mercredi 31 juillet 2013

Pavés en perspective

Photo de 20minutes.fr, les travaux de rénovation place de la Victoire à Bordeaux


En ce moment je ne peux pas trop écrire ici car je suis trop occupée, mais attendez-vous à une explosion de billets-pavés dès que l'occasion se présentera !

jeudi 11 juillet 2013

Les Aventuriers de la Mer - 5 - Prisons d'eau et de bois - Robin Hobb (2005)


La période des grandes émotions étant terminée (ou presque), reprenons le cours de nos lectures préférées avec le tome 5 des Aventuriers de la mer de Robin Hobb : "Prisons d'eau et de bois". Si ce volume approfondit la psychologie et l'évolution des personnages, je crains que l'action y ait un peu trop stagné pour que je parvienne à le synthétiser clairement. Essayons tout de même.   

Les illustrations de Gilles Francescano sont vraiment  agréables à regarder ; c'est exactement sous ces traits que j'imaginais Parangon. 

Où est-ce qu'on en était ? 

Alors que le Gouverneur Cosgo s'apprête à rejoindre Terrilville pour mieux y asseoir son pouvoir, la ville se laisse peu à peu gagner par une fièvre mêlée de colère, de peur et d'angoisse du lendemain. Aux querelles intestines opposant les "Premiers" Marchands aux "Nouveaux", moins soucieux des protocoles et plus prompts à se salir les mains, s'ajoutent les mauvaises nouvelles apportées par ceux qui viennent d'entrer au port. Tenira est furieux d'avoir été attaqué par une galère chalcède pour avoir refusé de payer une taxe infligée pour un motif pas clair ; Brashen vient annoncer aux Vestrit que leur vivenef a été capturée par les pirates, et que personne ne sait ce qu'est devenu l'équipage. A la demande générale, le Conseil des Marchands se réunit pour prendre des décisions et rétablir le calme dans la contrée, mais il provoquera un effet inverse ! 

Le quotidien à bord de la Vivacia en serait presque idyllique ! Pourtant, le futur est en train de s'y jouer de fort belle manière pour le capitaine Kennit qui tient toutes les ficelles : il vient de convaincre la vivenef de se rallier à la cause des pirates massacreurs de navires esclavagistes. Le forban sait que la figure de proue est assez éprise de lui pour l'emmener où il le souhaite, sans poser trop de questions. Parce qu'il sait aussi qu'on peut obtenir beaucoup en jouant avec les sentiments des hommes, il entretient la rivalité entre Etta et Vivacia tout en essayant de modifier les rapports que Hiémain entretient avec l'une et l'autre. Tordu, n'est-ce pas ?     

Avec l'accord des Vestrit, Ambre, Brashen et Althéa se lancent dans la rénovation du Parangon, le navire maudit abandonné par les Ludchance, pour le remettre à flot : ils comptent l'utiliser pour partir à la recherche de la Vivacia.  


Dans la tête 

La série des Aventuriers de la Mer prend donc une dimension psychologique d'autant plus flagrante qu'à Terrilville, l'action laisse place aux discours, aux débats et aux prises de bec plus ou moins plus ou moins stériles. Certains pourraient s'ennuyer et se perdre dans les réunions de famille et les rassemblements de marchands si l'ensemble n'était pas aussi agréable à lire : chapeau à l'auteur et au traducteur encore une fois ! Cela dit, j'ai bizarrement moins apprécié cette cinquième partie _ et deuxième partie de Mad Ship, deuxième volet dans l'édition originale. Sans doute est-ce parce que je n'arrive décidément pas à m'attacher à Althéa ; pourtant, une héroïne à la fois forte, torturée et si peu soucieuse des représentations sociales de la féminité ne   peut que plaire ! On notera cependant l'intention louable de Robin Hobb dans la valorisation de ce personnage de plus en plus discriminé pour ses allures trop prononcées de mec, et qui pourtant s'y accroche et les revendique. Car si Althéa refuse constamment les avances de Grag, c'est bien sûr parce qu'elle espère bien se récupérer Brashen un jour, mais aussi parce qu'elle sait très bien que le futur capitaine de l'Ophélie la considérera toujours comme une femme telle qu'elle est définie à Terrilville : faible, vêtue de robes et ornée de bijoux et faite pour la vie à terre par dessus tout.

Althéa voudrait une vie de ce type ...
... mais Grag Tenira préférerait ça !
Parlons-en, de Brashen ! Le jeu du chat et de la souris entre Althéa et lui devient un peu lassant ! J'espère que la suite des événements justifiera qu'on en ait laissé autant de place à leurs fières âmes torturées ! A moins que ma relecture de Beaucoup de bruit pour rien (Shakespeare) m'ait rendue plus exigeante en matière de dissimulation de sentiments ?

Entre Parangon qui chouine en sabotant ses travaux de rénovation, sa propriétaire Amis Ludchance qui vient l'insulter comme un poisson pourri _ à tort ou à raison ? on ne le sait pas encore.., Brashen qui pique ses crises de jalousie, Althéa qui fait du boudin et Ambre qui passe ton temps à calmer le jeu, on ne s'en sort plus !

Autant aller sur la Vivacia, ils sont plus pervers mais moins agaçants. On décèle chez le capitaine Kennit les étonnantes qualités d'un manipulateur qu'on ne peut détester _ mais n'est-ce pas là, justement, l'un des gages d'efficacité d'un manipulateur ? Folle de lui, la vivenef plonge bien volontiers dans la piraterie ; Sorcor est toujours aussi pétrifié d'admiration. Etta l'aime d'autant plus qu'il feint la tendresse en sa présence. Seul Hiémain lui résiste, mais pour combien de temps ? Le rallier à sa cause pour mener à bien ses projets personnels est sans doute pour Kennit un jeu de patience comme un autre. Pour l'instant on ne peut que le supposer, car toutes les clefs de lecture du pirate ne sont pas encore en notre possession.      


Hobb, Robin. Les aventuriers de la mer. "Prisons d'eau et de bois". Paris. France Loisirs. Coll. "Piment". 2005. 365 p. ISBN 2-7441-7725-3 


mardi 9 juillet 2013

Ambre au Conseil des Marchands


"Son expression n'était pas aimable, mais elle ne regardait ni Althéa ni Brashen : elle foudroyait Davad Restart de ses yeux jaunes de chat." Robin Hobb, trad. Véronique David-Marescot, Les Aventuriers de la mer 5 : Prisons d'eau et de bois.
Comme vous pouvez le voir, je n'avais pas de jaune. 

jeudi 4 juillet 2013

Du jour au lendemain (18 mai 2012) : François Boddaert


Voici un résumé de l'entretien entre le journaliste Alain Vinstein et l'auteur François Boddaert, pour le compte de l'émission Du jour au lendemain, diffusée sur France Culture. Le numéro du 18 mai 2012, que vous pouvez écouter sur le site de la radio, met à l'honneur le premier roman d'un éditeur plutôt habitué à publier des essais et des recueils de poèmes. Parfois proche de la chronique, Dans la ville ceinte peint la vie déclinante d'une petite ville à travers l'oeil d'un narrateur qui la redécouvre après plusieurs années d'absence.  

Fini de rigoler ! D'ailleurs, ce logo entraîne inévitablement ....
celui-là ! Soyons sérieux ! 

En écrivant Dans la ville ceinte, François Boddaert a voulu laisser une trace écrite de Sens, sa ville natale : après tout, Mallarmé n'est pas le seul à y être passé ! Si le poète-éditeur contemporain s'est depuis exilé à Paris pour ses études, il a pris soin de revenir de l'Yonne et de s'installer à proximité de sa bourgade d'origine.

Alain Vinstein l'interroge rapidement sur la relation entre la poésie et l'édition, qu'on devine difficile : les recueils de poèmes sont souvent moins diffusés, moins achetés, ils ne représentent pas une priorité pour les éditeurs. Or, François Boddaert est un ardent défenseur de la poésie, car elle joue, à son avis, un rôle social et économique sous-estimé et peu exploité. Quant à sa fonction d'éditeur, elle n'est rien moins pour lui qu'un second travail d'écrivain puisqu'elle appelle un dialogue constant avec les auteurs et une remise en question perpétuelle de son propre travail d'écriture.

Peu aguerri à ce nouvel exercice, le poète a composé son premier roman dans la douleur, si j'ai bien compris. Lui qui était plutôt connu pour ses recueils et pour la publication d'un Essai sur la littérature a du se trouver de nouvelles méthodes de travail. Dans la ville ceinte lui trotte dans la tête depuis 1978, et il l'a réécrit trois fois. Si François Boddaert écrit vite, il aime « laisser reposer » ses oeuvres quelques temps pour les retoucher ensuite.


Comme pour le pain !
A la question « Qu'est-ce qui entre dans la composition d'un livre ? », l'auteur répond : « Tout ce qui m'a concerné. » Contrairement à ce que l'on pourrait croire à la lecture de cette réponse, l'habitant de Sens n'a pas souhaité publier une autobiographie. Si beaucoup de personnages de Dans la ville ceinte sont empreints des traits de caractères de personnalités locales ayant vraiment existé, Boddaert veut à tous prix se détacher de son village natal. Transformer la réalité, créer une « ville parallèle » à Sens qu'il baptise « Icaune », donne lieu à une introspection mêlée à la création. C'est une manière de se retrouver à travers des lieux traversés sans pour autant parler de lui, avant de définitivement tirer un trait sur son passé. Dans le roman, le retour aux sources du narrateur douze ans après son départ aboutit inévitablement sur un constat : la ville a changé, la maison familiale va être vendue, il a évolué, et par conséquent plus rien ne le rattache à son passé. La ville telle qu'il la voyait est morte.

Les personnages, partiellement imaginaires donc, connaissent tous une forme de déchéance, à laquelle l'auteur remédie par l'ironie et par l'humour en prenant soin de laisser le pessimisme derrière lui ; ses références sont d'ailleurs Diderot et Balzac. Les figures d'Icaune (et non pas de Sens) sortent des normes. Léon, le médecin, fait partie de l'histoire d'une ville sur le déclin, dont il est prisonnier. Cet alcoolique admirateur de Céline est à la fois attachant et redoutable ; il a un statut bien particulier dans l'ouvrage, puisqu'il représente la vie, la science, tout en manifestant une grande amitié pour les artistes locaux que sont le poète _ inspiré du cordonnier de Sens, et le peintre. A l'équipe s'ajoute le libraire, un homme convaincu que le livre n'est pas un objet parmi d'autres, dans un temps où le métier ne donnait pas lieu à autant de pression économique qu'aujourd'hui ; il vend aussi des BD, et fait référence à Astérix.

Le temps est un autre personnage principal ; ici, il sera question du temps « qui est passé » plus que du temps « qui passe ». La cathédrale, par exemple, n'a pas changé malgré l'évolution globale du lieu ; pourtant, le narrateur la contemple et se rend compte qu'il ne la connaît pas. En fait, il serait plus juste de dire qu'il la contemple avec des yeux différents.


Bon, c'est bien la première fois que j'écris un billet sur un ouvrage que je n'ai pas lu ! Qu'est-ce qui est le plus désagréable ? La sensation de frustration de n'avoir pas lu un livre sans doute intéressant mais relativement introuvable, ou l'impression d'avoir mal interprété un ouvrage et un auteur qui me sont inconnus ? La seconde option, sans doute, car parler d'un sujet qu'on ne maîtrise pas amène à des erreurs grossières, forcément. Il parait que Pierre Bayard donne des clés pour réussir cet exercice difficile dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus... mais je l'ai pas lu !! :-)

La fiche du roman sur le site de la maison d'édition Le temps qu'il fait

BODAERT, François. Dans la ville ceinte. Bazas, Le temps qu'il fait. 2012. 297 p. ISBN 978-2-86853-567-2