dimanche 29 mai 2011

Lieux et mouvements dans les chansons paillardes.

Il suffit d'écouter successivement quelques chansons paillardes compilées sur un album pour se rendre compte qu'elles regorgent toujours d'indications de lieux, et qu'elles sont souvent le théâtre de perpétuels mouvements! Précisant une région particulière, des villes ou des endroits typiques de la vie quotidienne tels que le marché, la chambre ou le bordel un lieu de culte, les héritiers de ces chansons souvent transmises oralement tiennent à fixer un cadre d'action. En effet, même si les variantes sont nombreuses d'un interprète à l'autre, les principaux déplacements des protagonistes et le lieu de l'action demeurent stables. Pour illustrer cette remarque, j'ai constitué un petit corpus de chansons célèbres : 

La boiteuse et Mon père m'a donné 100 sous seront l'occasion de mettre en valeur l'importance des mouvements dans le déroulement de l'action. La Digue du Cul et Jeanneton prend sa faucille ne seront pas traitées de façon détaillée _pour cette fois, mais elles serviront de références. 

J'en ai choisi des plutôt gentilles, hormis peut-être la Digue du cul.     
 
Le chemin de la boiteuse
Comme vous pouvez le constater, cette dame ne cesse de se promener partout. Elle semble parcourir de longues distances à pieds, bien qu'on soit à la limite de la vraisemblance. Oui, elle est forcément à pieds, sinon on ne verrait pas son cul et elle ne présenterait aucun intérêt pour personne. 
On apprend d'abord que madame la Boiteuse va au marché, se promène le long de la rivière, va au stade pour supporter son équipe de rugby favorite, elle aime visiblement faire la fête et boire de la bière. Si elle ne cheminait pas d'un point vers un autre, personne ne la verrait et on ne saurait rien de tout cela. Les déplacements prennent une autre dimension au cours de la chanson, bien qu'ils soient tout aussi réguliers et forment un parcours bien précis :
 
1) Lésignan-Corbières
2) Pezenas
3) Conas
4) Limoux

Soit, après calcul en tenant compte de l'échelle 1/33 et en additionnant les différentes étapes du parcours, près de 160km!!

Reproduction très approximative de la carte du Languedoc Roussillon. 
Désolée pour les départements que j'ai raccourcis, notamment l'Hérault!

Si un jour, vous en avez marre de faire comme tout le monde, cessez-donc de marcher sur les traces de Saint Jacques de Compostelle, et suivez plutôt le chemin de la boiteuse! 
Après 7 minutes d'écoute attentive, le mystère reste entier : où va la boiteuse, au juste, pour faire aussi communément la navette entre l'Hérault et l'Aude? Peu importe. Ce qui compte, c'est de savoir que même si l'on a une apparence un peu trop particulière pour passer inaperçue, on peut faire son chemin et jouir d'un certain succès.

Mon père m'a donné 100 sous : la grand mère était en embuscade. 
Les paroles de cette chanson sont assez difficiles à trouver, du moins dans la version que je connais, qui est à mon sens la plus claire. J'essaie de vous la reconstituer telle que je l'ai apprise dans le bus qui nous emmenait en classe verte, il y a environ 15ans : 

Mon père m'a donné 100 sous
Pour m'acheter des bretelles
J'ai gardé les 100 sous 
Pour aller au bordel. 
Chemin faisant, j'ai rencontré grand-mère 
Ou vas-tu mon enfant?
Je m'en vais au bordel
Garde tes 100 sous 
Je ferai bien l'affaire 
J'ai gardé mes 100 sous 
Et j'ai niqué grand-mère
On m'a donné 100 sous 
Pour m'acheter des bretelles 
J'ai gardé les 100 sous
Pour aller au bordel 
Chemin revenant 
J'ai rencontré mon père 
D'où viens-tu mon enfant 
Je viens de niquer grand-mère 
Fils de batard
Tu viens de niquer ma mère 
Batard toi-même 
T'as bien niqué la mienne! 

Cette chanson est pleine de mouvements de l'ordre du possible, et de destinations visées sans vraiment l'être; c'est curieux, car il est rare que l'action, dans la chanson paillarde, demeure dans l'hypothétique, surtout s'il s'agit d'aller à la rencontre de filles de joie. Faisons une comparaison avec le parcours de Jeanneton,. Armée de sa faucille, elle projette d'aller couper du jonc mais se fait aborder par quatre types sur sa route. Le premier lui dit qu'elle est moche, le deuxième lui touche le visage, le troisième la pousse dans l'herbe et le dernier lui saute dessus, bien que ce ne soit "pas dit dans la chanson". Jeanneton est, tout comme le petit-fils sans bretelles, confrontée à un obstacle, à la différence que lui n'a plus aucune raison d'aller au bordel : ses projets sont anéantis par sa rencontre.

Par ailleurs, il est étonnant que le père anticipe la pensée de son fils : il devrait être certain qu'il s'est acheté des bretelles avec les 100 sous, et pourtant il doute : son premier réflexe, à son retour, est de lui demander où il est allé . Bien entendu, le fils répond innocemment qu'il a baisé sa grand-mère, tout en omettant de dire qu'il comptait initialement aller au bordel. Donc, dans la tête du père, il n'y a plus qu'un schéma possible : le fils était en route pour le magasin de bretelles, et c'est là qu'il a rencontré sa grand-mère. Il n'est plus question de potentielle envie de baiser préalable, ni d'un souhait de faire des économies. En préservant son père de ses projets de départ, il aggrave son cas et passe bel et bien pour un gros connard. Il faut pourtant que le héros en reste un; d'où le personnage atypique de la grand-mère.

Quelle fourbe mamie! Comment ne pas penser que le hasard qui a mis les personnages sur le même chemin est feint? Après tout, à roder près de la maison, elle devait bien avoir ouï dire que son petit-fils comptait s'acheter des bretelles sous peu! Bien entendu, elle vient conforter par son caractère calculateur un lieu commun de la chanson paillarde : le type n'y est absolument pour rien, il n'a fait que suivre sa route, et il se trouve qu'on a mis sur son passage quelqu'un de comestible. Exactement comme dans la Digue du cul, où le protagoniste tombe tout à fait involontairement dans la chambre d'une fille qui dort à poil, l'heureux détenteur des 100 sous a un relation sexuelle avec sa grand-mère uniquement parce qu'elle le lui propose. Les mauvaises langues pourraient même dire qu'en bon petit fils, il n'a pas osé refuser!


Enfin, le phénomène de demi-tour, à comprendre ici comme un retour à la case départ après une semi-réalisation des objectifs du héros (il a niqué quelqu'un, mais il n'est pas parvenu jusqu'au bordel) est assez rare dans les chansons paillardes. Habituellement, l'accès effectif à l'endroit visé est majoritaire. S'il y a souvent une "pause" dans le parcours, c'est à dire un moment plus ou moins long au cours duquel les personnages font un certain nombre de choses avec leur b***, un nouveau départ est envisageable. Au petit matin, le gars "revenant de Nantes" (La Digue du cul) reprendra sans doute son chemin vers Montaigu, et Jeanneton saisira de nouveau sa faucille pour aller couper du jonc, une fois ses ébats terminés.

Il y aurait encore tant de choses à dire à ce sujet! à suivre!       

samedi 7 mai 2011

Roux Cools - Claus Norréen


Claus Norreen fait partie d'Aqua, le quatuor musical danois qui a cartonné en 1997 avec la chanson Barbie girl! Eh oui, si l'on se souvient surtout de Lene et de son inimitable voix d'oisillon affamé, ou de René, le petit chauve qui se la pétait dans son cabriolet rose façon Ken, rappelons qu'ils étaient bien quatre! La pochette de leur album le certifie : 

Aquarium, ou l'album fétiche de ma meilleure copine de 6°

Ne me demandez pas pourquoi, les roux cools que je choisis s'avèrent souvent être des roux temporaires, des faux roux ou même des produits comestibles oranges. Effectivement, si vous tapez "Claus Norréen" dans Google Images, vous vous rendez compte que sa toison capillaire n'est plus tout à fait carotte. Pourtant, elle l'a bel et bien été : 

Grillé!!!
Image chouravée sur Yayamusic!, un blog très sympa! Les flèches sont de moi, ou plutôt de Paint. 

Pourquoi est-il un roux cool? 
Claus Norreen est un roux de l'ombre, ce qui expliquerait qu'avec le temps il soit devenu brun. 

Prenons appui sur le clip vidéo de Barbie Girl, la chanson phare du groupe. Le scénario est assez simple: Ken et ses potes passent chercher Barbie pour se rendre à une fête. Pendant ce temps, la poupée cogite et se dit qu'il y a peut-être moyen de profiter de l'occasion pour conclure avec l'homme à la belle voiture rose. 



Au début du clip, il occupe la place du type un peu paumé qui ne comprend rien à ce qui se passe, qui se tient sagement debout à l'arrière du cabriolet rose bonbon et qui se prend un ballon dans la figure (0:46). Ensuite, on ne le verra plus, sauf à la fin de la vidéo, où  les personnages se retrouvent pour une soirée festive dans un jardin avec piscine. C'est alors lui qui met l'ambiance en jouant de la guitare, évitant à toutes les invitées d'avoir à se sacrifier pour danser avec lui. Succinctement intégré dans la chenille clôturant la fête, la dernière image qu'on a de lui est celle d'un type échoué sur une chaise longue. 

Dans le clip de My Oh My, il semblerait qu'on lui ait laissé prendre plus d'initiatives; les membres du groupe ont troqué leurs costumes de poupées pour des panoplies de pirates. 

 

René, Claus et Soren sont des méchants pirates aux dents pourries qui ont séquestré Lene, une fille sans défense qui ne s'arrête pas de chanter pour autant. Claus est celui qui capture Lene au début du clip, en lui couvrant la tête avec un sac. Mais cette responsabilité qu'on lui confie n'est-elle pas synonyme de sale boulot? On pourrait le croire, car lorsque René prend son bain, c'est aussi lui qui lui frotte le dos! Inutile de regarder la vidéo jusqu'au bout, tout le monde a déjà compris que René va se taper Lene, et qu'il en sera de même dans tous les clips, quel que soit le contexte.   

Aqua est sur un bateau. Claus tombe à l'eau. Tant pis! 
Rien de nouveau sous le soleil pour Dr Jones, si ce n'est l'univers Indiana Jones dans lequel évoluent les héros. Le groupe vogue dans les marécages à bord d'une embarcation de fortune, et se fraient un passage dans la jungle, toujours en musique! Lene et René roucoulent, Claus et Soren rament ou coupent des lianes à la machette.     



Puis il se fait picoter et cuire dans une marmite par des cannibales, avec Lene et Soren, jusqu'à ce que René "Dr Jones" vienne les sauver. Faute de mieux, soulignons que Claus porte fort bien la peau de panthère; c'est sans doute anecdotique, mais il faut savoir faire feu de tout bois lorsqu'on veut valoriser quelqu'un. 

Parce qu'on gagnerait sans doute à le laisser s'exprimer, et parce qu'il n'a même pas encore eu droit à sa page Wikipédia, c'est peut-être un début de reconnaissance d'accorder à Claus Norréen le statut de Roux Cool!