jeudi 12 août 2021

Ces victimes dont il faut se méfier : Carrie - Stephen King (1976)

Comme chaque année, j'ai emporté quelques livres jeunesse (ou pas) en Dordogne, afin d'avoir quelques titres à proposer aux élèves en septembre. Ce sera toujours du temps de gagné, et puis ça reste un des côtés les plus sympas du boulot. Il faut croire que mon inconscient avait des trucs à me dire, car ma main s'est très souvent portée sur des romans aux ambiances plutôt sombres. Sur le coup, je me suis dit que c'était un drôle de hasard, mais à vrai dire c'était couru d'avance vu les auteurs : Guéraud, Abier, Stephen King... 

Cela dit, cette sélection valait largement le coup, et je ne la regrette pas. A retenir notamment : Carrie de Stephen King, un classique ou pas loin. 

Carrie - Stephen King


L'histoire se déroule aux États-Unis, dans une petite ville du Maine nommée Chamberlain : les fans reconnaîtront-là l'un des décors de prédilection de l'auteur. 

Au lycée, l'année scolaire touche à sa fin. Les jeunes commencent à s'organiser pour le traditionnel bal de printemps qui clôture le mois de mai, entre nervosité et excitation : pour eux, c'est vraiment "l'événement" à ne pas rater. Mais si certains y voient une occasion de crever l'écran, comme la belle et populaire Chris, ou comme le couple parfait que forment Sue et Tommy, d'autres ont franchement peu de chances de participer aux festivités. 

Carrie, 16 ans, fait partie de ceux qui resteront sur la touche. Aussi à son aise au milieu de ses mijaurées de camarades de classe qu'un crapaud tombé dans l'auge des dindons, elle a bien des raisons de raser les murs. D'une part, elle vit sous la coupe d'une mère bigote à l'extrême qui lui a inculqué la crainte des autres humains, notamment des hommes qui sont autant de "pécheurs" à éviter, et d'autre part, Chris et Sue lui mènent la vie dure par leurs brimades et leurs mauvaises blagues. Les adultes ferment à demi les yeux : avec son physique ingrat et ses manières rustres sorties d'une autre époque, cette pauvre fille ne peut rien espérer d'autre que le traitement qu'on réserverait à un extraterrestre un peu dégueu. 

Pour ceux qui ont la flemme de tout lire : voici les copies de la story Instagram consacrée à Carrie. 


Si Carrie donne l'impression d'accepter son sort, intérieurement elle sent que la coupe est presque pleine : le temps d'utiliser son pouvoir de télékinésie, qu'elle contrôle de mieux en mieux, est bientôt là. En effet, lorsqu'elle est contrariée ou sous le coup d'une émotion forte, elle peut déplacer des objets, mais aussi les casser ou les projeter sur l'"agresseur". Personne ne le sait, par chance ! Lorsque de curieux événements se produisent, les gens sont trop occupés à se mettre à l'abri pour chercher leur origine.             

Un jour, Chris, Sue et leurs suiveuses vont un peu loin dans le foutage de gueule et se font griller par une prof qui n'a pas du tout l'intention de détourner le regard, elle, et qui va demander à ce qu'elles soient sanctionnées. Les deux petites bourgeoises _oui, en plus ce sont d'insupportables richouzes_ vont se retrouver interdites de bal de fin d'année. 










On pourrait croire qu'elles s'en tirent bien, ces biatchs, mais sachez que pour elles, c'est une vraie catastrophe. Sue, qui est plus le caniche de Chris qu'autre chose, prend conscience de sa connerie et décide de se racheter en "prêtant" à Carrie son cavalier désormais seul (Tommy, donc) : ainsi, la pauvre ahurie pourra profiter des festivités comme tout le monde. Bon, le garçon trouve ça étrange sur le principe, mais il accepte et invite sa nouvelle reine de soirée en bonne et due forme. Bien sûr, Carrie ne sait rien de ce petit arrangement et finit par croire que Tommy s'intéresse réellement à elle, ce dont elle a d'abord douté fortement _à juste titre. 


Chris, quant à elle, se considère toujours comme étant la victime d'une paumée qui, selon elle, n'a jamais eu que ce qu'elle méritait. Ce n'est pas une fille d'avocat pour rien. Lorsqu'elle apprend que Carrie ira au bal au bras de Tommy, elle voit là l'occasion de lui faire une ultime blague bien puante. Pour ce faire, elle va mettre à contribution son copain du moment, le peu recommandable Billy. La fête s'annonce animée. 


Daté de la fin des années 1970, Carrie n'a bizarrement pas grand chose d'une histoire vieillotte. On reconnaît dans ce livre court mais protéiforme (le récit est souvent interrompu par l'insertion d'articles de presse, de rapports d'interrogatoires) le souhait de donner un côté "vrai" à l'histoire. De plus, ce procédé nous permet de reconstituer par nous-même le déroulement de la fameuse soirée. 

Bien sûr, il s'agit du premier roman de Stephen King : les connaisseurs trouveront sûrement des petits défauts à commenter. Ils discerneront le germe d'une tendance de l'auteur à faire de la psychanalyse avec deux bouts de bois, et un goût naissant pour les fins cataclysmiques qui s'étirent en longueur. Cela n'empêche pas Carrie d'être original sur un point en particulier : la mise en scène de la victime qui devient bourreau, petit à petit. Dans cette histoire présentée comme "roman d'horreur", il est hors de question que les différents protagonistes fassent la paix à la fin. Tout aussi impensable que la situation reste telle quelle, que l'enfant harcelé soit assez entouré d'amis fiables pour se sentir blindé contre les attaques des uns et des autres. Chefs de file et suiveurs, tout le monde paye, au-delà du budget prévu _et certains, sans doute plus qu'ils auraient dû.

                 

Même si Carrie demeure un peu trop violent pour un CDI de collège, il a sa place au lycée ; pour un élève qui se fait bolosser (ou pas, d'ailleurs), c'est une lecture qui peut faire du bien car on y aborde la question de la confiance en soi qui se construit petit à petit, qui tient parfois à pas grand chose, et qui peut changer le cours d'une vie.

Je l'ajoute quand même à la liste des romans pour aborder le harcèlement scolaire au collège

Stephen KING. Carrie. Le Livre de Poche, 2010. 288 p. ISBN 978-2253096764
Première parution en 1974 ; sorti en France en 1976. 

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