J'ai fait la découverte de l'"heroic fantasy" au début des années 2010, à un moment où ce n'était déjà plus la mode en tombant un peu par hasard sur le premier tome de la série fleuve L'Assassin Royal de Robin Hobb. C'était un jour de totale déprime ; je m'étais retrouvée à traîner à la librairie Marbot, la larme à l'oeil, avec pour seul but de trouver une histoire qui me ferait oublier la mauvaise passe que j'étais en train de traverser, que je ne voulais plus jamais vivre, et que je n'ai effectivement jamais re-vécue depuis, hamdoullah !
Ainsi, pendant quelques années, Fitz, Althéa, Thymara, le Fou, les dragons, les serpents de mer... m'ont happée dans leur univers fantastico-médiéval et m'ont tenu compagnie. Ils ont apporté un peu de rêverie dans mon quotidien à une période où il n'était pas super épanouissant _ pas malheureux non plus, n'exagérons rien, mais disons que je n'en n'ai pas spécialement la nostalgie.
J'ai lu presque toute la série. Presque. Après avoir refermé l'avant-dernier tome _dédicacé par Robin Hobb à l'issue de plus de deux heures de queue au Salon du Livre de Paris, je me suis arrêtée en me disant que j'allais attendre "un meilleur moment" avant de m'attaquer au Destin de l'Assassin, point final de cette œuvre colossale. Histoire de bien l'apprécier. Mais je crois que ce n'était pas la vraie raison, car j'ai eu bien des occasions de lire la fin depuis (dont un confinement), et je ne l'ai pourtant jamais fait.
En finir avec L'Assassin Royal reviendrait sans doute à couper le cordon avec ce passé merdique qui ne me correspond plus mais qui est quand même le mien. Les fans de Harry Potter qui ont grandi au rythme des publications des livres semblent avoir ressenti quelque chose de similaire à la sortie des Reliques de la mort.
Curieusement, c'est par le biais du manga que je viens de renouer avec la fantasy, en étrennant le volume d'ouverture du manga The Heroic legend of Arslân, un shônen signé de la mangaka Hiromu Arakawa et de l'écrivain Yoshiki Tanaka. Notez que ce dernier est l'auteur des Chroniques d'Arslân, la série de romans dont cette BD japonaise est l'adaptation.
L'histoire
An 320 du calendrier parse.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le prince Arslân n'a pas de prédispositions particulières pour le combat. Malgré un entraînement intensif, il ne progresse pas de façon significative. C'est bien embêtant car il doit pourtant se préparer à combattre aux côtés de son père le roi Andragoras. Leur but : défendre les frontières du grand royaume de Parse _une version fictive de l'Empire perse, menacé d'invasion par leurs voisins, les Lusitaniens.
Si sa maladresse à l'épée cause le mépris de ses parents et provoque quelques sueurs froides chez son maître d'armes, le vieux Valphreze, Arslân a bien d'autres qualités : il ne se cache pas derrière son statut princier et n'a pas peur de se lancer en première ligne. Il ne manque pas de volonté, bien au contraire. C'est un jeune homme curieux de tout et soucieux de son pays, respectueux des gens qui l'entourent, quel que soit leur rang. Enfin, il déborde d'empathie _ce qui lui vaut d'avoir une réputation de soldat "trop sensible".
La bataille contre les modestes Lusitaniens ne semble pas représenter un grand danger pour des Parses dont la puissance est connue jusque dans les contrées les plus lointaines. A première vue, du moins.
A y regarder de plus près, la situation n'est pas si simple. Parmi les proches d'Andragoras, seul le brave Daryûn, neveu de Valphreze, sent que les desseins belliqueux des pays limitrophes incitent à la méfiance ; il appelle son roi à considérer l'ennemi avec plus d'humilité en refusant un combat qui a tout d'un guet-apens. Mais la réaction du souverain n'est pas celle espérée ; piqué dans son orgueil, il lui retire son grade de "marzbâhn" _ qui fait de lui une sorte d'officier de l'armée, coupant court à son bel avenir militaire. Puis il donne l'ordre de foncer dans le tas...
La suite, vous la découvrirez vous-même, si vous le souhaitez !
Pourquoi lire les aventures d'Arslân ?
La fantasy, on aime ou on n'aime pas. Quelques archétypes sont incontournables, ce qui peut donner un air de "déjà lu" au différentes saga en général, et à celle d'Arslân en particulier : un prince en pleine formation, pétri de bonnes intentions mais pas toujours bien inspiré ; un roi charismatique et craint de tous ; un animal protecteur ; un chevalier victime d'injustice qui a hâte d'en découdre : une reine insondable ; un magicien et / ou un troubadour un peu déjanté ; un monde quadrillé de régions dangereuses et de peuples hostiles ...
Pourtant, le manga d'Arakawa et de Tanaka se distingue positivement, et à plusieurs niveaux, des publications du même genre :
- Visuellement, ce manga ancré dans un univers médiéval fantastique est superbe à regarder ; Hiromu Arakawa ne lésine pas sur les détails, que ce soit dans les décors ou dans les scènes d'action. On a l'impression de regarder un film, parfois. D'ailleurs, sachez qu'il existe une version animée et qu'elle est disponible sur Netflix.
- Les personnages principaux et secondaires sont plutôt attachants, même si l'un d'eux claque trop vite à mon goût, mais bon ça reste mon avis : Arslân n'est pas un Perceval aux grands yeux, il est lucide sur ses capacités et ne refuse pas la protection de ses aînés. Il est dans une optique de progression. Même s'il apparaît à la fin du premier tome, on devine que l'"artiste" Narsus va tenir un rôle d'importance : c'est LE personnage qui mesure pleinement le pouvoir des mots, dans une société où on règle tous les désaccords à grands groupes de trique. Ce qui lui a déjà valu quelques problèmes.
- Au-delà des nombreuses scènes de combat, on aborde des sujets intéressants et actuels : l'injustice, l'esclavage, le pouvoir de la rumeur, les relations entre parents et enfants... On comprend vite que les environs du royaume de Parse n'ont pas livré tous leurs secrets, et qu'il est trop simpliste de considérer les Lusitaniens comme "les méchants" de l'histoire. Les traîtres ne sont peut-être pas ceux qu'on croit.
- Une fois n'est pas coutume, les pages bonus qui clôturent le manga ont vraiment leur utilité ; on apprend beaucoup de choses sur l'adaptation du texte original en BD, qui a pu se faire dans la sérénité grâce au travail d'équipe mené par Yoshiki Tanaka, l'auteur des livres, et Hiromu Arakawa, mangaka connue pour le fameux Fullmetal Alchemist (que j'ai jamais lu) et Silver Spoon, un manga dont le héros et ses amis se construisent entre les murs d'un lycée agricole.
- Cerise sur le gâteau : Arslân étant souvent accompagné d'Azraël, son ami rapace, on lui attribuera sans hésiter le point volaille !
- Public visé : 12 ans et plus ; pas avant car la BD comporte quand même quelques scènes sanglantes, ça peut perturber les plus sensibles.
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