samedi 16 juin 2018

Ours mal léché


La fin de l'année scolaire approche, avec son lot d'examens stressants pour les jeunes ; j'ai du mal à trouver le temps d'écrire, et ça m'agace. D'ailleurs, est-ce vraiment une question de manque de temps ? D'autres options sont possibles : autocensure, difficultés d'expression liées à la fatigue, présence de yaourt dans le cerveau (qui a craché dans mon Yop ???), syndrome de la pinte frelatée...  



Heureusement, des spécimens sont là pour relever le niveau ! Cette année, j'ai été membre de jury pour un oral. Quand on dit que la roue tourne...

"Peux-tu citer un symbole de la République française ?

_ Pff... Euh, y a la meuf. Celle avec le drapeau, là... Maria ? Marina ?

- Presque ! 

_ Marianne ? 

_ OUI ! Bien bien... 




_Tu nous dis que tu comptes préparer un CAP Petite Enfance l'année prochaine, et du nous dis que tu es doué pour t'occuper des petits. Imagine : tu dois garder un bébé et il n'arrête pas de pleurer. Que fais-tu ?" 

Benjamin* se redresse sur sa chaise, les mains toujours sous la table. Plus tard, on verra qu'il triturait son portable tout en répondant aux questions, et on lui demandera de le ranger, parce que c'est quand même un examen, et que bon, voilà, bien qu'il ne soit plus tout à fait un élève du collège, il est tenu de respecter le règlement, et tout et tout... 

 "Bah, le p'tit, j'le pose sur mon ventre pour qu'il s'endorme !
_ ... 

_... Euh, et imagine que cette méthode ne marche pas ?

_ Ça marche toujours quand je fais ça.

_ Oui sans doute, mais voilà, cette fois-ci, va savoir pourquoi, tu as fait tout ce qu'il fallait, et pourtant il continue de pleurer ?

_ Je vous dis que ça marche toujours quand je le pose sur mon ventre !"

Une pointe d'agacement est apparue dans sa réponse.

_...

Le chrono tourne toujours, tandis qu'un silence de mort s'installe. 

Notre représentation mentale de la scène a pris tellement de place dans notre boite crânienne que nos questions potentielles ont giclé par les oreilles. Il nous faudra pas loin d'une trentaine de secondes pour reprendre contenance.


Puis nous choisirons de rester sur ce sujet qu'il maîtrise, visiblement, et nous l'interrogerons sur l'hygiène et les normes de sécurité qui s'imposent lorsqu'on a affaire à des jeunes enfants. Il soulignera à juste titre l'importance d'éviter de se droguer en présence de marmots, de veiller à éloigner une poussette des objets coupants, de ne pas exposer les nourrissons aux rixes et aux armes à feu. Après quoi nous le laisserons remettre sa casquette stylée et repartir, entre confusion et satisfaction. 

Difficile de savoir encore si Benjamin, mon chouchou officiel depuis quatre ans malgré et peut-être pour ses excentricités, deviendra puériculteur ou gérant d'un barber shop comme il le souhaiterait. D'ici dix-quinze ans, qui sait, si ça se trouve il sera à la tête d'un bar branché, beaucoup moins sur les nerfs et aussi attractif qu'un pot de miel pour sa clientèle de bears. Ce serait une belle revanche sur sa vie de merde ! 

Seuls Dieu et le Parcours Avenir peuvent savoir. 


* C'est pas son vrai nom ! 




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