samedi 2 avril 2011

Dans la série : j'aimais lire, mais il m'a guérie : Jérôme Bourdon - Introduction aux médias (2009, 3°édition)

D'ailleurs, "aimer lire", qu'est ce que ça signifie? ;-) Débat en cours...

Dans son Introduction aux médias, Jérôme Bourdon présente les médias sous trois angles : les approches théoriques dont ils sont l'objet, puis les études des messages qu'ils diffusent. Il évoque, pour finir, l'impact ou non de ces médias sur les usagers, et le rôle des Etats dans leur fonctionnement.

Je n'ai pas demandé à l'éditeur l'autorisation de publier la couverture de l'ouvrage sur ce blog, mais il aurait sans doute été d'accord. De toute façon, un peu de pub ne fait jamais de mal, même si je ne vois pas qui irait mettre ses sous là-dedans, vu qu'il est en 18 exemplaires dans toutes les BU. 


On est bien d'accord, l'Introduction aux médias est un ouvrage destiné aux étudiants et aux chercheurs qui s'intéressent à l'histoire en ébullition constante des médias; c'est le genre de livres qu'on parcourt en prenant des notes, et dont on saute quelques chapitres pour arriver à celui qui nous intéresse. Malgré tout, il est intéressant d'en dégager les grandes lignes :  si les idées sont formulées de manière assez pointues (quoique pas tant que ça, puisque j'arrive dans l'ensemble à les comprendre), le contenu peut intéresser tout le monde.

Jérôme Bourdon définit les médias comme des "techniques d'élaboration et de circulation d'informations parmi de vastes publics". Pour qu'un média fonctionne, il faut : un émetteur, un récepteur, une technique, un contenu informationnel. Il distingue les médias de diffusion (où le récepteur est passif), des médias de communication (où il y a un échange entre l'émetteur et le récepteur). Avec Internet, ces deux types de médias peuvent être rapprochés, et même se confondre.

Théories des médias 
Scientifiques ou profanes, les études menées sur les médias sont toutes enrichissantes. Chacune d'elles s'inscrit dans un ou plusieurs courants de pensée :

- le courant des empiriques s'appuie sur des enquêtes menées à une échelle locale auprès d'usagers en autonomie   
- le courant critique considèrent que les médias sont nécessairement les instruments d'un pouvoir manipulateur et qu'il faut avant toute chose les décrypter.  

- les chercheurs dits "prophétiques" proposent des visions d'un futur où la presse, la radio, le web, la télé, ont un rôle à jouer dans la société. Les plus optimistes estiment que le partage des informations et l'intelligence collective représentent l'espoir d'une démocratie idéale, alors que d'autres craignent les dangers de la massification et d'une même culture dispensée à une foule influençable.  
- les "scientifiques", qu'ils soient empiriques ou critiques, procèdent pas enquêtes et n'en tirent pas de prévisions. Les empiriques en déduisent que les médias peuvent influencer les populations, mais modérément et dans certaines conditions. Les critiques ont un point de vue pessimiste.  

Les études des chercheurs font appel à plusieurs théories; le cloisonnement est de moins en moins de rigueur, en fonction du parcours du chercheur, des évolutions théoriques qui suivent souvent le cours de l'histoire, des transformations des médias. On ne peut plus les observer de la même manière qu'il y a 100 ans. 

Les usagers et les messages 
Jérôme Bourdon préfère le terme d'usager à celui de "public", car le récepteur est de plus en plus actif face aux médias, ne serait-ce que pour comprendre le message perçu. Pour étudier les effets ou non effets des médias sur les usagers, donc, des modalités d'analyse de contenus ont été mises en place : 

- la théorie des effets limités, comme son nom l'indique, défend l'idée que le public n'est pas aussi influençable qu'il n'y paraît, et qu'il n'est que partiellement façonné par les médias. L'auteur cite Gabriel Tarde, qui affirme que les informations d'actualité ont effectivement une présence dans les conversations privées. 
- la reconnaissance des effets est pourtant inévitable. Pour Lazarsfeld, théoricien du two step flow (= communication à 2 étages), la télévision renforce les attitudes violentes propres à l'humain. Il devient difficile de savoir si les médias transmettent des idées, des valeurs à la société, ou si elles en sont le reflet. Gerbner va dans son sens en émettant la possibilité pour un gros consommateur de télé, d'avoir une représentation déformée de la réalité. Il serait plus sage de dire que les médias ont une fonction d'agenda : il ne nous disent pas quoi penser, mais ils nous disent tout de même à quoi penser, on soulevant des débats, des sujets, des opinions, en suscitant les réactions. 

- le knowledge gap est un paramètre à prendre en compte : les médias de masse sont ils un frein à la démocratie plutôt qu'un catalyseur? Selon la théorie de la "fracture culturelle", dans toute démarche de démocratisation, il y aurait un risque d'agrandir les inégalités en voulant les réduire. Comme tout le monde n'a pas les mêmes clés de lecture, les média peuvent avoir un effet négatifs chez certains. 

Après avoir fait le point sur les différentes modalités d'analyse des usages, l'auteur se penche sur les différentes possibilités d'analyser les messages. Elles mobilisent généralement des connaissances en sémiologie, c'est à dire "la science qui étudie les systèmes de signes au sein de la vie sociale" (définition proposée par J. Bourdon). Les connotations présentes dans les messages sont donc à prendre en compte autant que le sens premier. L'approche par l'analyse du discours est une autres façon d'aborder les médias : tenir compte de la rhétorique, de l'argumentation, de l'orientation des propos tenus sont souvent révélateurs.

Il ressort de ces études méthodiquement menées que les usagers savent relativement bien se protéger des médias. Il est encore difficile de se prononcer sur les pratiques des internautes, qui laissent beaucoup de traces d'usages, mais qui sont invisibles.

Politiques, organisations et métiers
Cette troisième et dernière partie de l'Introduction aux médias veut notamment faire comprendre que s'intéresser à la "politique des médias", c'est savoir se détacher des idées reçues, telles que : "les médias sont nocifs" ou "les médias sont obligatoirement manipulés par un pouvoir".

En bâtissant sa typologie sur les principaux régimes gouvernementaux, Jérôme Bourdon dresse des modèles de fonctionnement des médias :

- le modèle autoritaire : c'est avec et contre lui que la presse est née. Les médias sont surveillés par l'Etat, mais ils en sont indépendants. La censure est possible

- le modèle totalitaire : les médias sont soumis au pouvoir, qui contrôle les journalistes et ce qu'ils publient.

- le modèle libéral : la liberté d'expression est effective. L'information politique est diffusée de façon à ce que le citoyen puisse procéder à son choix. Mais les limites viennent casser l'idéal : il s'agit de déterminer où se termine la liberté d'expression.

Les médias sont alors soumis à une "responsabilité sociale"; ils font partie, directement ou non, du service public et se doivent de remplir des missions d'intérêt général telles que : éduquer, cultiver, divertir mais pas n'importe comment. L'audiovisuel a parfois du mal à se plier à cette idée de service public et aux exigences qu'il implique. A présent, les réseaux semblent vouloir faire revivre cet idéal de liberté d'expression, en essayant de refléter la démocratie et la pluralité d'opinions.


BOURDON, Jérôme. Introduction aux médias. Paris, Montchrestien Lextenso. Coll. Clefs. Politique. 3°éd. 2009. 158 p.

Jérôme Bourdon est historien et sociologue des médias. Il a notamment mené des recherches sur la télévision. 


5 commentaires:

Bubulle!! a dit…

Trop sérieux pour être lu ce soir !^^ ;-D Mais ça m'a l'air très complet !! :-)

Java a dit…

Non, c'est vraiment le résumé d'un livre qui lui-même est une synthèse des différentes approches théoriques des médias, à la base! :-D

Java a dit…

Mais merci! :-D

Bubulle!! a dit…

Mais je le lirai hein ! ;-) ça ne peut que me servir !! :-)

Java a dit…

:-)