PFIOU ! (nuage de poussière)
Les Carnets du Major Thompson prenaient la poussière depuis bien longtemps dans la caisse de livres, avec les autres rescapés de la Fête de la Fraise de Vergt, quand je me suis dit qu'il n'était pas trop tard pour leur apporter quelque importance.
L'histoire
Après avoir parcouru le vaste monde pendant l'exercice de ses fonctions militaires, le Major Thompson a pris sa retraite. Il s'intéresse à présent à la découverte de la France, bien plus exotique à ses yeux que toutes les colonies anglaises qu'il a pu voir. C'est parce qu'il est bien décidé à visiter le pays de ceux qui ont "la chance d'être si proches de l'Angleterre" qu'il nous fait part de ses impressions regroupées dans des Carnets.
Aussi ses remarques, la narration de ses mésaventures parisiennes et provinciales s'enchaînent-elles sans trop de logique, puisqu'elle suivent le chemin tortueux des souvenirs de voyage du soldat. Pourtant, elles ne visent qu'à répondre à une seule et unique question : qu'est-ce qu'un Français (d'après guerre...) ?
Le Major Thompson sera ainsi tour à tour surpris du caractère quelque peu paranoïaque, individualiste, râleur des personnes rencontrées dans les trains, dans les salons ou dans la rue, du fait que les hommes se serrent la main sans raison apparente, de leur politesse surfaite. Ses préoccupations nous paraissent bien secondaires, or, il est toujours intéressant de pointer du doigt ces attitudes auxquelles on ne songe même pas à réfléchir. Mais l'étonnement de l'Anglais s'étendra aussi à l'éducation des enfants, à la manière de faire la cour aux dames, aux habitudes alimentaires et au Tour de France.
Pierre Daninos est, officiellement, le fidèle traducteur des notes de William Marmaduke Thompson ; mais on devine que, à la manière de Montesquieu lorsqu'il a écrit les lettres persanes, il utilise en fait le regard d'un Anglais fictif pour donner plus de crédit et d'innocence à ses propres critiques. La comparaison des deux cultures est omniprésente, à tel point qu'au bout du compte on ne sait pas vraiment de quel côté de la Manche on a balancé le plus de dossiers.
Bon ben voilà. On le remet dans sa caisse ?
Je ne sais pas quoi dire de plus, car ce livre composé par un humoriste, reconnu à l'époque, m'a laissée complètement froide ; ça arrive ! L'esprit comique proche du burlesque m'a rappelé le théâtre de vaudeville, et ma réticence vient sans doute de là. D'ailleurs, il serait intéressant de prendre connaissance de l'adaptation cinématographique sortie l'année suivante, en 1955 donc, qui à mon avis doit bien rendre cet effet.
Les premiers chapitres, descriptifs, sont assez lourds, et un peu trop copieusement annotés de parenthèses inutiles à la compréhension des récits, d'autant plus que les traits d'esprit sans doute efficaces dans les années cinquante ne nous parlent plus vraiment. Ensuite, le Major Thompson s'inscrit pleinement comme acteur de son voyage dans l'hexagone et ses impressions deviennent plus drôles et entraînantes, avec quelques pépites de drôlerie, notamment lorsqu'il se plaît à comparer ses deux femmes, Ursula et Martine, l'Anglaise et la Française.
La conclusion de Pierre Daninos laisse penser qu'il n'y a pas de Français-type, mais des comportements humains généraux qui se manifestent comme ils peuvent, où ils peuvent, plutôt qu'à des personnalités forgées par des territoires artificiels. Ceux qui prendront la peine d'accorder une lecture profonde aux Carnets du Major Thompson y verront un message est donc intéressant. Personnellement, je ne suis pas motivée outre-mesure, tant pis pour moi.
Bon à savoir : après la parution et le succès de son ouvrage, l'auteur a écrit une suite aux aventures du Major Thompson, et même deux, et même trois !
DANINOS, Pierre. Les Carnets du Major Thompson. Paris ; Hachette. 1954. 242 p.
Illustration : Le Livre de Poche. 1963
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