vendredi 8 mai 2020

[COMICS] Superman : identité secrète - 1 - Kurt Busiek ; Stuart Immonen (2005)


Je vous ai sûrement déjà parlé de Mélanie, ma copine de lycée qui était fan numéro 1 de Harry Potter, de Garou ET de Roch Voisine. C'est avec elle que je suis allée voir Charlie et la chocolaterie au cinéma de Saint-Astier, plus pour lui faire plaisir qu'autre chose. J'aurais bien du mal à mettre des mots sur notre amitié qui a été sincère mais pleine de heurts ; je crois qu'on s'appréciait autant qu'on s'agaçait l'une l'autre. Au téléphone, elle était tout simplement intarissable, et je maudissais les jours où elle m'envoyait un SMS du type : "eh, ce soir Orange Mobicarte offre une soirée appels et SMS illimités de 21h à minuit ! On se dit à tout à l'heure, 21h01 !". De son côté, elle se désespérait de devoir tenir la conversation à bouts de bras, parce qu'à cette époque je communiquais exclusivement par grognements (et aujourd'hui aussi, d'ailleurs). Mais le fait est que je ne loupais aucun de nos rendez-vous téléphoniques ; parfois, je regrette cette camaraderie innocente, sans prise de tête ait fini par se laisser corrompre _à moins que ce soit moi qui n'ait pas su l'entretenir ? En tous cas, elle aura résisté longtemps, et c'est ce qu'on retiendra ! 

Mon premier portable, avec la petite souris qui court sur l'écran, au démarrage !

Mélanie avait un autre vice culturel, et pas des moindres : elle affectionnait Smallville, une série retraçant la jeunesse de Clark Kent avant qu'il prenne conscience de ses pouvoirs et qu'il devienne Superman _je crois, j'ai jamais regardé. Elle avait écrit plusieurs  fanfictions et crossovers sur son PC. Lorsqu'elle les imprimait sous formes de livrets dont elle agrafait les pages, les dialogues semblaient aussi longs qu'une conversation MSN mal gérée. Je soupirais en les lisant, mais j'aurais tiré la gueule plusieurs jours si j'avais appris qu'elle les avait fait lire à quelqu'un d'autre avant moi. Au fond, j'aimais bien ses petites histoires même si je sujet ne me passionnait pas, parce que c'était marrant de la retrouver un peu partout dans ses personnages.

Pour ceux qui n'auraient jamais entendu parler de Smallville, sachez juste que cette série était déjà classée kitch au moment de sa diffusion, et que le héros avait un faux air de poupée gonflable.  



Avec l'ouverture de l'"Atelier Comics" au collège, qui n'aura décidément pas pu aller bien loin cette année, les éléments étant contre nous... je me suis dit qu'il fallait que je renoue avec la figure incontournable de Superman. Allez savoir pourquoi, elle m'a toujours laissée profondément indifférente...

A la médiathèque de la Canopée, j'ai trouvé ceci en rayon : 

Superman - Identité secrète 1 - Kurt Busiek, Stuart Immonen (2005) 



Contrairement à ce que laisse entendre le titre, cette BD ne parle pas de Superman, mais d'un jeune qui s'appelle Clark Kent et qui trouve son nom un peu lourd à porter. Depuis toujours, sa famille pense lui faire plaisir en lui offrant des comics, des produits dérivés à l'effigie du célèbre super-héros. Au lycée, ses camarades s'obstinent à lui présenter des filles prénommées Lois et Lana... parce que c'est tellement drôle que ça ne peut que marcher ! Il en a gros, mais il s'efforce de ne pas montrer son agacement car il est poli.

Non mais le gâteau c'est trop...
Pour compenser ses sombres journées de cours, entre isolement et crainte de se faire bolosser à chaque bout de couloir, Clark se ménage des temps de solitude bien voulue pendant son temps libre ; il aime le Kansas, la randonnée, dormir à la belle étoile, et taper ses états d'âme à la machine à écrire _on est alors en 1990. Il ne lui manque que ces deux ou trois personnes de confiance que le "vrai" Superman a la chance d'avoir ; voilà ce qu'il lui envie, bien plus que sa force et sa faculté de voler.

Une nuit pourtant, il découvre qu'il peut voguer dans les airs, lui aussi ! C'est le pied total, même s'il n'a rien demandé. Qui cracherait sur le privilège de survoler la plaine tout en s'approchant de la lune ? Pour la première fois, le lecteur découvre un personnage expressif et franchement souriant.        




La magie va même s'opérer à tous les niveaux : petit à petit, Clark Kent se découvre très rapide, très fort, doté d'une ouïe surdéveloppée et de la fameuse thermovision _tout pareil que le Superboy, à qui il n'a plus rien à envier, si ce n'est sa force de caractère. Ces nouvelles compétences vont bien sûr lui permettre de réaliser quelques sauvetages périlleux, mais il sait d'instinct qu'il doit absolument garder son "identité secrète" aux yeux de tous, y compris de sa famille. Il aimerait beaucoup savoir d'où viennent ses pouvoirs _certainement pas de ses parents, en tous cas..., mais il n'a personne pour le guider dans ses recherches. Son extrême méfiance n'est pas forcément mal placée : les journalistes sont prêts à tout pour tenir leur scoop, et en toile de fond, des hommes en noir le serrent de près.


On passe au second chapitre de la BD. Après toutes ces émotions _et surtout après une ellipse de quelques années_ on retrouve un Clark Kent bien installé à Manhattan, plus sûr de lui. Sa vie ressemble de plus en plus à celle de Superman : il est journaliste le jour, et sauve le monde la nuit.



Clark aime son travail et il commence à se faire une place dans la rédaction du New Yorker. Malgré son épanouissement manifeste, il n'est pas tout à fait débarrassé de ses casseroles : sa boss lui reproche de ne pas assez se livrer dans ses articles et l'encourage à sortir voir du pays. On peut d'ailleurs lire leur entretien comme un écho à une conversation opposant Clark à son père, quelques planches plus tôt : David Kent lui conseillait alors à "sortir de sa coquille", de se faire plus d'amis. Si le passage à l'âge adulte n'a pas suffi à faire dévier sa ligne de conduite, ses collègues ne sont pas en reste : un soir, ils lui tendent un piège et lui organisent un rendez-vous avec une énième Lois. Cette dernière prend la mouche en comprenant la blague, et fuit la soirée, sur les nerfs. Clark la rattrape, d'abord pour s'excuser de la connerie de ses potes, mais il s'avère que le contact passe bien entre eux finalement. Le destin du jeune journaliste serait-il de marcher dans les pas de ce héros qu'il ne croyait pas être ! Toujours est-il que son secret devient particulièrement lourd à porter lorsqu'il est avec Lois.




En se réappropriant le "mythe" de Superman, Kurt Busiek et Stuart Immonen n'ont pas tant voulu mettre en valeur la force extraordinaire du super-héros que présenter ses dilemmes, ses sentiments, tout ce qui se cache sous ses muscles, en fait ! Comme tout le monde, le jeune Clark Kent cherche à savoir qui il est, se demande d'où vient sa force, ce qu'il doit en faire. L'idée d'avoir été adopté l'effleure aussi ; on comprend que le titre Superman : identité secrète (Secret identity dans la version originale) fait référence à l'attachement du héros à "cacher" sa vraie nature, mais renvoie aussi à sa quête d'identité.

Histoire qu'on y croie encore plus facilement, les auteurs ont placé leur personnage principal en position de narrateur ; à travers les morceaux de pages jaunies de son journal intime dactylographié, on avance avec lui dans son drôle de parcours. Chacun se fera son avis, mais l'idée m'a paru vraiment bonne ; Stuart Immonen traduit bien l'ambiance rurale, parfois énigmatique, toujours empreinte de méfiance en dessinant des décors aux traits légèrement brouillés, des visages qui baignent dans l'ombre _ce qui rend le regard difficile à capter.



Le premier chapitre m'a d'abord fait penser à Ms Marvel 1 : dans les deux oeuvres, on a affaire à une lycéenne / un lycéenn pas très populaire, perplexe devant ses nouvelles capacités ; tous deux ne tiennent pas à exhiber leur force mais se décident à le faire pour porter assistance à une personne en danger. Mais la ressemblance s'arrête là, finalement. Alors que Kamala galérait surtout à contrôler des poings extensibles qu'elle avait plus ou moins souhaité avoir, Clark oscille entre la curiosité et le besoin de se protéger. Kurt Busiek a choisi d'axer l'histoire sur la psychologie d'un Superman prêt à tout, même à se ridiculiser, pour préserver sa tranquillité, pour ne pas devenir une "bête traquée" par les flashs des photographes.




Avis aux amateurs d'action : si vous espérez voir des scènes de baston et des courses poursuites d'avions VS des mecs en collants, il est possible que vous ne soyez pas pleinement satisfaits après avoir refermé l'album ! C'est vraiment pas le propos...

Superman : identité secrète 1 est le premier tome d'un diptyque (je ne sais pas si c'est le terme juste pour parler d'une BD en 2 volumes) consacré au Clark Kent de Picketsville _ à ne pas confondre avec Smallville ! Il contient deux histoires bien distinctes, correspondant à deux grandes étapes de la jeunesse du héros, espacées de quelques années.


Un numéro "spécial Superman" de l'excellent podcast Comicsphère (12 juin 2017) aborde succintement cette mini-série, que les chroniqueurs considèrent comme remarquable.

Kurt BUSIEK ; Stuart IMMONEN. Superman : identité secrète 1 - SEMIC Books, 2005. ISBN 2848571187 


Aucun commentaire: