vendredi 15 avril 2011

Générations Scarface - Sylvain Bergère, Nicolas Lesoult


Non, on n'en a pas encore fini avec Scarface! Un petit retour sur le fameux documentaire qui m'a donné envie de voir le film de Brian de Palma était inévitable! Diffusé sur France 5 le 3 mars 2011, Générations Scarface nous présente une appropriation du film et de son héros par les habitants des banlieues. 



Presque 30ans après la sortie du film, les artistes urbains ne cessent de faire référence à Tony Montana dans leurs textes de rap, dans les clips musicaux, dans leurs graffiti. Ils sont donc les mieux placés pour nous faire partager leur expérience de ce film, les liens possibles qu'il entretient avec leur jeunesse ou leur vie quotidienne, les codes, les valeurs qu'il véhicule, et par conséquent la force qu'il leur donne. Pour Seth Gueko, Kennedy (rappeurs), Kay One, Léon (artistes graphiques), et bien d'autres, le doute n'est pas permis : Scarface est un film tourné pour eux, un film qui parle à leur coeur.

Plus critiques, Reda Didi, président de Graines de France (une association, je pense, mais ça reste à vérifier), et Fred Musa, animateur sur Skyrock, tentent d'interpréter l'engouement général des habitants des cités pour un petit dealer qui finit criblé de balles. Michel Kokoreff apporte son regard de sociologue au "mythe" de Scarface, tandis que la scénariste Claire Dixsaut se penche sur le contenu textuel du film. Olivier Gachin, journaliste, aborde plus précisément la présence du personnage de Tony Montana dans l'univers musical du rap.

Le monde est à eux?
Leur regard extérieur nous aide à remarquer que ceux qui s'identifient à Tony Montana ont tendance à retenir ce qu'ils veulent du personnage, et du film en général : les débuts du héros, l'ascension, le ballon dirigeable décoré de l'inscription "The World Is Yours" qui passe au-dessus de lui tel un signe du destin, et l'apogée de son pouvoir. Il est vrai que la dernière partie de l'histoire, qui met en scène la chute et la mort du trafiquant haut en couleurs se prêtent beaucoup moins à l'identification. Le "message" de Scarface est finalement digne de réflexion, puisqu'il défend l'idée qu'un fois arrivé en haut de l'échelle, c'est beau bien beau mais qu'est-ce qu'on se fait ch***! Pourtant, le spectateur écarte volontiers la dimension "morale" de l'histoire pour s'intéresser au héros et encourager sa réussite nécessairement poudreuse et sanglante. A plus forte raison s'il n'a pas vu tout le film, mais seulement les scènes-clé, comme c'est apparemment le cas pour une majorité des jeunes qui disent s'en inspirer. On ne voit jamais que ce qu'on a bien envie de voir, et on ne comprend que ce que l'on veut bien comprendre : c'est tellement beau de rêver, surtout quand on sait bien que le monde ne sera jamais à nous! Mais le temps passe et les mentalités changent; si les premières générations de spectateur voyaient dans Scarface le grand défilé de biftons, les plus jeunes retiennent l'ambiance des règlements de compte, des codes de l'honneur, des trahisons. 

Y a pas que Tony Montana dans la vie!
Cela dit, j'ai du mal à croire que le personnage de Tony Montana soit monté en épingle à ce point, et qu'il soit le modèle de tous les jeunes en manque de moyens qui grandissent dans des quartiers favorisés. S'il est possible que le "self-made-man", mis au centre de beaucoup de fictions, soit une source d'inspiration et d'espoir, on peut difficilement approuver l'idée que Tony Montana soit une référence universelle! Peut-on s'imaginer que tous les dealers aient eu la vocation en regardant ce film? Je grossis le trait, mais ce documentaire semble défendre un impact direct de l'immigré cubain sur les adolescents des banlieues. Qu'ils l'aiment et l'adulent comme n'importe quelle autre star est tout à fait compréhensible; qu'ils se reconnaissent dans le parcours du héros, que sa réussite les fasse rêver, est aussi logique; il est même très facile de se laisser prendre au jeu. De là à orienter l'évolution de leur personnalité, et déterminer leurs objectifs dans la vie ou leurs actes futurs, peut-être pas, quand même...Scarface est un mythe, mais ce n'est pas LE seul mythe.

Générations Scarface 
Réalisateur : Sylvain Bergère. Auteur : Nicolas Lesoult
Produit par : BFC, France Télévisions. 
Impossible de trouver la date! ça craint! En tous cas, c'est récent.
Durée : 52 min. 

Un descriptif du documentaire est disponible sur le site de France5, la chaîne qui l'a diffusé. On peut aussi le visionner sur Youtube, en 4 parties.

Un article le l'Express (auteur : Sandra Benedetti) résume tout mieux que moi, et explique bien que parler d'un film peut faciliter le dialogue et permettre aux gens de placer des mots sur leurs ressentis.

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