dimanche 22 août 2021

[MANGA] Amanchu ! - 1 - Kozue Amano (2011)

A moins que je ne me trompe, c'est en écoutant le podcast Mangadiscovery _le cousin de ComicsDiscovery qui ne dépareille pas la famille_ que j'ai entendu parler d'Amanchu !. J'avais alors noté le titre sur une feuille volante sans plus d'indications, en vue d'un prochain passage à la bibliothèque. Du coup, mercredi dernier, en faisant le tour des structures nécessitant le pass sanitaire afin de rentabiliser au max mon dernier viol de nez, j'ai emprunté ce manga alors disponible dans la section jeunesse de la médiathèque, sans plus trop savoir de quoi il était question.  

Je crois que je cherchais surtout une lecture légère après pas mal de découvertes superbes mais plus tristes les unes que les autres.  


L'histoire 

Hikari a 15 ans, elle vit avec sa grand-mère qui tient une boutique de matériel de plage au bord de la mer. Nous sommes au début du printemps, ce qui veut dire qu'au Japon c'est la fin des vacances et le début d'une nouvelle année scolaire. Afin de ne pas trop stresser pour sa rentrée au lycée Yumegaoka qui a lieu le lendemain, Hikari veut passer son dernier jour de tranquillité à faire de la plongée, car c'est sa passion ultime. 

Alors qu'elle arpente des fonds marins qu'elle semble déjà connaître par cœur, une jeune fille de son âge nommée Futaba stoppe son scooter devant la boutique de la grand-mère, avec qui elle échange quelques mots. On y apprend qu'elle vient d'arriver dans la région et qu'elle va aller dans le même lycée que Hikari (heureuse coïncidence). 

Les deux filles vont seulement se croiser ce jour-là, mais elles auront l'occasion de se parler dès le lendemain puisqu'elles seront, contre toute attente ! dans la même classe. 


Le feu et la glace 

Allez, si on commençait l'année par une intrusion dans la piscine du lycée ? C'est sans doute ce qu'a pensé Kozue Amano lorsqu'elle a voulu dessiner la naissance de l'amitié unissant "Pikari", surnom issu de "Hikari" et de "Pika", qui veut dire "lumineux" _ ahah, je viens de faire le lien avec Pikatchu, et "Teko", rebaptisée ainsi car elle a un front haut. 

J'étais sûr que Futaba allait mal prendre ce blase trouvé en trente secondes par la petite Hikari, souvent dessinée sous des traits d'enfant de 8 ans, pour souligner sa candeur et son explosivité ? mais pas du tout ! Elle semble l'accepter aussitôt... comme un peu tout ce que lui proposera la pro de plongée dans les pages suivantes.

Voilà ce qui est à la fois étonnant et assez juste dans la composition des personnages et de leur relation : à première vue, les deux élèves de seconde ont tout pour se détester. Alors que Hikari nous apparaît comme enjouée, dynamique et excessivement bavarde, Futaba semble préférer le calme et la discrétion. Visiblement, elle se soucie beaucoup de l'image qu'elle renvoie. On sent que le côté pile électrique de sa comparse la laisse partagée entre admiration et agacement, mais au final, c'est la curiosité qui l'emporte.


Elles vont très bien s'entendre et se reconnaître comme complémentaires. Hikari, qui dissimule son malaise en jouant les moulins à paroles et en soufflant frénétiquement dans son sifflet de plongée _même en classe... va trouver en Futaba l'oreille attentive dont elle a besoin. "Teko" arrive à se lancer dans des aventures (plus ou moins bien inspirées...) qu'elle n'aurait pas songé à entreprendre seule. 

Comme entrer par effraction dans la piscine du club de plongée du lycée, par exemple, histoire de jeter un oeil au bassin et d'essayer quelques combinaisons... Après deux ou trois longueurs, leur amitié est scellée, et Teko n'est pas loin de se laisser tenter par la discipline de prédilection de sa pote. Un cours théorique des rudiments de la plongée dispensé par leur prof principale, qui est aussi l'adulte en charge du club, va finir de la convaincre. 

A noter que ce chapitre explicatif, qui clôture ce premier tome d'Amanchu! est intéressant puisqu'on s'y familiarise avec quelques unes des préoccupations quotidiennes des plongeurs. Il est question du lien entre la pression et la profondeur, des techniques à connaître pour se déboucher les oreilles et pour remonter efficacement à la surface sans faire exploser ses poumons (en gros)...  

Gné. 

Hormis le coup de la piscine, il ne se passe rien de bien trépidant dans ce volet d'exposition du décor et des personnages, et cela peut se comprendre car l'autrice avait pas mal de choses à nous dire. Il faudra lire les chapitres suivants pour juger de la qualité des péripéties, mais je ne m'inquiète pas à ce sujet.  

Pas besoin d'aller plus loin cependant pour affirmer que ce manga a le mérite d'exister, au moins pour deux raisons : 

  • Le sujet principal est la plongée sous-marine, sport rarement abordé en BD, me semble-t-il. Ca change du foot et du basket... 
  • Amanchu! est classé en "shônen" (=manga aventure ou sport) et il est porté par des filles ; ce qui était bien rare en 2011, année de sa sortie en France.  

Bizarrement, Amanchu! m'a rendue assez nostalgique. Il m'a beaucoup rappelé mes premières heures au lycée, et ma rencontre avec Mélanie, une copine dont j'ai déjà parlé ici, ici, ici et même . Je me souviens que cette mini météorite était venue s'écraser à côté de moi sans me connaître, le jour de la rentrée, et qu'elle avait tout de suite engagé la conversation alors que je n'avais pas du tout envie d'avoir d'interactions avec qui que ce soit. Je connaissais déjà tout son CV depuis la maternelle avant que le prof d'italien M. Roger ait fini de copier l'emploi du temps au tableau. Son débit de paroles m'avait à la fois bluffée et exaspérée. Comme Futaba, j'ai compris un peu plus tard que cette apparente aisance n'était pas forcément naturelle et servait surtout à gérer des situations angoissantes.     

Kozue AMANO - Amanchu ! 1 - Ki-oon, 2011. 176 p. ISBN 978-2-35592-245-9. 

  • Pour les Parisiens, la suite de la série est disponible à la médiathèque Marguerite Duras (Porte de Bagnolet)
  • Une version anime est disponible ; vous pouvez aussi découvrir la suite en VOSTF sur la chaine Youtube Manga Total (je crois qu'il n'y a pas tous les épisodes...).

jeudi 12 août 2021

Ces victimes dont il faut se méfier : Carrie - Stephen King (1976)

Comme chaque année, j'ai emporté quelques livres jeunesse (ou pas) en Dordogne, afin d'avoir quelques titres à proposer aux élèves en septembre. Ce sera toujours du temps de gagné, et puis ça reste un des côtés les plus sympas du boulot. Il faut croire que mon inconscient avait des trucs à me dire, car ma main s'est très souvent portée sur des romans aux ambiances plutôt sombres. Sur le coup, je me suis dit que c'était un drôle de hasard, mais à vrai dire c'était couru d'avance vu les auteurs : Guéraud, Abier, Stephen King... 

Cela dit, cette sélection valait largement le coup, et je ne la regrette pas. A retenir notamment : Carrie de Stephen King, un classique ou pas loin. 

Carrie - Stephen King


L'histoire se déroule aux États-Unis, dans une petite ville du Maine nommée Chamberlain : les fans reconnaîtront-là l'un des décors de prédilection de l'auteur. 

Au lycée, l'année scolaire touche à sa fin. Les jeunes commencent à s'organiser pour le traditionnel bal de printemps qui clôture le mois de mai, entre nervosité et excitation : pour eux, c'est vraiment "l'événement" à ne pas rater. Mais si certains y voient une occasion de crever l'écran, comme la belle et populaire Chris, ou comme le couple parfait que forment Sue et Tommy, d'autres ont franchement peu de chances de participer aux festivités. 

Carrie, 16 ans, fait partie de ceux qui resteront sur la touche. Aussi à son aise au milieu de ses mijaurées de camarades de classe qu'un crapaud tombé dans l'auge des dindons, elle a bien des raisons de raser les murs. D'une part, elle vit sous la coupe d'une mère bigote à l'extrême qui lui a inculqué la crainte des autres humains, notamment des hommes qui sont autant de "pécheurs" à éviter, et d'autre part, Chris et Sue lui mènent la vie dure par leurs brimades et leurs mauvaises blagues. Les adultes ferment à demi les yeux : avec son physique ingrat et ses manières rustres sorties d'une autre époque, cette pauvre fille ne peut rien espérer d'autre que le traitement qu'on réserverait à un extraterrestre un peu dégueu. 

Pour ceux qui ont la flemme de tout lire : voici les copies de la story Instagram consacrée à Carrie. 


Si Carrie donne l'impression d'accepter son sort, intérieurement elle sent que la coupe est presque pleine : le temps d'utiliser son pouvoir de télékinésie, qu'elle contrôle de mieux en mieux, est bientôt là. En effet, lorsqu'elle est contrariée ou sous le coup d'une émotion forte, elle peut déplacer des objets, mais aussi les casser ou les projeter sur l'"agresseur". Personne ne le sait, par chance ! Lorsque de curieux événements se produisent, les gens sont trop occupés à se mettre à l'abri pour chercher leur origine.             

Un jour, Chris, Sue et leurs suiveuses vont un peu loin dans le foutage de gueule et se font griller par une prof qui n'a pas du tout l'intention de détourner le regard, elle, et qui va demander à ce qu'elles soient sanctionnées. Les deux petites bourgeoises _oui, en plus ce sont d'insupportables richouzes_ vont se retrouver interdites de bal de fin d'année. 










On pourrait croire qu'elles s'en tirent bien, ces biatchs, mais sachez que pour elles, c'est une vraie catastrophe. Sue, qui est plus le caniche de Chris qu'autre chose, prend conscience de sa connerie et décide de se racheter en "prêtant" à Carrie son cavalier désormais seul (Tommy, donc) : ainsi, la pauvre ahurie pourra profiter des festivités comme tout le monde. Bon, le garçon trouve ça étrange sur le principe, mais il accepte et invite sa nouvelle reine de soirée en bonne et due forme. Bien sûr, Carrie ne sait rien de ce petit arrangement et finit par croire que Tommy s'intéresse réellement à elle, ce dont elle a d'abord douté fortement _à juste titre. 


Chris, quant à elle, se considère toujours comme étant la victime d'une paumée qui, selon elle, n'a jamais eu que ce qu'elle méritait. Ce n'est pas une fille d'avocat pour rien. Lorsqu'elle apprend que Carrie ira au bal au bras de Tommy, elle voit là l'occasion de lui faire une ultime blague bien puante. Pour ce faire, elle va mettre à contribution son copain du moment, le peu recommandable Billy. La fête s'annonce animée. 


Daté de la fin des années 1970, Carrie n'a bizarrement pas grand chose d'une histoire vieillotte. On reconnaît dans ce livre court mais protéiforme (le récit est souvent interrompu par l'insertion d'articles de presse, de rapports d'interrogatoires) le souhait de donner un côté "vrai" à l'histoire. De plus, ce procédé nous permet de reconstituer par nous-même le déroulement de la fameuse soirée. 

Bien sûr, il s'agit du premier roman de Stephen King : les connaisseurs trouveront sûrement des petits défauts à commenter. Ils discerneront le germe d'une tendance de l'auteur à faire de la psychanalyse avec deux bouts de bois, et un goût naissant pour les fins cataclysmiques qui s'étirent en longueur. Cela n'empêche pas Carrie d'être original sur un point en particulier : la mise en scène de la victime qui devient bourreau, petit à petit. Dans cette histoire présentée comme "roman d'horreur", il est hors de question que les différents protagonistes fassent la paix à la fin. Tout aussi impensable que la situation reste telle quelle, que l'enfant harcelé soit assez entouré d'amis fiables pour se sentir blindé contre les attaques des uns et des autres. Chefs de file et suiveurs, tout le monde paye, au-delà du budget prévu _et certains, sans doute plus qu'ils auraient dû.

                 

Même si Carrie demeure un peu trop violent pour un CDI de collège, il a sa place au lycée ; pour un élève qui se fait bolosser (ou pas, d'ailleurs), c'est une lecture qui peut faire du bien car on y aborde la question de la confiance en soi qui se construit petit à petit, qui tient parfois à pas grand chose, et qui peut changer le cours d'une vie.

Je l'ajoute quand même à la liste des romans pour aborder le harcèlement scolaire au collège

Stephen KING. Carrie. Le Livre de Poche, 2010. 288 p. ISBN 978-2253096764
Première parution en 1974 ; sorti en France en 1976. 

dimanche 1 août 2021

[MASSE CRITIQUE] Oser s'impliquer pour transformer la démocratie - Guide pratique - tome 2 - Christian Proust (2021)

 Merci à Babelio et aux éditions Rue de l'Echiquier pour l'envoi du tout récend "guide pratique" Oser s'impliquer pour transformer la démocratie (tome 2), écrit par Christian Proust, fin connaisseur du monde de la politique locale. 


Qu'on aille voter ou pas, on est nombreux à penser que les questions de politique ne nous concernent pas directement. Au fond, est-ce qu'on a vraiment notre mot à dire ? Ce sont les élus qui prennent les décisions dans une société où le vote n'est plus rien d'autre qu'un simulacre de démocratie. "Ils" sont formés et payés pour ça, après tout. On les regarde faire de loin, en se gardant bien de mettre les mains dans la roue : si on s'en mêlait, notre absence de légitimité se verrait au premier coup d'œil. 


Peut-être qu'on se trompe. La lecture de ce nouveau livre de Christian Proust nous permet d'élargir un peu notre champ de vision en nous décrivant plusieurs exemples de collectifs qui se montrent tous capables de faire évoluer leur municipalité, à leur échelle. Tous sont composés de citoyens lambda qui n'ont pas le "profil de l'emploi", sur le papier, et minoritaires sont ceux rattachés à un parti politique.


L'ouvrage s'organise en trois grandes parties. La première retrace la campagne des élections municipales 2020 de plusieurs collectifs citoyens, basés un peu partout en France, notamment en Martinique, à Poitiers, à La Crèche, à Annecy, à Saint-Médard en Jalles... L'auteur est allé à leur rencontre et il a su amener certains de leur membres à s'exprimer sur leurs aspirations et leur façon de s'organiser. Très souvent, ces groupes veulent rompre avec le mode de fonctionnement "traditionnel" d'une campagne telle qu'elle est menée par les partis politiques, qui implique beaucoup de rapports de force dans les équipes et une prise en compte moindre de l'électorat.    


Dans sa deuxième partie, Christian Proust revient sur les lieux déjà arpentés dans les premiers chapitres, mais plus tard, à la suite des résultats du premier tour des élections. C'est l'occasion de prendre le pouls : qui a réussi à convaincre ? quel premier bilan peut-on tirer de cette campagne, en positif et en négatif ? comment gérer l'épineuse période de l'entre-deux tours ? comment les collectifs imaginent-ils l'avenir, la concrétisation de leurs idées au conseil municipal, qu'ils aient été élus ou pas ? Beaucoup d'entretiens ont été réalisés et retranscrits dans ce livre ; il y est beaucoup question de citoyenneté, de parité, de l'affirmation des femmes dans les collectifs citoyens, de l'importance de la proximité avec la population, de l'environnement. 



En troisième et dernier temps, l'auteur nous annexe des outils, des exemples de contrats et de chartes nécessaires au bon fonctionnement d'un groupe, et d'autres documents auxquels il est fait référence dans les parties 1 et 2. Ils peuvent être utilisés dans d'autres cadres que celui d'une municipalité. Je me souviens d'avoir eu une séance de mise en situation des chapeaux de Bono _ou quelque chose d'assez similaire_ à l'IUFM, il y a de cela quelques années. Ca fait longtemps que ça s'appelle plus l'IUFM. 

Christian Proust s'appuie sur des cas concrets ; il a pris le parti d'interviewer des membres de collectifs citoyens qui s'expriment simplement, sans ambages, sans masquer leurs difficultés. Certains n'hésitent pas à dire qu'ils se sont engagés pour être sûr d'avoir un impact sur la vie locale, mais sans vraiment croire à une "victoire".  



Oser s'impliquer pour transformer la démocratie - 2 bénéficie d'une belle présentation dans la mise en page ; il contient beaucoup de fiches imprimées en couleur qui facilitent la lecture en lui donnant ce côté "guide pratique" qui apparaît dans le sous-titre. Si les parties 1 et 2 se suivent chronologiquement, rien ne nous oblige à les lire en suivant l'ordre des pages. Chacune des trois, et a fortiori la dernière, peuvent être parcourues indépendamment les unes de autres. 

Accessible à tous, même pour quelqu'un qui n'est pas forcément impliqué dans la vie politique, ce "guide" nous ouvre les yeux : en effet, il nous montre que la vision sclérosée du monde politique _ laquelle les plus de 30 ans qui ont vécu une époque "gauche / droite" avec ses candidats "phares" n'échappent pas_ n'a plus lieu d'être.   

Bien sûr, ce qui me connaissent ne seront guère surpris d'apprendre que je n'ai pas lu le tome 1 ; pas d'inquiétude, ça ne gêne pas la compréhension du 2. 

Si vous voulez un résumé plus clair et plus juste de ce livre, voici une interview de l'auteur sur Radio Gâtine, disponible en podcast ici.

Ce livre ne défend aucun parti politique _à moins qu'il l'ait fait avec une subtilité qui me dépasse ?.. Il décrit et analyse de nouvelles manières de mettre en pratique la démocratie, et en ce sens, il me paraît intéressant pour des futurs électeurs et citoyens en herbe. 

Christian PROUST. Oser s'impliquer pour transformer la démocratie - Tome 2 - Guide pratique. Rue de l'Échiquier, 2021. 294 p. ISBN 978-2-37425-270-4


La minute hors-sujet !

Voici la balade du dimanche matin ; petit rythme mais j'ai bien sué ma race quand même !