dimanche 30 décembre 2012

Les Aigles Décapitées - Tome 10 - L'héritier de Crozenc. Jean-Charles Kraehn ; Michel Pierret. 1996


Tiens, je me rends compte que j'ai laissé tomber Les Aigles Décapitées ces derniers mois, juste après avoir lu le dixième album "L'héritier de Crozenc" à la FNAC. Habituellement, le compte rendu tombe peu de temps après la lecture, mais cette fois-ci, allez savoir pourquoi, il est passé à la trappe. Non pas que le Tome 10 de la série ne soit pas intéressant, non pas qu'il soit pauvre en rebondissements, bien au contraire. Mais à part présenter un petit résumé de l'histoire en cours, je ne savais pas vraiment comment le critique, quel point mettre en valeur. Enfin, j'en voyais bien un, mais il était hors de question de le traiter, car il aurait dévoilé LE retournement de situation de la série. 

A vrai dire, je viens feuilleter "L'héritier de Crozenc" pour me le remettre en mémoire et ... il ne suscite aucune inspiration particulière ! Alors on verra bien après le résumé ! 


On dirait que Prince Valiant s'est fait une couleur !

Non, sérieusement, vous ne trouvez pas qu'ils se ressemblent ?
(Je parle de celui de gauche bien sûr, puisque l'autre est déjà blond.)

Où est-ce qu'on en était ? 

Les Tomes 9 et 10 sont indissociables ; il faut d'abord résumer l'un pour pouvoir parler de l'autre. Hughes de Crozenc est donc un bâtard, un imposteur, un orphelin autoproclamé seigneur de Crozenc après la chute de son prédécesseur ; certains l'ont toujours su, d'autres l'ont appris en écoutant aux portes, et beaucoup se délectent des miettes d'un secret ébruité. Ravenaud, vassal rebelle et faux, veut faire tomber Hughes en prouvant à tous, et en particulier à Alphonse de Poitiers, qu'il n'a aucune légitimité. Pour arriver à ses fins, il dispose d'une preuve de choix : Roger de Castelnau, l'assassin du "vrai" descendant de Renaud de Crozenc. Mais l'oncle d'Alix, dont Hughes à tâté la tripaille dans les albums précédents, ne veut pas témoigner : que gagnerait-il à avouer qu'il a tué un nourrisson qui lui barrait l'accès au pouvoir ? Ravenaud le force à se rallier à sa cause en faisant enlever Oulfaut, le fils aîné de Roger : il lui sera rendu sain et sauf dès qu'il aura rapporté ses actes. 

Hughes apprend les sombres projets de son chevalier et se met en tête de libérer le fils de Roger, pris en otage par Ravenaud et la meute de brigand à qui il a fait miroiter monts et merveilles pour en obtenir les services. Il sait que, sans l'épée de Damoclès qui menace son fils, il ne témoignera pas contre lui. Or, il est fait prisonnier par l'oncle d'Alix avant de pouvoir lui apporter son aide : c'est bien un blond ! Par chance, il  arrivera à s'évader de sa geôle en soudoyant les gardiens, et rejoindra sa forteresse pour y reprendre son souffle ... avant de se lancer à nouveau à la recherche des brigands. Sur sa route, il sauve Nolwenn des griffes du brigand Torchecul, vexé d'avoir été roulé quelques jours plus tôt par la coriace dame déchue, et la laisse entre les mains de la vieille Mahaut. 

Le respect des vieux 

Mahaut n'apparaît que sur les toutes dernières planches de la bande dessinée ; pourtant, on sent bien qu'elle n'aura pas un simple rôle de figurante dans la suite des Aigles Décapitées. Un peu sorcière, un peu guérisseuse, redoutée pour son hérésie et moquée pour l'ensemble de son oeuvre, la vieille Mahaut avait déjà été évoquée dans l'album précédent, sans être dessinée pour autant. Il en avait été question lors du retour de Nolwenn à Crozenc en tant que femme répudiée et enfermée dans la Tour Grosse : il semblerait qu'à partir de ce moment, les deux parias de la cour se soient rapprochés. Nolwenn est un peu le pendant "jeune et frais" de Mahaut, la sorcière décalée qui ne mâche pas ses mots et crache en prononçant le nom d'un noble, si bâtard soit-il. La guérisseuse tient d'autant plus à Nolwenn, la parvenue, qu'elle déteste Alix, la jeune dame prétentieuse. Elle ne porte pas non plus Hughes dans son estime, et ce dernier le lui rend bien, en ne lui accordant aucun crédit ni même aucune attention... tout en gardant sa crainte par devers lui. Prendra-t-il conscience que "c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ?" et que la parole d'une vieille qu'on soufflette sans vergogne compte au moins autant que celle d'une blonde à forte poitrine ? 

J'aurais bien voulu faire un développement sur le petit passage philosophique de la BD : en entraînant ses faucons, Hughes réalise que ces rapaces si puissants, et d'apparence si libres, finissent toujours par revenir vers ceux qui les nourrissent : prisonniers de leur instinct, ils sont condamnés à manger dans la main de l'homme. Mais finalement non : les passages de réflexion du héros sont bien trop rares pour qu'on puisse se permette d'y toucher.   

Dernière chose, Alix est à poil sur deux ou trois vignettes. Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus.

KRAEHN, Jean-Charles ; PIERRET, Michel. Les Aigles Décapitées. Tome 10 : "L'héritier de Crozenc". Glénat. 1996. Coll. "Vécu". 48 p.  


mardi 25 décembre 2012

Premier Noël pour King Kraby et Fifitness


Avec l'aide de mon cher M2P, nous avons pu immortaliser les fêtes de Noël, cette année.


La chambre de King Kraby : un espace aménagé dans un placard, histoire de passer des nuits tranquilles.


Fifitness, le calme avant la tempête



Mickey, un habitué 

lundi 24 décembre 2012

Les racailles du poulailler




Ne jamais mettre un Cou-Nu du Forez en colère ! 
Hum, inutile de préciser que tout cela a été retouché sur Picasa, hein !

samedi 8 décembre 2012

Blog - Jean-Philippe Blondel - 2010



 
« Blog » est un roman pour ados qui aborde à la fois les rapports inter-générationnels, la question de l'identité numérique et les pratiques culturelles des jeunes. Le héros, un lycéen, découvre que son père a lu son blog en long, en large et en travers : il ressent cette immersion dans son univers comme un « viol virtuel ». Alors, il décide de ne plus adresser la parole à son père et se ferme complètement à lui. »


 
Après nous avoir brièvement annoncé la couleur de cet ouvrage de Jean-Philippe Blondel, la bibliothécaire l'avait reposé sur son présentoir avant d'en empoigner un autre. Lequel ? Je ne sais plus, car je n'avais plus suivi son passage en revue, fort intriguée que j'étais par cette curieuse embrouille sur fond de blog passé au tamis de la censure parentale. Il me fallait absolument le lire, au plus vite. Puis notre visite matinale de la médiathèque de Mérignac s'est terminée, nous sommes tous retournés à l'IUFM l'après-midi pour reprendre notre préparation du Capes de Documentation là où nous l'avions arrêtée, tandis que l'eau coulait sous les ponts et que les trains passaient dessus. Mon enthousiasme est parti aussi vite qu'il était venu, et je n'y ai plus pensé. Deux ans plus tard, Blog demeurait un mythe, un de ces ouvrages « cultes » de la littérature de jeunesse qu'on cite sans avoir lu. Autant dire que mes attentes étaient grandes, quand j'ai enfin pris le temps de le lire.  

Résumé multimédia... 

...Parce que nous sommes tous multitâches !  

Voici un fichier son réalisé par mes soins (et avec l'aide d'Audiacity, à l'origine de cette voix bien virile dont j'ai toujours rêvé) pour vous résumer le roman. Pour ceux qui n'auraient pas envie de le télécharger, sachez que j'y raconte mot pour mot ceci :

Un lycéen réalise un jour avec stupeur que son père lit régulièrement le blog personnel qu'il tient depuis plusieurs années. Il vit très mal cette intrusion dans un espace privé qu'il a pourtant bien peu cherché à protéger, et se sent vraiment trahi. C'est un mélange de colère et d'indignation qui l'amène à ne plus adresser la parole à son père. Ce dernier culpabilise et lui confie, en guise de compensation, les journaux intimes qu'il tenait dans sa jeunesse. D'abord bien décidé à ne pas tomber dans les travers du voyeurisme, l'adolescent va se prendre au jeu et lire avec assiduité les aventures de celui qui deviendra son père, et avec qui il entretient bien plus de points communs qu'il n'aurait pu le supposer. Il va alors découvrir un secret de famille bouleversant.


Fraîcheur et efficacité 
   
L'entreprise de Jean-Philippe Blondel n'était guère aisée : comment se mettre dans la peau d'un adolescent lorsqu'on n'en est plus un, et comment adopter son langage sans avoir l'air d'avoir converti du français standard en dialecte djeuns à l'aide de Google Trad ? Sans doute l'écrivain _ enseignant de son état _ a-t-il observé la jeunesse d'aujourd'hui et en essayant de se fondre dans celui qu'il fut autrefois. Toujours est-il qu'il s'en sort bien, bien qu'on ne s'y trompe pas : au pays des enculés de ta race et autres fils de pute bien décidés à niquer leur mère, peu nombreux sont ceux qui expriment leur colère à coups de « putain de merde » aujourd'hui. Il n'y a guère que Frank Gallagher pour utiliser pareille formule.


Frank Gallagher de Shameless, Saison 8, épisode 18

 Mais passons, c'est un détail. 

Qu'on apprécie ou pas le jeune blogueur en crise dont il est question dans Blog, on ne peut que reconnaître la facilité avec laquelle Jean-Philippe Blondel pousse de grands débats d'actualité sur le devant de la scène : les rapports parents – enfants, l'expression de soi, la prise en compte de l'Autre dans sa construction personnelle, les frontières de la vie privée et de la vie publique sur Internet... Pour chacun d'eux, Blog est sans doute le point de départ d'une réflexion.


Pourquoi un blog ?

Le blogueur démasqué a les idées claires : il sait pourquoi il a ouvert son espace virtuel, il explique très bien pourquoi il l'entretient régulièrement, il a pleinement conscience d'une évolution de ses écrits au fil du temps. Il n'y a pas de doute, ce héros qui « aime écrire » et qui reconnaît sans problème qu'il a commencé son blog pour faire comme tout le monde et « épater » une fille, c'est bien un adolescent fictif ! Sans doute le jeune lecteur doit-il aller au-delà de la simple représentation du héros, dont le réalisme est contestable, et utiliser le personnage pour forger sa propre conception du blog. Par exemple, l'argument de la publication d'articles pour laisser une "trace" des personnes et des événements, pour retenir les souvenirs, reflète parfaitement l'objectif que je me suis fixé en ouvrant "Une Poule Sur Un Mur". Mais la façon dont il nous est présenté me froisse un peu, parce qu'il manifeste une trop grande prise de recul, à mon avis : "C'est pour ça aussi, le blog. J'en suis conscient. Pour conserver. Parce que j'ai peur que tout ne nous échappe. Ne nous file entre les doigts. Et qu'un jour nous nous retournions et que nous nous apercevions soudain que nous évoluons au milieu d'un désert et que le point de départ, notre oasis, est inatteignable désormais." Loin de moi l'intention de prendre les jeunes de quinze ans pour des abrutis sans aucun discernement ; pourtant, ce n'est pas pour rien que l'auteur choisit comme héros un adolescent qui ne se sent pas tout à fait comme les autres. Il se distingue du "blogueur moyen" en entretenant ses pages sur la durée alors que les garçons, soi-disant, ne le font pas ; en allant au-delà de la publication de photos, et en prenant peu à peu conscience de son besoin d'écrire.


Qu'est-ce qu'on y met ? 


Ce rapport à l'écriture est l'un des principaux points communs entre le héros et son père ; du moins, c'est celui qui nous intéresse le plus. Pour se "racheter" d'avoir épié le blog de son fils, Philippe lui offre les journaux intimes qu'il écrivait lorsqu'il avait sensiblement le même âge. Peut-on dire qu'ils sont quittes ? Répondre "oui" sous-entendrait que le blog est un parfait équivalent du journal intime ; pourtant, ce n'est pas le cas. Le journal intime n'est pas censé être lu, en principe. Le blog, si. Même si l'accès est restreint, on écrit pour des "visiteurs", ou pour soi, mais en sachant qu'on sera lu par quelques uns d'entre eux. Dans cette mesure, il est bien difficile de ne pas s'autocensurer un minimum. La qualité d'écriture, quant à elle, se voit forcément stimulée par l'idée qu'on va devoir se faire comprendre auprès des autres. On ose beaucoup sur un blog personnel, au péril de sa réputation, mais on n'ose jamais autant que dans un journal. Dès que l'anonymat est rompu un tant soit peu, le blogueur n'est plus totalement libre de ses mouvements : en fonction de son niveau de diplomatie, ou d'hypocrisie, comme vous voudrez, il sera amené à peser ses mots pour "plaire", pour "ne pas froisser" ses lecteurs fidèles et pour ne pas les compromettre. L'adolescent de Blog pratique ce contrôle de ce qu'on dit et de ce qu'on ne dit pas : il fait l'impasse sur ses murges, persuadé qu'une instance supérieure pourrait le confondre en utilisant ses billets. Par contre, il fait part de ses exploits aux (jeunes) lecteurs du roman, qu'on peut ici prendre comme un journal écrit en parallèle du blog "gelé". 



Un roman en pâte feuilletée 


C'est ma manière de dire qu'il y a plusieurs "couches d'expression" à explorer dans Blog. On peut aussi dire "strate narrative", je sais. Mais ce roman n'est pas assez calcaire pour correspondre à ce terme : 


- le récit du héros passant au crible ses états d'âme au fil des jours, à partir du "gel" de son blog. 


- le blog, dont on ne sait rien, puisqu'on ne figure pas dans la liste de ses meilleurs potes.


- le journal du père, analysé et commenté par le héros. Ce dernier va très vite passer l'étape "Sa mère en boîte ! Mon Dieu ! Mon père fût un boutonneux autrefois !" pour mieux s'attacher à faire des liens entre "Philippe" et lui.  


- un peu de communication orale, que diable ! J'ai bien envie de rajouter à toutes ces "states" (allez, les falaises ont leur petit côté romantique) les échanges entre Anne-So et le héros, car ils viennent compléter l'interprétation de la lecture du journal de Philippe. La copine du blogueur porte un regard extérieur sur la situation et le guide, en quelque sorte, vers la résolution du problème relationnel entre le père et le fils. Anne-So rend bien service, en effet. Mais je ne comprends pas pourquoi l'auteur a tenu à les faire coucher ensemble. S'est il lancé un défi du type "il faut absolument que mon blogueur se fasse dépuceler avant la fin de l'histoire, allez, je peux le faire, je le sais !" ? Plus probablement, il a sans doute voulu montrer que, quel que soit la forme d'expression,  certains instants d'une vie ne peuvent être partagés. Sur certains points, Blog m'a beaucoup rappelé Paranoïd Park de Blake Nelson : l'écriture pour se libérer d'un poids en situation de crise, le caractère des deux héros, le recours à la "bonne copine" pour surmonter l'obstacle... 


Le roman a fait l'objet d'un dossier pédagogique plutôt intéressant, à mon avis.          



BLONDEL, Jean-Philippe. Blog. Actes Sud Junior. Arles, 2010. Coll. "Romans Ado". 114 p. ISBN : 978-2-7427-8936-8.