dimanche 1 janvier 2023

[ROUX COOLS] Louise Banks dans le film Premier Contact (Denis Villeneuve, 2016)

Un roux peut en cacher un autre ! 

Après avoir parlé de French Kiss 1986, restons encore un peu en Amérique du Nord avec le film Premier Contact réalisé par Denis Villeneuve et sorti en 2016. 



L'histoire

Douze vaisseaux extraterrestres en forme de coque viennent d'atterrir un peu partout dans le monde. L'état d'urgence est déclenché, les zones concernées sont bouclées de partout et chacun se prépare à buter les aliens. Sauf qu'il ne se passe rien... Quelque part, c'est encore plus angoissant car les forces militaires ont acquis la certitude que les capsules étaient bien habitées. Leurs enregistrements sonores évoquant plus des chants de baleines asthmatiques qu'autre chose permettent en tous cas de le supposer.  

Comme elle a déjà fait des traductions pour l'armée américaine et qu'elle est habilitée à effectuer des missions secret-défense, la linguiste Louise Banks (Amy Adams) est sollicitée par le colonel Weber pour communiquer avec les habitants de la "coque" située dans le Montana. Il espère ainsi découvrir leurs intentions. 

Louise se rend sur les lieux et découvre son coéquipier Ian (Jeremy Renner), un physicien qui a une vision du monde bien différente de la sienne. Un rapide briefing, quelques injections vite fait, une belle combinaison aseptisée orange et en route pour l'oeuf de Pâques ! 


Soyons un peu civilisés ! 

Le binôme va rapidement devenir complémentaire et soudé ; Louise et Ian ont tous deux persuadés que les visiteurs de l'espace ne comptent ni détruire ni envahir la Terre, bien que le motif de leur venue reste énigmatique.  

Mais ils sont bien seuls à défendre le pacifisme de ces êtres qui communiquent avec un langage bien à eux, en projetant avec leur mains tentaculaires de petits nuages d'encre pour former des symboles circulaires alambiqués. 

Ces extraterrestres me rappellent quelque chose, mais quoi donc ?

Ah ça y est, ça me revient !

Mis en confiance, ils fournissent bientôt à Louise un lexique qu'elle s'efforce de décrypter. Mais on se souvient de la blague de Dieu pendant la construction de la Tour de Babel : la diversité des langues et de leurs subtilités amènent parfois des incompréhensions, et un mot interprété dans un sens qui ne correspond pas au contexte peut générer le conflit. Tout au long du film, de nombreux parallèles sont faits entre les mystérieuses coques de l'espace et des peuples colonisés victimes de la barrière de la langue. Celui qui ne comprend pas ce que dit son oppresseur ne peut s'en défendre correctement.   

Aussi, lorsque les extra-terrestres envoient à Louise et à Ian le message "offrir arme", beaucoup y lisent la déclaration de guerre qu'ils attendaient depuis longtemps. Les deux intermédiaires vont essayer de gérer la crise en fonction de leurs compétences. Surtout Louise, d'ailleurs, qui en bonne rousse cool, monte en puissance du début à la fin de l'histoire et finit par tenir sa place dans les prises de décisions. Il lui faudra du temps pour faire comprendre aux soldats qui l'entourent qu'elle a sans doute autant d'influence qu'eux sur le cours des événements, si ce n'est plus ! 

Arrêtez-vous là, si vous souhaitez voir le film ! 

(Il est sur Netflix)


Je vais essayer de ne pas spoiler, mais c'est quand même assez difficile de parler de certains thèmes sans dévoiler certaines clefs de l'histoire.

Un autre rapport au temps 

Or, au milieu de l'émoi civil et militaire, une nouvelle donnée entre en jeu : celle d'un temps, justement, qui ne serait pas linéaire. Plus rare, me semble-t-il, dans les fictions mettant en scène des extraterrestres, ce changement de paradigme est assez présent dans les livres, les BD, et même au cinéma. Premier Contact, c'est un peu le film l'Armée des douze singes ou le comics Paper Girls en faisant de chemin inverse : jusqu'alors, on avait affaire à un héros qui va dans le passé pour trouver une solution à un problème qui pollue son présent, ou à des personnages catapultées dans un futur où elles vont jouer avec la chaîne du destin. Là, les personnages principaux ne bougent pas d'époque, ils accueillent simplement les extraterrestres venus "du futur" pour mettre en sûreté ce qui leur est précieux. Mais c'est plus compliqué que cela, puisque le paradigme du temps organisé en passé / présent / futur n'a pas de sens pour les visiteurs.    


Voilà, fin du spoil !

A voir, et à regarder jusqu'au bout 

J'ai commencé à regarder ce film parce que j'avais entendu parler de Denis Villeneuve lors de la sortie du film Dune en 2021. Elle avait fait pas mal de bruit, bizarrement, à tel point que nous en avions parlé un dimanche midi avec mon pote Xavier. On avait même prévu d'aller le voir au cinéma le mercredi suivant, mais quelques minutes avant qu'on se quitte, il s'était rétracté en m'encourageant poliment à "ne pas l'attendre" pour profiter du spectacle. Avec le recul, je me demande si l'"opération Dune en salle" n'était pas une métaphore de notre amitié, car depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais eu de nouvelles de lui ! Bref, tout ça pour dire qu'au final, je n'ai vu ni Dune, ni aucun autre film de ce réalisateur : il fallait bien conjurer le mauvais sort. 


Quelques idées reçues quant aux films de SF estampillés "extra-terrestres" ne me quittent jamais totalement, et c'est sans doute un tort. C'est sans doute à cause d'elles que les premières séquences de Premier contact m'ont un peu refroidie : on ne reconnaît que trop bien les archétypes du genre : le rude militaire qui veut casser du bonhomme vert, le scientifique lunaire un poil chochotte, l'héroïne professionnelle, forte et humaniste, trop rarement prise au sérieux, la viscosité des extra-terrestres, les chaînes télé en délire, les mouvements de foule... Le tout dans une ambiance plombante dès le début_mais cela se justifie, vous verrez, et assez contemplative.  

Le rythme change vers le milieu ou 2/3 du film, où on la révélation d'un paramètre que je ne spoilerai point, et qui retourne toute notre vision de l'histoire. C'est à partir de ce moment que j'ai pris conscience de la profondeur de ce film qui n'a pas grand chose à voir avec Independance Day ou Mars Attacks.  

Premier contact permet de réaliser que nous sommes bridés par une représentation bien particulière de notre environnement, et qu'il faut se faire violence pour sortir du carcan. Lorsqu'on arrive à le faire, le champ des possibles est tellement vertigineux qu'on n'a qu'une envie : revenir vers ce qu'on connaît pour ne pas de perdre dans les limbes. Après l'avoir regardé, on continue de se poser plein de questions : prendrait-on les mêmes décisions si on pouvait savoir de quoi seront faites nos prochaines années ? Où commence et s'arrête l'égoïsme ? Jusqu'où peut aller le pouvoir des mots ? Les diplômés en Sciences du Langage sont-ils les vrais maîtres du Monde ?         

Les Mystérieux Étonnants en parlent dans l'émission n°480, datée du 6 décembre 2016 !  

Premier Contact / Arrival 

1h56

Denis Villeneuve - 2016