire est tout à fait digne d'intérêt! 

Raiponce vit tout en haut d'une tour avec une sorcière qui, non contente de l'avoir kidnappée à sa naissance, se fait aussi passer pour sa mère et lui interdit de sortir. Alors qu'elle va avoir 18ans, elle ne connaît rien du royaume qu'elle aperçoit au loin, elle n'a aucune expérience du monde, et ne sait même pas qu'elle est une princesse que ses parents recherchent encore. 

Elle ne sait pas non plus que, bien des années plus tôt, la sorcière détenait l'unique fleur capable de soigner les blessures et de faire rajeunir les gens. Parce qu'elle était soucieuse de conserver sa jeunesse éternellement, elle avait camouflé la plante afin que personne ne la découvre. Mais un jour, cette fleur fut activement recherchée pour fabriquée un médicament propre à soigner la reine, enceinte et souffrante. La vieille sorcière dût alors se résoudre à renoncer à sa jeunesse. Puis je me suis endormie la petite princesse vit le jour, et ses parents la prénommèrent Raiponce, du nom de la fleur, parce que c'est quand même plus stylé que Rave Sauvage. Comme Raiponce avait récupéré toutes les vertus de la plante dans ses cheveux, la sorcière se dit que, faute de fleur, une tignasse ferait l'affaire. Mais on ne cache pas un être humain aussi facilement qu'on cache une fleur!  

Ignorant tout cela, Raiponce s'ennuie ferme. Sa longue chevelure magique, ultra-résistante et jamais coupée est devenue pour elle une sorte de cinquième membre qui ne lui est pas vraiment utile, si ce n'est à tenir lieu d'ascenseur lorsque sa mère rentrer et sort de la tour. Il n'y a qu'un phénomène qui la fascine : une fois par an, justement le soir de son anniversaire, Raiponce assiste depuis son perchoir au spectacle des centaines de lanternes qui s'envolent du royaume. Elle aimerait les voir de plus près.    

Le jour de ses 18ans, alors que sa fausse mère vient de la quitter après lui avoir refusé une fois de plus une escapade au royaume, Flynn Rider, un brigand qui vient de voler une couronne au château, entre dans la tour pour s'y cacher. Surprise, elle l'assomme avec une poêle à frire et cache le butin. Ils passent un marché : elle le lui rendra s'il accepte de lui faire découvrir le monde extérieur. A-t-il vraiment le choix?       
   
            
La Taverne du Canard boiteux  

                Une fois lâchés dans la nature, Raiponce découvre l'herbe, les arbres et toutes les merveilles de la nature qu'elle n'avait jamais connues autrement qu'en les regardant du haut de sa tour; Flynn Rider lui suggère alors de l'accompagner à la Taverne du Canard Boiteux. A première vue, l'endroit est un repaire de lourdingues alcoolisés. A première vue seulement. Tout reconnaissent aussitôt le voleur comme une potentielle source de revenus, et chacun d'entre eux tente de le capturer, jusqu'à ce que :  
             





"Moi j'ai un rêve"

Ah, que j'aime ces façades de brigands bourrins qui cachent des âmes de musiciens, d'acteurs, de cuisiniers, de fleuristes, de collectionneurs de petites licornes! C'est vraiment à partir de cette scène qu'on prend conscience que Raiponce détourne quelque peu les lieux communs du conte. Alors que les voleurs et les brutes déguisées en Vikings sont habituellement les obstacles à éviter ou à combattre, ils deviennent des héros ou des adjuvants des héros. Flynn Rider est même un traître, puisqu'il vole le butin de ses complices. Pourtant, il accédera au rang de prince _après bien des aventures qui compenseront ses méfaits. Les piliers de la Taverne du Canard Boiteux sont aussi révélateurs du jeu des apparences qui ponctue tout le film : la sorcière garde Raiponce en captivité pour garder un corps jeune, elle essaie de lui faire intégrer une image négative du monde afin qu'elle lui obéisse plus facilement. De son côté, Flynn Rider cache son identité réelle en empruntant le nom d'un personnage de fiction. En ce sens, le choix du caméléon Pascal comme animal de compagnie indispensable à tout héros de Disney qui se respecte, n'est sans doute pas anodins. Tous les protagonistes, à un moment ou à un autre, agissent ou parlent avec une arrière-pensée qui dessert leur intérêt personnel. Cela me paraît nouveau, du moins en ce qui concerne les "gentils" des contes. Mais c'est peut-être une impression due au fait que j'ai trop peu regardé de dessins animés, ces dernières années. 

Raiponce 
Byron Howard, Nathan Greno 
Studios Disney 
1h41
Sortie en France : 1er décembre 2010 

Bubulle : vraiment désolée de m'être assoupie, j'étais très fatiguée ce soir-là !!

vendredi 15 avril 2011

Générations Scarface - Sylvain Bergère, Nicolas Lesoult


Non, on n'en a pas encore fini avec Scarface! Un petit retour sur le fameux documentaire qui m'a donné envie de voir le film de Brian de Palma était inévitable! Diffusé sur France 5 le 3 mars 2011, Générations Scarface nous présente une appropriation du film et de son héros par les habitants des banlieues. 



Presque 30ans après la sortie du film, les artistes urbains ne cessent de faire référence à Tony Montana dans leurs textes de rap, dans les clips musicaux, dans leurs graffiti. Ils sont donc les mieux placés pour nous faire partager leur expérience de ce film, les liens possibles qu'il entretient avec leur jeunesse ou leur vie quotidienne, les codes, les valeurs qu'il véhicule, et par conséquent la force qu'il leur donne. Pour Seth Gueko, Kennedy (rappeurs), Kay One, Léon (artistes graphiques), et bien d'autres, le doute n'est pas permis : Scarface est un film tourné pour eux, un film qui parle à leur coeur.

Plus critiques, Reda Didi, président de Graines de France (une association, je pense, mais ça reste à vérifier), et Fred Musa, animateur sur Skyrock, tentent d'interpréter l'engouement général des habitants des cités pour un petit dealer qui finit criblé de balles. Michel Kokoreff apporte son regard de sociologue au "mythe" de Scarface, tandis que la scénariste Claire Dixsaut se penche sur le contenu textuel du film. Olivier Gachin, journaliste, aborde plus précisément la présence du personnage de Tony Montana dans l'univers musical du rap.

Le monde est à eux?
Leur regard extérieur nous aide à remarquer que ceux qui s'identifient à Tony Montana ont tendance à retenir ce qu'ils veulent du personnage, et du film en général : les débuts du héros, l'ascension, le ballon dirigeable décoré de l'inscription "The World Is Yours" qui passe au-dessus de lui tel un signe du destin, et l'apogée de son pouvoir. Il est vrai que la dernière partie de l'histoire, qui met en scène la chute et la mort du trafiquant haut en couleurs se prêtent beaucoup moins à l'identification. Le "message" de Scarface est finalement digne de réflexion, puisqu'il défend l'idée qu'un fois arrivé en haut de l'échelle, c'est beau bien beau mais qu'est-ce qu'on se fait ch***! Pourtant, le spectateur écarte volontiers la dimension "morale" de l'histoire pour s'intéresser au héros et encourager sa réussite nécessairement poudreuse et sanglante. A plus forte raison s'il n'a pas vu tout le film, mais seulement les scènes-clé, comme c'est apparemment le cas pour une majorité des jeunes qui disent s'en inspirer. On ne voit jamais que ce qu'on a bien envie de voir, et on ne comprend que ce que l'on veut bien comprendre : c'est tellement beau de rêver, surtout quand on sait bien que le monde ne sera jamais à nous! Mais le temps passe et les mentalités changent; si les premières générations de spectateur voyaient dans Scarface le grand défilé de biftons, les plus jeunes retiennent l'ambiance des règlements de compte, des codes de l'honneur, des trahisons. 

Y a pas que Tony Montana dans la vie!
Cela dit, j'ai du mal à croire que le personnage de Tony Montana soit monté en épingle à ce point, et qu'il soit le modèle de tous les jeunes en manque de moyens qui grandissent dans des quartiers favorisés. S'il est possible que le "self-made-man", mis au centre de beaucoup de fictions, soit une source d'inspiration et d'espoir, on peut difficilement approuver l'idée que Tony Montana soit une référence universelle! Peut-on s'imaginer que tous les dealers aient eu la vocation en regardant ce film? Je grossis le trait, mais ce documentaire semble défendre un impact direct de l'immigré cubain sur les adolescents des banlieues. Qu'ils l'aiment et l'adulent comme n'importe quelle autre star est tout à fait compréhensible; qu'ils se reconnaissent dans le parcours du héros, que sa réussite les fasse rêver, est aussi logique; il est même très facile de se laisser prendre au jeu. De là à orienter l'évolution de leur personnalité, et déterminer leurs objectifs dans la vie ou leurs actes futurs, peut-être pas, quand même...Scarface est un mythe, mais ce n'est pas LE seul mythe.

Générations Scarface 
Réalisateur : Sylvain Bergère. Auteur : Nicolas Lesoult
Produit par : BFC, France Télévisions. 
Impossible de trouver la date! ça craint! En tous cas, c'est récent.
Durée : 52 min. 

Un descriptif du documentaire est disponible sur le site de France5, la chaîne qui l'a diffusé. On peut aussi le visionner sur Youtube, en 4 parties.

Un article le l'Express (auteur : Sandra Benedetti) résume tout mieux que moi, et explique bien que parler d'un film peut faciliter le dialogue et permettre aux gens de placer des mots sur leurs ressentis.

mercredi 13 avril 2011

Un Coupable Idéal - Jean-Xavier de Lestrade (2001)

           Alors que je m'étais plongée dans Le Passage de Louis Sachar, et que je suivais le cheminement du jeune Stanley dans sa nouvelle vie bouleversée par une erreur judiciaire, une impression de déjà-vu est venue me perturber dans ma lecture. En réfléchissant quelques minutes, j'ai compris que son origine résidait dans le visionnage, il y a quelques années, d'un documentaire désormais célèbre : Un Coupable Idéal, de Jean-Xavier de Lestrade. 


            
Un fait divers, une enquête, un accusé
               Jacksonville, en Floride. Un dimanche matin, un couple de touristes retraités est agressé par un jeune homme, devant l'hôtel où ils séjournent. Il tente d'arracher le sac à main de la femme, elle résiste, il brandit une arme et lui décoche une balle dans la tête avant de prendre la fuite. La police est aussitôt alertée, et inspecte les environs. A quelques rues de là, Brenton Butler, un afro-américain de 15ans, se rend chez le disquaire afin de postuler pour un boulot. Les agents le croisent et lui demandent s'il accepterait de venir au commissariat pour témoigner, dans le cadre de cette affaire. Une fois au poste, le mari de la victime a la certitude de reconnaître en lui le meurtrier de sa femme. La culpabilité de Brenton Butler paraît tellement évidente que l'enquête va être complètement négligée.

             J'ai vu Un Coupable Idéal en 2004; cela me paraît très loin car j'essaie encore d'oublier cette période. Ce documentaire avait déjà 3ans d'âge lorsque la prof d'anglais nous a projeté ce documentaire pendant un cours, sans nous donner aucune explication, sans doute pour ne pas influencer notre jugement et nous laisser mener notre propre réflexion en vue d'un débat prévu à la séance suivante. Elle a sans doute bien fait. Sur le moment, on était excités comme des gosses de voir qu'on allait se la couler douce pendant toute l'heure, et même une partie de celle d'après. En plus, c'était doublé en français. Que demander de plus? 

                Un avocat se charge de la défense de Brenton Butler, qui entre-temps, est passé aux aveux sous la menace. Il relève aussitôt des failles dans l'enquête, dues à des approximations, à des incohérences, et à de nombreux oublis qui ont bien arrangé toute le monde. 

L'erreur est humaine, la vérité est dans le cadavre à disséquer.  
          Si notre prof ne nous a donné aucune information, c'était pour qu'on prenne conscience par nous-même de la force des préjugés auxquels nous-mêmes, malgré notre bonne volonté d'humains, nous n'échappons pas.
            
            Ici, on constate que les policiers ont admis avoir eu quelques soupçons sur Brenton au moment-même où ils l'ont croisé en voiture, et ce, pour une simple question de couleur de peau. Alors, chacun sera tenté de penser : "mais qu'ils sont cons, ces flics!" Personnellement, si on me dit qu'un jeune gars vient de voler le gloss à paillettes d'un bonhomme à côté de chez moi (oui, pourquoi il n'y aurait que les filles qui devraient se tartiner la gueule?), et que je croise une jeune gars dans la foulée, je vais d'abord penser que c'est lui. Ensuite, vient le réflexe d'aller chercher plus loin, mais ce n'est que le réflexe n°2. C'est extrêmement fâcheux, voire extrêmement con, mais j'ose prétendre que c'est humain et que je ne serai pas la seule à faire un rapprochement hâtif. A moins que je sois vraiment beaucoup plus conne que la moyenne, ce qui est possible. Laissez-moi seulement espérer que je le suis un peu moins qu'un poulet. Pour ceux qui ne prennent pas la peine de mettre en place le réflexe n°2, il y a heureusement un système judiciaire qui réfléchit à leur place.

           Quant à l'accusation spontanée du vieux touriste qui vient de voir sa femme se faire descendre sous ses yeux, on peut bien sûr lui reprocher de s'être "trompé de Black", si l'on peut dire, et d'avoir assimilé tous les Noirs à des assassins. Mais il ne faut pas perdre de vue que quand on se fait agresser, on voit son agresseur partout pendant très longtemps. Sans doute est-ce humain aussi. D'où l'intérêt d'avoir une justice, des flics des enquêteurs opérationnels et un minimum consciencieux, en complément de cette humanité dégoulinante. 

             Il y a forcément un moment où le spectateur du documentaire fait face au spectateur du procès de Brenton Butler; il y voit des regards plein de certitude, qui se mettent à douter, qui hésitent franchement, et finalement prennent conscience de la gravité de l'erreur judiciaire. Qui ira chercher la vérité derrière ce qui ressemble à s'y méprendre à une certitude? Sur fonds de préjugés, de racisme et de paperasse mal gérée, c'est une critique du système judiciaire et .. peut-être de la peine de mort, aussi, qui se dessine. Parfois les erreurs sont irréparables. 

Voici La fiche pédagogique de Télédoc, qui est "le petit guide télé pour la classe" édité par le CNDP, parce que ça ne peut pas faire de mal!  

            Cette prof ne m'a pas laissé un souvenir très bon, sans doute à cause de mon humeur du moment, peut-être aussi parce que j'étais jalouse de son énergie inépuisable : elle était extravertie, extravagante, explosive, ses gros yeux de chouette avaient l'air de connaître tout le monde. En bref, extra-soûlante pour quiconque aurait bien aimé être ailleurs qu'en cours d'anglais. Mais elle était toujours très bien inspirée lorsqu'il s'agissait d'aborder les "questions socialement vives", comme on dit, car elle ne craignait pas de s'engager. Je pense qu'elle nous a beaucoup appris sur la culture des pays anglophones. Ouais, c'est bien ça, si je n'aimais pas avoir sa tronche dans mon champ de vision, c'est parce que j'étais jalouse d'elle.    


Un Coupable Idéal - Jean Xavier de Lestrade (2001)
111min 
Un Coupable Idéal est accessible sur Dailymotion (6 parties)
            
                         


  

lundi 11 avril 2011

Le passage - Louis Sachar (1998)


               Accusé à tort d'avoir volé une paire de baskets dans une vente aux enchères, Stanley Yelnats doit faire un séjour dans un centre de redressement aux faux airs de colonie de vacances : le Camp du Lac Vert. Lorsqu'il arrive, après un long voyage en bus, il est surpris de constater que le Camp du Lac Vert porte assez mal son nom : les eaux du lac se sont évaporées après une sécheresse de 110 ans, et il n'y a plus grand chose de vert à l'horizon. Par contre, cette contrée aride du Texas est le paradis des lézards venimeux et des serpents à sonnette. 


       
          Il est aussitôt casé dans l'un des cinq dortoirs du camp, où il fait rapidement de nouvelles connaissances. Mais Stanley n'a pas le temps de réfléchir aux causes de sa présence dans cet endroit sinistre peuplé d'enfants difficiles aussi bizarres les uns que les autres. De toute façon, il les connaît depuis longtemps : il est victime, tout comme son arrière-grand-père, son grand-père et son père, d'une malédiction dont son arrière-arrière-grand-père est le responsable. Parce que ce dernier a omis sa promesse, un siècle plus tôt, de porter une vieille dame au sommet d'une montagne, un mauvais sort a été jeté sur sa descendance. Depuis, tous les Yelnats se retrouvent forcément, plusieurs fois dans leur vie, "au mauvais endroit, au mauvais moment". 

                Afin de purger leurs peines de petits délinquants, les pensionnaires du camp doivent creuser tous les jours un trou d'1m50 de diamètre et de profondeur dans la terre du lac asséché. Bien qu'on leur explique que "creuser des trous forge le caractère", les jeunes ont bien des difficultés à comprendre l'intérêt de la tâche lorsqu'ils arrivent au Lac Vert. Pourquoi fouiller la terre, si ce n'est pour trouver quelque chose d'enfoui? 

L'atmosphère 
                Les premiers chapitres du roman sont à la fois révélateurs d'une atmosphère lourde, annonciatrice de tragédie, et pourtant acidulée de pointes comiques ou absurdes. On se croirait presque dans l'univers de Kafka : le héros serait alors un enfant occupé à manier la pelle sans but précis, tout aussi malchanceux et résigné qu'un K ou qu'un Gregor Samsa. Le lecteur ne peut s'empêcher de penser qu'il est peu probable que la suite des événements soient favorables à ce "pauvre" Stanley. Pourtant, plus l'action progresse, plus le ton s'allège, pour devenir, à mon avis, un véritable roman d'aventures. 

Des parcours emboîtés 
                L'originalité du roman Le passage (je dois être bête mais je ne comprends pas pourquoi l'ouvrage a été intitulé ainsi) est de nous présenter côte à côte des parcours de vie éloignés de 110 ans, et qui pourtant coïncident. Petit à petit, la vie de Stanley prend son sens lorsque celle de son arrière-arrière-grand-père nous est racontée, et lorsqu'on sait enfin ce qu'était le Lac Vert avant qu'il ne disparaisse!  

Le Passage 
Louis Sachar 
Traduit de l'américain par Jean-François Ménard
1998 
L'école des Loisirs, coll. Medium (photo) 


A partir de 12ans, mais à 25 ça marche très bien aussi! 


dimanche 10 avril 2011

Barbarossa, l'empereur de la mort - Renzo Martinelli (2009)

Ce téléfilm historique retrace la fin du règne de l'empereur Frédéric Ier, surnommé Barberousse. Il a été diffusé sur France4 le 2 avril 2011.



La grande histoire 
XII°s. Federico Hohenstaufen, dit Barberousse, est à la tête d'un empire qui englobe la Germanie et les villes du Nord de l'Italie, dont la ville de Milan. Mais cela ne lui suffit pas : il entend aussi conquérir les villes du Sud afin d'étendre son territoire. Concentré sur la perspective de nouveaux horizons, Barberousse est surpris de devoir gérer le ras-le-bol d'un peuple milanais opprimé qui ne craindra pas de se battre pour récupérer sa liberté.
Or, peut-on se permettre de lutter contre un empereur d'une telle puissance lorsqu'on est paysan, qu'on n'a pas d'autres armes que des fourches et des faux, et que les voisins ne sont pas vraiment fiables? Pour Alberto, le fils du forgeron, il est préférable de mourir que d'endurer une existence d'esclave pour ces Germains qui considèrent les Milanais pour des brutes finies.

Voilà ce que j'ai compris de la trame historique du film. Pour obtenir des informations plus précises à ce sujet, je vous propose un lien vers l'article de l'encyclopédie Larousse consacré à Frédéric Ier

Ah non, lui, c'est pas du tout un roux cool!


La petite histoire
Sous les projectiles embrasés des catapultes et dans les châteaux obscurs où des décisions graves se prennent, les personnages essaient de vivre comme ils peuvent. Des chemins de vie, liés les uns aux autres, se dessinent peu à peu.

Barberousse et sa femme. Il est certain que, dans ce film, l'empereur est présenté sous un bon jour. Certes, c'est un conquérant assoiffé de pouvoir et vraiment attaché à marcher dans les pas de Charlemagne, son modèle, mais il reste sympathique. Barberousse est un homme posé et loyal qui préférerait éviter le conflit, s'il avait un autre choix que celui de relever fièrement les défis que lui lancent les peuples rebelles. Lorsqu'il a un coup de mou, sa femme vient le remotiver; il se fie souvent à son caractère bien trempé pour orienter sa politique.  

Alberto, ses frères et Eleonora
Alberto est le fils d'un forgeron milanais. Ses deux frères vont mourir lors d'un premier affrontement entre Milan et l'armée de Barberousse. Il gardera de leur perte une haine de l'empereur et du pouvoir. Son désir de vengeance et de liberté _ difficile de savoir lequel des deux est le plus fort, l'amène à prendre l'initiative de réunir les principales villes italiennes pour organiser une révolte efficace. Parallèlement, il entretient une liaison atypique avec Eleonora, une jeune villageoise qui a des airs de sauvageonne, sans doute parce qu'elle est en proie à des visions prémonitoires.  


Eleonora, sa soeur Tessa et le vilain vieux barbu (barbu, bouffeur de ...) dont j'ai oublié le nom, qui, non content d'être riche et puissant, veut absolument se marier avec Tessa, la soeur d'Eleonora. Il ne sait pas que la jeune fille a déjà choisi d'épouser le frère d'Alberto. Elles vivent avec leur père dans une modeste cabane.

Le bonus : la scène du coupage de tête à la faux synchronisé dans la bataille finale est de toute beauté. Rien que pour cela, il est intéressant de regarder le film jusqu'au bout, même si vous n'aimez pas beaucoup les combats médiévaux rythmés par la douce musique de l'épée qui caresse le heaume de l'ennemi. Si vous aimez les belles cottes de maille qui brillent et les chevauchées en pleine forêt, vous serez servis ; esthétiquement, le téléfilm est très bien réussi.

Le détail qui casse tout 
Le personnage d'Eleonora est vraiment lourd! Ok, elle a des visions d'une précision traumatisante sur les crimes qui vont se produire, par conséquent, elle peut se mettre à hurler de terreur n'importe quand, et ça ne doit pas être très facile à vivre pour elle. Cependant, trop de visions tuent la vision; elle en fait trop. Du coup, c'est lassant de la voir partir en courant toutes les trente secondes comme si elle avait le feu au cul. Lorsqu'elle se fait capturer et accuser de sorcellerie, on a presque envie qu'on l'amène directement au bûcher sans passer par la case prison.

Barbarossa, l'empereur de la mort 
Renzo Martinelli 
Téléfilm italien 
2009



samedi 9 avril 2011

Scarface - Brian de Palma (1983)

          
         Le personnage de Tony Montana, incarné par Al Pacino dans le film Scarface (1983), était un peu la mascotte de la classe de BTS de ma copine Mélanie. Prenez un Palmito!!! ou pas. Chaque génération compte son lot de rebelles auxquels il est aisé de s'identifier, et le petit malfaiteur cubain aux dents longues fait partie de la nôtre.



          J'ai donc essayé de le trouver en streaming, afin de ne plus être larguée dans les conversations avec la pote qui y faisait sans cesse allusion. A l'époque, il était disponible sur Dailymotion en plusieurs parties, et je m'étais arrêtée à LA scène de la tronçonneuse, où le héros voit son complice se faire littéralement découper pour 2kg de cocaïne, en me disant : allez c'est bon, ça va saigner de partout pendant 2h30. J'ai cliqué sur la petite croix en haut à droite, et il n'en a plus jamais été question.

           Il y a quelques semaines, afin de tromper mon désœuvrement, j'ai allumé la télé et me suis calée sur une des chaînes qui déculpabilisent dans ces moments-là : France 5. Un documentaire centré sur la perception du film Scarface dans les banlieues, et sur la présence courante de Tony Montana dans le domaine du rap, était à peine commencé : Générations Scarface. Que d'effervescence autour de ce film, presque 30 ans après sa sortie! J'y ai surtout appris que LA scène de la tronçonneuse était l'unique passage vraiment gore, ce qui m'a remotivée pour aller sur site de streaming récemment découvert ;-) et déjà préféré.

Le film
En 1980, la Floride voit débarquer des milliers de Cubains venus tenter leur chance aux Etats-Unis. Si la plupart cherchent à rejoindre des parents ou des amis, certains d'entre eux font partie du voyage parce qu'ils ont été expulsés de Cuba : c'est le cas de Tony Montana. Avec l'aide de son ami Manolo, ils ne travailleront que peu de temps dans un restaurant avant de plonger dans l'univers privilégié du trafic de drogue. Leur première mission est remplie avec succès, et Lopez, le commanditaire, les remarque. Peu à peu, ils arrivent à se faire une place dans le milieu. Pour Tony Montana, c'est le début d'une ascension sociale longtemps attendue, et du train de vie qui va si bien avec; dès lors, son ambition ne connaîtra plus de limites.    


Tony Montana, un spectacle à lui-seul 
Les histoires de léchage et d'échange de poudre blanche, de mecs qui mettent des costards pour se tirer dessus à la mitraillette depuis leur voiture blindée ne peuvent pas passionner tout le monde, surtout si elles durent 2h40. Mais le personnage de Tony Montana donne envie de regarder le film jusqu'au bout, même si ça fait du bruit à force, tous ces gens qui crient parce qu'ils ont un trou dans le ventre ou qui se traitent d'enculés à tour de bras.

Pourtant, le "Balafré" suit docilement le parcours ultra-connu du héros pauvre qui veut s'enrichir, qui y parvient, qui savoure deux minutes avant de mal tourner parce qu'il ne sait plus quoi faire de son fric : on peut penser à Citizen Kane, ou plus récemment à The Social Network. C'est le caractère-même du personnage qui change tout : excité, enragé, affamé ou assoiffé de fric, parfois drôle, souvent sympathique : Tony Montana ne doute de rien. Il adopte un air impertinemment supérieur, là où on attend de lui qu'il s'écrase derrière son statut d'émigré, qu'il n'ait pas d'autre ambition que de bosser dans une arrière cuisine, et qu'il "trempe ses mains dans la merde" jusqu'à la fin de ses jours. C'est parce qu'il est persuadé qu'il a lui aussi le droit de réaliser le rêve américain qu'il est encore aujourd'hui une source d'optimisme et d'inspiration : sans aucun doute, le monde est à lui.

Une bande annonce beaucoup plus stressante que le film, ma foi!

Non, pas lui, l'autre!
Les fans de Tony Montana ne savent pas toujours que le Scarface de 1983 est un remake d'un film du même titre sorti en 1930, lui-même étant tiré d'un livre. S'ils le savent, peut-être s'en foutent-ils éperdument. Si j'avais 16 ans et que j'étais fan, je n'irais pas chercher plus loin que la version de Brian de Palma, parce que j'y aurais trouvé mon compte : nulle part ailleurs il ne peut y avoir de héros plus puissant que celui qui meurt criblé de balles, en insultant ses assassins. (Oui, il meurt à la fin. Désolée...)
Il paraît que Scarface de Howard Hawks est beaucoup plus intéressant au niveau de l'action.

Scarface - Brian de Palma 
1983, USA
Un jeu vidéo inspiré du film est sorti en 2006.

dimanche 3 avril 2011

Le zèbre


Il était une fois un petit zèbre qui ne voulait pas parler aux dépressifs.


Non, à bien y regarder, ce n'était pas vraiment un zèbre, car il avait des rayures violettes, une robe grise, et une longue corne dorée qui ne lui servait strictement à rien. 

Il n'était ni un zèbre, ni un âne, ni une licorne non plus : un hybride, en somme. Il n'était qu'un sale petit imposteur de mes deux. Personne n'était dupe, mais tout le monde l'aimait bien quand même, parce qu'autour de lui, les gens se disaient que ça ne devait pas être évident d'être un patchwork équin. 

Ils n'avaient pas tort de le prendre en pitié, car le faux zèbre vivait mal son métissage! Pour oublier ses questions existentielles, il fumait du cannabis jusqu'à ce que l'eau claire du lac lui offre le reflet d'un zèbre en noir et blanc. 

Malheureusement, on ne plane jamais très longtemps. Ce n'est que de l'herbe, après tout! Le zébryde* en avait conscience, mais au retour de chaque envol, il se sentait de nouveau d'attaque pour affronter la dure réalité de la vie, le temps de quelques heures. 

Depuis qu'il avait essayé et adopté ce stratagème, il avait un sérieux problème avec les dépressifs : il ne comprenait pas qu'ils pleurent tout le temps, alors qu'ils se seraient sentis beaucoup mieux s'ils s'étaient enfilés quelques joints! Dès qu'il en rencontrait un, il tentait de le secouer à coups de sabots et d'insultes, car ils lui pourrissaient sa petite vie de drogué heureux, et le ramenaient à sa tristesse initiale.

 ... 


* Ce mot existe vraiment! C'est la bestiole qui résulte du croisement d'une ânesse et d'un zèbre. Mais qui a bien pu avoir une idée pareille? Sûrement pas l'ânesse! 




samedi 2 avril 2011

Dans la série : j'aimais lire, mais il m'a guérie : Jérôme Bourdon - Introduction aux médias (2009, 3°édition)

D'ailleurs, "aimer lire", qu'est ce que ça signifie? ;-) Débat en cours...

Dans son Introduction aux médias, Jérôme Bourdon présente les médias sous trois angles : les approches théoriques dont ils sont l'objet, puis les études des messages qu'ils diffusent. Il évoque, pour finir, l'impact ou non de ces médias sur les usagers, et le rôle des Etats dans leur fonctionnement.

Je n'ai pas demandé à l'éditeur l'autorisation de publier la couverture de l'ouvrage sur ce blog, mais il aurait sans doute été d'accord. De toute façon, un peu de pub ne fait jamais de mal, même si je ne vois pas qui irait mettre ses sous là-dedans, vu qu'il est en 18 exemplaires dans toutes les BU. 


On est bien d'accord, l'Introduction aux médias est un ouvrage destiné aux étudiants et aux chercheurs qui s'intéressent à l'histoire en ébullition constante des médias; c'est le genre de livres qu'on parcourt en prenant des notes, et dont on saute quelques chapitres pour arriver à celui qui nous intéresse. Malgré tout, il est intéressant d'en dégager les grandes lignes :  si les idées sont formulées de manière assez pointues (quoique pas tant que ça, puisque j'arrive dans l'ensemble à les comprendre), le contenu peut intéresser tout le monde.

Jérôme Bourdon définit les médias comme des "techniques d'élaboration et de circulation d'informations parmi de vastes publics". Pour qu'un média fonctionne, il faut : un émetteur, un récepteur, une technique, un contenu informationnel. Il distingue les médias de diffusion (où le récepteur est passif), des médias de communication (où il y a un échange entre l'émetteur et le récepteur). Avec Internet, ces deux types de médias peuvent être rapprochés, et même se confondre.

Théories des médias 
Scientifiques ou profanes, les études menées sur les médias sont toutes enrichissantes. Chacune d'elles s'inscrit dans un ou plusieurs courants de pensée :

- le courant des empiriques s'appuie sur des enquêtes menées à une échelle locale auprès d'usagers en autonomie   
- le courant critique considèrent que les médias sont nécessairement les instruments d'un pouvoir manipulateur et qu'il faut avant toute chose les décrypter.  

- les chercheurs dits "prophétiques" proposent des visions d'un futur où la presse, la radio, le web, la télé, ont un rôle à jouer dans la société. Les plus optimistes estiment que le partage des informations et l'intelligence collective représentent l'espoir d'une démocratie idéale, alors que d'autres craignent les dangers de la massification et d'une même culture dispensée à une foule influençable.  
- les "scientifiques", qu'ils soient empiriques ou critiques, procèdent pas enquêtes et n'en tirent pas de prévisions. Les empiriques en déduisent que les médias peuvent influencer les populations, mais modérément et dans certaines conditions. Les critiques ont un point de vue pessimiste.  

Les études des chercheurs font appel à plusieurs théories; le cloisonnement est de moins en moins de rigueur, en fonction du parcours du chercheur, des évolutions théoriques qui suivent souvent le cours de l'histoire, des transformations des médias. On ne peut plus les observer de la même manière qu'il y a 100 ans. 

Les usagers et les messages 
Jérôme Bourdon préfère le terme d'usager à celui de "public", car le récepteur est de plus en plus actif face aux médias, ne serait-ce que pour comprendre le message perçu. Pour étudier les effets ou non effets des médias sur les usagers, donc, des modalités d'analyse de contenus ont été mises en place : 

- la théorie des effets limités, comme son nom l'indique, défend l'idée que le public n'est pas aussi influençable qu'il n'y paraît, et qu'il n'est que partiellement façonné par les médias. L'auteur cite Gabriel Tarde, qui affirme que les informations d'actualité ont effectivement une présence dans les conversations privées. 
- la reconnaissance des effets est pourtant inévitable. Pour Lazarsfeld, théoricien du two step flow (= communication à 2 étages), la télévision renforce les attitudes violentes propres à l'humain. Il devient difficile de savoir si les médias transmettent des idées, des valeurs à la société, ou si elles en sont le reflet. Gerbner va dans son sens en émettant la possibilité pour un gros consommateur de télé, d'avoir une représentation déformée de la réalité. Il serait plus sage de dire que les médias ont une fonction d'agenda : il ne nous disent pas quoi penser, mais ils nous disent tout de même à quoi penser, on soulevant des débats, des sujets, des opinions, en suscitant les réactions. 

- le knowledge gap est un paramètre à prendre en compte : les médias de masse sont ils un frein à la démocratie plutôt qu'un catalyseur? Selon la théorie de la "fracture culturelle", dans toute démarche de démocratisation, il y aurait un risque d'agrandir les inégalités en voulant les réduire. Comme tout le monde n'a pas les mêmes clés de lecture, les média peuvent avoir un effet négatifs chez certains. 

Après avoir fait le point sur les différentes modalités d'analyse des usages, l'auteur se penche sur les différentes possibilités d'analyser les messages. Elles mobilisent généralement des connaissances en sémiologie, c'est à dire "la science qui étudie les systèmes de signes au sein de la vie sociale" (définition proposée par J. Bourdon). Les connotations présentes dans les messages sont donc à prendre en compte autant que le sens premier. L'approche par l'analyse du discours est une autres façon d'aborder les médias : tenir compte de la rhétorique, de l'argumentation, de l'orientation des propos tenus sont souvent révélateurs.

Il ressort de ces études méthodiquement menées que les usagers savent relativement bien se protéger des médias. Il est encore difficile de se prononcer sur les pratiques des internautes, qui laissent beaucoup de traces d'usages, mais qui sont invisibles.

Politiques, organisations et métiers
Cette troisième et dernière partie de l'Introduction aux médias veut notamment faire comprendre que s'intéresser à la "politique des médias", c'est savoir se détacher des idées reçues, telles que : "les médias sont nocifs" ou "les médias sont obligatoirement manipulés par un pouvoir".

En bâtissant sa typologie sur les principaux régimes gouvernementaux, Jérôme Bourdon dresse des modèles de fonctionnement des médias :

- le modèle autoritaire : c'est avec et contre lui que la presse est née. Les médias sont surveillés par l'Etat, mais ils en sont indépendants. La censure est possible

- le modèle totalitaire : les médias sont soumis au pouvoir, qui contrôle les journalistes et ce qu'ils publient.

- le modèle libéral : la liberté d'expression est effective. L'information politique est diffusée de façon à ce que le citoyen puisse procéder à son choix. Mais les limites viennent casser l'idéal : il s'agit de déterminer où se termine la liberté d'expression.

Les médias sont alors soumis à une "responsabilité sociale"; ils font partie, directement ou non, du service public et se doivent de remplir des missions d'intérêt général telles que : éduquer, cultiver, divertir mais pas n'importe comment. L'audiovisuel a parfois du mal à se plier à cette idée de service public et aux exigences qu'il implique. A présent, les réseaux semblent vouloir faire revivre cet idéal de liberté d'expression, en essayant de refléter la démocratie et la pluralité d'opinions.


BOURDON, Jérôme. Introduction aux médias. Paris, Montchrestien Lextenso. Coll. Clefs. Politique. 3°éd. 2009. 158 p.

Jérôme Bourdon est historien et sociologue des médias. Il a notamment mené des recherches sur la télévision.