mardi 30 avril 2013

ZOO n°45 - Janvier 2013 - "Bastien Vivès bouscule les codes"



Comme son titre l'indique, Zoo est une revue culturelle consacrée à la 

bande dessinée et aux arts visuels en général. Il faut comprendre par là 

que le magazine est composé de 75 % d'articles relatifs au monde de la BD 

alors que les 25 % restants abordent le cinéma, les sorties de DVDs et 

les jeux vidéos. Mis en circulation en 2005, ce bimestriel est innovant à 

plusieurs niveaux : premièrement, il est gratuit. Vous pourrez le trouver 

dans des "grandes surfaces" culturelles, de type FNAC et Virgin, mais 

aussi dans certaines facs, bibliothèques, et lors de manifestations 

diverses telles que les festivals.Deuxièmement, il est accessible en 

ligne à cette adresse : on peut lire et télécharger tous les numéros. 

Parce que je l'ai découvert au retour du Festival de la BD d'Angoulême 

cette année, et parce qu'il représente pour moi un modèle d'accès pour 

tous à l'art, j'ai eu envie de dépouiller sauvagement le numéro 45, paru 

au mois de janvier 2013, peu avant la grande fête de la bulle.      




EDITO

p.3

Olivier Thierry

Une présentation de ceux qui participeront au prochain festival 

international de la bande dessinée d'Angoulême s'impose dans ce numéro.


ZOOMAIRE

LAISSEZ-VOUS SURPRENDRE

pp. 4-5


Asgard, l'adaptation BD de A game of thrones et La colère de Fantomas 

figurent parmi les nouvelles séries à découvrir.


AGENDA NEWS

p.6 

En bref

Olivier Pisella, Wayne, la Rédaction
- En classe with Luki
- Terreur dans les kiosques
- La bosse de la BD
- Du nouveau sur la toile BD

"L'année de la BD 2012"
Jérôme Briot

L'association des critiques et journalistes de BD dresse un bilan de la 

production éditoriale de bandes dessinées en 2012 : à noter un nombre 

croissant de nouveautés publiées, moins de premiers tirages à plus de 

50000 exemplaires, et le rachat de Flammarion par Gallimard.  


"Artemisia a rendu son verdict"
Thierry Lemaire

Le nombre de femmes auteures de BD a augmenté. Depuis 2005, le prix 

Artemisia sélectionne et récompense des albums réalisés par des femmes. 

Les résultats sont attendus pour le 9 janvier 2013.

Animal lecteur. La BD dont vous êtes le héros


EN COUVERTURE

p.8

"Viva Vivès"

A la veille de la sortie de son prochain album – un manga – Bastien Vivès 

évoque son début de carrière marqué par l'éclectisme. Formé dans une 

école d'animation, le dessinateur s'est réorienté vers la BD, en montrant 

sa capacité à traiter aussi bien les rapports humains avec poésie que de 

façon trash. Par conséquent, Le goût du chlore avoisine les planches 

pornographiques, pour la plus grande joie d'un créateur qui aime 

surprendre son public sans s'autocensurer.


p. 11

Extrait de La Bande Dessinée (Bastien Vivès)


ANGOULEME 2013

pp. 14 – 15

"Benoît Mouchart et le château de sable perpétuel"
Propos recueillis par J-L Truc

Benoît Mouchart est l'organisateur du festival international de la BD 

d'Angoulême depuis 2003. Pour son dixième festival, il dresse un bilan 

positif de son travail : le nombre d'événements organisés dans le cadre 

de cette fête s'élève à 300, défiant toute concurrence. Attaché à la 

collaboration presse / BD, il veille à ce que la sélection des ouvrages 

ait lieu dans les meilleures conditions et il entend modifier le 

modalités d'élection du Grand Prix.


p. 16

"Jean-Claude Denis : un président « normal »"
Didier Pasamonik

Le président du festival de la BD édition 2013 sera Jean-Claude Denis. Si 

sa nomination peut surprendre, elle se justifie parfaitement. Bien qu'il 

soit discret dans les médias, l'auteur est une figure du monde de la BD 

depuis trente ans. 


pp. 18 - 19

"Andreas : à la croisée des univers"
Kamil Plejwaltsky

Les travaux du dessinateur Andreas seront exposées lors du Festival de la 

BD. Si l'artiste est peu connu du grand public, il a valeur de référence 

pour ses pairs. L'un d'eux, Philippe Foerster, évoque son amitié avec 

Andreas et revient sur leur collaboration dans la réalisation de la BD 

Styx. 


pp. 20 - 21 

"Leiji Matsumoto : maître du space opera" 
Jérôme Briot 

Depuis 1953, Leiji Matsumoto compose des space opera, c'est à dire des 

mangas où l'action se déroule dans l'espace. Suite au succès de Star Wars 

dans les années 70, il a pu promouvoir ses oeuvres en Occident, où il 

s'est fait connaître avec Albator. Le dessinateur sera présent au 

Festival de la BD d'Angoulême. 


ZOOM 

Blueberry, intégrale T.1. Charlier et Giraud 
Heureux qui comme. Nicolas Presl
Le canon graphique, T.1. Collectif 

pp.22 - 23 

"Uderzo : bon sang ne saurait menhir"
Gersende Bollut

Si Uderzo a largement contribué au succès d'Astérix, le Gaulois ne résume 

pas à lui seul toute sa carrière. L'exposition Uderzo in extenso rend 

hommage à une carrière longue de plusieurs décennies.


ZOOM

Abymes T.1. Mangin et Griffo
Will dans Spirou
Le linceul du vieux monde. T.1. Girard

p. 24 

"Disney forever"
Thierry Lemaire 

Une fois n'est pas coutume, l'univers de Disney trouve sa place au 

festival de la BD. C'est l'occasion de découvrir un grand nombre de 

dessinateurs longtemps restés dans l'ombre de leur producteur : Carl 

Barks, Guido Martina, Romano Scarpa, Luciano Bottaro, Giorgio Cavazzano, 

Don Rosa... 


ZOOM 

Milou, Idefix et Cie, le chien en BD. Collectif. Karthala.
Entretiens avec Joann Sfar. Thierry Groensteen. 
Les impressions nouvelles. Collectif
Fumetto ! Collectif. Rizzoli.


pp. 26 - 30 

"Angoulême 2013 : zoom sur la sélection"
Kamil Plejwaltzsky, Jérôme Briot, Alix de Yelst, Thierry Lemaire, Camilla 

Patruno, Audrey Retou, Boris Jeanne, Thomas Hajdukowicz, Yannick Lejeune. 

Quelques unes des 58 bandes dessinées en lice au festival d'Angoulême 

sont passées en revue par l'équipe et critiquées. 


ACTU BD

pp. 32 - 33 

"Jubilé pour un groom" 
Didier Pasamonik 

Le personnage de Spirou a traversé les époques, évoluant au fil du 

crayons de ses dessinateurs successifs. Il appartient désormais au 

patrimoine franco-belge, et fait l'objet de nombreuses expositions depuis 

les années 2000. Cette année, qui sera celle de son jubilé, le groom 

voyagera un peu partout en France et en Belgique. 


pp. 34 - 35 

"Les années noires du groom rouge"
Jean-Philippe Renoux

A l'occasion des 75 ans de Spirou, la maison d'édition Dupuis sort un 

ouvrage centré sur Le journal de Spirou et un autre sur les premières 

aventures du personnage mises en vignettes par Robert Velter. Crée à 

l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, le groom a connu des débuts 

chaotiques et s'est retrouvé mêlé aux polémiques de son temps. 

p. 36

"Spirou exproprié !"
Philippe Cordier 

Le 53ème album de Spirou se démarque des précédents par son ancrage dans 

l'actualité et par son ton plein de réalisme. Si Yoann et Vehlmann ont 

pris soin de respecter le travail de leurs nombreux prédécesseurs, "Dans 

les griffes de la vipère" proposent un album tout aussi accessible aux 

connaisseurs qu'aux amateurs de BD en général.


p. 38

"Agent triple et double jeu"
Thierry Lemaire

Nury et Alary innovent en situant Silas Corey, leur BD d'espionnage, au 

coeur de la Première Guerre Mondiale. Au milieu des tensions entre 

Clémenceau et Caillaux, l'ancien reporter Silas joue son rôle de 

détective privé avec froideur et précision.


ZOOM

Limul Goma, T.2 : Le massacre. Hureau.
Intégrale Fear Agent, T.1. Tony Moore, Rick Remender, Jerôme Opena.
Les aventures métalliques d'Alfred von Bierstüb. Jeanpi.


p.40

"Papa pas poule"
Jérôme Briot

Guy Delisle avait envie de réaliser son Guide du mauvais père depuis 

longtemps ; aussi l'album sonne-t-il comme un exutoire pour lui.


ZOOM

Chlorophile. Intégrale. T.1 Macherot
Le concombre masqué. T.3 "La vérité ultime". Mandryka.
Vito. Stalner

p.42

"Aux sources de la déduction"
Alix de Yelst

Cordurier et Nespolino font revivre dans la collection "1800" de Soleil 

un Sherlock Holmes à la fois fidèle au héros de Conan Doyle et différent 

: si son sens de la déduction est déjà imparable, il est plus jeune et 

opère sans Watson.


ZOOM

Confessions d'un canard sex toy. Milly Chantilly
Hot dreams. Varennes, De Lichana.
Le beau voyage. Springer, Zidrou

p.43

"Avoir le kendo dans le sang"
Audrey Retou

La voie du sabre est une adaptation BD d'un roman de science fiction du 

même nom. Le jeune Mikédi, voué à devenir un samouraï, part suivre les 

enseignements du guerrier Miyamoto.


p.44

"Deux femmes, des aliens et une chenille"
Alix de Yelst

Le roman de SF Piège sur Zarkass de Stefan Wul fait l'objet d'une série 

d'albums. Yann et Cassegrain ont réalité une adaptation libre des 

aventures de deux filles chargées de sauver une planète, à l'aube du 

troisième millénaire.


ZOOM

Chroniques d'un maladroit sentimental. T.1. Zabus, Casanave.
Geek Agency. Briones, Huet.
RAS. Vilain

p.46

"Fantomas : sa vengeance sera terrible"
Jean-Laurent Truc

Olivier Bocquet et Julie Rocheleau font revivre un "méchant" de la 

culture française du XX°siècle : Fantomas. Si le premier a tenu à 

s'inspirer des romans d'Allain et Souvestre, la seconde a su se détacher 

des adaptations cinématographiques du personnage.


p.48

""A" comme "à mort la variété française !""
Kamil Plejwaltzsky

Dans la BD J'aurai ta peau Dominique A, le chanteur est menacé de mort 

par un de ses détracteurs. Il fait appel à l'aide de Philippe Katerine, 

pour donner lieu à une enquête des plus originales.


p. 49

"Moi je m'appelle Lolita... HR"
John Young

Le tome 3 de Lolita HR est le résultat de multiples turpitudes 

éditoriales : la fin des aventures de la rockstar du futur aurait pu ne 

jamais voir le jour.


p.50

"Promenons-nous dans les bois"
Thierry Lemaire

Dans la forêt reprend les thèmes et les symboles classiques du conte de 

fées, à travers le parcours initiatique de la petite Anna.


p.52

"Le village de l'angoisse"
Jean-Laurent Truc

Yann et Virginie Augustin ont travaillé ensemble à la réalisation de 

l'album Whaligoë. L'album raconte les déboires d'un couple récemment 

débarqué dans un village écossais, au XIX°siècle.


p.54

"Un polar au rayon boucherie"
Thierry Lemaire

Crève saucisse met en scène la vengeance de Didier, un boucher cocu et 

amateur de BD.


ZOOM

Souvenirs de l'Empire de l'Atome. Smolderen ; Clérisse
Sandman, T.1. Gaiman ; Kieth ; Dringenberg
Phil perfect, l'intégrale. Clerc

p.56

"Du comics made in France"
Thierry Lemaire

Delcourt se lance dans le courant des comics à la française, profitant du 

succès d'un genre à la mode. La sortie de Bad Ass, une parodie de comics 

américains, illustre cette tendance.


BD NUMERIQUE

pp.58 - 59

"Les auteurs à l'assaut du numérique"
Yannick Lejeune

Les projets de BD en ligne sont en pleine expansion. Trois d'entre eux 

l'illustrent bien : Le mauvais esprit, un agglomérat de planches 

humoristiques réalisées par divers auteurs : Professeur Cyclope, revue 

axée SF ; La revue dessinée, qui traduit l'actualité en BD.


ZOOM

Asgard T.2 "Le serpent monde". Dorison ; Meyer
Boule et Bill T.34 "Un amour de cocker". Cric ; Veys ; Verron
Ballila, les enfants du Duce. Baillot.


JEUNESSE

p.60

"Gaspard, ou l'enfance de l'art (séquentiel)
Jérôme Briot

Gaspard et le Phylactère magique apporte des notions indispensables à 

quiconque voudrait se lancer dans la BD. Les auteurs, Mickaël Roux et 

Alain Dary destinent en priorité les aventures de Gaspard à un public de 

7 - 12 ans.


ZOOM

Roji ! Kotobuki
Les Malheurs de Sophie. Sapin
La saga d'Atlas et Axis T.2. Pau

p.62

"Un cordonnier bien chaussé"
Wayne

Powell et Rodriguez proposent une adaptation pour la jeunesse d'un conte 

universel de Grimm : Le lutin et le cordonnier


COMICS

p.64

"Deadpool aux oeufs d'or"
Philippe Cordier

Laphan et Baker mettent à l'honneur un personnage secondaire de Marvel : 

Deadpool Max. A l'occasion de la sortie du troisième album de la série du 

même nom, les auteurs expérimentent de nouvelles formes d'humour trash.


"Une aventure au poil"
Philippe Cordier

Chimichanga est le fruit des fantaisies habituelles de Powell, qui met 

ici en scène Lula la petite fille à barbe et son ami le monstre vert.


MANGAS ET ASIE

p.66

"La mort est dans le pré"
Thomas Hajdukowicz

Sankarea, adorable zombie fait la part belle aux morts vivants, comme 

beaucoup de mangas actuellement. Rea et Chihiro sont des lycéens qui 

partagent leurs vies glauques sur fond de romance.


p.68

"Des chats, de la boxe et des larmes"
Boris Jeanne

Yanagawa a voulu mêler au manga sportif et fantastique d'émouvants 

personnages de chats anthropomorphes. Avec plus ou moins de réussite.


p.70

"Terra Formars : cafard-naum sur Mars"
Thomas Hajdukowicz

Des terriens renégats sont envoyés sur Mars pour la désinsectiser, 

puisqu'on y a déposé des cafards quelques années auparavant pour la 

rendre habitable. Ils ne savent pas encore que l'horreur les attend au 

sol. 


p.72

"Epier ou être épié"
Boris Jeanne

La sortie du tome 3 de Nozokiama illustre le succès du manga ecchi, à la 

fois comique et osé. Ici, Tatsuhiko est observé par sa voisine déjantée 

qui lui propose de l'épier à son tour.

ZOOM

Billy Bat T.5. Urasawa ; Nagasaki.
Liar Game T.13. Kaitani
The Arms Peddler T.5. Nanatsuki ; Night Owl


SEXE ET BD

p. 73

"Les femmes aiment, les serpents se lovent"
Kamil Plejwaltzsky

Glénat sort la version intégrale d'Eva Medusa, histoire écrite et 

dessinée par Antonio Segura et Ana Mirallès.

CINE ET DVD

p.74

"Une si longue attente"
Julien Foussereau

Lorsque la réalisatrice Avril Tembouret débute le tournage d'un 

documentaire sur Laurent Vicomte, elle ne sait pas qu'elle va devoir 

composer avec un auteur qui aime prendre son temps pour atteindre la 

perfection. 

ZOOM 

Selkirk, le véritable Robinson Crusoé. Tournier 
Blancanieves. Berger
Zero Dark Thirty. Bigelow 

p.76 

"L'affranchissement rouge sanglant" 
Julien Foussereau 

Avec Django Unchained, Quentin Tarantino revisite le western spaghetti et 

aborde le thème de l'esclavagisme au XIX°siècle aux Etats Unis. 


ZOOM 

Lincoln. Spielberg 
Portrait de famille. Collectif 
Les Misérables. Hooper 

p.78 

"Ni Dieu, ni maître" 
Julien Foussereau 

Le cinéaste Anderson a peiné à faire produire son nouveau film, The 

Master. En effet, le long métrage aborde le sujet des sectes et vise 

indirectement l'Eglise de Scientologie. 


ZOOM 

Hotel Transylvanie. Tartakowsky
Mille jours à Saigon. Courtès 
The Secret. Laugier. 


JEUX VIDEO 

p.80

"Preview : dernier métro" 
Julien Foussereau 

Metro : last night est un jeu vidéo ukrainien adapté d'un roman de SF. Il 

s'agit d'un jeu de combat post-apocalyptique au coeur de Moscou en 2033. 


ZOOM 

Paper Mario : Sticker Star. Nintendo 
New little king's story. Konami
LittleBigPlanet : Karting. Sony Computer Ent. 

p.81 

"Une brique LEGO pour les gouverner tous"
Julien Foussereau

LEGO reste dans l'air du temps avec sa gamme de jeux vidéos développés 

depuis les années 2000. Son adaptation du Seigneur des Anneaux est 

particulièrement efficace.



Vive le Fauve !


Zoo : le premier magazine culturel sur la BD et les arts visuels. N°45. 

"Bastien Vivès bouscule les codes".  Janvier 2013. 82p. ISSN 1768-6326    

lundi 29 avril 2013

Dans la série "déjà on sait ce qu'on veut pas" : la brève immobilière du 29 avril 2013



L'année dernière, en cette même période printanière, j'étais en train de vous parler de Morgane rousse cool du Huit à Huit qui m'avait fait visiter son appartement. Ou alors je m'apprêtais à le faire. Peu importe. Bien que nous ne nous soyons pas recroisées depuis, et que le Huit à Huit soit devenu Carrefour City, il m'arrive de repenser à cette rencontre hallucinante à chaque fois que j'entreprends une recherche de logement. C'est à dire souvent. Alors, ma devise est désormais : "ouvre l'oeil et regarde bien qui est derrière la porte, t'auras l'air moins conne en faisant tes courses." Pour une plus grande efficacité, Bubulle examine tout ce qui relève de l'immobilier, tandis que je photographie mentalement le locataire en faisant semblant de me préoccuper de l'isolation du bâtiment. Du reste, j'y accorde réellement une grande importance. 


Parce que le moisi sur les murs, non merci !


A propos de photos, on dit toujours que les annonces qui n'en proposent pas laissent présager du pire ! Mais Bubulle et moi ne sommes pas du style à céder aux idées reçues : tout le monde n'a pas forcément d'appareil photo numérique sous la main, ni de smartphone, même si cela nous semble de plus en plus difficile à concevoir. Après tout, Moins Deux Pixels n'est arrivé parmi nous que peu de temps avant Noël... Aussi avons-nous décidé de laisser sa chance à un T2 meublé pas très cher, coincé parmi les offres illustrées de la page beige du Bon Coin, et pourtant doté des plus grande qualités ; il était entre autres "proche de tout", formule qui, à bien y regarder, est tout de même assez extravagante.  

Bubulle envoie un mail, et la locataire actuelle lui répond dans la foulée : elle est obligée de vider les lieux au plus vite à cause d'un fâcheux manque de thunes, c'est dommage car elle s'y plaisait bien, d'autant plus que "les propriétaires sont arrangeants". La visite est prévue pour le mercredi après-midi suivant, seul moment de la semaine où nous sommes libres toutes les deux.

My appartment - Ben Kweller


S'il était osé de parler d'un habitat "proche de tout", Bubulle n'a pas eu de difficulté à le localiser quand elle est partie en repérage. Les sonnettes des quatre appartements sont hors-service, mais la porte principale du bâtiment n'est pas verrouillée. Devant nous, un couloir aboutissant sur un escalier. A notre gauche, les boîtes aux lettres, à notre droite, les voisins potentiels parlent de cul en toute innocence, la porte entrouverte ; Bubulle leur demande quelques informations de base (sur la location) et ils nous engagent à monter l'escalier et à toquer à la première porte à droite. "Les voisins sont adorables", disait l'annonce : on n'en a pas douté une seconde !


J'avais bien dans l'idée vivre sur piloris et de faire un jardin, un jour, mais pas tout de suite ! En haut de l'escalier s'étendait une "cour commune" autour de laquelle deux appartements faisaient face à un troisième. Comme il faisait beau et que les trois locataires avaient bordé leurs portes de fleurs, cette cour extérieure aux rambardes boisées surplombant le cagibi du rez de chaussée avait tout pour plaire.

"Bonjour, on cherche le T2 à louer ...

_ C'est ici ! Entrez !

Déjà, ça pue ; un mélange de produits d'entretien, de moisi et de fumier canin parfume l'air ambiant. 
En arrivant au rendez-vous un peu plus tôt que prévu, on a surpris la locataire en plein passage de torche ; mais ça n'a pas eu l'air de la froisser, bien au contraire. Sans doute étudiante, un peu hippie sur les bords, elle nous emmène aussitôt dans la pièce principale, certes "un peu sombre", mais idéale pour faire "de bonnes soirées entre potes". La cuisine (ah, c'est là !) "équipée" est munie de "nombreux placards" (ça tombe bien !) et d'un évier que, curieusement, elle occulte, et pour cause : même les populations ancestrales du village troglodyte de la Roque Saint Christophe faisaient mieux en terme d'entretien et de modernité !





"Et voilà la salle de bains... qui remplit bien son rôle de salle de bains..."

Oui, il fallait comprendre que la salle de bains était petite et moche, voire dangereuse pour une personne un tant soit peu maladroite. La jeune Morgane (encore une !) fait tout son possible pour rendre son T2 vendable, et s'efforce de nous convaincre que si on n'a certes pas encore trouvé le moyen de transformer le cuivre en or, on vole cependant aussi aisément l'un que l'autre.

Très bien, très bien ; mais cela ne nous dit pas comment on fait pour aérer la chambre à coucher, parce qu'avec un vélux de 10 centimètres sur 15 et un plafond haut de 4 mètres, pas étonnant que l'odeur de moisi encombre l'air ambiant. Ah, pour être "une grande chambre", c'en est une ; surtout en hauteur !

Cet échange de bons procédés a duré cinq minutes montre en main. En sortant, j'étais simplement sceptique, parce que j'ai toujours habité dans des endroits à la limite de la vétusté et que les vieux murs dégagent une chaleur ou une fraîcheur rassurante. Mais en y repensant, la puanteur était vraiment trop forte pour être passagère, et pour couronner le tout, on se serait pelées en hiver !   
  

dimanche 21 avril 2013

Le bégaiement : la parole désorchestrée - Elisabeth Vincent - 2004



Qui est-ce qui aime la langue de bœuf ? 


Le clitoris de la vache.
Ok, elle est connue. 

Quand vous voulez parler, mais que pour un raison ou une autre votre langue ne suit pas votre pensée, ou que les mots ne sortent pas exactement comme vous le voudriez, des moments anodins de la vie quotidienne peuvent rapidement se transformer en longues minutes de cauchemar ! Non non, j'exagère pas ! Demandez à des bègues, si vous en connaissez, ou plutôt si vous les situez dans votre entourage. Qui sait, il y en a peut-être un parmi vos oncles peu loquaces et vos petits voisins baveux : ce trouble du langage n'est pas aussi facile à déceler qu'on pourrait le croire. En effet, si le bégaiement est une "perturbation de l'élocution"* qui peut se traduire par des "répétitions de syllabes"*, des "hésitations", ou encore par des blocages du processus d'articulation, la culture populaire le limite souvent au fait de répéter indéfiniment des débuts de mots...

Si cette vision réductrice du problème ne s'est pas améliorée depuis des siècles, c'est avant tout parce que le bégaiement est un sujet tabou pour les personnes atteintes et pour leur entourage. De plus, sous prétexte qu'il peut aisément être dissimulé par le silence, sa gravité est fortement sous-estimée et son impact sur les situations de communication est relativement méconnu. A tel point que beaucoup d'adulte non diagnostiqués n'ont pas conscience d'être bègues, puisqu'ils ne se reconnaissent pas dans la caricature du bègue que tout le monde a pu croiser dans les comédies théâtrales ou cinématographiques, en passant par les histoires drôles.  

A ceux qui, tout comme moi, pour une raison ou une autre, voudraient en savoir plus sur la question, je conseille ce petit ouvrage : Le bégaiement. La parole désorchestrée écrit par Elisabeth Vincent, une orthophoniste membre de l'Association Parole Bégaiement. Une spécialiste, donc. Une pro. Une fille qu'on a envie de croire ce qu'elle te dit sans se demander s'il y a un série TV derrière chacun des mots qu'elle prononce.


Oui, parce que bon, c'est quand même lui, le sujet du billet !


Comme toutes les publications éditées dans la collection "Les Essentiels" de Milan, Le bégaiement. La parole désorchestrée  se veut à la fois complet et synthétique. Un orthophoniste ou un étudiant en médecine n'y apprendront sans doute rien de révolutionnaire, mais tous les autres seront éclairés à bien des niveaux ; c'est là le but d'Elisabeth Vincent : faire connaître ce trouble pour le rendre visible, et, à terme, briser les tabous pour faire progresser les recherches. Dans son petit guide bien structuré, on découvrira : les grandes caractéristiques du trouble, ses causes repérées ou supposées, la prise en compte du bégaiement au fil des siècles, l'image du bègue dans la société, les remèdes possibles chez l'enfant et chez l'adulte, et quelques témoignages.


Alors, pourquoi bégaie-t-on ? 

Pour commencer, il faut bien avoir à l'esprit qu'il n'existe pas une seule et unique forme de bégaiement, mais des manifestations variées de ce trouble de la communication. Techniquement, on considère ici qu'il y a chez les bègues un défaut de synchronisation entre les idées, qui s'enchaînent rapidement, et les organes mobilisés pour les exprimer. Dès que ce "système neuromoteur" est mis à mal, le cercle vicieux se ferme et s'emballe : plus la personne atteinte va craindre l'"accident de parole", plus elle va stresser. Dès lors, elle butera sur les mots, répétera des syllabes ou encore se bloquera d'autant plus souvent qu'elle tentera de soigner son élocution. Sa crainte de ne pas être à la hauteur de ceux qui "parlent bien", eux, jouera également en sa défaveur.
Il est difficile de savoir pourquoi une personne bégaie et pas une autre ; encore une fois, il paraît bon de penser au cas par cas. Cela dit, les recherches menées ont permis de noter que le bégaiement se déclare la plupart du temps dans l'enfance, et touche plus de garçons que de filles. Plus rarement, il peut avoir pour origine une maladie neurologique ou un AVC. Dans tous les cas, les émotions ressenties (peur, surprise, fatigue) ont un impact sur l'accentuation ou l'atténuation de ce problème d'élocution. De même, les situations de communication, plus ou moins éprouvantes pour le bègue, ou la pratique de certaines activités apportent des variations négatives ou positives au trouble. Le chant, le théâtre, par exemple, tendent à l'effacer parce que la personne entre alors dans un rôle et devient imperméable au regard de l'autre.


Ah, voilà pourquoi Shredder est aussi méchant ! Parfois, la colère efface le bégaiement car le locuteur a la pensée occupée par autre chose que sa peur de mal formuler ses propos.


Allez, c'est un peu drôle, quand même ! 

Le bégaiement marque une sortie de la norme, surprend et déstabilise. Dans le même temps, il n'est pas reconnu comme "grave" dans l'inconscient collectif. On n'a donc aucun scrupule à en rire et à l'utiliser comme ressort comique au cinéma ou au théâtre. Honnêtement, pourquoi se gêner ? Les répétitions de syllabes offrent une belle palette de de jeux de mots, et amènent tout droit un personnage de comédie dans des quiproquos et autres situations compliquées. Cela dit, lorsqu'il n'est pas utilisé pour ses vertus comiques, le personnage bègue au cinéma ou dans la littérature devient limite tragique : s'il n'est pas totalement marginalisé, il est au moins en souffrance.

Ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'un problème bien réel ! Toutes ces représentations culturelles et fictives peuvent faire du tort à l'image que les bègues ont d'eux-même. Comment se valoriser lorsqu'on n'est pas foutu de dire une phrase entière en toute "fluence", et lorsque les seules modèles dont on dispose sont un dindon de farce et un bizut suicidaire ? Certains s'en sortent en jouant la carte de l'humour et de l'autodérision, et ceux-là, ils ont tout compris.

Malgré toutes les thérapies testées, approuvées et abandonnées par des milliers d'enfants et d'adultes depuis des siècles, on en est arrivés à un point : le mieux, c'est peut-être de s'habituer à vivre avec, et à mieux le vivre soi-même pour pouvoir faire accepter le handicap aux autres. Attention, ne prenez pas ma remarque pour du pessimisme mal placé, d'autant plus que les recherches sont toujours en cours, et que pour les petits, il n'y a pas de quoi s'alarmer. La prise en charge des enfants et la formation des parents aux "bons réflexes" à adopter donnent apparemment lieu à des résultats positifs sur la durée. Il est en effet préconisé à pères et mères de ne pas ignorer le problème, d'en parler sans trop insister dessus quand même, d'accompagner la parole de son gosse sans lui mâcher le travail... Tout est une question de dosage, si on y réfléchit bien.


Morale de l'histoire :

Si on passe sous silence un problème de communication aussi handicapant, on prend le risque de l'auto-entretenir et de se noyer dans la spirale de la mauvaise estime de soi, du regard méprisant ou amusé de l'autre, et de tous les démons de l'Enfer.

Si on parvient à poser des mots dessus, on ne le résout pas, on remue le couteau dans la plaie, mais au final, il paraît qu'on se sent mieux...


VINCENT, Elisabeth. Le bégaiement. La parole désorchestrée. Editions Milan. Coll. "Les Essentiels". 2004. 64 p. ISBN : 2-7459-1508-8 


* Définition du dictionnaire Larousse en ligne