lundi 31 octobre 2022

[MANGA] The heroic legend of Arslân - 1 - Hiromu Arakawa ; Yoshiki Tanaka (2015)

J'ai fait la découverte de l'"heroic fantasy" au début des années 2010, à un moment où ce n'était déjà plus la mode en tombant  un peu par hasard sur le premier tome de la série fleuve L'Assassin Royal de Robin Hobb. C'était un jour de totale déprime ; je m'étais retrouvée à traîner à la librairie Marbot, la larme à l'oeil, avec pour seul but de trouver une histoire qui me ferait oublier la mauvaise passe que j'étais en train de traverser, que je ne voulais plus jamais vivre, et que je n'ai effectivement jamais re-vécue depuis, hamdoullah !

Ainsi, pendant quelques années, Fitz, Althéa, Thymara, le Fou, les dragons, les serpents de mer... m'ont happée dans leur univers fantastico-médiéval et m'ont tenu compagnie. Ils ont apporté un peu de rêverie dans mon quotidien à une période où il n'était pas super épanouissant _ pas malheureux non plus, n'exagérons rien, mais disons que je n'en n'ai pas spécialement la nostalgie. 



J'ai lu presque toute la série. Presque. Après avoir refermé l'avant-dernier tome _dédicacé par Robin Hobb à l'issue de plus de deux heures de queue au Salon du Livre de Paris, je me suis arrêtée en me disant que j'allais attendre "un meilleur moment" avant de m'attaquer au Destin de l'Assassin, point final de cette œuvre colossale. Histoire de bien l'apprécier. Mais je crois que ce n'était pas la vraie raison, car j'ai eu bien des occasions de lire la fin depuis (dont un confinement), et je ne l'ai pourtant jamais fait. 

En finir avec L'Assassin Royal reviendrait sans doute à couper le cordon avec ce passé merdique qui ne me correspond plus mais qui est quand même le mien. Les fans de Harry Potter qui ont grandi au rythme des publications des livres semblent avoir ressenti quelque chose de similaire à la sortie des Reliques de la mort. 

Curieusement, c'est par le biais du manga que je viens de renouer avec la fantasy, en étrennant le volume d'ouverture du manga The Heroic legend of Arslân, un shônen signé de la mangaka Hiromu Arakawa et de l'écrivain Yoshiki Tanaka. Notez que ce dernier est l'auteur des Chroniques d'Arslân, la série de romans dont cette BD japonaise est l'adaptation. 


L'histoire

An 320 du calendrier parse. 

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le prince Arslân n'a pas de prédispositions particulières pour le combat. Malgré un entraînement intensif, il ne progresse pas de façon significative. C'est bien embêtant car il doit pourtant se préparer à combattre aux côtés de son père le roi Andragoras. Leur but : défendre les frontières du grand royaume de Parse _une version fictive de l'Empire perse, menacé d'invasion par leurs voisins, les Lusitaniens. 

Si sa maladresse à l'épée cause le mépris de ses parents et provoque quelques sueurs froides chez son maître d'armes, le vieux Valphreze, Arslân a bien d'autres qualités : il ne se cache pas derrière son statut princier et n'a pas peur de se lancer en première ligne. Il ne manque pas de volonté, bien au contraire. C'est un jeune homme curieux de tout et soucieux de son pays, respectueux des gens qui l'entourent, quel que soit leur rang. Enfin, il déborde d'empathie _ce qui lui vaut d'avoir une réputation de soldat "trop sensible". 

La bataille contre les modestes Lusitaniens ne semble pas représenter un grand danger pour des Parses dont la puissance est connue jusque dans les contrées les plus lointaines. A première vue, du moins. 

A y regarder de plus près, la situation n'est pas si simple. Parmi les proches d'Andragoras, seul le brave Daryûn, neveu de Valphreze, sent que les desseins belliqueux des pays limitrophes incitent à la méfiance ; il appelle son roi à considérer l'ennemi avec plus d'humilité en refusant un combat qui a tout d'un guet-apens. Mais la réaction du souverain n'est pas celle espérée ; piqué dans son orgueil, il lui retire son grade de "marzbâhn" _ qui fait de lui une sorte d'officier de l'armée, coupant court à son bel avenir militaire. Puis il donne l'ordre de foncer dans le tas... 

La suite, vous la découvrirez vous-même, si vous le souhaitez ! 

Pourquoi lire les aventures d'Arslân ? 

La fantasy, on aime ou on n'aime pas. Quelques archétypes sont incontournables, ce qui peut donner un air de "déjà lu" au différentes saga en général, et à celle d'Arslân en particulier : un prince en pleine formation, pétri de bonnes intentions mais pas toujours bien inspiré ; un roi charismatique et craint de tous ; un animal protecteur ; un chevalier victime d'injustice qui a hâte d'en découdre : une reine insondable ; un magicien et / ou un troubadour un peu déjanté ; un monde quadrillé de régions dangereuses et de peuples hostiles ...  


Pourtant, le manga d'Arakawa et de Tanaka se distingue positivement, et à plusieurs niveaux, des publications du même genre : 

  • Visuellement, ce manga ancré dans un univers médiéval fantastique est superbe à regarder ; Hiromu Arakawa ne lésine pas sur les détails, que ce soit dans les décors ou dans les scènes d'action. On a l'impression de regarder un film, parfois. D'ailleurs, sachez qu'il existe une version animée et qu'elle est disponible sur Netflix. 
  •  Les personnages principaux et secondaires sont plutôt attachants, même si l'un d'eux claque trop vite à mon goût, mais bon ça reste mon avis : Arslân n'est pas un Perceval aux grands yeux, il est lucide sur ses capacités et ne refuse pas la protection de ses aînés. Il est dans une optique de progression. Même s'il apparaît à la fin du premier tome, on devine que l'"artiste" Narsus va tenir un rôle d'importance : c'est LE personnage qui mesure pleinement le pouvoir des mots, dans une société où on règle tous les désaccords à grands groupes de trique. Ce qui lui a déjà valu quelques problèmes. 
  • Au-delà des nombreuses scènes de combat, on aborde des sujets intéressants et actuels : l'injustice, l'esclavage, le pouvoir de la rumeur, les relations entre parents et enfants... On comprend vite que les environs du royaume de Parse n'ont pas livré tous leurs secrets, et qu'il est trop simpliste de considérer les Lusitaniens comme "les méchants" de l'histoire. Les traîtres ne sont peut-être pas ceux qu'on croit. 
  • Cerise sur le gâteau : Arslân étant souvent accompagné d'Azraël, son ami rapace, on lui attribuera sans hésiter le point volaille !   
  • Public visé : 12 ans et plus ; pas avant car la BD comporte quand même quelques scènes sanglantes, ça peut perturber les plus sensibles. 

Si vous aimez les shônen, la fantasy, les ambiance médiévales et les scènes de baston, The heroic legend of Arslân vous plaira sûrement.  

Hiromu ARAKAWA ; Yoshiki TANAKA. The Heroic legend of Arslân - 1. Kurokawa, 2015. 232 p. ISBN 978-2-380-71039-7 

vendredi 28 octobre 2022

[PRIX LITTÉRATURE JEUNESSE ET ANTIQUITÉ] Pénélope, la femme aux mille ruses - Isabelle Pandazopoulos (2021)

 C'est reparti pour le PLJA !

Cette année, ce sont les latinistes de 5° et de 3° qui vont se prêter au jeu en lisant les quatre livres de leurs sélections respectives.

Le roman Pénélope, la femme aux mille ruses ouvre le bal pour la catégorie 5° ; j'ai toujours l'espoir d'écrire un billet pour chacun des huit titres qui vont nous concerner à tous, les nabots, la prof de latin et moi. C'est beau de rêver.


L'histoire 

Non, Pénélope n'est pas juste la femme d'Ulysse ou la cousine moche d'Hélène de Troie !! Dans ce roman destiné aux jeunes lecteurs et écrit par l'autrice Isabelle Pandazopoulos, c'est elle qui mène la danse. On retrace toute sa jeunesse, de son enfance en Acarnanie (une région de la Grèce), jusqu'au retour d'Ulysse à Ithaque, à l'issue de la guerre de Troie et de ses multiples retards à durée indéterminée. 


Si "l'homme au mille ruses" emploie son intelligence à jouer des tours à l'ennemi sur le champ de bataille, et à s'extirper de situations plus dangereuses les unes que les autres, Pénélope filoute au quotidien pour le seul maintien d'un statut, d'un moral, d'un royaume... d'une simple qualité de vie pour laquelle son mari ou des frères n'auraient pas à batailler. Très jeune, elle décide que pour conserver un semblant de liberté dans un univers où les femmes n'en ont pas vraiment, tous les coups seront permis. La ruse passe d'abord par s'imposer auprès de ses frères, se rendre indispensable à son père, garder le contrôle sur le choix de son mari, sur la force de ses sentiments...  

Si toi aussi tu as lu les aventures d'Ulysse en sixième, si toi aussi tu as demandé ce que Pénélope pouvait bien faire pendant que le héros éborgnait le cyclope, et qu'on t'a regardé bizarre avant de te répondre que c'était pas le propos... alors ce livre est peut-être pour toi !



Bon, il faut aussi reconnaître que la représentation courante qu'on a de Pénélope (à supposer qu'on en ait une...) est celle d'un "modèle" de vertu, de droiture, de fidélité. C'est la mère et l'épouse idéale, irréprochable en tous points. J'avoue que j'espérais que ce roman serait une occasion de présenter une facette plus nuancée de cette femme forte de la mythologie, mais ce n'est pas le cas, et c'est sans doute très bien ainsi. Encore que l'autrice n'hésite pas à dépeindre quelque chose qui est traité plus discrètement dans ma vieille édition de poche de L'Odyssée achetée il y a bien longtemps pour les besoins de mon année de DEUG 1 - Lettres modernes : la phase de dépression de Pénélope au départ d'Ulysse pour la guerre de Troie. Ce choix est louable, à mon sens, d'autant plus que l'héroïne ne nie pas sa fragilité et peut ainsi se reprendre en main. 

Mais l'apparence lisse de la reine d'Itaque par intérim m'a posé question. Après quelques recherches (rapides), je suis tombée sur la version numérique d'une thèse remaniée en publication monographique intitulée Pénélope, Légende et mythe et par Mme Marie-Madeleine Mactoux (1975). Loin de moi l'idée d'en parler en profondeur _je ne me le permettrais même pas si j'avais tout lu, mais si cela vous intéresse, allez la parcourir. Sa rédactrice y compulse diverses évocations de la figure de Pénélope, dans l'œuvre d'Homère et dans l'œuvre de Pausanias notamment, et note différentes possibilités d'interprétation des textes. Forcément, deux de ses grandes forces, à savoir son amour pour Ulysse et sa fidélité à toute épreuve, sont mises à mal. 


 
Thug mais pas trop

Pas simple d'aborder sous un angle novateur et féministe les géants indéboulonnables de la mythologie. En cela, Isabelle Pandazopoulos a réussi cet exercice de contorsion qui consiste à broder un peu de fiction dans une œuvre classique qu'on se doit de respecter... Je ne suis pas une spécialiste de l'épopée homérienne, mais, mis à part les chapitres sur son enfance qu'on devine un peu romancés, les évènements racontés dans ce livre correspondent à ce qui est dit de Pénélope dans l'Odyssée. Pour les enfants, ça peut donc être une lecture sympa à faire en miroir des aventures d'Ulysse. 

Mais ça bride aussi pas mal les possibilités d'émancipation pour la jeune héroïne. Car Pénélope, aussi badass et maligne soit-elle, est et sera toujours la femme d'Ulysse, éternellement reléguée au second plan. En l'absence d'Ulysse, elle doit assurer la bonne marche du foyer et du royaume, et le fait avec tout le sens du devoir qui transparaît au fil des chapitres de ce roman pour les jeunes. Tout le monde semble attendre d'elle qu'elle soit "à la hauteur", ni plus, ni moins, et beaucoup pensent qu'elle n'y parviendra pas. Aussi, Pénélope est une doublure de luxe qui s'acquitte bien de sa tâche mais qui termine son mandat sur les rotules et qui apprécie bien d'être sauvée par son roi, à la fin. C'est là qu'on aimerait qu'il y ait une suite inventée de toute pièce, pour voir un peu ! Après tout, un mythe n'a jamais fini de se construire et de se faire décortiquer.  


Ahaha, jusqu'au bout j'ai pensé que j'allais résister à la mettre.
Mais finalement non ! Désolée !!

Pénélope la femme aux mille ruses fait partie de la collection "Héroïnes de la mythologie" (Gallimard jeunesse) ; les différents titres qui la composent sont de la plume de Mme Pandazopoulos, et les très belles illustrations, chatoyantes en couverture et oniriques à l'intérieur sont signées Gazhole.  

Ce roman a remporté le Prix Chateaubriand des collégiens 2022

A partir de 10 ans, très adapté au collège pour les 6°-5°, au CDI ou dans le cadre d'une lecture d'œuvre intégrale en cours de français ou de latin. 

Merci à l'association Arrête ton char pour la mise en place du Prix Littérature Jeunesse et Antiquité !

mardi 25 octobre 2022

[LE GOUINISTAN VAINCRA (ou pas)] Joe la pirate - la vie rêvée de Marion Barbara Carstairs. Hubert ; Virginie Augustin (2021)

Joe la Pirate prend la forme d'une imposante bande dessinée grand format de plus de 200 pages, à compter parmi les beaux livres. Contrairement à ce que le sous-titre La vie rêvée de Marion Barbara Carstairs laisse entendre, les planches suivent de près l'existence bien réelle qu'a mené cette femme de caractère, présente sur tous les plans traditionnellement réservés aux hommes : mécanique, pilotage, mobilisation, acquisitions de grande ampleur... 

Elle a forcé le destin pour pouvoir s'engager (à son échelle) dans les deux guerres mondiales ; elle a crée une compagnie de taxis féminins dans les années 1920. Plus tard, elle a fait le tour du monde et à découvert la navigation. Elle est devenue championne de course de bateaux à moteur, battant ses concurrents masculins à plate couture. Elle a acheté une île aux Bahamas, en a fait son "royaume autogéré", et à voulu rendre les îles voisines indépendantes. A bien des niveaux, elle a été féministe avant l'heure et peut-être sans le savoir. Pourtant, ce que l'Histoire retient de Marion Barbara Carstairs, alias Joe la Pirate, c'est qu'elle a chopé Marlène Dietrich et quelques autres grosses pointures de l'époque, le tout habillée en homme. Et encore... ça, c'est dans le meilleur des cas. 

En effet, je fais partie des gens qui n'avaient jamais entendu parler d'elle avant de lire cette BD colossale signée Hubert au scénario (l'un de ses derniers...) et Virginie Augustin au dessin, dans un style alternant trait franc, clair, et zones d'ombres _ comme l'héroïne, en fait. 

Si on veut parler de roman graphique, je crois que c'est le moment : découpé en une dizaine de chapitres, La vie rêvée de Barbara Carstairs s'appuie solidement sur l'existence bien réelle d'une petite-fille de magnat du pétrole américain éprise de liberté, "queer dans la matrice", mais aussi prompte à se laisser griser par le pouvoir. Au-delà de son intérêt historique, cet album offre une réflexion sur des thèmes universels : l'acceptation du corps, le genre, la colonisation, la solitude... Il peut être lu comme une ode à la confiance en soi. Les succès de Joe, tant sentimentaux que politiques et sportifs, sont dus en partie à son audace et à sa conviction d'être capable d'arriver à ses fins. Sa "vie rêvée" devient ainsi sa vie réelle _ on est du moins en droit d'interpréter le titre de l'œuvre de cette façon.       


Concernant les mouflets : 

CDI Lycée : OK, et même recommandé ! Il me semble l'avoir vu dans les critiques de je ne sais plus quel numéro d'InterCDI, mais peut-être que je me trompe. 

En revanche, je ne me risquerai pas à le mettre en libre accès au collège : il y a quand même pas mal de nus et de scènes de baise. Cela dit, une étude d'extraits pour des 4°3° peut être sympa. Oui, je reconnais avoir eu quelques craintes en tournant les premières pages de la BD : il m'a semblé qu'on se focalisait beaucoup sur la sexualité décomplexée et rapidement débridée de cette jeune femme intrépide. Certes, c'était important de présenter cette partie de la vie de Marion Barbara Carstairs, mais tout de même, elle avait sans doute fait mieux que se contenter de tringler toutes les filles croisées sur son chemin... 

Heureusement, les deux auteurs de cette biographie dessinée, ont su lui rendre justice et ont trouvé le moyen d'accorder une part conséquente à tous les temps forts _et il y en a eu_ de sa vie. Sans eux, nous aurions sans doute été nombreux à passer à côté de Marion Barbara Carstairs, une femme aux multiples facettes, dont certaines n'étaient pas très reluisantes. On a quand même affaire à une bonne richouse colonialiste, et ce n'est pas du tout passé sous silence.   

Hubert ; Virginie Augustin. Joe la Pirate - la vie rêvée de Marion Barbara Carstairs. Glénat, 2021. 224 p. ISBN 9782344039434

dimanche 23 octobre 2022

[MANGA] My broken Mariko - Waka Hirako (2021) / Les vacances de Jésus & Bouddha - 1 - Hikaru Nakamura (2008)

A l'école, en bonne fragile, j'ai toujours fait en sorte de me mettre bien avec des copines grandes, costaud, et/ou fortes en gueule. Bien sûr, ce n'était pas forcément voulu ; les associations se faisaient naturellement, régies par l'instinct de survie, et je pense que ça fonctionnait parce que mes protectrices avaient besoin de se sentir dans ce rôle-là. C'est toujours valorisant d'être nécessaire à quelqu'un d'inoffensif, et puis ça donne un sens aux journées, à un âge où on navigue à vue. 

Toujours est-il que cette technique m'a permis de passer ma scolarité sans jamais être emmerdée, alors que je répondais à tous les critères de la victime idéale.

Allez, un petit manga qui parle de suicide pour bien amorcer l'automne ! 

My broken Mariko


Tout d'abord merci à toute l'équipe des libraires fous de l'excellent podcast BD Le Gaufrier, car c'est en écoutant l'épisode 54 que j'ai appris la sortie de My broken Mariko, un one shot de Waka Hirako.

Ce titre avait attiré mon attention car en présentant leur sélection du jour, l'un des animateurs avait fourché et dit "moricaud" au lieu de Mariko, ce qui avait généré un fou rire chez les intervenants _et chez moi aussi, d'ailleurs, alors que j'étais en train de courir. Du coup, j'avais fini mon parcours avec ce vieux hoquet qui te brûle le dos et qui met plus de temps à te quitter que la plupart de tes ex ! 

L'histoire

Maltraitée par son père et abandonnée par sa mère, la gentille Mariko avait fini par se briser de l'intérieur et Tomo la grande gueule s'était fait une mission de la protéger.

Depuis leur adolescence, elle la tenait ainsi à bout de bras, l'empêchant de s'auto-détruire, s'efforçant de la garder éloignée des types violents.

Malgré tous ses efforts, Mariko s'est suicidée, à 26 ans, au moment où tout semblait aller mieux, et maintenant Tomo est sous le choc.

En proie à la tristesse, à la culpabilité de n'avoir pas vu le coup venir, elle pète un câble et décide qu'elle fera ses adieux à sa meilleure amie comme il se doit, faute d'avoir pu empêcher de pire de se produire.


Tomo se rend chez le père de Mariko, largue toute sa colère sur lui en lui renvoyant ses crimes à la gueule, et dérobe les cendres de la défunte. Galvanisée par la réussite de son expédition, elle prend quelques affaires, l'urne funéraire et monte dans un bus en direction de la Pointe de Marigaoka, un patelin en bord de mer où Mariko et elle avaient prévu d'aller en vacances, un jour.

C'est le début d'un road trip déroutant mené par une fille encore incapable de quitter l'état second destructeur dans lequel sa peine la maintient.


Tomo perdante et perdue  

Si le périple de Tomo est parsemé de nombreux flashbacks qui nous en disent long sur la jeunesse catastrophique en tous points de la jeunes Mariko, on ne sait finalement pas grand chose sur sa meilleure amie protectrice. Grande gueule et intrépide, elle n'en est pas moins fragile et mal entourée : après tout, elle affirme à plusieurs reprises n'avoir "que Mariko", ce qui laisse penser qu'elle n'est pas très bien entourée elle non plus. Que ce soit dans les séquences souvenirs ou dans sa vie d'adulte, Tomo apparaît toujours seule ; il n'est presque jamais fait mention de sa famille ou d'autres amis. A présent coincée dans un boulot stressant qui n'a pas l'air d'être un aboutissement professionnel pour elle, elle n'arrive pas à se défaire de ce soupçon de loose qui la suit partout, collé sous sa semelle comme un vieux chewing-gume. A plusieurs reprises en lisant le manga, j'ai eu l'impression que son obstination à vouloir sauver sa copine était une façon de combler un vide dans sa propre existence.  


La voir mourir après des années passées à essayer de la faire vivre lui laisse un goût amer de ratage total et d'injustice _puisqu'après tout, le principal responsable de la dépression de Mariko est plus vivant que jamais. Même si les critiques que j'ai pu lire et regarder ne semblent pas l'interpréter ainsi, il me semble que My broken Mariko est vraiment centré sur le drame de Tomo ; d'ailleurs, l'action ne pourrait se mouvoir sans sa colère dévastatrice contre tout et tout le monde. Y compris contre Mariko elle-même, qui s'est "sauvée" en l'abandonnant à sa souffrance. 


Prozac d'or mérité ! 

L'énorme succès de ce manga est complètement justifié ! OK, c'est une histoire très triste et émouvante comme on pouvait s'y attendre, abordant des sujets très graves, et pourtant on ne se sent pas plombé en le lisant. Tomo a une rage et une énergie communicatives, et son personnage de fumeuse compulsive survoltée à quelque chose de comique, parfois. Ses traits m'ont même fait penser vite fait à l'Agrippine de Claire Bretécher.

My Broken Mariko raconte très bien la détresse de la survivante malheureuse d'un binôme fusionnel qui a tout fait pour empêcher la fin tragique de l'autre et qui doit composer avec son échec.

Un manga pour lycéens et adultes, pas pour les plus jeunes !

Manga découvert grâce au super podcast BD #legaufrier

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My broken Mariko
Waka Hirako
Ki-oon seinen - 2020


Deux salles, deux ambiances ! 

On enchaîne avec le premier tome d'une série de mangas beaucoup plus légère : Les Vacances de Jésus & Bouddha. 

Hikaru Nakamura
Kurokawa, 2008

Fatigués par le passage à l'an 2000 qui leur a donné beaucoup de travail, Jésus et Bouddha ont décidé de s'accorder des vacances 🌴 sur Terre.

C'est donc en touristes qu'ils posent leurs valises au Japon, en ce début de 21ème siècle. Ils louent un appartement et s'immergent avec curiosité dans la foule des humains qu'ils ne connaissent que "vus du ciel".

On suit donc leur quotidien, entre les aléas de la colocation, les rues animées, les festivals traditionnels japonais, le métro et la piscine.

Pas vraiment d'intrigue dans ce premier tome de la série, mais pour le coup, ce n'est pas gênant : voir Bouddha et Jésus aller de déconvenues en émerveillement tels deux étudiants paumés nous ravit déjà pleinement ! 😀

Comme pouvaient le laisser présager son titre et sa couverture, les Vacances de Jésus et Bouddha est un manga comique, qui joue beaucoup sur les quiproquos entre les deux "figures divines" et les humains qu'ils croisent...

Encore une découverte sympa faite grâce aux #mystérieuxétonnants !

Si le titre vous chiffonne, détendez-vous ! Toutes les religions sont respectées, d'ailleurs on n'en parle pas tant que ça ! Ici, les blagues ne sont jamais fondées sur le mépris du bouddhisme ou du christianisme. Au pire, si comme moi vous n'êtes pas trop calé sur la vie de Siddhartha et de Jésus, vous apprendrez deux ou trois trucs au passage !


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