mardi 26 juin 2018

Lola et le petit pou bleu - Isabelle Noisette / Soline Mogier (2017)

Merci aux Éditions Thot et à Babelio pour l'envoi de l'album Lola et le petit pou bleu dans le cadre de l'opération Masse Critique. 



Lola aime chanter ; du matin au soir, seule ou devant un public, et absolument tout ce qui lui passe par la tête. Même des chansons qui ne sont pas de son âge, même les airs d'opéra qu'elle n'est pas censée avoir avoir entendues et encore moins retenues. Ses parents sont surpris, voire inquiets lorsqu'elle entonne Yellow Submarine et Emmenez-moi, mais après tout, ça a l'air de lui réussir : à six ans, Lola est une petite fille épanouie.

Un jour, les poux font leur apparition à l'école ; la maîtresse de Lola demande aux parents de procéder à un shampoing spécifique afin d'enrayer l'invasion ! Comme tous les enfants, la fillette à l'opulente tignasse rousse ? brune ? à vous de voir, rechigne un peu mais finit par se plier à la règle.

Sauf que le lendemain, Lola n'arrive plus à chanter... C'est bien la première fois que ça lui arrive, depuis que les sons peuvent sortir de sa bouche ! Voyant que les jours passent et que le moral du petit rossignol de la famille reste en berne. ses parents l'emmènent chez le médecin, qui ne peut que constater sa bonne santé. Tout cela est aussi mystérieux qu'inquiétant...

Une héroïne pouilleuse

Dites-moi si je me trompe, mais je crois qu'on a tous eu dans notre vie une représentation négative des poux : ce sont des bestioles sales qui aiment squatter la touffe crados des gens qui ne se lavent pas. Quant aux petites particules noires qu'on ramasse sous nos ongles lorsqu'on se gratte la tête, ce sont forcément les crottes qu'ils ont pondues entre deux racines, n'est-ce pas ? Et pour couronner le tout, cette sale engeance saute allègrement de crâne en crâne ! Alors on fuit les pouilleux aussi loin que possible : pas de ça chez nous... A l'inverse, le pestiféré qui se sait atteint par le mauvais oeil ferme sa gueule et fait tout ce qu'il peut pour masquer cette tare à coup de shampoings et de peigne à poux.

Eh bien, une fois n'est pas coutume, dans Lola et le petit pou bleu, Isabelle Noisette et Soline Mogier prennent le contre-pied de cette image en partie injustifiée du pou. Bon, on est d'accord que la bestiole est un parasite dont il est nécessaire de se débarrasser : on est pas là pour faire un élevage non plus, hein ! Me faites pas dire ce que j'ai pas dit, bande de langues de vipère !

Au pire, l'application Pou est là pour ça...       
Ma mère adore !      
Les lecteurs appartenant à la génération Tamagotchi comprendront son enthousiasme.
Mais on s'éloigne des idées reçues où les gens soucieux de l'hygiène seraient épargnés. Ici, l'héroïne est porteuse d'un pou qui lui donne un pouvoir unique et qui participe à son bien-être : il lui souffle à l'oreille les chansons qu'elle fredonne à longueur de journée. Le fait de l'éradiquer la fait basculer dans la déprime, à tel point qu'il faudra qu'elle le réintègre dans sa chevelure pour retrouver la pêche. D'ailleurs, ce petit pou bleu joufflu nommé Pipo ressemble fort peu à ses congénères anxiogènes ; dans la touffe de cheveux roux de Lola (alleeeezz elle est un peu rousse quand même ? non ? Tiens ça fait longtemps que j'ai pas fait un billet "Roux Cools"), il apporte la touche de couleur semblable à celle qui égaye de petit monde de la fillette, lorsqu'elle chante...     

De l'univers de Lola à la réalité

Il s'en passe, des choses, dans la tête des enfants qui rêvassent, même si la réalité les rattrape toujours un peu trop vite. Dans cet album, le graphisme marque bien le contraste entre ces deux mondes qu'il faut bien concilier : lorsque Lola est occupée à chanter, elle est "peinte" dans un décor un peu flou qu'on dirait réalisé au pinceau.




En revanche, ses parents et le carnet dans lequel est inscrit le message de la maîtresse sont faits de traits nets et gris-noir, pour ne pas dire rudes : nous voilà parachutés dans le monde des adultes. On ne rêve plus, il est temps de se réveiller et d'agir... même si on n'en a pas très envie. 




Hormis l'originalité du sujet abordé on apprécie l'attachement des auteures à expliquer de A à Z la raison du mal être de Lola, ainsi que le retour de son bonheur.

Alors que beaucoup d'albums pour enfants se veulent poétiques et laissent une grande liberté d'interprétation, Lola et le petit pou bleu se veut précis et presque démonstratif... bien que ce soit une histoire à dormir debout qui y soit expliquée : Pipo le pou inspire Lola dans ses chansons, jusqu'au jour où, chassé par le traitement anti-poux, il saute sur le chat et y survit tant bien que mal jusqu'à ce que ce dernier vienne dormir dans la chambre de Lola. Ayant regagné ses pénates, il se niche à nouveau dans la tignasse de la fillette et lui redonne le goût de vivre. Ben oui, c'est logique, non ? Vous voulez une preuve ? Céline Dion. Voilà. Ce goût de la logique maintenue coûte que coûte dans la fiction est carrément désopilante.

Enfin un livre drôle et nécessaire qui permet de parler épouillage avec les petits sans aucun stress ! Ce bel album aux teintes qui varient au rythme des humeurs de son héroïne a le mérite de s'adresser aussi bien aux plus jeunes des chevelus qu'aux plus grands ! 

Sur ce, bonne nuit et désolée pour les fautes. Je relirai demain.

Vous aussi, vous avez la tête qui gratte ? 

NOISETTE, Isabelle ; MOGIER, Soline. Lola et le petit pou bleu. Editions Thot, 2017. 40 p. ISBN 978-2-84921-427-5





  

samedi 16 juin 2018

Ours mal léché


La fin de l'année scolaire approche, avec son lot d'examens stressants pour les jeunes ; j'ai du mal à trouver le temps d'écrire, et ça m'agace. D'ailleurs, est-ce vraiment une question de manque de temps ? D'autres options sont possibles : autocensure, difficultés d'expression liées à la fatigue, présence de yaourt dans le cerveau (qui a craché dans mon Yop ???), syndrome de la pinte frelatée...  



Heureusement, des spécimens sont là pour relever le niveau ! Cette année, j'ai été membre de jury pour un oral. Quand on dit que la roue tourne...

"Peux-tu citer un symbole de la République française ?

_ Pff... Euh, y a la meuf. Celle avec le drapeau, là... Maria ? Marina ?

- Presque ! 

_ Marianne ? 

_ OUI ! Bien bien... 




_Tu nous dis que tu comptes préparer un CAP Petite Enfance l'année prochaine, et du nous dis que tu es doué pour t'occuper des petits. Imagine : tu dois garder un bébé et il n'arrête pas de pleurer. Que fais-tu ?" 

Benjamin* se redresse sur sa chaise, les mains toujours sous la table. Plus tard, on verra qu'il triturait son portable tout en répondant aux questions, et on lui demandera de le ranger, parce que c'est quand même un examen, et que bon, voilà, bien qu'il ne soit plus tout à fait un élève du collège, il est tenu de respecter le règlement, et tout et tout... 

 "Bah, le p'tit, j'le pose sur mon ventre pour qu'il s'endorme !
_ ... 

_... Euh, et imagine que cette méthode ne marche pas ?

_ Ça marche toujours quand je fais ça.

_ Oui sans doute, mais voilà, cette fois-ci, va savoir pourquoi, tu as fait tout ce qu'il fallait, et pourtant il continue de pleurer ?

_ Je vous dis que ça marche toujours quand je le pose sur mon ventre !"

Une pointe d'agacement est apparue dans sa réponse.

_...

Le chrono tourne toujours, tandis qu'un silence de mort s'installe. 

Notre représentation mentale de la scène a pris tellement de place dans notre boite crânienne que nos questions potentielles ont giclé par les oreilles. Il nous faudra pas loin d'une trentaine de secondes pour reprendre contenance.


Puis nous choisirons de rester sur ce sujet qu'il maîtrise, visiblement, et nous l'interrogerons sur l'hygiène et les normes de sécurité qui s'imposent lorsqu'on a affaire à des jeunes enfants. Il soulignera à juste titre l'importance d'éviter de se droguer en présence de marmots, de veiller à éloigner une poussette des objets coupants, de ne pas exposer les nourrissons aux rixes et aux armes à feu. Après quoi nous le laisserons remettre sa casquette stylée et repartir, entre confusion et satisfaction. 

Difficile de savoir encore si Benjamin, mon chouchou officiel depuis quatre ans malgré et peut-être pour ses excentricités, deviendra puériculteur ou gérant d'un barber shop comme il le souhaiterait. D'ici dix-quinze ans, qui sait, si ça se trouve il sera à la tête d'un bar branché, beaucoup moins sur les nerfs et aussi attractif qu'un pot de miel pour sa clientèle de bears. Ce serait une belle revanche sur sa vie de merde ! 

Seuls Dieu et le Parcours Avenir peuvent savoir. 


* C'est pas son vrai nom !