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vendredi 30 octobre 2015

Quelques fictions pour aborder le harcèlement scolaire au collège ...


Le 5 novembre prochain sera une journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école. C'est l'occasion de mettre à l'honneur quelques livres et BD qui nous permettent de poser des mots sur ce problème présent dans tous les établissements scolaires. 




Une sonate pour Rudy - Claire Gratias (2007)


Par le biais d'un échange entre professeurs documentalistes lu en diagonale sur une liste de diffusion que j'ai découvert l'existence de ce roman publié en... 2007, mine de rien ! Je regrette un peu d'être passée à côté pendant tant d'années mais comme on dit : mieux vaut tard que jamais ! Alors parlons-en !

Nicolas est nouveau au collège ; c'en est fini de la classe musique à horaires aménagés qu'il avait réussi à intégrer dans son ancien établissement. Il a serré bien au chaud sa chère flûte traversière. A quoi bon ? Puisqu'il a du renoncer à ses rêves pour suivre sa famille dans leur nouvelle vie, puisque de toute façon personne ne tient compte de ce qu'il veut, lui, autant tirer un trait sur le passé. Nico n'est pas un garçon contrariant, et il compte bien finir son année de troisième sans faire de vagues pour décrocher son brevet. Heureusement qu'il a Rudy, son petit confident, la prunelle de ses yeux ; grâce à lui, il parvient à se montrer zen et responsable en toutes circonstances.


Dans ce bahut aux airs de prison, le flûtiste résigné fait la rencontre de Sam et surtout de la belle Marie : le coup de foudre est immédiat. Or la petite frappe locale qui terrorise profs et élèves s'en rend compte et voit rouge : Marie est à lui, et ce n'est pas ce gringalet sorti de nulle part avec ses vieilles fringues qui va la lui piquer ! Désormais, Nicolas sera la nouvelle cible du dénommé Dylan. Oh, au début ce sont de petites blagues qui ne méritent que d'être ignorées : un stylo qui disparaît, des remarques assassines lancées pendant les cours, des bousculades _faites exprès ? ou pas ? le doute est encore permis... Le temps passe... Nicolas fait une démonstration de flûte en cours de musique, sa popularité monte crescendo, l'intérêt que Marie lui porte aussi, et la pression que lui colle Dylan suit le mouvement, également... Seule la patience de la victime diminue petit à petit. Tout le monde sait, tout le monde voit, mais personne n'ose parler. Personne ne veut s'en mêler. Ni Dylan, ni Nicolas ne lâcheront le morceau sans se battre. Le drame sera inévitable.    


Une sonate pour Rudy est écrit sous la forme d'un journal tenu par Nicolas après "le drame", justement. Aussi voit-on parfaitement ce qui se passe dans la tête d'un élève harcelé : le doute d'abord (Est-ce qu'il m'en veut ? Est-ce que je suis parano ?) puis la culpabilité : si j'avais de plus beaux vêtements, si je n'avais pas dit que je savais jouer de la flûte traversière, si je n'avais pas regardé Marie, il m'aurait sûrement laissé tranquille. Je ne vais pas rajouter des problèmes à mes parents, ils en ont déjà assez ; et je ne veux pas que mes amis aient des ennuis à cause de moi. A coup sûr, l'histoire de Nicolas parlera à beaucoup d'élèves ; les codes de langage des collégiens sont efficacement retranscrits _sans trop en faire, l'écriture est légère et accessible ; l'auteure a su mettre en place une atmosphère de mystère et du suspense autour d'une chute qu'on devine tragique. Avec à la clé un effet de surprise que je me garderai bien de spoiler, pour une fois !


J'ajouterai seulement qu'en tant que documentaliste _et ancienne AE, la lecture d'Une sonate pour Rudy m'a surtout fait flipper : que se passe-t-il dans mon dos, que je ne vois pas, quels sont ces micro-événements dont je ne mesure peut-être pas la gravité lorsque je reprends les élèves sur telle ou telle remarque ? Comment distinguer un chouineur _si si, vous savez, ce chieur qui cherche tout le monde et qui, étonné de se faire remballer, vient  chialer sa mère dans vos frusques. Oui oui, ça existe aussi _ d'un cas de harcèlement ? Comment intervenir quand les harceleurs sont des élèves qui ressemblent à des anges ? Les collègues ont tellement de mal à y croire que vous venez à douter vous-même.. Eh oui, tels les porcs chasseurs d'enfants, certains élèves-bourreaux prennent soin de "bien s'entourer" et de se placer au-delà de tout soupçon pour s'assurer une confortable liberté d'action.


Un roman cousin de Je mourrai pas gibier ! de Guillaume Guéraud, en plus soft mais non moins représentatif de la réalité. C'est mon coup de coeur (frippé, parce que huit ans après la sortie du livre, quand même !) de la rentrée et il forme un parfait enchaînement avec celui de l'été : Brainless, de Jérôme Noirez.  



La cicatrice - Bruce Lowery (1960) 

Pas facile d'avoir treize ans et de s'intégrer dans sa nouvelle école lorsqu'on a un bec de lièvre et qu'on ne roule pas sur l'or. Jeff en fait la douloureuse expérience ; un jour, un garçon de sa classe décide de prendre sa défense.
Article version longue


Brainless - Jérôme Noirez (2015) 
Brainless, (re)parlons-en ! 
A partir de maintenant je vais vous faire du réchauffé car tous les livres que je vais citer ont déjà fait l'objet d'un billet ici-même. Cet article est donc de la grosse arnaque.


Vermillion, une petite ville du Dakota. Jason est tellement bête que ses copains le surnomment Brainless, "le sans-cerveau". Aussi, quand il meurt accidentellement pendant l'été et ressuscite à l'état de zombie, après avoir perdu au passage pas mal de facultés mentales, personne ne voit la différence. Pourtant, il y en a une : Jason doit s'injecter quotidiennement du formol pour ne pas pourrir. Parviendra-t-il à cacher aux autres élèves son drôle d'état ?    

Article version longue


Des Fleurs pour Algernon - Daniel Keyes (1966)

Charlie Gordon fait partie de ceux qu'on appelait à l'époque "les arriérés mentaux". Il travaille dans une boulangerie où on l'a embauché plus par charité que pour ses compétences et les autres employés se paient sa tête à longueur de journée. Le jeune homme n'a pas pleinement conscience des moqueries qu'il subit et interprète les petites violences quotidiennes de ses collègues comme des marques d'amitié. Un jour, il est choisi comme cobaye par des médecins qui ont mis au point une opération capable d'augmenter le Q.I d'un être vivant ; ça a marché sur la souris Algernon. Ca marche sur Charlie. Très bien. Trop bien ?


Article version longue



Une Sonate pour Rudy, des Fleurs pour Algernon...
C'est quoi le prochain ?
Un Kebab pour ta Soeur ?
Non.


Mongol - Karin Serres (2003) 

Ludovic est un peu simplet ; il n'en faut pas plus à ses camarade de classes pour le traiter de mongol et pour le molester du matin au soir. Face aux agressions, le petit neuneu va réagir de façon tellement incongrue que les autres enfants vont s'en trouver tout désarçonnés : un beau pied de nez aux harceleurs !

Ce roman destiné aux élèves de CM peut largement être évoqué en 6° et après.



Article version longue 


L'étoile d'Indigo - Hilary Mac Kay (2004) 



Article en version longue


Cette micro-bibliographie est très loin d'être exhaustive ; n'hésitez pas à m'en proposer d'autres, ça aidera mes gosses !!!

Carrie - Stephen King




Paru en français en 1976, le premier roman du roi de l'horreur n'a pas pris beaucoup de rides. Même s'il est un peu violent pour le collège, il me semble accessible et intéressant pour des élèves de 3ème. 

Il est question de Carrie, 16 ans, qui vit l'enfer à la maison et au lycée : sa mère est très religieuse et la tient à l'écart du monde ; ses camarades de classent la harcèlent. En secret, elle s'entraîne à maîtriser son don de télékinésie, que pour l'instant elle ne contrôle pas, mais qui s'est déjà révélé ravageur; 

Le bal de fin d'année approche à grands pas... 


  • Camélia - Face à la meute - Cazenove  ; Bloz ; Nora Fraisse (2021) 


Camélia entre en seconde à l'internat ; pour elle, pas de grande nouveauté puisque c'est une cité scolaire où elle a déjà passé ses années de collège. Elle retrouve sa meilleure amie, devient copine avec le beau gosse de la classe ; tout pourrait bien se passer, mais Valentine et sa bande ont décidé de lui mener la vie dure. Elles vont progressivement y parvenir, poussant Camélia dans ses derniers retranchements, l'isolant toujours plus. Entre les amis qui se tiennent pas le choc et ses parents à qui elle ne peut rien dire, la lycéenne n'est pas loin de sombrer.  

Une BD réussie, assez réaliste mais teintée d'un message d'espoir, qui montre que le harcèlement peut tomber sur tout le monde. Quelques événements malencontreux, une rencontre néfaste, et nous voilà au fond du trou.

Une lecture très adaptée au collège, même si l'histoire met en scène une classe de seconde. 

L'album se clôture sur un fascicule documentaire plutôt bien fichu. 



  • Miss Crampon - Claire Castillon, 2019 


Suzine est en 3ème ; discrète, elle a deux meilleures copines à qui elle craint sans cesse de déplaire. Un jour, les deux se disputent à cause d'une histoire sentimentale sur fond de jalousie, et lui demandent de prendre parti, ce qu'elle refuse. Toutes deux se retournent alors contre elles et commencent à la harceler insidieusement. Leur malveillance augmente encore lorsqu'elles comprennent que Suzine a du succès auprès des garçons. 



  • A Silent Voice - 1 - Yoshitoki Oima (2013)


Shoya et sa bande de copains survoltés attendent avec impatience l'arrivée d'une nouvelle élève dans leur classe de CM2. Aussi, lorsqu'ils font la rencontre de Shoko, leur surprise n'est pas des moindres : la jeune fille est malentendante, et ne peut communiquer avec les autres enfants que par écrit. D'abord intrigués par son handicap, leur perplexité se mue en un vague agacement, puis en une franche hostilité : les enfants reprochent à leur nouvelle camarade de "retarder la classe", puisque le prof doit écrire / faire écrire ce qu'il dit, et de compromettre leurs chances au concours de chant _ à cause de la voix forcément dissonante de Shoko. Tous commencent à lui faire de mauvaises blagues, et s'engrainent les uns les autres pour savoir qui ira le plus loin, avec Shoya en tête de file. 

La maman de Shoko finit par dénoncer le harcèlement dont fait l'objet sa fille, et après avoir constaté la dégradation de plusieurs appareils auditifs, elle menace de signaler à la police. Sa gueulante va décider l'école à se bouger. Comme il faut désigner un coupable, la faute retombe sur Shoya, qui en tant qu'élève à problèmes, a le profil idéal.

Les autres gamins, contents d'être mis hors de cause, fichent la paix à Shoko mais font de Shoya leur nouvelle cible. Le caïd passe alors de harceleur à harcelé. 

Vous pourrez lire un peu partout d'excellentes critiques sur ce manga, "très juste", "touchant", "réaliste", donc pas la peine d'en rajouter.

Je dirai simplement qu'il aborde vraiment bien la complexité d'une situation de harcèlement à l'école, qui ne se limite pas toujours au "triangle victime - harceleur - témoin". Bien des facteurs entrent en jeu dans son origine et dans la façon dont elle va évoluer : ici, on en repère plusieurs : le statut de "nouveau", jamais évident, l'ennui, la crainte, l'esprit de compétition, et surtout l'absence de discernement des adultes. Voilà un prof qui ne fait rien, ni pour adapter son enseignement à Shoko, ni pour favoriser son intégration ! Pire, il discrédite devant la classe une collègue venue proposer un enseignement de langue des signes. Si le maître n'est pas bienveillant envers Shoko, pourquoi les élèves le seraient-ils ?

Un manga pour les jeunes mais que les adultes doivent lire aussi, surtout s'ils sont amenés à travailler avec des enfants : bien que ce ne soit pas facile de le reconnaître, il faut garder en tête qu'en cas de harcèlement, il peut arriver qu'on fasse (involontairement) partie du problème. 

lundi 30 décembre 2013

Pitch Perfect - Jason Moore (2012)



Vendredi soir, veille des vacances de Noël, j'avais pas le moral. Mais vraiment, pas du tout. Pourtant, j'aurais du : tous les gens qui bossent dans l'Education Nationale ne vivaient que pour ce jour-là depuis des semaines ! De plus, mes séances avec les 5° et les 6° s'étaient relativement bien passées _petit jus de litchi aidant^^, malgré une gestion du temps encore bien approximative et un collègue... hum... pas super convaincu par l'utilité de l'IRD et du Projet Sciences.

Certes, j'avais eu le regret d'avoir à décliner une invitation à un repas au thaï avec les collègues, qui fut sans doute, même si on ne le saura jamais, un épisode charnière de la série  On prend un pichet de rouge ? S02X24, mais ce ne fut rien d'autre qu'une légère contrariété.

Non, ce jour-là, c'était l'enterrement d'un gars qui était dans ma classe, au lycée. Désolée de plomber l'ambiance du blog, hein, mais je vous assure que ça vous retourne, ces choses-là, quand bien même vous auriez le cœur fripé comme un vieux pruneau.

Un mec de mon âge, que j'ai vu tous les jours pendant trois ans. Avec qui je n'avais pas spécialement d'affinités ; à qui je ne me suis absolument jamais intéressé, avec qui je n'ai jamais réellement pris le temps de parler. Qui m'agaçait un peu, que j'avais parfois envie de boxer : c'est tout naturellement qu'on a pas gardé contact après le BAC. C'est con, y avait sûrement bien mieux à faire. A présent j'ai l'impression que mon souvenir de lui est beaucoup plus net que celui que j'ai gardé de certains de mes bons potes de l'époque. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est mort ou quoi. Mais pourquoi disserter là-dessus ? Y a plus rien à faire de toute façon, à part penser à sa famille, se dire : "quel dommage, quelle injustice" et éventuellement pleurer.

Il était 21h et j'avais beaucoup de mal à penser à autre chose. Se secouer, là, tout de suite, avant que la situation ne s'installe, parce que s'apitoyer ne nous le ramènera pas. Saisir un moment drôle, s'y fixer et tenir bon.

Le boulot, inévitablement, puisque j'y passe les 3/4 de mon temps.

Le CDI. Ma collègue assistante péda (future prof de maths)* et moi, en train de chanter devant une poignée d'élèves, qui ne savent pas s'ils peuvent se permettre de rire, ou pas.

On gueule (très mal, exprès) une chanson qu'on travaille avec la chorale du collège : When I'm gone, "Cup song", qui s'accompagne d'une espèce de chorégraphie avec des gobelets. Un chanson extraite de la BO d'une comédie musicale, Pitch Perfect. 

Se remettre dans l'ambiance de la chorale. Entendre ma géniale et survoltée voisine d'en face* (oui je le pense) dire que "c'est un film super", ou quelque chose dans le genre.

Sentir l'effet du Get 27 dans ma face. M'entendre ouvrir la bouche pour demander si c'est un film qui parle de brioches aux pépites, et la refermer en me disant que non, ça fait trop pitié comme vanne. L'alcool n'excuse pas tout.

Ladite comédie musicale. Trouver une bande annonce, voir si ça a l'air assez marrant ou pas. Ouais, ça a l'air. Le chercher en streaming, s'agacer, s'impatienter, le télécharger. En VO, avec les sous-titres... en anglais. Illégalement : faut pas abuser. J'achèterai le DVD seulement si le film me scotche, et honnêtement, là comme ça, j'y crois pas trop. Poser son cerveau et le regarder.       


"Bon, sinon, quand est-ce que tu nous parles du film (, bouffonne) ?"

Maintenant !  

C'est purement pour faire plaisir à son père que Beca vient d'intégrer la Barden University ; elle n'a pas plus l'intention d'aller en cours que de profiter de la vie d'étudiante. La jeune fille solitaire et quelque peu hautaine poursuit un autre rêve : se faire une place dans l'univers des DJs en se battant à coups de sons techno. Elle projette donc très logiquement de passer ses journées à créer des "remixes et des "mash-up" sur son Mac au lieu d'étudier.

Or, Beca sait très bien que lorsqu'on veut se faire connaître et se constituer un réseau, il vaut mieux se montrer un minimum sociable : elle se rapproche rapidement de la radio étudiante tenue par Luke, un type un peu décalé à qui elle propose ses créations, et écume d'un oeil lointain la Foire aux Activités de sa fac : saura-t-elle y dénicher un club de petits David Guetta en herbe ? Non point. Même s'il y en a pour tous les goûts, Beca ne trouve pas chaussure à son pied. Par contre, elle tape dans l'oeil de Chloé et Aubrey, deux membres des Barden Bellas, une chorale de chant a cappella exclusivement féminine.


Chloé, c'est la rousse.

Avant, les Barden Bellas formaient un groupe très sélect et défendaient leur répertoire vieillot en prônant le respect des traditions. Elles représentaient l'université au concours national de chant a cappella et pouvaient se permettre de refouler sans ménagement pas mal d'étudiantes attirées par leur prestige. Mais ça, c'était avant. Depuis, il y a eu cette désastreuse finale de concours pendant laquelle Aubrey a généreusement dégueulé sur le public en plein milieu de sa prestation, laissant s'envoler toutes chances de victoire. Autant dire que l'épisode a gelé la notoriété du groupe et généré les chambrages de rigueur : non seulement, plus personne ne veut faire partie des Bellas, mais en plus de ça, elles sont en proie à un foutage de gueule général. Les voilà réduites à recruter des filles bien loin de la perfection initialement visée, tant au niveau plastique que vocal. Parviendront-elles à vaincre enfin les arrogants Treblemakers, leurs homologues masculins et concurrents directs ?


Gros plan sur la Cup Song 

A l'issue du racolage commercial dont elle est la proie, Beca affirme simplement qu'elle ne sait pas chanter et décline poliment les propositions des Bellas, un peu à la manière dont on laisse les témoins de Jéhovah sur le pas de la porte.




Mais Chloe ne s'arrête pas à ce refus : elle piste Beca et finit par la coincer sournoisement dans les douches de sa résidence pour la convaincre de venir passer les auditions. Allez savoir pourquoi, la DJ se présente effectivement au test et éblouit son monde avec la fameuse Cup Song évoquée plus haut.

Au fait, l'héroïne est interprétée par Anna Kendrick. 
Bubulle, je pense que tu la connais.

Comme vous pouvez l'observer ici, les jonglages avec le gobelet servent avant tout à créer un rythme sur lequel la fille s'appuie pour chanter. Nombreux sont ceux qui s'amusent à reproduire la performance en y apportant des variantes. Visuellement, le résultat obtenu est fascinant...

Voilà : ça, c'est ... la version en rapport avec le film...

... ça, c'est ... magnifique ! 

.... ça, c'est .... irlandais...

et ça... c'est un peu moi...


... mais il n'en demeure pas moins assez galère à réaliser. D'ailleurs, voyant qu'après un mois d'entraînement quotidien au CDI, toujours avec ma collègue assistante péda*, mes efforts restaient stériles, j'ai été obligée de prendre des mesures radicales pour éviter que la situation ne stagne :

Faut jamais rester sur un échec.
Plus sérieusement, ça vaut le coup de s'accrocher : sachez que les gosses de la chorale réussissent très bien et s'éclatent à fond avec cette petite chorégraphie en plastique.

Sur ce, fermons la parenthèse et revenons à nos phacochères.


La dure vie des Bellas 

Beca devient donc membre à part entière de ce groupe de chanteuses aux caractères et aux qualités vocales disparates. Toutes sont tournées vers un objectif commun : battre ces cons de mecs des Treblemakers pour qu'enfin ils ferment leurs gueules., et en particulier Bumper, leur insupportable chef de file.




La guerre est déclarée ! Par conséquent, tout contact rapproché avec un gars de la bande à Bumper est prohibé, sous peine d'exclusion définitive des Bellas pour cause de haute trahison. Pourtant, les comportements hostiles manifestés ouvertement de part et d'autre n'empêchent pas le Treblemaker Jesse de draguer lourdement Beca en émettant cash l'hypothèse d'avoir des enfants avec elle. Ce qui reste, soit dit en passant, un des meilleurs moyens de faire tracer une nana jusqu'à la ligne d'horizon.




Sous la houlette d'une Aubrey à la limite du despotisme, les Bellas entament un entraînement vocal et sportif intense qui rappellera à certains des épisodes de la série Un Dos Tres... à la différence que, dans Pitch Perfect, les exercices "éprouvants" sont tournées en dérision : on reste bien ancrés dans la comédie (musicale, certes...) et ne se prend pas au sérieux.



Bien entendu, Beca s'insurge contre les chansons qu'elles vont devoir préparer, car elles lui semblent trop anciennes, mais en tant que nouvelle arrivante, elle n'a pas vraiment son mot à dire. D'autant plus qu'elle n'est pas suivie par ses copines de chorale. Sa tendance à se rebeller contre le système bien huilé des Barden Bellas ne risque-t-elle pas de nuire à son intégration ? La suite le dira.

Je m'arrête là, sinon on va encore me dire que je dévoile trop d'éléments du film (alors que non) ! 

L'originalité est ailleurs... 

De toute façon, que je vous raconte l'histoire en détail ou pas, vous verrez par vous même que le cheminement de l'intrigue de Pitch Perfect (sorti en France sous le titre The Hit Girls) est assez prévisible. Deux équipes rivales qui s'affrontent à coups de battles musicaux, une revanche à prendre, deux personnages qui sympathisent... Même pour quelqu'un qui n'est pas spécialement fan de comédies musicales, de séries télévisées telles que Glee, d'émissions de télé-réalité dans le style de Star Academy, A la recherche de la Nouvelle Star, et j'en passe, Pitch Perfect aura forcément un air de déjà-vu. Dès lors, comment faire la différence ?

Jason Moore a quand même su relever le défi ! Si le réalisateur de Dawson ne s'est pas gêné pour réexploiter le contexte du lycéen qui arrive à l'a fac, s'y paume, découvre les joies de la chambre partagée avec un(e) grincheux(se)...

Kimmi Jin, avec toute la grâce qui la caractérise...
... ou un(e) nympho...

Audrey (la colloc de Joey, Dawson S05X01)

 ... et part en quête d'une secte asso ou d'une "confrérie" aux codes aussi comiques que flippants, ...

.... telle que les Treblemakers (Pitch Perfect)

... ou les Sigma, les potes de Jack (Dawson, S05X03)
... il s'est essayé à quelques injections de fraîcheur dans son premier long métrage :

  • L'héroïne n'a pas vraiment l'âme d'une chanteuse. Alors que les héros de séries ou de comédies musicales se battent et se bouffent pour avoir le premier rôle, être les premiers de leur promo, Beca se greffe à la chorale parce que... tiens bonne question ! Bah, parce que Chloe l'a un peu tarabustée et aussi parce qu'elle a rien trouvé de mieux à faire ! C'est avec un léger mépris qu'elle considère l'enthousiasme et l'investissement de ses nouvelles copines. Bien entendu, elle finit par se prendre au jeu et par instiller le petit plus qu'elle porte en elle : son goût pour la musique électro, sa connaissance des titres actuels, sa capacité à "mixer".
  • Il est rare, me semble-t-il, qu'un réalisateur prenne le risque de mettre à l'honneur la techno, la trance. Dommage que cette nouveauté ne soit pas exploitée à fond. De même, le fait que la compétition de chant a cappella nécessite de la part des artistes une capacité à "tout faire avec la bouche" en l'absence d'instruments n'est pas vraiment mise en valeur. Mais c'était une bonne idée quand même.  
  • Amy ! Elle porte à elle seule les trois quarts des effets comiques du film. Elle est pleine d'autodérision sur son physique et parvient toujours à dédramatiser les situations tendues (plus ou moins volontairement, d'ailleurs). Je n'ai pas le souvenir d'avoir croisé un équivalent à ce personnage dans un autre film.




  • C'est assez rare pour être souligné : Pitch Perfect est un film sans cul. Autant dire que je trouve cela très appréciable ; en outre, l'absence de scènes d'amour et de sexe représentent un gain de temps inestimable : la durée du film reste en deça des 120 minutes _durée maximale supportable pour un film, à mon avis. La frustration des autres spectateurs pourra cependant se comprendre aisément : si Amy n'était pas là pour parler d'herpès, railler la coéquipière qui baise plus que la moyenne ou prendre des paris sur l'orientation sexuelle de Cynthia Rose, on pourrait croire que les étudiants de Barden ont tellement tout donné au lycée que niquer ne les intéresse plus du tout ! Quant à la pseudo histoire entre les héros, elle avance aussi vite que les travaux de rénovation de mon ancien bahut, c'est dire... Merde alors, bougez-vous un peu, même dans Loving Annabelle, il se passe deux-trois trucs à la fin ! En même temps, quand Beca aura chassé la Joey Potter qui sommeille en elle, autrement dit, quand elle saura enfin ce qu'elle veut, on pourra PEUT-ETRE songer à mettre de la monnaie de côté pour le paquet de capotes. Par contre, je suis déçue qu'elle se soit pas tapée la rousse, c'était plutôt bien parti.  
  • Ah ! J'avais jamais vu autant de vomi dans un film depuis La cité de la peur ! Je sais pas si c'est une donnée encourageante ou pas pour la suite de la carrière de Jason Moore au ciné, mais il fallait y penser... 



  • Enfin, c'est avec une grande joie que j'attibue à Pitch Perfect le Label Rainbow, réservé à toutes les oeuvres cinématographiques qui mettent en scène correctement au moins une fille ou un mec de la maison ! Par "correctement", j'entends : assez subtilement pour que l'effet produit ne sonne pas trop comme une présentation de bête de foire ni rameutage d'une clientèle ciblée pour mieux promouvoir le film.

Bon, Cynthia Rose est quand même un joli cliché ambulant, mais au moins, on ne lui met pas les projecteurs dans la gueule pour lui tirer les vers du nez... enfin si, à la fin, mais la scène tourne à la blague et on enchaîne très vite sur un autre sujet.

Attention, attention : le film est une adaptation du roman d'un certain Mickey Rapkin ; dans l'idéal, il faudrait d'abord le lire pour se prononcer sur la qualité du film. Mais maintenant que je connais l'histoire, je n'ai plus forcément envie de découvrir le roman : donc tant pis, je prends le risque d'être à côté de la plaque.

On pourra reprocher au réalisateur de ne pas assez creuser l'histoire, les personnages, de ne proposer que de courtes scènes chantées... mais la légèreté à parfois du bon. Pitch Perfect / The Hit Girls est exactement le film marrant et sans prise de tête à regarder quand on a passé une journée de merde. Comme cela vous arrivera forcément tôt ou tard, gardez ce titre en tête !


Pitch Perfect / The Hit Girls 
Jason Moore 
(Comédie musicale)
2012 
Universal 
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* Coucou Amélie !
* Coucou Val !
* Coucou Amélie (bis) !

dimanche 27 octobre 2013

La sélection des livres pas rangés : Antonio Vivaldi - Olivier Beaumont / Charlotte Voake (1999), Kidnapping - Jean-Marie Firdion (2002) et Entre mes nunga-nungas mon coeur balance - Louise Rennison (2001)


Comme dans n'importe quel métier, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs quand on est documentaliste en établissement scolaire. Soit on choisit de présenter le CDI comme un lieu hostile à toute vie humaine et par conséquent toujours bien rangé, soit on tolère la présence d'enfants tout en s'exposant au risque de trouver quelques livres en bordel dans les rayons malgré l'ambiance studieuse et un bref rappel du mode de classement en début d'heure. Le cas échéant, nous voilà face à deux nouvelles options : la réaction épidermique suivie d'une remise en ordre immédiate (mais quels boulets !! c'est pourtant pas si dur l'alphabet ! qu'est-ce qu'ils ont été me mettre un conte dans les romans ces p'tits cons), ou la réaction positive : si les documents sont mal classés, cela veut dire qu'ils ont été feuilletés, regardés, délaissés, voire lus ! Enfin ne rêvons pas trop quand même. Faisons plutôt preuve de curiosité et penchons-nous sur ce qu'ils ont laissé traîner.

Ce matin, j'ai ainsi récupéré trois livres après le passage d'un groupe de quinze ( eh franchement, CA VA ) : 

Antonio Vivaldi - Olivier Beaumont, illustrations de Charlotte Voake (1999)


Ajoutons aux deux artistes impliqués dans la réalisation de l'ouvrage la contribution vocale de Benoît Allemane, puisqu'il s'agit d'un livre-CD. Paru chez Gallimard, Antonio Vivaldi fait partie de la collection "Jeunesse Musique".

"As-tu déjà construit un instrument de musique ? Avec un roseau, on peut faire une petite flûte..." Oui, et avec du châtaigner aussi. J'ai en tête cet après-midi chaud et orageux où la mémé n'en finissait plus de faire son café. Elle m'avait promis de m'accompagner dans les bois derrière la maison pour couper une branche et me fabriquer un pipeau ; mais avant, il fallait bien faire le café, puisqu'on était dimanche après-midi ! La cafetière fumait comme une locomotive asthmatique en crachouillant des gouttes brûlantes, mais le niveau d'eau ne semblait pas baisser. Parfois, la mémé poussait le vice à en verser un peu plus dans le réservoir, provoquant de petites explosions vaporeuses. Finalement, elle avait tenu sa promesse et avait vidé au couteau un tronçon de branche bien souple _ à tel point qu'elle s'était loupée, transformant d'un coup la flûte en sifflet. Le sifflet ne sifflait pas, mais il venait d'elle ; il était joli et avait bon goût. Puis il a fini par pourrir, inévitablement, comme toute chose, comme tout le monde, et comme elle aussi.   

Je m'égare.

L'album retrace la vie du musicien italien de façon synthétique mais néanmoins complète ; chaque double page est consacrée à une étape de sa progression personnelle ou artistique, et fait mention d'une de ses compositions majeures. Je suppose que dans le même temps, le CD nous permet d'écouter le morceau de musique cité _ mais pour être honnête, je n'ai pas écouté le disque parce qu'on ne l'a pas mis en libre accès. On le prête à l'élève seulement s'il emprunte l'album ou s'il demande à l'écouter sur place, car c'est encore le moyen le plus sûr de le conserver intact et de le conserver tout court, d'ailleurs.
Moi qui n'ai aucune culture musicale, j'ai appris des choses sur le créateur des Quatre saisons qu'on apprécie parfois sans connaître, notamment qu'il était prêtre et roux _d'où son surnom de "prete rosso". Quant au principe du livre audio, signalons qu'il est très demandé par les collégiens, et pas seulement les plus jeunes d'entre eux. 


Kidnapping - Jean-Marie Firdion 2002


Le ventre perforé par une violente gastro, Benjamin n'ira pas au collège aujourd'hui et restera seul à la maison, cloué au lit. Il ne sait pas encore que des cambrioleurs ont décidé de visiter la demeure familiale. Décontenancés par la présence de l'enfant, les malfaiteurs l'emmènent avec le butin pour éviter qu'il ne les balance, et pour en tirer une rançon.
Arrivée à la moitié de ce court roman écrit par le sociologue Jean-Marie Firdion, je me suis dit que l'histoire avait un air de déjà vu, ou de déjà lu. La relation quasi fraternelle entre le héros et Paulo, le plus sympathique des trois voleurs, m'a remis en mémoire un vieux roman paru en 1960 intitulé Signé : Alouette de Pierre Véry.

ET LA CEINTURE (bordel) !
Forcément, je commençais à me sentir déçue par ce que je lisais, malgré la fraîcheur de ton de l'adolescent qui raconte ce qu'il vit avec le vocabulaire imagé qu'implique son jeune âge. Il me semblait que la situation ne présentait rien de bien transcendant pour un collégien habitué aux scènes d'enlèvement et de cambriolages qu'il peut voir en bien pire dans n'importe quel téléfilm du dimanche après-midi sur NT1. Puis le roman a évoqué la vie de Benjamin après son kidnapping, et là, j'ai clairement vu où Jean-Marie Firdion voulait en venir. Il exprime très bien une réalité à laquelle on ne pense jamais, et qui pourtant ne saurait être occultée : la difficulté n'est pas tant de vivre une agression que de s'en remettre et d'arriver à raccrocher les wagons lorsque le calme est revenu. Comment faire pour ne pas céder à la tentation de se terrer chez soi et de fuir les autres, la vie réelle qui nous renvoie sans cesse à la face l'événement douloureux ? Benjamin a bien du mal à s'en sortir : lui qui a été cueilli dans son lit n'arrive plus à dormir dans sa chambre ; aller au collège est impensable tant qu'il conservera cette basse idée qu'il se fait de lui-même : un trouillard qui n'a même pas su se défendre et qui n'a même pas tenté de s'échapper, attendant sagement que ses ravisseurs se résignent à l'abandonner à poil dans la forêt. Une semaine après l'enlèvement, la spirale négative l'a déjà emporté bien loin de toute vie sociale. Sa rencontre avec Gabrielle, une jeune fille aveugle malmenée par la vie, va-t-elle suffire à lui permettre de remonter la pente ?

Kidnapping fait un peu trop vite le tour de la question : "comment se relever d'une agression ?", mais il a l'avantage de traiter le sujet, et ça fait bien plaisir. Evidemment, le roman touchera en priorité les lecteurs qui se sont déjà retrouvés en position de victime, mais l'ouvrage de Jean-Marie Firdion peut être matière à réflexion pour pas mal de collégiens.

Le journal intime de Georgia Nicolson - 3 - Entre mes nunga-nungas, mon coeur balance. Louise Rennison (2002)





Illustrations de la couverture : Claire Bretécher

Ah ! Ca fait plaisir ! Enfin un Scripto qui ne donne pas envie de se tailler les veines ! Il s'agit ici du troisième volet de la vie trépidante de Georgia, alors j'ai pensé que pour cette fois-ci on serait obligés de s'asseoir sur la présentation des personnages principaux et sur le plantage de décor. Par chance, Bubulle a lu les deux premiers tomes dans sa jeunesse, ce qui m'a permis de me faire une idée du contexte : Georgia, 14 ans, collégienne britannique au nez et aux seins plus proéminents que la moyenne, nous raconte son quotidien aussi ordinaire que drôle et nous plonge dans son environnement familial et amical sans aucune retenue. Entre mes nunga-nungas, mon coeur balance correspond à une période automnale de deux mois environ pendant laquelle Georgia se promène sur un petit nuage, transportée par les appels (sur le fixe familial) de Robbie, alias "Super Canon". Seuls ses "nunga-nungas", ses seins donc, pour ceux qui n'auraient pas encore compris _ la couverture nous aide quand même pas mal_ la maintiennent sur le sol terrien.

"Ah, elle a fini par sortir avec !?" S'est exclamée Bubulle, elle qui s'est arrêtée au tome 2 de cette série qui en compte 10 ! Apparemment c'était mal barré...


Malgré les vacances en Écosse imposées par son père et le sentiment que ses copines n'ont même pas remarqué son absence durant cette période, la fille ne compte pas se laisser abattre et se jette à corps perdu dans une nouvelle grande cause : sauver son chat Angus de la castration. Il serait vraiment dommage que Naomi, la "bombe birmane" des voisins, se détourne du félin à cause de quelques pauvres nuits tapageuses qui ne dérangent que les vieux croûtons. Perturbée par son intérêt croissant pour son pote Dave La Marrade alors que sa relation avec Robbie, un peu plus âgé qu'elle, a toujours un côté énigmatique voire irréel, "Geo" continue l'air de rien à jouer les rebelles du Top Gang dans son école.
 
Trop "fille" pour moi, désolée !
 
Publiées il y a une bonne dizaine d'années maintenant par la comédienne et journaliste Louise Rennison, les aventures de Georgia Nicolson ne sont pas dénuées de réalisme : la connerie de la tranche 14/15 dans toute sa splendeur, mais sans le côté glauque (ce qui est appréciable, ma foi) ! Mais c'est aussi la raison pour laquelle je n'ai pas réussi à accrocher à l'histoire, malgré l'attrait de l'écriture chronologique qui facilite bien la lecture. Les copines qui se fritent subtilement pour des mecs avant de se réconcilier et d'enchaîner avec une heure de débat sur l'acné comme si de rien n'était, j'ai malheureusement trop vu, et de trop près ! C'est bien dommage de résumer le cerveau des adolescentes à cela, mais... on ne peut pas non plus ignorer ce côté de leur personnalité.. Évidemment, Louise Rennison tourne fort bien en dérision les scènes d'hystérie hormonale et de maquillage intempestif, mais le chapitre sur les vacances en Écosse n'en demeure pas moins long et pas très drôle. A mon avis, le journal de Georgia peut sonner faux pour les collégiens d'aujourd'hui, car ils trouveront sans doute les protagonistes pas assez trash pour eux. Quant à la richesse de ces expressions hautes en couleur lancées ça et là, qui ont fait le succès de la série, elles risquent de ne plus faire mouche auprès du public actuel. A tester en club lecture, pour voir ! Il faut juste que je vérifie qu'on a les deux premiers au CDI...

Petite bibliographie récapitulative des livres en bordel : 

BEAUMONT, Olivier. VOAKE, Charlotte. Antonio Vivaldi. Gallimard. Coll. "Découverte des musiciens". 1999. 27 p. ISBN 2-0705-2868-5

FIRDION, Jean-Marie. Kidnapping. Editions Thierry Magnier. 2002. 95 p. ISBN 2-7511-0041-4

RENNISON, Louise. Entre mes nunga-nungas mon coeur balance. Le Journal intime de Georgia Nicolson. Gallimard. "Scripto". 2002. 153p. ISBN 2-07-055163-6. 


      

samedi 31 août 2013

Rencontre improbable à Aulnay-sous-Bois


Même si je ne vis pas encore pour de bon dans cette ville, une urgence matelas (ça arrive...) m'a poussée à me rendre à Aulnay en fin de matinée. Autant dire que l'affaire a été conclue en deux minutes, car j'avais bien envie de profiter de mon après-midi pour me fixer quelques repères avant la rentrée. Le petit parc dans lequel Bubulle et moi nous étions posées il y a une quinzaine de jours me parut être un bon point de départ, d'autant plus qu'il avoisinait une charmante bibliothèque de quartier. 

La bibliothèque Dumont : la classe !

Comme la salle de lecture ouvrait au public à partir de 14h, j'avais un peu de temps pour m'accaparer un banc, prendre des nouvelles du sud en passant quelques coups de fil, et continuer ma lecture poussive quoique intéressée des Aventuriers de la Mer T.6, "L'éveil des eaux dormantes". C'était sans compter la visite de courtoisie d'une Aulnaysienne d'un certain âge, abondamment fardée et passablement enrhumée. Plongée dans ma lecture, je ne l'avais pas entendu arriver.

"Vous lisez, mademoiselle ?

Non, je fais un bowling !

_ Oui...

J'adopte toujours une attitude de méfiance envers les gens qui viennent me parler comme à leur meilleur pote alors qu'ils ne m'ont jamais vue. Après tout, on me répète bien souvent que dans le 93, tout peut arriver... Cela dit, la dame en question n'a pas l'air bien dangereuse. Vêtue d'une veste cintrée noire et d'une mini jupe dans la même teinte, elle exhibe ses mollets pleins de crevasses et ses cheveux grillés d'une drôle de coloration.

_ Qu'est-ce que vous lisez ?

Elle a souligné ses paupières avec un crayon d'une couleur semblable à la couverture de "L'éveil des eaux dormantes" et à celle de beaucoup d'autres livres de poche de science fiction ou de fantasy. Afin de la dissuader de toute envie de converser, je lui parle de mon goût pour les Aventuriers de la Mer, pour l'Assassin Royal, de cette euphorie qui pourrait me rendre capable d'aller faire du hip hop en solo dans une arène vide telle un Maître Gims, lorsque l'un des tomes arrive dans ma boîte aux lettres.


Maître Gims - Bella - 2013
De gré ou de force, vous avez inévitablement entendu cette chanson au moins dix fois cet été.

Mais Robin Hobb et la littérature de jeunesse ne suffisent pas à la décourager. Elle a trop envie de me raconter sa vie, et la vie à Aulnay en général. 

_ Il n'est pas encore 14h ? J'attends quelqu'un pour 14h, mais j'ai peur qu'il ne vienne pas. A vrai dire, j'attends un groupe de personnes. Vous attendez quelqu'un, vous ? 

_ Non, je n'attends personne, et il n'est que 13h30. Mais ne vous en faites pas, ils vont arriver. 

_ Oh je ne sais pas. Ils doivent venir, normalement. Ils viennent toujours, là, sur ce banc où vous êtes. Mais ils n'y sont pas aujourd'hui. C'est un groupe d'amis, et parmi eux, il y en a un qui me plaît. 

_ ... 

_ Vous pensez qu'il va pleuvoir ? Parce qu'il m'a dit qu'il viendrait sûrement, sauf en cas de pluie. 

_ C'est couvert, mais ça l'est depuis ce matin, et il n'est pas tombé une goutte...

_ Vous êtes gentille. Mais j'ai quand même peur qu'il me pose un lapin. Vous savez, sa femme sait que je lui tourne autour, alors elle l'aura sans doute empêché de sortir cet après-midi. 

_ Il ne vous a pas donné son numéro ? 

_ Non, mais il a le mien. Vous savez, il n'est pas très entreprenant. C'est le genre d'homme qui se fait dominer par sa femme. Elle le surveille tout le temps. Vous savez, à notre âge, quand on a un homme, on fait tout pour le garder... 

Je ne crois pas une seconde en l'existence de cette personne ; mais je n'ai pas envie de la contrarier alors je joue le jeu. La réalité est bien assez dure comme ça. Deux papys entrent dans le parc, promenant leur chien. 

_ C'est peut-être lui... 

Elle s'avance de quelques pas, comme pour aller à leur rencontre. "Ah non. Je croyais." Il serait bien fâcheux de se tromper d'amant. Elle se rassoit à côté de moi et reprend l'interrogatoire : "d'où vient votre accent ?", "c'est bourgeois, Bordeaux, non ?", "Juppé, il est bien comme maire?", "est-ce que vous vivez ici ?"

_ Oui, vous avez raison de vous promener de ce côté de la ville, y a moins de racaille. Il vaut mieux que vous habitiez ici plutôt que plus haut, dans la cité. Quoique lorsque la nuit tombe, il ne faut plus se promener nulle part, et éviter au maximum de mettre des minijupes. Parce que vous êtes jeunes, et que votre petit sac, là, ils vont essayer de vous le piquer. Vous savez qu'une jeune fille s'est faite violer ici-même l'année dernière, un soir ? Elle faisait son jogging... Evitez de trop aller du côté de la gare RER le soir aussi, c'est mal fréquenté... 

En même temps, la ville où le quartier de la gare est idyllique, où on peut courir dans la nuit en toute sécurité et où les vols à la tire ne se sont jamais produits n'existe pas. C'est du moins ce que j'essaie de me dire tandis qu'elle me déballe un catalogue d'événements plus ou moins louches. Par chance, un retraité bedonnant en polo de rugby passe derrière nous, l'air décidé. 

_ C'est lui ! 

L'homme se retourne et se reconnaît dans l'exclamation de l'Aulnaysienne. C'était donc vrai ! 

_ J'ai bien cru que tu allais me poser un lapin ! 

_ Non, je t'avais dit que je viendrais. J'ai essayé de t'appeler mais je n'ai pas réussi à t'avoir ! 

_ Oui, il y a un problème avec ma box, ça marche une fois sur deux. Mais je n'ai pas trouvé le temps long, car j'ai discuté avec une jeune fille en t'attendant. Comment vous appelez-vous, mademoiselle ? 

_ Adeline. 

_ Oh, c'est mignon ! Venez boire un café avec nous, Adeline ! 

L'idée m'a tentée une seconde, ça aurait pu être drôle. Puis le remords m'a pris : si c'était pour me moquer d'eux plus qu'autre chose, ce n'était pas la peine.  

_ Non, je préfère vous laisser tranquilles ! 

_ Comme vous voudrez, Adeline ! Si vous passez par là, on se reverra sûrement ! Alors à bientôt... 

Surexcitée comme une gamine, la femme tournait autour du papy de ses rêves en le guidant vers le bar qui se dessinait derrière les grilles du parc.  
     






dimanche 30 juin 2013

Cenon, le soir venu ...



A Cenon, une association propose un accompagnement à la scolarité pour les enfants scolarisés dans la commune. Ils sont répartis sur différents "sites", en fonction de leur situation géographique, dans des locaux mis à disposition par la municipalité _ si j'ai bien compris. Il faut compter une trentaine de gosses par site, les cohortes étant elles-même divisées en deux groupes de 15 environ. Vous suivez ? Chaque groupe se rend à "l'aide aux devoirs" deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, ou le mardi et le vendredi, entre 17h30 et 19h.

Au passage, prenons en considération un paramètre important pour la réalisation des missions éducatives confiées aux salariés et aux bénévoles ! Etant donné que la structure* ne manque pas trop de sous, les intervenants et animateurs peuvent travailler dans de bonnes conditions : 4 ou 5 adultes pour 15 élèves, carte blanche pour des sorties au ciné, au musée... 

Qu'on soit bien d'accord : les petits, qui ont entre 6 et 12 ans, ne font pas "que" leurs devoirs pendant une heure et demie ! Tout monde est bien conscient qu'ils ont déjà une journée d'école dans les jambes, avec son lot de contraintes et d'efforts : se concentrer de nouveau pour lire, écrire et apprendre ses tables de multiplications alors qu'on a dit au revoir à ses potes et qu'on a bouffé un goûter massif, c'est vraiment pas simple ! Alors les séances s'organisent en trois temps, adaptés au mieux au rythme de l'enfant :

Le goûter : 10 - 15 minutes 

On ne saute pas le goûter ! C'est un moment épique où les monstres arrivent en meute et passent la porte en chantant Gangnam Style, suivis des mamans qui se trimbalent les vivres et les cartables de la sortie de l'école au local. Notons cependant que la majorité des enfants viennent seuls ; quant aux pères, à une ou deux exceptions près, leur visite est occasionnelle... Généralement, on profite de l'installation des gosses et de la grande exhibition de bouffe qui s'ensuit pour confisquer les ballons ou les toupies, sources intarissables de disputes. Au fil des soirées, d'autres interdits se sont dressés pour éviter les psychodrames : par conséquent, aucun échange partiel ou total de goûter n'est autorisé ; aucune pitié pour les sucettes qui collent aux cahiers, et surtout tolérance zéro pour CES MERDOUILLES DE PIPAS, car même le plus soigneux ne peut s'empêcher de FOUTRE DES COQUILLES PARTOUT. Bien évidemment, l'heureux propriétaire de la POCHE DE DEUX KILOS refuse catégoriquement de nettoyer ses déchets puisque "c'est pas lui, il en a pas mangé, il en a juste donné à TOUT LE MONDE !" L'enquête est d'autant plus difficile à mener que pendant le temps du goûter, les intervenants et les bénévoles sont trop occupés à se dire BONJOUR !!!!** et à se raconter leur journée pour avoir l'oeil sur le trafic de Monster Munch de la table du fond. Oui oui, beaucoup font quatre heures avec des biscuits apéro... Petite pensée émue pour Houari, qui à cause de notre inattention s'est fait racketter tous les soirs d'octobre à juin par sa tyrannique et vorace grande soeur Kenza.

L'horreur en pochette...

Les devoirs : 45 - 60 minutes 

Hormis l'impératif de faire grignoter les enfants avant de les faire bosser, nos coordinatrices nous ont plus ou moins aimablement donné quelques consignes de travail nécessaires au bon déroulement des séances. Tout d'abord, on doit constituer les groupes de façon à ce que les gosses ne fassent pas toujours leurs devoirs avec le même intervenant : les affinités _ou l'absence d'affinités_ ne se commande pas, et il n'est pas conseillé de les cultiver parce qu'on risque de perdre la notion d'équité en route. A l'issue du goûter, les intervenants constituent les groupes ; en effet, nous avons pris le parti de "faire bouger" les associations d'enfants pour mieux gérer les désaccords ou trop grandes complicités qui pourraient mettre en péril l'ambiance studieuse. A nous de séparer les fratries, les meilleurs potes et les harpies en herbe, malgré les supplications. C'est parti pour 45 minutes minimum ! Pour ceux qui auraient fini avant, les chanceux, une malle de cahiers d'exercices et de jeux éducatifs est à la disposition des intervenants.

Chaque intervenant a donc pour mission de gérer un confortable effectif de 3 ou 4 élèves, dans l'idéal de niveaux différents afin de réduire leurs possibilités de se copier dessus. Malgré notre attachement à repérer les tensions et les copinages avant de former les groupes, des échanges houleux ont souvent lieu d'un bout à l'autre de la table, accompagnés de coups de pieds, de mots doux et de boulettes de papier poétiques... Entre Riyad et Nadia, par exemple, l'aide aux devoirs fut le théâtre d'un amour vache immodéré digne de la première scène de Beaucoup de bruit pour rien (Shakespeare)...


"BEATRICE : _Je m'étonne que vous jasiez toujours, signor Benedict : personne ne vous écoute"***

"BENEDICT : _Eh quoi ! chère madame Dédain ! vous êtes encore vivante ?"

"BEATRICE : _Est-il possible que Dédain meure, ayant pour se nourrir un aliment aussi inépuisable que le signor Benedict ?"

"BENEDICT : _En vérité, vous feriez un perroquet modèle."

Hormis les grandes conspiratrices de CM2 qui effacent très discrètement des lignes entières de leurs agendas au blanco, ou qui rayent un exercice de maths sur deux en nous assurant que "la maîtresse s'est trompée", les enfants se débarrassent de leur corvée sans trop souffrir, visiblement.

Au bout d'une heure, tout le monde s'arrête même si les devoirs ne sont pas terminés. Il arrive que certains _ comme Houari par exemple _ soient obligé de déborder sur le temps imparti pour terminer la lecture, vu qu'ils ont oublié leur cahier à l'école et qu'il ont du attendre que Halima veuille bien leur prêter le sien !

Le temps ludique : 30 - 45 minutes


Autre consigne donnée aux équipes d'encadrement : le temps ludique est nécessaire à l'épanouissement de l'enfant. Chacun peut emprunter un jeu de société dans la malle prévue à cet effet, faire des dessins ou rejoindre une activité proposée par les intervenants. Une de mes coéquipières (ça sonne un peu pas un trop MacDo, comme terme ?) avait proposé d'initier les plus motivés au hip-hop en vue d'un spectacle en fin d'année : ce fut un grand succès, bien qu'une poignée de danseurs aient quitté le navire pour aller jouer à la boxe thaï dans un coin ou chourer les billets du Monopoly. ?!? On n'aura d'ailleurs jamais démasqué notre collectionneur de petits chevaux qui, l'un après l'autre, les a kidnappés dans leur étui... Quand on voulait avoir la paix, on leur branchait le poste sur Skyrock ou Blackbox et ALLEZ HOP CHAISES MUSICALES !!!! Les jeux les plus simples sont parfois les plus efficaces... A part quelques gamelles spectaculaires et une vitre cassée (toujours pas réparée à ce jour, pourtant on aurait pu colmater l'ouverture après toutes les lattes qu'on s'est pris dans la gueule par l'asso à l'occasion), on n'aura pas eu trop de sueurs froides.

En bonus, voici la playlist du temps ludique ; elle sera complétée quand les souvenirs voudront bien rentrer à la maison.

Cinq minutes avant la fin, les enfants rangent les jeux, sous l'oeil attentif d'un "responsable de la malle" nommé chaque semaine dans le groupe. Ce moment de la séance concorde souvent avec celui où Houari, tout content, annonce qu'il se ferait bien un jeu de l'oie avec Halima, maintenant qu'il a plié ses affaires de classe... Sauf qu'il est trop tard !

"Ah bon, tant pis !"

Houari n'est pas contrariant. Il est possible que je vous parle plus longtemps de l'énergumène dans les prochains jours.

Cenon by night

La porte du local s'ouvre sur l'obscurité. Les enfants qui sont autorisés à rentrer seuls, c'est à dire presque tous, vident les lieux et regagnent leurs immeubles respectifs. Si eux n'ont pas du tout peur, voir partir des gosses de six ans dans la rue m'effraie toujours : c'est sûrement mon côté vieux jeu, tout le monde en a un ! Bientôt, quand les derniers seront partis, ce sera à nous de regagner la station de tram et sa Ligne A remplie de fous furieux ! Pour ceux qui préfèrent le bus, la Corol 32 vous accueille les bras ouverts !

Dans la série : "on habite la même ville, mais on va pas au même collège "
"Oh tu sais que j't'apprécie, toi ?"
Jules B. petit Cenonnais scolarisé dans le privé...
Copines collègues, si vous avez des anecdotes, des impressions à ajouter, des remarques à faire, surtout n'hésitez pas !

* Je ne dis pas le nom de cette association car certains de mes propos peuvent contenir des inexactitudes.
** Spéciale dédicace à Monique ! Deux qui la tiennent trois qui la .... Ahhh noonnn baahhh
***Beaucoup de bruit pour rien, Acte I, Scène 1. William Shakespeare