vendredi 29 octobre 2021

[EN FIN DE COURSE] Masques et soleil : la Course de la Rentrée - Le Perreux-sur-Marne / le Trail du Soldat de la Marne - Pays de Meaux / Entre Dhuis et Marne - Pomponne

Courir, écrire des conneries (ici-même) et boire de l'alcool sont mes trois anti-stress ; voilà plusieurs années maintenant que j'essaie de me focaliser sur les deux premiers afin de pouvoir éliminer définitivement le troisième. Hormis quelques dérapages, ça fonctionne plutôt bien !

C'est donc avec joie qu'après des mois de restrictions sanitaires, j'ai pu participer à trois courses organisées en Île-de-France, cet automne : la Course de la Rentrée du Perreux-sur-Marne (15km), le Trail du Soldat de la Marne, près de Meaux (30km) et le trail Entre Dhuis et Marne à Thorigny-sur-Marne (22km). 

La Course de la rentrée - Le Perreux sur Marne : la première après bien longtemps ! 

L'événement a eu lieu le 5 septembre dernier, comme son nom pouvait vous le faire deviner. Il était organisé par le comité des fêtes du Perreux sur Marne et par le club Asphalte 94, avec Yoann Kowal pour parrain. L'AFM Téléthon était de la partie : deux enfants, si je ne me trompe pas, ont pu faire le parcours avec nous en joëlette.

Le circuit formait une belle boucle à travers la ville, avec notamment une partie en bord de Marne fort agréable et une belle côte dès le début _vers la mairie, qui nous a bien rappelé que partir trop vite n'est pas toujours la meilleur option. Deux distances étaient proposées aux sportifs : 7,5 km et 15km, avec un parcours commun (mais deux tours à faire pour les 15km) et des départs en décalé. Il faisait beau et chaud ; les coureurs étaient détendus, même les performants : c'était notre premier rendez-vous depuis tellement longtemps, ça se sentait. Tout le monde (ou presque) se sentait d'attaque pour faire un effort et pour garder son masque jusqu'au départ, comme c'est maintenant de rigueur.   

Les 15km de course sur route essentiellement ne m'inquiétaient pas trop, étant assez habituée à cette distance. Le chronomètre était le dernier de mes soucis, comme d'habitude. J'étais plus soucieuse de réussir à m'organiser pour arriver tôt au point de départ, afin de ne pas m'angoisser inutilement sur les aspects pratiques dont j'avais perdu l'habitude. Heureusement, aucun problème de transport, ce jour-là : je suis arrivée à la gare de Neuilly Plaisance assez tôt pour avoir le temps de me repérer. 

Le Perreux vers 7h45...

Un peu avant de départ... 
Les embarcations du club d'aviron étaient de sortie.

Finalement, j'ai bien sué dans les derniers kilomètres : quoi qu'on en dise, dans une course officielle, on essaie toujours de se magner un peu plus que lors de son jogging du week-end. Ou peut-être simplement pensais-je que ce serait plus facile. En tous cas, ça valait le coup de se lever tôt pour venir jusque-là : la ville a l'air bien sympa. On remercie au passage les bénévoles et toutes les personnes chargées de guider les coureurs, de les encourager, de distribuer les t-shirts à la fin ainsi que les barres de céréales... et le masque, bien sûr ! 

Le Trail du Soldat de la Marne - Crégy-lès-Meaux : 30 kilomètres ambiancés

Quinze jours avant l'échéance, je me suis inscrite pour ce trail déjà mythique de 30 km qui me faisait rêver depuis un moment. Il y a deux ans, on m'avait proposé un dossard mais je l'avais refusé, ne me sentant pas prête. Cette fois-ci, j'ai hésité, avant de me dire que quand on a 35 ans et qu'on a la chance de ne pas être blessé, il faut faire gaffe à ne pas trop reporter les défis à l'année suivante. Qui sait où on sera, d'ici là, et dans quel état ? De toute façon, avec un marathon en ligne de mire, autant tenter les longues distances. Oui, même si certains "concurrents" piaffaient sur la ligne de départ, impatients de démarrer ce "petit 30" pour "se remettre en selle", ce trail s'annonçait comme une grande aventure pour d'autres. 

A une semaine du fameux rendez-vous, j'ai commencé à baliser comme avant un examen, et ça, c'était pas bon du tout : la course à pied est par excellence l'activité pour laquelle je ne me mets jamais de pression, d'habitude. Le coup de stress n'a pas eu de conséquences au final, mais il ne faut pas qu'il se reproduise, note pour le marathon de juin prochain. 

Heureusement, toutes les conditions étaient réunies pour que la course se passe bien : quelques jours de temps sec m'ont permis de garder mes chaussures de route habituelles, plus légères que mes pompes de trail. Le voyage très matinal d'Aulnay-sous-Bois s'est passé idéalement, du T4 à la ligne P, en passant par le RER E. Arrivée à Meaux, ç'a été finalement facile de regagner à pieds l'imposant Musée de la Grande Guerre, point de départ du trail. 

La dernière montée à pieds m'a d'ailleurs donné un aperçu de ce à quoi allait ressembler la fin du parcours... si j'y arrivais. Spoiler : oui. 

Retenez que les participants avaient la chance de passer la ligne d'arrivée sur tapis rouge, et sous les applaudissements des bénévoles habillés comme on pouvait l'être au début du XX°siècle. Ici, on n'a pas lésiné sur le spectacle, du début à la fin : majorettes près du sas de départ, cornemuse à mi-parcours, pancartes d'encouragement tout le long du chemin, bénévoles à fond à toutes les intersections... Tous ces à-côtés ce que je considère d'habitude comme des fioritures tape à l'oeil dispensables et agaçantes m'ont beaucoup aidée ce jour-là.  

#jaicouruchezcopé

On dirait un coq, vous ne trouvez pas ?

#parcourspoulet

A Crégy-lès-Meaux, ce 10 octobre à 9h00, il faisait beaucoup plus froid qu'à Aulnay deux heures plus tôt ; sur les premiers mètres, je ne sentais pas mes pieds. La dernière fois que je m'étais autant pelée, c'était en janvier 2020. à la Sagittaire de Sucy-en-Brie. Mais le temps était magnifique, et, une fois lancés, on était tous bien contents qu'il ne fasse pas trop chaud. Mon premier regret est de n'avoir pas pu prendre de photos du cadre champêtre superbe (pour qui aime la campagne), ni du musée. Par chance, un coureur youtubeur a eu la bonne idée d'immortaliser la course avec sa GoPro, nous lui en sommes fort reconnaissants : 

Mon second regret est de n'avoir pas assez profité du moment, de m'être peut-être "trop ménagée" par peur de ne pas finir le parcours, et de n'avoir pas osé doublé certains concurrents parfois. Oui, je sais bien que c'est le principe d'une course que d'essayer de passer devant les gens, mais sur le moment ce n'est pas si simple.  

Au niveau du premier ravitaillement, situé assez tôt dans course, un coureur habitué m'a dit que le parcours sur lequel nous nous étions lancés n'était pas trop difficile _a priori, le circuit de 20 km au départ de Barcy était plus accidenté, donc plus intéressant pour les amateurs de trail. Voilà qui était encourageant. J'avais choisi de ne pas du tout regarder Strava pendant la course, histoire de ne pas me démonter en cas de coup de pompe à mi-parcours, et de faire sans écouteurs pour rester vigilante pendant les passages en forêt et sur les chemins caillouteux. J'ai particulièrement apprécié de retrouver sur quelques mètres ce cher canal de l'Ourcq, qui est devenu un terrain familier. 

Le dernier ravitaillement était placé au 25ème kilomètre, après une traversée du désert, comme le laisse entendre Monsieur What The Run dans sa vidéo, ci-dessus. Mais on était quand même prévenus qu'il était conseillé de faire des réserves jusqu'à notre passage à Barcy (8ème kilomètre). Une fois arrivés là, on savait tous que le plus gros était fait, et qu'on allait atteindre l'objectif. Maintenant que nous étions mêlés aux marcheurs et aux coureurs du 20km, l'ambiance devenait vraiment festive : les rapides ont loupé ça. Je reconnais que j'étais un peu trop fatiguée pour apprécier.

Bravo aux deux coureurs en rouge et vert (Thomas et ... ?) à qui j'ai collé aux basques pendant une bonne partie de la course, et ce jusqu'à la fin ! C'était pas spécialement voulu, j'espère que vous ne vous êtes pas sentis suivis ! 


Mon neveu âgé de cinq ans, qui est actuellement dans sa phase "petits soldats" va certainement apprécier la médaille du finisher.   

La course était organisée par la Communauté d'Agglomération du Pays de Meaux, merci à eux. Les mises à jour régulières du site Internet, avec le détail des tracés, et la page Facebook très active du Trail du Soldat de la Marne nous ont permis de bien nous préparer et d'avoir un aperçu de ce qui allait nous attendre le jour J. 

Entre Dhuis et Marne : le plus beau parcours 

Quinze jours plus tard, rebelotte pour un nouveau trail, au départ de Thorigny-sur-Marne, cette fois-ci. L'événement regroupait moins de monde. Peut-être était-ce une conséquence du marathon de Paris qui avait eu lieu une semaine plus tôt ? Le matin du jour J, il m'a semblé que j'étais tombée dans une course moins "grand public" : visiblement, les gens n'étaient pas tous là pour rigoler. 

Effectivement, beaucoup des 200 coureurs alignés sur le parcours de 22 km étaient partis assez vite _ il y avait le choix entre deux distances : 17 et 22 km. J'ai laissé passer la foule : mon objectif était avant tout de faire mes 22 kilomètres, en marchant le moins possible et en essayant de bien négocier les descentes. En effet, si monter les belles côtes bien visibles sur le tracé ne me faisait pas trop peur, les descendre me filait d'avance le vertige. Finalement je m'en suis tirée sans chute _ mais avec les cuisses qui brûlent, quand même ! Ce qui reste le but du jeu...  

De la poignée de courses que j'ai pu faire depuis deux ans maintenant, Entre Dhuis et Marne a été à la fois la plus exigeante et la plus plaisante. Elle est sans doute moins médiatisée que le Trail du Soldat de la Marne auquel j'étais tentée de la comparer forcément, peut-être plus sobre dans son déroulement mais l'accueil des bénévoles y est tout aussi sympa. Un peu de simplicité ne fait pas de mal, parfois ! Là encore, on apprécie la qualité de la communication, tant sur le site du club organisateur Courir Avec Pomponne que sur la page Facebook de l'événement.

Ce tour de cou fort seyant nous a été offert à l'arrivée.

Il faut savoir que la semaine précédent la compétition, une brutasse de tempête a soufflé sur la Seine-et-Marne, risquant de compromettre les réjouissances. Heureusement, les arbres tombés en travers des chemins ont été ciblés et déblayés hyper rapidement, de façon à ce que la course puisse bien avoir lieu. Merci encore aux organisateurs : si j'étais contente d'avoir, cette fois-ci, opté pour les baskets propres à la gambade en zone fagneuse, à aucun moment je n'ai eu le sentiment d'avoir été en danger, ni même en difficulté, spécifiquement à cause des récentes intempéries. Bien sûr, il fallait être vigilant... comme n'importe quelle personne amenée à se déplacer rapidement en forêt. 

Sur le dernier kilomètre, on a un peu discuté avec un membre (je crois ?) du club organisateur Courir Avec Pomponne, qui m'a dit que tous parmi eux s'efforçaient de préserver le cadre naturel de la superbe forêt des Vallières, dont beaucoup d'entre nous sont devenus définitivement fans à l'issue du trail. 

Entre Dhuis et Marne était aussi et surtout l'occasion de soutenir l'association Enfants Cancers Santé.    


Chapeau à tous ceux qui ont donné de leur temps
 pour concrétiser ces premières courses d'après COVID !  

N'hésitez pas à m'indiquer en commentaire d'éventuelles erreurs, sur les noms des clubs, des associations, des lieux... J'suis pas du coin ! 

mercredi 27 octobre 2021

[MASSE CRITIQUE] Zones d'admiration - Jean Esponde (2021)

Merci à l'Atelier de l'agneau et à Babelio pour l'envoi de Zones d'admiration dans le cadre de l'opération Masse Critique. 

Encore une fois, j'ai attendu le dernier moment pour publier une critique de ce nouvel ouvrage poétique de l'écrivain Jean Esponde. Non que la lecture ait été fastidieuse ou déplaisante ; mais il m'a toujours semblé difficile de me prononcer sur de la poésie, qu'elle soit écrite en vers ou en prose. L'exercice est encore plus ardu lorsqu'on ne connaît pas du tout l'auteur, comme c'était le cas en l'occurrence, jusqu'à ces derniers jours. Je vais donc faire ce que je peux. 



Zones d'admiration ne se présente pas comme le recueil de poèmes auquel on pourrait s'attendre mais plutôt comme un petit livre protéiforme organisé en plusieurs grandes parties de tailles variables. Si la première s'intitule "Peintures", c'est bien Jean Esponde qui tire un portrait parfois documenté et parfois rêvé d'anonymes _tels que les premiers artistes de Lascaux, ou de génies qui ont fait date : Picasso, Frida Kahlo, Shitao... Pour mieux leur rendre hommage, il se plonge dans leur époque, dans leur espace, et imagine ce qu'ils ont pu penser, se dire. La deuxième grande étape du voyage se focalise sur "Quatre poètes", autour desquels l'auteur brode des textes qui auraient pu être des biographies, mais qui manifestement n'en sont pas. Il s'agit de Rimbaud, de Segalen _omniprésents dans l'oeuvre, du trop souvent oublié Héraclite, du sulfureux Genet.  "Enseignement sans parole" apporte une touche philosophique à l'ensemble, et nous fait part de belles réflexions croisées sur les différents modes d'expression. Jean Esponde s'amuse à mettre en scène successivement Lao Tseu, Lu Ji et Héraclite. Guerres, Le Devenir et La Civière, plus courtes, forment un ensemble où, à mon avis, la condition humaine est traitée sous ses angles les plus sombres.


En une centaine de pages, Jean Esponde parvient à réunir des millénaires de culture, en nous amenant aux quatre coins du Monde. Aucune des figures qu'il admire et qui l'inspirent ne semble avoir été oubliée. Si, à première vue, l'ouvrage a l'air d'une boîte pleine de pièces de puzzle mélangées, une deuxième lecture évoquera plutôt une page web pourvue de nombreux liens hypertexte : Lascaux, Laas Geel, Lao Tseu, Rimbaud, Héraclite : tout se tient, tous se tiennent par la main, pour une raison ou une autre. Ce panorama éclectique des arts et cette fracture pure et simple des barrières spatio-temporelles sont déroutants ; mais ils ont l'avantage de nous libérer de nos carcans, de nous permettre des regards croisés sur des artistes, des courants artistiques et philosophiques qu'on ne songerait jamais à comparer, habitués que nous sommes à tout cloisonner. D'ailleurs, le poète ne se contente pas de poser des sages et des artistes inspirants les uns à côté des autres, puisqu'il s'essaie _avec succès_ à les incarner ou à les faire dialoguer. Qu'il possède ou non le bagage culturel lui permettant de saisir toutes les références auxquelles Jean Esponde fait allusion, le lecteur sortira grandi et/ou troublé de cette expérience littéraire unique en son genre.       

Jean ESPONDE. Zones d'admiration. Atelier de l'agneau, 2021. 125 p. ISBN 978-2-37428-047-9


tous les livres sur Babelio.com

samedi 23 octobre 2021

[COMICS] Pulp - Ed Brubaker ; Sean Phillips (2020)

Le temps n'a pas daigné s'arrêter, la vie a repris son cours avec une facilité surprenante. Les vivants se remettent à s'écharper pour des motifs plus futiles les uns que les autres, d'abord à petites touches teintées de décence, puis à grands coups de trique. Je ne sais pas si j'envie ou si je méprise leur capacité à rebondir aussi vite. 


La sortie récente de Pulp, album créé par Ed Brubaker et Sean Phillips, a fait beaucoup de bruit dans les podcasts où il est question de comics à plus ou moins forte dose. Comme à chaque fois on en parlait plutôt en bien, ce titre a fini par attirer mon attention. 

L'histoire 

New-York, 1939. Sale temps pour les Juifs et pour les vieux. Max Winter en fait l'expérience tous les jours. Sous ses cheveux blancs et sa silhouette malingre, le "grand-père" bouillonne comme dans sa jeunesse lorsqu'il est face à une injustice... et finit par faire des attaques qui lui rappellent que s'il veut changer le cours de sa vie, c'est maintenant ou jamais. 

En effet, Max est dessinateur pour un "pulp magazine" ; il aimerait publier des histoires profondes dans lesquelles son héros, Red River Kid, ferait autre chose que se battre en duel et taper des gens, mais son jeune patron dénature complètement ses œuvres : le but, c'est de vendre. Les gens veulent de la baston. Frustré par le manque de reconnaissance pour son boulot, désespéré d'être si mal payé, il trouve un peu de réconfort auprès de Rosa, sa copine, à qui il aimerait offrir autre chose que trois pièces pour survivre jusqu'au loyer suivant. Derrière leurs murs, le nazisme monte, discrètement mais sûrement. 

Alors, sentant sa fin proche, il décide de forcer le destin. S'il faisait un gros coup, comme dans le temps, en braquant une banque ? Car Max n'a pas toujours été artiste ; sa jeunesse, il l'a passée auprès de son pote Spike à faire les quatre cent coups pour aller chercher les fonds que leur modeste condition de fermier ne pouvait leur apporter. Il a souvent fait du mal, il est souvent sorti du droit chemin, il s'est souvent battu... Son héros de BD, Red River Kid, c'est un peu son alter ego. 

Une fois devant la banque, un particulier l'empêche de partir à l'assaut : il s'agit de Jeremiah Goldman, un de ses adversaires d'antan. S'il l'avait perdu de vue depuis des années, l'autre a toujours suivi sa trace et aujourd'hui, il a besoin de lui pour piller un repaire de nazis. Comme quoi, on peut être ennemi avec quelqu'un et le respecter assez pour faire appel à lui dans la difficulté... Sens de l'honneur ou besoin d'argent ? Un peu des deux sans doute. Max accepte. Les meilleurs ennemis deviennent associés. 


   


Bain de jouvence

Ed Brubaker et Sean Phillips ont choisi de mettre en scène des héros vieillissants et pourtant bien dynamiques : voilà qui fait du bien, dans une époque où les superhéros jeunes et musclés quadrillent le cinéma et la BD. Mieux encore, ils traduisent le quotidien impitoyable de celui qui se sent encore jeune dans sa tête, mais qui a bien conscience que son corps "ne suit plus", et qu'il faut le ménager. Un passage qu'on connaîtra tous, si on a la chance d'arriver jusque-là. Pas de miracles, pas de pouvoirs magiques dans Pulp : lorsque Max vient au secours d'un jeune juif pris à partie par un groupe de jeunes fachos... il se fait méthodiquement casser la gueule, sous les yeux de la foule indifférente. 

Si les années 1930 nous paraissent bien lointaines, elles représentent pour le héros une ère nouvelle, moderne, dans laquelle il ne se reconnaît plus. Sa nostalgie de la fin du XIX° siècle, où le code de l'honneur parlait même aux brigands de sa trempe, s'exprime sur ses planches de BD dédiées à des cow-boys parcourant le far-west à cheval. On comprend qu'il lui soit insupportable de voir son patron taillader ses histoires, qui sont ni plus ni moins des pans de sa vie.

Système pourri à la moelle

Max travaille pour un magazine de "pulps", format de BD très à la mode dans ces années-là, où on n'avait pas encore la télé, où l'accès à la radio et au cinéma n'étaient pas évidents. Imprimés à la chaîne sur du mauvais papier, pas chers, les pulps étaient faits pour êtres vendus en grand nombre et il importait de les remplir en fonction de ce que les gens voulaient y lire. On comprend ici que les auteurs étaient assez mal payés, que leur salaire pouvait varier du jour au lendemain et que leurs créations n'étaient pas protégées. Souvent, leur situation ne leur permettait pas de claquer la porte en cas de désaccord, et les boss faisaient jouer la concurrence entre les dessinateurs. Voilà qui fait un peu penser au système d'édition des mangas, de nos jours.   

Le nazisme en toile de fond 

Pulp est un album court _environ 65 pages_ mais très riche : vous n'y trouverez pas ni préface, ni dossier visant à contextualiser l'histoire. Il n'y en a pas besoin ; c'est l'une des grandes forces de cette histoire. Les sombres rues de New-York de février 1939, annonciatrices des prochaines années noires, contrastent avec les scènes de western chaudes et colorées de fin du XIX° siècle que Max propose à son patron ; quelque chose se passe, la ville change, on ne sait pas vraiment pourquoi, mais les tensions deviennent palpables. Au cinéma avec Rosa, il s'étonne de sentir un courant d'air nazi passer dans le public _décomplexé par l'obscurité. Les fachos ont leur QG, personne ne semble y voir d'inconvénient. On ne sait plus qui pense quoi, qui est de quel côté. D'ailleurs, Sean Phillips dessine ses personnages de façon à ce que leur face soit toujours à moitié occultée par l'ombre, comme s'il ne voulait pas qu'on voit "leur vrai visage". Nous sommes plongés dans cette période vicelarde où chacun attend de voir de quel côté le vent va tourner pour prendre position.     

N'étant pas connaisseuse du fameux "binôme Brubaker - Phillips", je ne saurais comparer avec leurs œuvres précédemment publiées. Mais Pulp est une belle découverte, émouvante et efficace dans sa façon de traiter le temps qui passe, le vieillissement, la nostalgie... en si peu de pages. Le couple formé par Max et Rosa est d'une charmante simplicité. 

A lire, donc... si vous arrivez à mettre la main dessus en bibliothèque ! Ce n'est pas simple, il a beaucoup de succès. D'ailleurs, je vais de ce pas le ranger, il faut que je le rapporte demain à la médiathèque de la Canopée car un amateur l'a réservé.  

Comme ça fait du bien d'avoir enfin réussi à pondre un billet ; j'étais à deux doigts d'imploser après ce mois de silence bloguesque et ces derniers jours difficiles. 

Ed BRUBAKER ; Sean PHILLIPS. Pulp. Delcourt, 2021. 65 p. ISBN 978-2-413-03951-8        

Vous pouvez écouter une chronique de Pulp dans le Comics Discovery S05E48 (calez-vous sur 1h18 à peu près !)