lundi 30 décembre 2013

Pitch Perfect - Jason Moore (2012)



Vendredi soir, veille des vacances de Noël, j'avais pas le moral. Mais vraiment, pas du tout. Pourtant, j'aurais du : tous les gens qui bossent dans l'Education Nationale ne vivaient que pour ce jour-là depuis des semaines ! De plus, mes séances avec les 5° et les 6° s'étaient relativement bien passées _petit jus de litchi aidant^^, malgré une gestion du temps encore bien approximative et un collègue... hum... pas super convaincu par l'utilité de l'IRD et du Projet Sciences.

Certes, j'avais eu le regret d'avoir à décliner une invitation à un repas au thaï avec les collègues, qui fut sans doute, même si on ne le saura jamais, un épisode charnière de la série  On prend un pichet de rouge ? S02X24, mais ce ne fut rien d'autre qu'une légère contrariété.

Non, ce jour-là, c'était l'enterrement d'un gars qui était dans ma classe, au lycée. Désolée de plomber l'ambiance du blog, hein, mais je vous assure que ça vous retourne, ces choses-là, quand bien même vous auriez le cœur fripé comme un vieux pruneau.

Un mec de mon âge, que j'ai vu tous les jours pendant trois ans. Avec qui je n'avais pas spécialement d'affinités ; à qui je ne me suis absolument jamais intéressé, avec qui je n'ai jamais réellement pris le temps de parler. Qui m'agaçait un peu, que j'avais parfois envie de boxer : c'est tout naturellement qu'on a pas gardé contact après le BAC. C'est con, y avait sûrement bien mieux à faire. A présent j'ai l'impression que mon souvenir de lui est beaucoup plus net que celui que j'ai gardé de certains de mes bons potes de l'époque. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est mort ou quoi. Mais pourquoi disserter là-dessus ? Y a plus rien à faire de toute façon, à part penser à sa famille, se dire : "quel dommage, quelle injustice" et éventuellement pleurer.

Il était 21h et j'avais beaucoup de mal à penser à autre chose. Se secouer, là, tout de suite, avant que la situation ne s'installe, parce que s'apitoyer ne nous le ramènera pas. Saisir un moment drôle, s'y fixer et tenir bon.

Le boulot, inévitablement, puisque j'y passe les 3/4 de mon temps.

Le CDI. Ma collègue assistante péda (future prof de maths)* et moi, en train de chanter devant une poignée d'élèves, qui ne savent pas s'ils peuvent se permettre de rire, ou pas.

On gueule (très mal, exprès) une chanson qu'on travaille avec la chorale du collège : When I'm gone, "Cup song", qui s'accompagne d'une espèce de chorégraphie avec des gobelets. Un chanson extraite de la BO d'une comédie musicale, Pitch Perfect. 

Se remettre dans l'ambiance de la chorale. Entendre ma géniale et survoltée voisine d'en face* (oui je le pense) dire que "c'est un film super", ou quelque chose dans le genre.

Sentir l'effet du Get 27 dans ma face. M'entendre ouvrir la bouche pour demander si c'est un film qui parle de brioches aux pépites, et la refermer en me disant que non, ça fait trop pitié comme vanne. L'alcool n'excuse pas tout.

Ladite comédie musicale. Trouver une bande annonce, voir si ça a l'air assez marrant ou pas. Ouais, ça a l'air. Le chercher en streaming, s'agacer, s'impatienter, le télécharger. En VO, avec les sous-titres... en anglais. Illégalement : faut pas abuser. J'achèterai le DVD seulement si le film me scotche, et honnêtement, là comme ça, j'y crois pas trop. Poser son cerveau et le regarder.       


"Bon, sinon, quand est-ce que tu nous parles du film (, bouffonne) ?"

Maintenant !  

C'est purement pour faire plaisir à son père que Beca vient d'intégrer la Barden University ; elle n'a pas plus l'intention d'aller en cours que de profiter de la vie d'étudiante. La jeune fille solitaire et quelque peu hautaine poursuit un autre rêve : se faire une place dans l'univers des DJs en se battant à coups de sons techno. Elle projette donc très logiquement de passer ses journées à créer des "remixes et des "mash-up" sur son Mac au lieu d'étudier.

Or, Beca sait très bien que lorsqu'on veut se faire connaître et se constituer un réseau, il vaut mieux se montrer un minimum sociable : elle se rapproche rapidement de la radio étudiante tenue par Luke, un type un peu décalé à qui elle propose ses créations, et écume d'un oeil lointain la Foire aux Activités de sa fac : saura-t-elle y dénicher un club de petits David Guetta en herbe ? Non point. Même s'il y en a pour tous les goûts, Beca ne trouve pas chaussure à son pied. Par contre, elle tape dans l'oeil de Chloé et Aubrey, deux membres des Barden Bellas, une chorale de chant a cappella exclusivement féminine.


Chloé, c'est la rousse.

Avant, les Barden Bellas formaient un groupe très sélect et défendaient leur répertoire vieillot en prônant le respect des traditions. Elles représentaient l'université au concours national de chant a cappella et pouvaient se permettre de refouler sans ménagement pas mal d'étudiantes attirées par leur prestige. Mais ça, c'était avant. Depuis, il y a eu cette désastreuse finale de concours pendant laquelle Aubrey a généreusement dégueulé sur le public en plein milieu de sa prestation, laissant s'envoler toutes chances de victoire. Autant dire que l'épisode a gelé la notoriété du groupe et généré les chambrages de rigueur : non seulement, plus personne ne veut faire partie des Bellas, mais en plus de ça, elles sont en proie à un foutage de gueule général. Les voilà réduites à recruter des filles bien loin de la perfection initialement visée, tant au niveau plastique que vocal. Parviendront-elles à vaincre enfin les arrogants Treblemakers, leurs homologues masculins et concurrents directs ?


Gros plan sur la Cup Song 

A l'issue du racolage commercial dont elle est la proie, Beca affirme simplement qu'elle ne sait pas chanter et décline poliment les propositions des Bellas, un peu à la manière dont on laisse les témoins de Jéhovah sur le pas de la porte.




Mais Chloe ne s'arrête pas à ce refus : elle piste Beca et finit par la coincer sournoisement dans les douches de sa résidence pour la convaincre de venir passer les auditions. Allez savoir pourquoi, la DJ se présente effectivement au test et éblouit son monde avec la fameuse Cup Song évoquée plus haut.

Au fait, l'héroïne est interprétée par Anna Kendrick. 
Bubulle, je pense que tu la connais.

Comme vous pouvez l'observer ici, les jonglages avec le gobelet servent avant tout à créer un rythme sur lequel la fille s'appuie pour chanter. Nombreux sont ceux qui s'amusent à reproduire la performance en y apportant des variantes. Visuellement, le résultat obtenu est fascinant...

Voilà : ça, c'est ... la version en rapport avec le film...

... ça, c'est ... magnifique ! 

.... ça, c'est .... irlandais...

et ça... c'est un peu moi...


... mais il n'en demeure pas moins assez galère à réaliser. D'ailleurs, voyant qu'après un mois d'entraînement quotidien au CDI, toujours avec ma collègue assistante péda*, mes efforts restaient stériles, j'ai été obligée de prendre des mesures radicales pour éviter que la situation ne stagne :

Faut jamais rester sur un échec.
Plus sérieusement, ça vaut le coup de s'accrocher : sachez que les gosses de la chorale réussissent très bien et s'éclatent à fond avec cette petite chorégraphie en plastique.

Sur ce, fermons la parenthèse et revenons à nos phacochères.


La dure vie des Bellas 

Beca devient donc membre à part entière de ce groupe de chanteuses aux caractères et aux qualités vocales disparates. Toutes sont tournées vers un objectif commun : battre ces cons de mecs des Treblemakers pour qu'enfin ils ferment leurs gueules., et en particulier Bumper, leur insupportable chef de file.




La guerre est déclarée ! Par conséquent, tout contact rapproché avec un gars de la bande à Bumper est prohibé, sous peine d'exclusion définitive des Bellas pour cause de haute trahison. Pourtant, les comportements hostiles manifestés ouvertement de part et d'autre n'empêchent pas le Treblemaker Jesse de draguer lourdement Beca en émettant cash l'hypothèse d'avoir des enfants avec elle. Ce qui reste, soit dit en passant, un des meilleurs moyens de faire tracer une nana jusqu'à la ligne d'horizon.




Sous la houlette d'une Aubrey à la limite du despotisme, les Bellas entament un entraînement vocal et sportif intense qui rappellera à certains des épisodes de la série Un Dos Tres... à la différence que, dans Pitch Perfect, les exercices "éprouvants" sont tournées en dérision : on reste bien ancrés dans la comédie (musicale, certes...) et ne se prend pas au sérieux.



Bien entendu, Beca s'insurge contre les chansons qu'elles vont devoir préparer, car elles lui semblent trop anciennes, mais en tant que nouvelle arrivante, elle n'a pas vraiment son mot à dire. D'autant plus qu'elle n'est pas suivie par ses copines de chorale. Sa tendance à se rebeller contre le système bien huilé des Barden Bellas ne risque-t-elle pas de nuire à son intégration ? La suite le dira.

Je m'arrête là, sinon on va encore me dire que je dévoile trop d'éléments du film (alors que non) ! 

L'originalité est ailleurs... 

De toute façon, que je vous raconte l'histoire en détail ou pas, vous verrez par vous même que le cheminement de l'intrigue de Pitch Perfect (sorti en France sous le titre The Hit Girls) est assez prévisible. Deux équipes rivales qui s'affrontent à coups de battles musicaux, une revanche à prendre, deux personnages qui sympathisent... Même pour quelqu'un qui n'est pas spécialement fan de comédies musicales, de séries télévisées telles que Glee, d'émissions de télé-réalité dans le style de Star Academy, A la recherche de la Nouvelle Star, et j'en passe, Pitch Perfect aura forcément un air de déjà-vu. Dès lors, comment faire la différence ?

Jason Moore a quand même su relever le défi ! Si le réalisateur de Dawson ne s'est pas gêné pour réexploiter le contexte du lycéen qui arrive à l'a fac, s'y paume, découvre les joies de la chambre partagée avec un(e) grincheux(se)...

Kimmi Jin, avec toute la grâce qui la caractérise...
... ou un(e) nympho...

Audrey (la colloc de Joey, Dawson S05X01)

 ... et part en quête d'une secte asso ou d'une "confrérie" aux codes aussi comiques que flippants, ...

.... telle que les Treblemakers (Pitch Perfect)

... ou les Sigma, les potes de Jack (Dawson, S05X03)
... il s'est essayé à quelques injections de fraîcheur dans son premier long métrage :

  • L'héroïne n'a pas vraiment l'âme d'une chanteuse. Alors que les héros de séries ou de comédies musicales se battent et se bouffent pour avoir le premier rôle, être les premiers de leur promo, Beca se greffe à la chorale parce que... tiens bonne question ! Bah, parce que Chloe l'a un peu tarabustée et aussi parce qu'elle a rien trouvé de mieux à faire ! C'est avec un léger mépris qu'elle considère l'enthousiasme et l'investissement de ses nouvelles copines. Bien entendu, elle finit par se prendre au jeu et par instiller le petit plus qu'elle porte en elle : son goût pour la musique électro, sa connaissance des titres actuels, sa capacité à "mixer".
  • Il est rare, me semble-t-il, qu'un réalisateur prenne le risque de mettre à l'honneur la techno, la trance. Dommage que cette nouveauté ne soit pas exploitée à fond. De même, le fait que la compétition de chant a cappella nécessite de la part des artistes une capacité à "tout faire avec la bouche" en l'absence d'instruments n'est pas vraiment mise en valeur. Mais c'était une bonne idée quand même.  
  • Amy ! Elle porte à elle seule les trois quarts des effets comiques du film. Elle est pleine d'autodérision sur son physique et parvient toujours à dédramatiser les situations tendues (plus ou moins volontairement, d'ailleurs). Je n'ai pas le souvenir d'avoir croisé un équivalent à ce personnage dans un autre film.




  • C'est assez rare pour être souligné : Pitch Perfect est un film sans cul. Autant dire que je trouve cela très appréciable ; en outre, l'absence de scènes d'amour et de sexe représentent un gain de temps inestimable : la durée du film reste en deça des 120 minutes _durée maximale supportable pour un film, à mon avis. La frustration des autres spectateurs pourra cependant se comprendre aisément : si Amy n'était pas là pour parler d'herpès, railler la coéquipière qui baise plus que la moyenne ou prendre des paris sur l'orientation sexuelle de Cynthia Rose, on pourrait croire que les étudiants de Barden ont tellement tout donné au lycée que niquer ne les intéresse plus du tout ! Quant à la pseudo histoire entre les héros, elle avance aussi vite que les travaux de rénovation de mon ancien bahut, c'est dire... Merde alors, bougez-vous un peu, même dans Loving Annabelle, il se passe deux-trois trucs à la fin ! En même temps, quand Beca aura chassé la Joey Potter qui sommeille en elle, autrement dit, quand elle saura enfin ce qu'elle veut, on pourra PEUT-ETRE songer à mettre de la monnaie de côté pour le paquet de capotes. Par contre, je suis déçue qu'elle se soit pas tapée la rousse, c'était plutôt bien parti.  
  • Ah ! J'avais jamais vu autant de vomi dans un film depuis La cité de la peur ! Je sais pas si c'est une donnée encourageante ou pas pour la suite de la carrière de Jason Moore au ciné, mais il fallait y penser... 



  • Enfin, c'est avec une grande joie que j'attibue à Pitch Perfect le Label Rainbow, réservé à toutes les oeuvres cinématographiques qui mettent en scène correctement au moins une fille ou un mec de la maison ! Par "correctement", j'entends : assez subtilement pour que l'effet produit ne sonne pas trop comme une présentation de bête de foire ni rameutage d'une clientèle ciblée pour mieux promouvoir le film.

Bon, Cynthia Rose est quand même un joli cliché ambulant, mais au moins, on ne lui met pas les projecteurs dans la gueule pour lui tirer les vers du nez... enfin si, à la fin, mais la scène tourne à la blague et on enchaîne très vite sur un autre sujet.

Attention, attention : le film est une adaptation du roman d'un certain Mickey Rapkin ; dans l'idéal, il faudrait d'abord le lire pour se prononcer sur la qualité du film. Mais maintenant que je connais l'histoire, je n'ai plus forcément envie de découvrir le roman : donc tant pis, je prends le risque d'être à côté de la plaque.

On pourra reprocher au réalisateur de ne pas assez creuser l'histoire, les personnages, de ne proposer que de courtes scènes chantées... mais la légèreté à parfois du bon. Pitch Perfect / The Hit Girls est exactement le film marrant et sans prise de tête à regarder quand on a passé une journée de merde. Comme cela vous arrivera forcément tôt ou tard, gardez ce titre en tête !


Pitch Perfect / The Hit Girls 
Jason Moore 
(Comédie musicale)
2012 
Universal 
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* Coucou Amélie !
* Coucou Val !
* Coucou Amélie (bis) !

jeudi 26 décembre 2013

Les blaireaux à l'assaut du pâté en croûte...



... Ou comment perdre 20 ans d'âge mental en 30 secondes ! 

Ayant reçu en cadeau de Noël le grandiose Calendrier de l'Avent Playmobil, je n'ai pas pu m'empêcher de me faire des films d'aventures entre les figurines et la bouffe.


vendredi 20 décembre 2013

Le retour des dessins (faussement) glauques



Croyez-moi ou pas, c'est donner de la confiture aux cochons que d'accorder trop d'importance à ce qui n'en a pas. Arrêtons de nous prendre la tête pour des conneries qui n'en valent pas la peine, gardons nos forces pour les vraies batailles : elles ne manqueront pas, c'est certain. Quitte à passer pour des je-m'en-foutistes apathiques. Ca vaut le coup de profiter de la vie à la manière qui nous va le mieux, sans réfléchir à tout, tout le temps. 

RIP, pote de TL.





jeudi 12 décembre 2013

Soil Vol.1 - Atsushi Kaneko (2011)


Tout à l'heure, à l'issue du club lecture _sournoisement rebaptisé "Découvertes au CDI" pour attirer plus de monde, ma collègue assistante péda* me disait qu'elle comptait faire don à l'établissement d'une série de livres. Son mec avait craqué pour une saga de type heroic fantasy avec supplément dragons avant de se se rendre compte que ça ne lui plaisait pas du tout. Résultat, il se retrouvait avec cinq ou six livres neufs sur les bras : quoi de plus frustrant ?

Rien, si ce n'est le cas contraire. Un dimanche matin avec ma putain , alors que je retournais comme une crêpe la bouquinerie de la rue Daguerre, seule dans le magasin et bercée par les délires des deux vendeurs, j'ai craqué pour Soil, un manga d'Atsushi Kaneko à la couverture plaisante. Quand on ne connaît pas, on n'a plus qu'à y aller au pif. Cela va peut-être vous choquer, mais mon ignorance en terme de livres à l'envers est telle que si Soil Premier de la liste n'avait pas été coloré en bleu pétrole, il n'aurait jamais fini dans mon sac ! D'autant plus que le second tome est rose, baaahh ! 

Petite photo de famille (disparue)

L'histoire 

Une fois n'est pas coutume, il s'est passé quelque chose d'étrange à Soil Newton : la famille Suzushiro a disparu, et pour de bon ! Pouf pouf ! Madame, Monsieur, leur fille et le hamster se sont évaporés dans laisser la moindre trace, si ce n'est l'énorme tas de sel qui a "poussé" dans la chambre de Mizuki, la fillette. Pourtant, ce sont des gens sans histoire, à l'image de tous les habitants de cette ville calme comme une mer d'huile. Autant dire que devant tant de mystère, l'émoi de la population est à son comble.

Le lieutenant Onada et le capitaine Yokoi sont dépêchés sur place pour mener l'enquête et résoudre cette drôle d'énigme. Il leur faudra faire preuve de professionnalisme pour ne pas être décontenancés par la perfection presque douteuse des lieux et des hommes du coin. L'intrigue va rapidement prendre une dimension étrange et sombre.


"Je crois qu'ils attendent qu'on s'en aille pour fermer..." 

N'appréciant pas spécialement les exploits de flics, je me suis limitée au premier volume des trois disponibles dans la boutique : pour un peu que ce soit nul ! Sauf que ce n'est pas nul du tout, bien au contraire, donc me voilà à présent contrariée de ne pas avoir la suite sous la main, et au taquet pour remédier au plus vite à cela. Quelle idée, aussi, de s'intéresser subitement aux mangas ? Peut-être qu'on mange trop asiatique avec les collègues, en ce moment, et que mine de rien ça nous influence ! Allez savoir. Il est vrai qu'on est plutôt bien équipés à Aulnay, entre le thaï, le chinois, et le japonais ; dans tous les cas, lorsqu'on est bien accompagné, les chances sont grandes d'assister à du spectacle. Mes profs à moi, ils valent une troupe de théâtre à eux-seuls, ils sont moins chers et surtout moins chiants. Pourtant, certains d'entre vous savent à quel point le théâtre m'indiffère, et connaissent mon incapacité à distinguer un artiste d'un mec bourré qui gueule. Cela devrait vous donner une idée de leur talent.

S. - Moi avant j'habitais rue Machin à Paris ! 
D. - Ah bon ? Mais tu sais qu'on a été voisines pendant longtemps sans le savoir ! J'habitais avenue Ducon ! 
V.- Pchtt Pchtt ! S., je suis ta mère !!! 

Là, c'était au japonais, un mercredi à midi. Bon, hors contexte c'est difficile de bien saisir l'effet comique mais sachez simplement que c'était une conversation aussi riche que drôle. Du maki au manga, il n'y a qu'un pas. Il suffit d'enjamber Dark Vador.


Désolée....

Eh, suis-je la seule à penser que le lieutenant Onada est de la maison ? 

Revenons à nos Bambis.

Soil est avant tout la mise en scène d'un duo policier on ne peut plus dépareillé évoluant dans une utopie qui prend l'eau. Si les premières planches suscitent l'interrogation en présentant des paysages divers qui n'ont en commun que l'espèce d'étoile filante qui traverse leur ciel, les premiers dialogues nécessitent plutôt d'avoir le coeur bien accroché. A plus forte raison si l'on est un tant soit peu féministe. En effet, notre premier contact avec le binôme d'enquêteurs est l'intérieur de la voiture censée les amener à Soil. La jeune Onada, lieutenant débutant et pleine de volonté, est au volant ; son front goutte à cause de la fièvre causée par la concentration, mais aussi parce que son collègue l'assomme de propos machistes, moqueurs voire insultants. A noter qu'elle ne se défend d'ailleurs pas trop mal en pointant régulièrement le sexisme du capitaine Yokoi.

"_Est-tu capable de courir comme une dératée derrière un suspect quand tu as tes règles ? Es-tu capable de regarder sans tourner de l'oeil le cadavre couvert de sperme d'une fille violée ? 
_ J'ai des règles très supportables et j'ai déjà assisté deux fois à des expertises sur des lieux de meurtres avec viol. De plus, Capitaine Yokoi, ça c'est du harcèlement sexuel. 
_Du harcèlement ? Parce que tu imagines qu'on peut fantasmer sur toi ? 

Si la question d'installer ce manga au CDI du collège a pu se poser un jour, autant dire que ce n'est désormais plus le cas !

Reconnaissons-le : Onada est quand même un gentil petit boulet et n'a pour elle que son envie de bien faire. Toujours transpirante de stress et d'empressement, la jeune lieutenant oublie sa propre personne derrière les enjeux du mystère. Pourtant, son attitude face aux personnages féminins, plus encore que le costard cravate et la pseudo barrette qui sonne faux, pourrait laisser croire qu'elle chasse sur les mêmes terres que Xéna ! C'est un point de vue spéculatif, certes, mais laissez-moi rêver jusqu'au tome 2, parce que ça serait tellement fun si elle pouvait s'en taper une ou deux au nez et à la barbe de son vieux porc de collègue !

Bizarrement, Yokoi ne lui reprochera pas trop son incompétence au fil des aventures, et leur collaboration semble finalement plus heureuse qu'on aurait pu l'imaginer au premier abord. L'homme a beau être détestable, le policier n'en est pas moins méthodique, direct et efficace. Il est le premier à soupçonner "le ver dans le fruit" qui mange la cité résidentielle encore neuve et prononce la réplique qui pourrait bien être la devise de la série :
"les gens normaux, ça n'existe pas !" 



Beaucoup écrivent ça et là sur le net que ce manga fait penser à Twin Peaks, mais comme je n'ai pas vu cette série, je m'en fous un peu et je me garderai bien de relancer le débat. Mes références télévisuelles me renvoient plutôt vers Wisteria Lane, mais ça ne me dérange pas. En tous cas, ça promet d'être glauque à souhait, sans toutefois trop en faire...

Le graphisme se distingue pas mal du manga tel qu'on se le représente : même si beaucoup de codes sont conservés (les yeux vides de dépit, les personnages rapetissés, agrandis, les expressions faciales), les visages sont réalistes et tracés par des lignes épaisses. On aime ou on n'aime pas. Personnellement, j'étais un peu froide au début, mais au vu de l'histoire je pense que Kaneko a fait le bon choix en sélectionnant ce crayon-là.


KANEKO, Atsushi. Soil T.1. Ankama Editions. 2011. Coll. Kuri. 226 p. ISBN ; 978-2-35910-131-7 

* Coucou Amélie !
   
 

         

dimanche 1 décembre 2013

La sélection Larme de Rasoir du CDI : Tout contre Léo - Christophe Honoré (1996), Anka - Guillaume Guéraud (2011), La liste des fournitures - Susie Morgenstern (2002)


Comme je sens que vous allez bientôt me dire d'arrêter de me lamenter et de bâcher tout le monde, j'anticipe par la dérision : alors qu'à Montreuil on vient de décerner les "Pépites" au Salon du Livre et de la Presser Jeunesse, j'inaugure dès maintenant la toute première édition de la Larme de Rasoir du CDI. Ce sera une sorte de "top déprime" des ouvrages de fiction qui constituent notre fonds documentaire. Autant dire qu'il y a le choix, parce qu'entre la maladie, la mort, le stress, les idées noires des héros ados, la littérature de jeunesse nous envoie tellement de situations réalistes dans la tronche qu'on ne sait plus trop si on doit se tailler les veines ou se pendre avec.

Les prix ont été démocratiquement décernés par moi-même, faute de mieux : insurgez-vous si vous n'êtes pas d'accord !

La Palme Tailladée ... 



... revient à Tout contre Léo, de Christophe Honoré. 

Voyant la journée internationale de lutte contre le sida approcher à grand pas (pour finalement tomber un dimanche), je me suis dit qu'il serait de bon ton de mettre en valeur les fictions parlant plus ou moins directement de ce virus qu'on n'a pas fini de combattre. La recherche dans le catalogue a déterré ce seul et unique roman publié en 1996 à l'Ecole des Loisirs : autant le lire, tant qu'à faire. Marcel, 10 ans, est le petit dernier d'une fratrie de quatre garçons. Ses parents et ses trois frères aînés le couvent jusqu'à putréfaction tout en le surnommant "P'tit Marcel". Mais bien sûr, il fallait qu'un drame vienne troubler la petite famille bretonne tranquille et unie : Léo, le plus beau des quatre, celui qui enchaîne les copines, a chopé le sida et se sait condamné. Marcel l'apprend en écoutant les conversations des "grands" et ne comprend pas pourquoi tout le monde s'obstine à lui cacher la vérité. D'ailleurs, est-ce que tout cela est bien vrai ? Léo n'a pas l'air malade ; et puis le sida, c'est bien une maladie de pédé, non ? Entre déni de la réalité et manque d'informations, l'enfant enchaîne les conneries.

J'ai toujours quelques appréhensions à lire des histoires racontées par un narrateur enfant, car on y reconnait souvent trop nettement la parole de l'auteur à peine voilée par quelques mots en verlan et deux ou trois vulgarités pas trop hard. Histoire de faire croire que c'est un gosse qui s'adresse à nous, avec sa petite voix de vieux sage. Sur ce point, P'tit Marcel ne fait pas figure d'exception, mais mon regard d'adulte m'empêche peut-être de rentrer dans le jeu : à mon avis, le jeune lecteur n'aura pas matière à se plaindre d'un héros "qui sonne faux". N'oublions pas que ce court roman est sorti en 1996, c'est à dire pendant une période où le sida était au centre de toutes les attentions. Tout comme Marcel, j'avais 10 ans à ce moment-là et autant dire que dans la cour de récré, il suffisait qu'un gars tombe et s'écorche le coude pour que l'ambiance tourne à la psychose : "l'approchez pas, vous allez choper le sida !". Mon pote Sylvain avait même menacé Rémi, le criquet au visage anguleux qui séchait tous les samedis matin, de le contaminer volontairement dès sa prochaine chute. Alors, si je me permets de citer Christophe Honoré pour le caractère plombant de son ouvrage, ce n'est que pour mieux valoriser sa démarche : il choisit d'aborder un sujet grave à travers le ressenti et l'incompréhension d'un proche, sans porter de jugement, sans faire culpabiliser qui que ce soit. "C'est la moindre des choses !" direz-vous. Certes, mais il y a 20 ans, ça ne l'était pas !





Le prozac d'or ...



... c'est pour Anka, de Guillaume Guéraud. Chacun a son chouchou : ma tutrice adore Mourlevat, je vénère Guéraud, les deux sont aussi désagréables l'un que l'autre, affirme-t-on ça et là. Mais comme dirait Nicole*, "on" est un con ! D'ailleurs, dans le cas où leur sale caractère serait avéré, est-ce qu'il ne vaut pas mieux avoir à faire à un vrai chieur plutôt qu'à un faux gentil ? A méditer ! Mais revenons à nos chevrettes. Anka est le dernier roman pour ado publié en 2012 par l'auteur de Je mourrai pas gibier. Il constitue rien moins que mon dernier craquage, puisque je l'ai acheté au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse (the famous), pendant que les 4° choisissaient dans quoi ils allaient bien pouvoir griller leur chèque-livre de 8euros. "S'il n'est pas trop trash, je le mettrai au CDI", me suis-je dit pour me donner bonne conscience, tout en sachant très bien que si, il le serait sans doute trop !    




Marco Fontan, 14 ans, est un apprenti looser : élève de troisième en pleine crise d'ado, sans projet d'avenir, perturbateur en classe, Marseillais, la totale ! Il avance péniblement ses devoirs de géométrie, bien au calme dans la maison familiale, lorsqu'on cogne à la porte. Des flics entrent, lui annoncent la mort de sa mère, et repartent aussitôt. Alors qu'il peine à réaliser la gravité de la situation, sa mère passe la porte d'entrée comme si de rien n'était.

Et là, je me dis : "ça y est, on est partis dans un délire à la Paul Auster avec quête de l'identité dédoublée puis éparpillée dans quinze personnes différentes, qui disparaissent pour réapparaître sous un autre nom !". En fait, pas du tout !

Les parents de Marco se voient obligés de lui révéler un secret familial vieux de dix ans : pour gagner quelques centaines d'euros, M. Fontan a magouillé un mariage bidon avec Anka Petrescu, une inconnue sans papiers. Pour la jeune femme, c'était la seule solution de régulariser sa présence en France. Chacun ayant tiré parti de la situation, ils se sont séparés pour ne plus jamais se revoir. Sauf que c'est Anka qui est morte, sous le nom de "Mme Fontan". Marco se passionne soudain pour cette mystérieuse femme rétamée à 29 ans par la tuberculose, devenue chômeuse et SDF : il tente de remonter son parcours en s'aidant du peu d'éléments dont il dispose.  

Nous voilà partis pour une lapidaire quête de 108 pages et 13 chapitres, intercalés de "morceaux" de la vie d'Anka, disposés de manière ante-chronologique depuis sa mort dans le parc jusqu'au jour du mariage. Oh, que voilà un judicieux procédé ! Au fur et à mesure que Marco court après son fantôme, Anka retourne sur ses pas. Que faut-il comprendre ? A vous de voir.


Difficile de critiquer Guillaume Guéraud : je n'ai pas encore trouvé d'écrivains qui sachent traduire aussi justement ce qui se passe dans la tête des jeunes paumés. Lire la pensée du héros et se dire "ah, j'aurais très bien pu prononcer les mêmes insanités quand j'avais quinze ans, j'aurais très bien pu avoir envie de cogner, de réagir comme lui", c'est à la fois fascinant et flippant. Est-ce parce que l'écriture est agréable, voire limpide, parce que j'adore les marques d'oralité dans les textes _du moins quand c'est instillé avec naturel_, parce que la scène de violence extrême finale est décrite avec une telle clarté qu'une vidéo n'y ajouterait rien ? J'en sais rien.

Cela dit, avoir mis Anka dans la sélection Larme de Rasoir avant-même de l'avoir lu laissait présager de la joyeuseté de l'intrigue. Guillaume Guéraud deviendrait-il prévisible ? Je dois bien reconnaître qu'en lisant son dernier roman, j'ai cru reconnaître le personnage principal de Je mourrai pas gibier, mêlé au héros de Blog (Jean-Philippe Blondel) et à celui de Paranoid Park (Blake Nelson). Et un poil de Quentin dans Quentin sur le quai (Françoise Grard). Ca fait un peu beaucoup. Le collégien ou le lycéen dans la moyenne, voire en dessous, perdu, indifférent à tout mais pas forcément innocent, pas toujours attachant, pas toujours sympathique...pourrait-il être, d'ici quelques années, le héros typique des romans ados ?


La corde de bois....


... de chauffage !!
Bah quoi, après tout, André Breton avait bien mis une photo de gant en plomb dans Nadja !

La corde de bois...

... étranglera gaiement La liste des fournitures de Susie Morgenstern.
Quand j'ai vu que nous avions ce livre au CDI, je me suis dit : non mais elle est sérieuse, là ? Quelle sorte de gosse pourrait bien être attiré par un livre intitulé La liste des fournitures ? Même moi, qui faisais croire à mes parents que j'aimais l'école pour me faire bien voir, je n'aurais pas poussé le focuisme jusqu'à emprunter ça à Monette ! Vous savez, la bibliothécaire à pustule ? Bref, peu importe.
Du coup, je l'ai lu.

Et 10 ans plus tard ...

... Cerise de GROUPAMA !!

L'histoire commence à la fin du mois de juin, dans une école. Emma, Ugo, Farida et Josselin sont quatre élèves de CM1 qui se connaissent mais qui ne sont pas dans la même classe. Leurs quatre profs respectifs viennent de leur remettre la liste des fournitures en vue de la prochaine année scolaire. Mais qui dit profs différents dit listes différentes : Emma s'émerveille déjà en lisant l'énumération des articles demandés par Mme Sylvie ; Ugo se sent lésé car Laure, la maîtresse, n'a pas pris la peine de demander quoi que ce soit pour la rentrée ; Farida va pouvoir rêver tout l'été de son prof Alexandre puisqu'il ne réclame ni cahiers ni crayons, mais des souvenirs de vacances. Enfin, Josselin est désarçonné devant la liste de la vieille et sévère Mme Plumecoq : c'est une suite de sentiments à définir par écrit sans utiliser le dictionnaire. De quoi stresser et réfléchir pour tout l'été ! Emma aura un mal fou à dégotter le matériel imposé par Sylvie, Ugo va s'inventer des fausses listes pendant deux mois en se demandant pourquoi il a une maîtresse aussi "débile", Farida tentera coûte que coûte d'apporter tous les souvenirs listés, et Josselin définira avec ses mots l'"intelligence", l'"amour", une "graine de folie"... mais sera-t-il compris ?

En tous cas, moi j'ai pas compris la fin de l'histoire... et visiblement je ne suis pas la seule.

Ou comment passer juillet avec l'école en toile de fond... L'utilisation du sujet est cependant plutôt ingénieuse dans le sens où on nous présente plusieurs types d'enseignants qui ont chacun leur manière d'exercer  leur métier, et dans la mesure où la "liste" sert surtout de fil conducteur au suivi des quatre enfants pendant leurs deux mois de vacances, également très éloignés les uns des autres. Comme vous l'avez compris, l'histoire ne m'a pas branchée outre mesure, mais l'écriture est agréable et l'ouvrage est bien illustré. Ce livre est, apparemment, souvent utilisé en classe de CE2 - CM1 comme lecture suivie.


La mention Chant du Cygne



...revient à deux romans hors compétition dont j'ai déjà parlé ici-même _ raison pour laquelle ils ne peuvent être nominés_ :

- Maboul à zéro - Jean-Paul Nozières
- Mongol - Karin Serres

HAUTS LES COEURS !!!!

Bibliographie : 

GUERAUD, Guillaume. Anka. Editions du Rouergue. Coll. "Doado". 2012. 108 p. ISBN : 978-2-8126-0302-0

HONORE, Christophe. Tout contre Léo. L'Ecole des Loisirs. Coll. "Neuf". 1996. 126 p. ISBN : 978 - 2211-037785

MORGENSTERN, Susie. La liste des fournitures. L'Ecole des Loisirs. Coll. "Mouche". 2002. 77 p. ISBN 978-2-2110-66006



* Une ancienne collègue du Mirail, spéciale dédicace !!

jeudi 14 novembre 2013

L'hérésie du mois : J'aime pas lire Jules Verne (même en BD) : Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne - Loïc Dauvillier / Aude Soleilhac (2008 - 2010)


Woohh non pas lui !  


Comme je n'ai jamais su trop quoi penser des adaptations BD de la littérature classique, c'est avec une certaine réserve que je me suis lancée dans la lecture des trois albums reprenant Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. D'autant plus que je ne suis pas, non plus, spécialement fan de cet écrivain précurseur de la science-fiction. Ce n'est pas faute de m'y être accrochée, depuis l'adaptation jeunesse de Cinq semaines en ballon jusqu'à l'intégrale des Voyages Extraordinaires en grand format avec la couverture imitation Hetzel. Mes parents pensaient que ces romans étaient une valeur sûre pour mes goûts de petit mec, et leur initiative mérite bien d'être saluée au passage, mais... non ! La mayonnaise n'a jamais pris. D'une part, ses visions futuristes n'avaient plus rien d'impressionnant à mes yeux, puisque toutes les fantastiques chimères de l'auteur (ou presque) avaient trouvé leur incarnation dans le monde réel ; d'autre part, ses héros étaient des gonzes antipathiques ou beaucoup trop perchés pour moi. Voire les deux. Même l'adaptation animée de 20000 lieues sous les mers me gonflait à mort : qu'il se noie dans son sous-marin, et qu'on en finisse, bordel !

"Il fallait bien que ça sorte un jour ! et c'est pas un hasard si ça sort maintenant !" 
(Bien dit.) 

20000 lieues sous les mers !
(rires en boîte)
Tout ça pour dire que mes chances de trouver les BD chiantes au possible ne sont pas minces. Par conséquent, les conseiller aux gosses pourrait s'avérer bien plus difficile qu'à l'accoutumée.

Oui, hurlez un bon coup et passons à autre chose. Tout comme je l'ai fait il y a bien des années, en voyant Flore, la fille de Babar, s'extasier devant l'artiste venu à la rencontre des trompes royales via sa machine à remonter le temps.

Cons d'éléphants modèles, va ! et dire que le fils du méchant traîne avec eux !

Le Tour du Monde en 80 jours 

Allez, pas de jugement hâtif ! Abordons la situation d'un regard neutre et professionnel.

Je ne me souviens plus vraiment de l'histoire, si ce n'est qu'un maniaque de la ponctualité décide sur un coup de tête de parier qu'il va réussir à faire le tour du Monde en 80 jours, pas un de plus ni de moins. Ce livre m'avait quand même bien marquée, parce que le héros était, comme souvent dans les romans de Jules Verne, accompagné d'un brave larbin nommé Passepartout. Sauf que pour moi, Passepartout c'est LUI et personne d'autre :

wesh !

Autant dire que j'ai mentalement traversé l'Asie et les océans avec sa tête en arrière plan.

Il m'était totalement sorti de l'esprit que, dans l'histoire, le moment du départ de Philéas Fogg coïncidait presque parfaitement avec le vol de 50000 livres commis à la Banque d'Angleterre. Pour Sir Fix, le détective, Fogg est le suspect n°1 : ce voyage autour du monde ne serait rien moins qu'une fuite déguisée afin d'échapper à la justice. Cela expliquerait aussi pourquoi le "gentleman" anglais n'hésite jamais à mettre la main à la poche pour gagner dix minutes. Cela expliquerait aussi le prix des sandwiches à la gare ?

"ça vous fera 456,46 euros, bon appétit !"

L'adaptation de Loïc Dauvillier et Aude Soleilhac découpe l'oeuvre en 3 albums intitulés Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne, (Volume 1, Volume 2 et Volume 3). 

Où est Charlie ?

Dans le volume 1, on nous présente Philéas dans ses manières d'excentrique raffiné, un peu marginal au sein du Reform Club dont il fait partie, un peu con trop exigent avec ses majordomes successifs, aussi. Le dernier malchanceux recruté par le lord n'est autre que Jean Passepartout, un jeune homme français plein de bonnes intentions qui ne tarde pas à se demander où il a bien pu tomber. Le vol de la Banque d'Angleterre est succintement évoqué, de même que les paris pris Philéas Fogg et ses amis du club : tous s'accordent à dire qu'il est impossible de faire le tour du Monde en 80 jours, lui pense que si, et d'ailleurs, il va le leur prouver sur le champ. Et hop, le voilà qui saute dans le train avec Passepartout et... rien d'autre, à vrai dire. Fix a bien du mal à suivre la cadence, mais il parvient pourtant à faire ami-ami avec le majordome sans vraiment décliner son identité _le fourbe ! Quelques vignettes plus tard, il arrivent à Bombay, où le larbin officiel de Fogg se prend un bon marron après avoir refusé d'ôter ses chaussures en entrant dans un lieu de culte. Ce moment constitue d'ailleurs la seule et unique scène d'action de l'album.  


Sorti un an plus tard, le second album est plus énergique.

GRILLÉS !!!!!!!!!

En traversant la jungle indienne avec leur guide, Philéas et Passepartout tombent sur un cortège funèbre dont ils ne saisissent pas tous les enjeux. Ils comprennent peu à peu qu'un homme est mort et que la tradition veut que sa femme meure elle aussi. Les deux touristes se mettent en tête de sauver la fille des griffes de sa tribu et ils y parviennent : désormais, elle continuera le voyage avec eux. On sent un léger suspense : de Fogg ou de Passepartout, lequel arrivera à la choper ? En attendant d'en savoir plus, quittons l'Inde pour Hong-Kong.


"On va tous mûrir !"

Le troisième et dernier album est celui de la course contre la montre pour un retour express vers l'Angleterre. Alors que Philéas Fogg considérait toujours qu'il était assez "large", le voilà pris de méchants coups de stress. Les réelles motivations du détective Fix ont été devinées par Passepartout, mais les situations extrêmes dans lesquelles les personnages se placent rendent la cohabitation indispensable.

Que dire de cette adaptation en bande dessinée ? Le scénario réussit à mon avis à alléger l'histoire et à faciliter sa compréhension auprès des jeunes lecteurs ; forcément, l'accent est mis sur les aventures des personnages, au détriment de tous les éléments scientifiques et techniques qui relèvent plutôt de la science fiction. Du coup, le fond de commerce de Jules Verne est perdu ; même si Le tour du Monde en 80 jours n'est pas, dans mon souvenir, le roman le plus débordant d'inventions délirantes ultra détaillées, il n'est pas le non plus la "simple" histoire d'aventure qu'il devient ici. Quant au dessin et à la coloration... euh c'est pas parce qu'on est au XIX°siècle qu'on est forcément obligé de faire une BD en bois ! Plus sérieusement, il me semble que c'est un peu sombre, tristounet et trop marron ; mais cela reste une impression personnelle. Et puis ça me perturbe que le détective Fix soit roux. Je ne suis pas la seule à ne pas être convaincue par la couleur : une de mes collègues prof de français s'est montrée plutôt sceptique en feuilletant le troisième volume, que je m'apprêtais à saisir dans la base du CDI, et a laissé entendre que c'était plutôt moche. Pourtant, il y a dans les dessins d'Aude Soleilhac quelque chose qui rappelle les gravures illustrant les volumes des éditions Hetzel ; une force est à puiser de ce côté-là, mais je ne m'y connais pas assez pour me lancer là-dedans.


  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 1). Delcourt, 2008. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-0472-3



  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 2). Delcourt, 2009. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-1101-1



  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 3). Delcourt, 2010. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-1729-7



mercredi 30 octobre 2013

Le crépuscule d'un monde - Yves Turbergue (2013)


Au mois de septembre, j'ai participé à l'opération Masse Critique proposée par le site Babelio.

On vous envoie un livre que vous avez choisi, et vous avez un mois pour publier une critique.
Le crépuscule d'un monde d'Yves Turbergue m'a donc été remis il y a quelques semaines.



Dans l'effervescence des élections présidentielles de 1981, David Martin traîne comme il peut son âme en peine et ses casseroles, au grand désespoir de son entourage qui ne sait comment donner des couleurs à sa vie. Il faut dire que sa jeune carcasse porte la marque d'un lourd passé familial et culturel : en mai 68, époque dont il n'a absolument aucun souvenir, son père a perdu la vie dans le cortège d'une manifestation. Difficile de se construire dans un village ouvrier sur le déclin, entre une mère impuissante face à son manque de motivation, un oncle ouvrier syndicaliste qui n'a de cesse d'essayer de le sensibiliser aux grandes causes sociales, ses grands parents plâtriers résignés à leur modeste condition...Surtout quand l'image du père absent reste entourée de brouillard à cause des non-dits. Seule sa copine Isabelle, rencontrée par hasard dans l'euphorie nocturne du 10 mai 1981 _ et dans les toilettes publiques _ semble pouvoir le tirer vers le haut, et encore...

Y a-t-il rien de plus actuel que cette histoire venue tout droit des années 1980, surtout quand on connaît un tant soit peu le milieu ouvrier ? Qui ne voit pas en David un jeune paumé de son voisinage, de sa famille, ou lui-même ? Qui aujourd'hui, surtout dans les zones rurales, n'entend pas le ressac nostalgique d'anciens ouvriers d'une usine fermée ? Ces lendemains qui déchantent après LA victoire de la Gauche salvatrice et pleine de promesses, celle qui est censée nous représenter, nous le "petit peuple", ne font-ils pas partie de notre actualité ? Franchement, je ne sais pas si je vais être capable de proposer un avis objectif sur ce roman où tout me parle. C'était le risque à prendre en choisissant dans la sélection de Masse Critique sur Babelio un ouvrage dont le résumé-même m'évoquait un environnement presque familier.

Le crépuscule d'un monde est bien un roman, et non pas un cours d'Histoire comme on pourrait le craindre. Pas évident pour l'auteur de peindre une "fresque familiale"* et sociale sur plusieurs décennies, dont l'évolution dépend clairement des événements historiques de l'époque, sans tomber dans le piège du catalogue de dates et des coupures de presse annexées. Mais Yves Turbergue y parvient. Bien sûr, on pourra peut-être lui reprocher d'aller un peu trop dans les détails, soucieux qu'il était de mettre des mots sur le monde ouvrier meurtri et toujours à vif en dépit de son silence et de son visage fermé. Des détails qui sonnent presque faux, et qui évoquent un docu-fiction, qu'on trouve "bien fait" sans pour autant y croire. En même temps, libre à ceux capables de faire mieux de l'ouvrir s'ils le souhaitent, je n'en fais pas partie. Considère que le pari est gagné pour un auteur qui s'est attaché à scruter les synapses de ses personnages principaux pour nous faire partager tout ce qu'ils ont de suite dans les idées. Résultat, un roman polyphonique à la fois entraînant et instructif, plein de propos heurtés, de phrases dans lesquelles le verbe a loupé le train, d'expressions locales.. mais d'où ? on n'en sait rien. Le lieu de l'action reste mystérieux. Les personnages bougent vers la Nouvelle Calédonie, vers Marseille, vers une "ville universitaire", mais d'où viennent-ils ?

David le sait bien, lui, mais il ne demande pas mieux que d'en faire abstraction. La vie de misère, ou presque, de son entourage le dégoûte tellement que sa rencontre avec un oncle "différent" du reste de la famille lui met aussitôt les idées en vrac. La richesse, la liberté de ce parent décalé, le dédain qu'il suscite sont autant d'aimants pour un satellite sans orbite. Voilà, entre autres, où le bât blesse. L'ascension sociale a beau faire rêver, on ne se débarrasse pas aussi facilement qu'on le voudrait du lot de valeurs et de pensées véhiculées par sa "caste" ; surtout celles qui nous empêchent de croire en nous-même, celles qui font qu'on est pris au dépourvu lorsqu'on a l'opportunité de prendre les rennes d'une situation quelle qu'elle soit. Celles aussi qui nous rattachent à l'humanité et à notre bonne conscience. David l'apprendra à ses dépens, comme toujours, lors de son escapade marseillaise sur les traces de son oncle parvenu, et devra faire un choix : s'enrichir sur le dos des autres, en appliquant des méthodes douteuses ? ou préférer une vie modeste mais honnête, où le travail abrutissant et répétitif ne laisse guère de temps aux tours de passe-passe ? Peut-être se rendra-t-il compte qu'il est réellement imprégné de ce monde ouvrier sur lequel il crache depuis qu'il s'essaye à raisonner.

Aucune épopée familiale ne m'avait autant captivée depuis Des grives aux loups et Les palombes ne passeront plus de Michelet. D'ailleurs, il m'y a souvent fait penser.  

* Voir le quatrième de couverture

TURBERGUE, Yves. Le crépuscule d'un monde. Plon, 2013. 445 p. ISBN : 978-2-259-21922-8


dimanche 27 octobre 2013

La sélection des livres pas rangés : Antonio Vivaldi - Olivier Beaumont / Charlotte Voake (1999), Kidnapping - Jean-Marie Firdion (2002) et Entre mes nunga-nungas mon coeur balance - Louise Rennison (2001)


Comme dans n'importe quel métier, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs quand on est documentaliste en établissement scolaire. Soit on choisit de présenter le CDI comme un lieu hostile à toute vie humaine et par conséquent toujours bien rangé, soit on tolère la présence d'enfants tout en s'exposant au risque de trouver quelques livres en bordel dans les rayons malgré l'ambiance studieuse et un bref rappel du mode de classement en début d'heure. Le cas échéant, nous voilà face à deux nouvelles options : la réaction épidermique suivie d'une remise en ordre immédiate (mais quels boulets !! c'est pourtant pas si dur l'alphabet ! qu'est-ce qu'ils ont été me mettre un conte dans les romans ces p'tits cons), ou la réaction positive : si les documents sont mal classés, cela veut dire qu'ils ont été feuilletés, regardés, délaissés, voire lus ! Enfin ne rêvons pas trop quand même. Faisons plutôt preuve de curiosité et penchons-nous sur ce qu'ils ont laissé traîner.

Ce matin, j'ai ainsi récupéré trois livres après le passage d'un groupe de quinze ( eh franchement, CA VA ) : 

Antonio Vivaldi - Olivier Beaumont, illustrations de Charlotte Voake (1999)


Ajoutons aux deux artistes impliqués dans la réalisation de l'ouvrage la contribution vocale de Benoît Allemane, puisqu'il s'agit d'un livre-CD. Paru chez Gallimard, Antonio Vivaldi fait partie de la collection "Jeunesse Musique".

"As-tu déjà construit un instrument de musique ? Avec un roseau, on peut faire une petite flûte..." Oui, et avec du châtaigner aussi. J'ai en tête cet après-midi chaud et orageux où la mémé n'en finissait plus de faire son café. Elle m'avait promis de m'accompagner dans les bois derrière la maison pour couper une branche et me fabriquer un pipeau ; mais avant, il fallait bien faire le café, puisqu'on était dimanche après-midi ! La cafetière fumait comme une locomotive asthmatique en crachouillant des gouttes brûlantes, mais le niveau d'eau ne semblait pas baisser. Parfois, la mémé poussait le vice à en verser un peu plus dans le réservoir, provoquant de petites explosions vaporeuses. Finalement, elle avait tenu sa promesse et avait vidé au couteau un tronçon de branche bien souple _ à tel point qu'elle s'était loupée, transformant d'un coup la flûte en sifflet. Le sifflet ne sifflait pas, mais il venait d'elle ; il était joli et avait bon goût. Puis il a fini par pourrir, inévitablement, comme toute chose, comme tout le monde, et comme elle aussi.   

Je m'égare.

L'album retrace la vie du musicien italien de façon synthétique mais néanmoins complète ; chaque double page est consacrée à une étape de sa progression personnelle ou artistique, et fait mention d'une de ses compositions majeures. Je suppose que dans le même temps, le CD nous permet d'écouter le morceau de musique cité _ mais pour être honnête, je n'ai pas écouté le disque parce qu'on ne l'a pas mis en libre accès. On le prête à l'élève seulement s'il emprunte l'album ou s'il demande à l'écouter sur place, car c'est encore le moyen le plus sûr de le conserver intact et de le conserver tout court, d'ailleurs.
Moi qui n'ai aucune culture musicale, j'ai appris des choses sur le créateur des Quatre saisons qu'on apprécie parfois sans connaître, notamment qu'il était prêtre et roux _d'où son surnom de "prete rosso". Quant au principe du livre audio, signalons qu'il est très demandé par les collégiens, et pas seulement les plus jeunes d'entre eux. 


Kidnapping - Jean-Marie Firdion 2002


Le ventre perforé par une violente gastro, Benjamin n'ira pas au collège aujourd'hui et restera seul à la maison, cloué au lit. Il ne sait pas encore que des cambrioleurs ont décidé de visiter la demeure familiale. Décontenancés par la présence de l'enfant, les malfaiteurs l'emmènent avec le butin pour éviter qu'il ne les balance, et pour en tirer une rançon.
Arrivée à la moitié de ce court roman écrit par le sociologue Jean-Marie Firdion, je me suis dit que l'histoire avait un air de déjà vu, ou de déjà lu. La relation quasi fraternelle entre le héros et Paulo, le plus sympathique des trois voleurs, m'a remis en mémoire un vieux roman paru en 1960 intitulé Signé : Alouette de Pierre Véry.

ET LA CEINTURE (bordel) !
Forcément, je commençais à me sentir déçue par ce que je lisais, malgré la fraîcheur de ton de l'adolescent qui raconte ce qu'il vit avec le vocabulaire imagé qu'implique son jeune âge. Il me semblait que la situation ne présentait rien de bien transcendant pour un collégien habitué aux scènes d'enlèvement et de cambriolages qu'il peut voir en bien pire dans n'importe quel téléfilm du dimanche après-midi sur NT1. Puis le roman a évoqué la vie de Benjamin après son kidnapping, et là, j'ai clairement vu où Jean-Marie Firdion voulait en venir. Il exprime très bien une réalité à laquelle on ne pense jamais, et qui pourtant ne saurait être occultée : la difficulté n'est pas tant de vivre une agression que de s'en remettre et d'arriver à raccrocher les wagons lorsque le calme est revenu. Comment faire pour ne pas céder à la tentation de se terrer chez soi et de fuir les autres, la vie réelle qui nous renvoie sans cesse à la face l'événement douloureux ? Benjamin a bien du mal à s'en sortir : lui qui a été cueilli dans son lit n'arrive plus à dormir dans sa chambre ; aller au collège est impensable tant qu'il conservera cette basse idée qu'il se fait de lui-même : un trouillard qui n'a même pas su se défendre et qui n'a même pas tenté de s'échapper, attendant sagement que ses ravisseurs se résignent à l'abandonner à poil dans la forêt. Une semaine après l'enlèvement, la spirale négative l'a déjà emporté bien loin de toute vie sociale. Sa rencontre avec Gabrielle, une jeune fille aveugle malmenée par la vie, va-t-elle suffire à lui permettre de remonter la pente ?

Kidnapping fait un peu trop vite le tour de la question : "comment se relever d'une agression ?", mais il a l'avantage de traiter le sujet, et ça fait bien plaisir. Evidemment, le roman touchera en priorité les lecteurs qui se sont déjà retrouvés en position de victime, mais l'ouvrage de Jean-Marie Firdion peut être matière à réflexion pour pas mal de collégiens.

Le journal intime de Georgia Nicolson - 3 - Entre mes nunga-nungas, mon coeur balance. Louise Rennison (2002)





Illustrations de la couverture : Claire Bretécher

Ah ! Ca fait plaisir ! Enfin un Scripto qui ne donne pas envie de se tailler les veines ! Il s'agit ici du troisième volet de la vie trépidante de Georgia, alors j'ai pensé que pour cette fois-ci on serait obligés de s'asseoir sur la présentation des personnages principaux et sur le plantage de décor. Par chance, Bubulle a lu les deux premiers tomes dans sa jeunesse, ce qui m'a permis de me faire une idée du contexte : Georgia, 14 ans, collégienne britannique au nez et aux seins plus proéminents que la moyenne, nous raconte son quotidien aussi ordinaire que drôle et nous plonge dans son environnement familial et amical sans aucune retenue. Entre mes nunga-nungas, mon coeur balance correspond à une période automnale de deux mois environ pendant laquelle Georgia se promène sur un petit nuage, transportée par les appels (sur le fixe familial) de Robbie, alias "Super Canon". Seuls ses "nunga-nungas", ses seins donc, pour ceux qui n'auraient pas encore compris _ la couverture nous aide quand même pas mal_ la maintiennent sur le sol terrien.

"Ah, elle a fini par sortir avec !?" S'est exclamée Bubulle, elle qui s'est arrêtée au tome 2 de cette série qui en compte 10 ! Apparemment c'était mal barré...


Malgré les vacances en Écosse imposées par son père et le sentiment que ses copines n'ont même pas remarqué son absence durant cette période, la fille ne compte pas se laisser abattre et se jette à corps perdu dans une nouvelle grande cause : sauver son chat Angus de la castration. Il serait vraiment dommage que Naomi, la "bombe birmane" des voisins, se détourne du félin à cause de quelques pauvres nuits tapageuses qui ne dérangent que les vieux croûtons. Perturbée par son intérêt croissant pour son pote Dave La Marrade alors que sa relation avec Robbie, un peu plus âgé qu'elle, a toujours un côté énigmatique voire irréel, "Geo" continue l'air de rien à jouer les rebelles du Top Gang dans son école.
 
Trop "fille" pour moi, désolée !
 
Publiées il y a une bonne dizaine d'années maintenant par la comédienne et journaliste Louise Rennison, les aventures de Georgia Nicolson ne sont pas dénuées de réalisme : la connerie de la tranche 14/15 dans toute sa splendeur, mais sans le côté glauque (ce qui est appréciable, ma foi) ! Mais c'est aussi la raison pour laquelle je n'ai pas réussi à accrocher à l'histoire, malgré l'attrait de l'écriture chronologique qui facilite bien la lecture. Les copines qui se fritent subtilement pour des mecs avant de se réconcilier et d'enchaîner avec une heure de débat sur l'acné comme si de rien n'était, j'ai malheureusement trop vu, et de trop près ! C'est bien dommage de résumer le cerveau des adolescentes à cela, mais... on ne peut pas non plus ignorer ce côté de leur personnalité.. Évidemment, Louise Rennison tourne fort bien en dérision les scènes d'hystérie hormonale et de maquillage intempestif, mais le chapitre sur les vacances en Écosse n'en demeure pas moins long et pas très drôle. A mon avis, le journal de Georgia peut sonner faux pour les collégiens d'aujourd'hui, car ils trouveront sans doute les protagonistes pas assez trash pour eux. Quant à la richesse de ces expressions hautes en couleur lancées ça et là, qui ont fait le succès de la série, elles risquent de ne plus faire mouche auprès du public actuel. A tester en club lecture, pour voir ! Il faut juste que je vérifie qu'on a les deux premiers au CDI...

Petite bibliographie récapitulative des livres en bordel : 

BEAUMONT, Olivier. VOAKE, Charlotte. Antonio Vivaldi. Gallimard. Coll. "Découverte des musiciens". 1999. 27 p. ISBN 2-0705-2868-5

FIRDION, Jean-Marie. Kidnapping. Editions Thierry Magnier. 2002. 95 p. ISBN 2-7511-0041-4

RENNISON, Louise. Entre mes nunga-nungas mon coeur balance. Le Journal intime de Georgia Nicolson. Gallimard. "Scripto". 2002. 153p. ISBN 2-07-055163-6. 


      

samedi 12 octobre 2013

Sélection de contes pour les élèves de 6° : Les contes de la Saint-Glinglin - Robert Escarpit (1973)


Avant toute chose, saluons la venue sur ce blog d'un digne habitant de Fresney-le-Puceux, petite ville située près de Caen. Qu'il sache que sa visite m'a mise en joie, et que j'ai trouvé son toponyme cent fois plus drôle que celui de La Queue en Brie !

Ceci étant dit, continuons encore et toujours notre sélection de contes destinés aux élèves de 6°, même si la séance avec ces chers 6B est derrière nous depuis quelques temps !




Jusqu'à présent, Robert Escarpit était pour moi un fameux universitaire girondin spécialisé dans les Sciences de l'Information et de la Communication, un professeur de littérature doublé d'une casquette de journaliste, avec au bout de la visière des idées pour développer la documentation. Après la lecture des Contes de la Saint-Glinglin, j'ai réalisé qu'il était aussi un grand-père, et par extension un formidable conteur pour enfants. Dans ce recueil composé d'une quinzaine d'histoires sinon merveilleuses, au moins tirées par les cheveux, Robert Escarpit propose une origine rocambolesque à plusieurs expressions courantes de la langue française.  

Ainsi, Saint Glinglin prend les traits d'un brave moine sculpteur tellement étourdi qu'il est incapable de retrouver la porte du Paradis, malgré l'aide de la belle Lurette. Le guerrier Stentor à la voix puissante est parachuté en Cathiminie, un pays où le silence est sacré, car il a défié le Dieu Hermès. Lorsque la princesse Isabelle débarque dans la maisons de deux samouraïs, elle sème une jolie pagaille dans leur partie de go, qu'on ne peut jamais résoudre tout de go. Raymond d'Occitanie part chercher des haricots danseurs pour cuisiner des galipettes, ces gâteaux qui pourraient égayer le royaume triste. Le guilledou devient un passereau assez malin pour se jouer des soldats anglais qui l'importunent jusque dans son nid. Le baron de l'Enclume est désespéré car les vers qui devaient faire de lui le huitième poète de la Pleiade ont été en partie dévorés par une chèvre ! Il ne lui reste que les bouts rimés "am stram gram", voués peut-être à gagner une certaine renommée eux aussi...

Désolée, l'occasion était trop belle
Mylène Farmer, L’Âme Stram Gram (1999)

.. Bien d'autres héros maudits malgré leur bonté notoire justifient un idiome bien connu de nos conversations quotidiennes ; le père Limpimpin, la bonne Franquette, l'inventeur de la poudre d'Escampette.. On s'étonnera d'ailleurs que la plupart d'entre eux connaissent une souffrance plus ou moins profonde et plus ou moins durable au cours de leurs aventures. Si Les contes de la Saint-Glinglin sont présentés comme susceptibles de faire rire les jeunes lecteurs, ils n'en sont pas moins porteurs d'une certaine mélancolie. Les protagonistes sont attachants parce qu'ils sont exclus, rejetés, moqués, frappés par le malheur : on a envie de les voir s'en sortir. Or les histoires de Robert Escarpit ne nous apportent pas toujours satisfaction sur ce plan-là. Elles n'en demeurent pas moins addictives, tant l'imagination de l'auteur a craché des pépites aux quatre coins des pages, au point de pousser le lecteur à se dire "il fallait y penser !" après chaque dénouement. A tel point que je me demande si l'exercice ne pourrait pas être proposé aux gosses dans le cadre d'un travail d'écriture. La consigne pourrait être : "Avoir le feu au cul" "Etre aux anges" : inventez une histoire pour raconter d'où peut venir cette expression, comment elle est née.  

Sur ce, je m'en vais chercher la signification de "Passez muscade !", une façon de parler qui m'a toujours laissée perplexe, pour ne pas dire à la limite de la frustration.

Au passage, voici un site référence pour obtenir la signification d'une expression : Francparler.comCependant, comme je n'y ai pas trouvé "Passez muscade !", je suggère aussi Expressio.fr(*) sans doute moins fiable et moins complet, mais qui a eu le mérite de m'apporter une hypothèse qui se tient sur la route des épices et la ressemblance entre les noix de muscade et les boulettes de liège utilisées pour les tours de passe-passe à l'époque.

Résumé pour les gosses 
Quand on parle avec ses amis, on utilise tous des expressions familières qu'on comprend mais qu'on n'est pas toujours capable d'expliquer : à tire-larigot, il y a belle lurette, Tartempion, à la bonne franquette... L'auteur s'est demandé d'où elles pouvaient bien venir, il  a fait marcher son imagination et il a écrit quinze contes surprenants et amusants pour raconter leur origine.    

La difficulté réside dans la décision d'annoncer ou non aux élèves le caractère fictif des histoires ; en principe, s'ils ont étudié le conte, ils doivent savoir que les explications sont par définition fictives, mais bon... Si cela nous paraît évident, ça ne l'est pas pour eux.


Edition utilisée :
ESCARPIT, Robert. Les contes de la Saint-Glinglin. Le Livre de Poche Jeunesse. 2007. 208 p. ISBN 978-2-01-322494-9

Illustrations de Sylvie François


* What else ? Ah ah !