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mercredi 7 août 2019

Lecture de vacances : L'étoile d'Indigo - Hilary Mac Kay (2004)


Cadmium, Safran, Indigo, Rose... Dans la famille Casson, les quatre enfants portent le nom d'une couleur : encore une idée saugrenue de leurs parents artistes peintres, très gentils mais complètement inutiles en matière d'éducation ! Bill, le père, a récemment levé l'ancre et s'est installé à Londres pour y travailler plus à son aise. Quant à Ève, la mère, si elle est physiquement restée à la maison, sa tête est toujours dans les nuages. Personne ne semble souffrir de cette existence dans la campagne anglaise où rien n'est jamais grave, un peu en retrait de la société : au contraire, Caddy et les plus jeunes ont appris à faire face aux problèmes sans l'aide des adultes, ce qui les a soudés et rendus autonomes. 

Les aventures des Casson font l'objet d'une série de six romans pour la jeunesse, écrits par Hilary Mac Kay entre 2001 et 2011. Sauf erreur de ma part, seuls deux titres de The Cassons Family Books sont disponibles en français ; il s'agit des deux premiers : Saffy et l'Ange de pierre / Saffy's angel (2001) et celui dont il est question aujourd'hui : L'étoile d'Indigo / Indigo's star (2004). Dommage, leur sort aurait pu intéresser pas mal de jeunes lecteurs. 


Bon, apparemment tout le monde n'est pas d'accord sur l'orthographe du nom de l'auteur...
    
L'histoire 

Ce deuxième volet de la série _évidemment, j'ai pas lu le premier ! est consacré à Indigo. Indigo a treize ans et c'est le seul garçon de la portée ; il est sur le point de retourner en cours après avoir été éloigné sur collège pendant un trimestre à cause d'une méchante "mononucléose infectieuse". Enfin ça, c'est la raison officielle. Derrière elle se cache le vrai problème, à savoir une situation de harcèlement qu'il subit :  que ce soit en classe ou dans la cour, Tony le rouquin et sa bande de "suivistes" lui mènent la vie dure. En cette fin d'année scolaire, Indigo est partagé entre l'envie de renouer contact avec le monde extérieur, et la hantise de devoir supporter cette bande de têtes de nœud pendant encore de longues semaines.

Heureusement, les sœurs veillent au grain. Si "Caddy" (Cadmium) est partie à la fac et ne fait que des passages épisodiques à la maison, accompagnée parfois d'un nouveau copain qui finit par prendre peur devant cette famille de fous, "Saffy" (Safran) et sa meilleure copine Sarah vont aussi au collège et font des rondes plus ou moins discrètes dans les couloirs. Rose, la dernière de la fratrie, tente d'insuffler à Indigo la force de caractère qui lui manque tant. Elle n'a que huit ans, mais son esprit critique et sa grande répartie surprennent les adultes ou les jeunes en excès de confiance ! Beaucoup lui demandent son avis avant de prendre une décision importante...


"Lis la question suivante ! ordonna Safran.
_ Que diriez-vous à Toutankhamon si vous tombiez sur lui dans la rue ?
_ "Pardon" ! riposta aussitôt Sarah. Mets ça ! 
_ Il faut répondre avec des phrases entières. 
_ Pardon, mais c'était votre faute ! Vous marchiez en biais !" Caddy, je peux avoir une banane, moi aussi ?"


La garde rapprochée rend bien service mais ne suffit pas toujours ! D'ailleurs, quand on a treize ans, est-ce qu'on ne préfère pas se faire enfoncer la tête dans les chiottes par la petite frappe du coin qu'être défendu par sa grande sœur ?

L'arrivée de Tom, un nouvel élève venu des États-Unis, va changer la donne et chambouler cette classe de 4ème. Avec un père astronaute, une mère scientifique spécialiste des ours, un caractère de cochon et une étonnante facilité à se mettre à dos profs et élèves, Tom a tout du punching-ball idéal. Il en est conscient, et contrairement à Indigo, il vit plutôt bien son statut de victime car il n'a pas peur de se défendre. Même lorsqu'il sait qu' à dix contre un, le combat est perdu d'avance. Bientôt, le binôme  Tom / Indigo se forme inévitablement : quand on a les pieds dans le même bourbier, autant se serrer les coudes et faire face ensemble. De là à parler d'amitié...

"... Je ne savais pas que tu étais ami avec Tom. 
Indigo s'apprêtait à dire que lui non plus n'était pas au courant, mais il se ravisa. Ils pouvaient devenir amis. Ils étaient du même côté. Pourquoi ne pas être amis ?
_ Pourquoi on serait pas amis ? dit-il tout fort à Saffy."


Une situation de harcèlement 

L'Etoile d'Indigo ne porte pas exclusivement sur des déboires d'Indigo au collège ; disons que c'est un fil rouge qui nous permet de suivre l'évolution de la famille Casson et de Tom ... qui en deviendra vite une pièce rapportée. Je fais le choix d'insister lourdement sur ce point parce qu'ici la question du harcèlement à l'école est traitée dans sa complexité, et cela m'a paru intéressant d'insister là-dessus. En effet, Hilary Mac Kay montre que :
  • Tous les élèves qui se font emmerder n'ont pas forcément le même profil. Exit la figure du binoclard aux cheveux gras qui heureusement apparaît de moins en moins souvent dans les œuvres de fiction. On ne sait pas grand chose du physique d'Indigo, si ce n'est qu'il a grandi de quinze centimètres pendant sa convalescence ; concernant sa personnalité, il nous est présenté comme sensible, juste, altruiste, un poil trouillard et peu combatif. Tom est très différent de lui : il cherche les embrouilles, les trouve, encaisse les coups et recommence. Il est ébahi et agacé de voir Indigo se laisser marcher sur la tronche à longueur de journée. Oscillant entre l'envie de l'achever et l'instinct de lui filer les billes nécessaires à sa survie, il va lui être d'un grand secours... mais n'aura rien d'un ange gardien. Leur amitié va se construire progressivement, par l'intermédiaire de Rose la bavarde, Rose la fouineuse toujours pleine de bonnes intentions : elle va conquérir Tom, ce drôle d'Américain un peu méfiant qui lance des balles en caoutchouc sur les gens pour se détendre et qui aime jouer de la guitare sur les toits. 

"T'as un problème, Indigo ?" 

  • Le harceleur ne ressemble pas forcément un méchant de dessin animé. Tony Albinoni est roux, ce qui aurait bien pu le faire passer dans le camp des victimes. On sait bien que de tous temps, les rouquins ont été associé au diable et à la puanteur. Pourtant, personne ne lui cherche de noises au collège. Il a même son petit gang de "suivistes" débiles et plus costauds que lui dont il a besoin plus qu'autre chose. Tom l'atteint à plusieurs reprises au cours de l'histoire, mais lui non plus ne se démonte pas. Saffy et Sarah lui arrachent des touffes de cheveux, mais il s'obstine et garde la face. Il tient à son statut de casse-couilles en chef comme à la prunelle de ses yeux. 
  • On parle beaucoup des suiveurs et des passifs, qui voient, savent, subissent parfois les coups de pression et les dommages collatéraux, mais ne disent rien. Il y a aussi les "intouchables", ceux à qui on ne s'attaque jamais, c'est comme ça, allez savoir pourquoi. Indigo a du mal à gérer les situations où il voit le rouquin et ses comparses s'en prendre à un autre gosse, signale, et voit la victime se retourner contre lui. C'est trop pour lui, même si dans la réalité, on sait bien que ce schéma se reproduit hyper souvent. 


Il n'y a point de vérité générale dans le harcèlement scolaire, même si on peut s'accrocher à certains signes récurrents, je dis pas le contraire ; c'est en partie pour cela qu'il est si difficile à repérer. Dans L'étoile d'Indigo, les adultes brillent par leur inefficacité, y compris ceux qui font preuve de bonne volonté. Certes, Bill et Eve Casson sont tellement à l'ouest qu'ils ne se doutent pas une seconde du calvaire que vit Indigo, et on a l'impression qu'ils n'en prendraient pas la mesure même si ça se passait sous leur nez. Pourtant, ils sont tellement sympas qu'on n'arrive pas à leur en vouloir, alors qu'on sait très bien que dans la vraie vie, on aurait placé leurs gosses en famille d'accueil depuis bien longtemps ! Même le principal du collège ne flaire la puanteur du dossier qu'à la toute fin du roman, bien qu'il semble soucieux du bien être de ses élèves : il bataille pour que Tom arrive à s'intégrer dans l'établissement, mais passe à côté des plus gros dysfonctionnements. Cette fiction ne propose pas de solution clé en main à cette question épineuse, mais invite les enfants à relever la tête, à découvrir quelles sont leurs meilleures armes, et à les utiliser à bon escient. 




Une belle surprise que ce roman pour enfants (classé 10 ans et +), que je supposais léger, mais qui ne l'est pas tant que ça. Les Casson et leurs amis accommodent la réalité pour la rendre plus sympa, ce qui ne veut pas dire qu'on est au pays des Bisounours. Disons que beaucoup de passages à forte tension dramatique sont "rendus" drôles par la justesse des personnages ; d'où l'édition de L'étoile d'Indigo dans la collection "Humour" du Livre de Poche Jeunesse.

J'aurais presque pu écrire un Téma la bibliothèque autour du deuxième opus des aventures de la famille Casson, car un chapitre est consacré à une escapade de Tom et d'Indigo sur le toit de la bibliothèque municipale : ce moment où "Indy" passe du côté de la clandestinité, en dépit de ses peurs, sonne comme la consécration de leur amitié.

Je comprends qu'on puisse ne pas considérer ce roman comme le chef d'oeuvre jeunesse des quinze dernières années, mais j'ai eu un petit coup de cœur dessus.

"Papa chéri
C'est Rose. 
La cabane a besoin de nouveaux fils électriques maintenant que tout a sauté.
Caddy ramène à la maison des petits amis qui touchent le fond pour voir s'ils conviendraient pas à maman. Pour te remplacer. 
Bisous, Rose." 

Hilary Mac Kay. L'étoile d'Indigo. Le Livre de Poche Jeunesse, 2004. Coll. "Humour". 253 p. ISBN 2-01-322273-4


mardi 23 juillet 2019

Dans la série "J'ai payé, merde !" : Poldark - Saison 1 (2015)

Après avoir écumé le portail de Netflix, j'ai tapé "Écosse" dans le moteur de recherche. Ouais, je fais une fixette sur l'Ecosse en ce moment, allez savoir pourquoi. La série Poldark est apparue dans les résultats, ce qui est à la fois étrange et marrant car les huit épisodes de la saison 1 se jouent dans les Cornouailles, et non en Écosse. Alors soit l'algorithme s'est dit : "allez, l'Angleterre c'est à côté, c'est presque pareil, ça peut passer...", soit les personnages vont migrer au nord plus tard dans l'histoire. 

Du coup, j'ai commencé à regarder, sans grande conviction, le descriptif de Netflix et les toutes premières minutes ne me faisant pas vraiment rêver. Cela dit, toute oeuvre a droit à sa chance.



Poldark - la saison 1 racontée en version express (ou pas)    

Ross Poldark est un type bien, mais il est un peu trop remuant et insolent pour l'Angleterre de 1783, où tout n'est que bonnes manières, mariages de raison, amitiés stratégiques, travail acharné et gros sous planqués dans des coffres forts. Quelques erreurs de jeunesse lui ont valu d'être envoyé en Amérique pour prendre part à la guerre d'indépendance, histoire de lui faire les pieds. Il subira une grave blessure sur le champ de bataille qui retardera son retour sur ses terres natales. Mais il reviendra pourtant, le visage marqué d'une petite balafre stylée très peu cohérente avec le semi-arrachage de tête qu'il a vécu quelques scènes plus tôt.




Peu importe. Il fait une arrivée d'autant plus fracassante que tout le monde le croit mort depuis des lustres ! Du coup, les retrouvailles sont compliquées. Ross apprend que son père, respectable propriétaire minier, est mort pendant son absence en lui laissant plein de dettes. Son oncle George n'est pas franchement enchanté de le voir réapparaître, car une âme de moins aurait fait ses affaires : il aurait pu mettre le grappin une bonne fois pour toutes sur l'intégralité des biens des Poldark et en faire bénéficier son fils Francis. Lequel en passe de se marier avec Elizabeth, qui n'est autre que l'ancienne copine de Ross. Dépité, le rescapé rentre dormir dans la maison déserte de son père. Enfin déserte, pas tout à fait : Jud et Prudie, les domestiques, squattent les lieux et semblent s'accommoder fort bien de la compagnie d'animaux dans leur chambre à coucher. Bref, la loose totale. Ross déprime ; mais pas pour longtemps. Il sait que quand on touche le fond, on ne peut que remonter.



Deux ou trois levers de soleil plus tard, Poldark est remotivé : il va relancer la mine de cuivre, même si c'est un peu la crise à ce moment-là, et redonner du travail à tous ces jeunes mineurs avec qui il a passé sa jeunesse à batifoler, et qui le considèrent comme un frère. Ouais, il est comme ça, Poldark, il est né du bon côté de la barrière, mais il est nature ! ça le dérange pas de défricher lui-même son devant de porte et de serrer la pince à des gens sales et mal habillés.

"et la famille ?"

Bref, un jour, tonton Georges vient mettre un coup de pression car il le sent un peu trop enthousiaste. Tellement, même, qu'il se demande s'il ne pourrait pas réussir, en fin de compte... Il lui tape sur l'épaule en lui disant : "Écoute mon petit, je te connais, la campagne c'est pas pour toi, t'es un malin, tu mérites mieux, va faire ta vie à Londres et laisse les mines à ton cousin." Ce à quoi Ross répond : "Ouais ouais, mais non, je reste ici.", et l'aventure peut commencer. Il rachète la mine de Leisure, avec l'aide de quelques associés prêts à miser quelques livres sur son projet audacieux.


"Tu sais, tu devrais partir...
_ Non.
_Je te le dis autrement : casse-toi !
_ Non.

Parallèlement, il se lie d'amitié avec une paysanne nommée Demelza qu'il rencontre en faisant quelques courses au marché. Pour être exact, disons que la jeune femme est en train de se faire bastonner par quelques bonhommes car elle n'a pas accepté qu'ils s'emparent de son chien pour le donner à manger à un autre chien. Ross la sauve en jouant de sa canne d'aristo et s'apprête à la raccompagner chez elle, vu qu'il est à cheval et qu'elle habite dans le village voisin. Mais elle lui confie qu'elle n'est pas très chaude pour rentrer à la maison car son père et ses frères la fracassent. Il lui propose donc de travailler pour lui en tant qu'aide-cuisinière, ce qu'elle accepte sans savoir qu'elle va aussi se faire bolosser par cette pochtronne de Prudie.

"Qu'est-ce que je pourrais bien faire, là, maintenant, pour emmerder mon monde ?"

L'épisode 1 se termine de manière surréaliste car le père de Demelza rapplique sur la propriété Poldark avec tout son village pour récupérer sa fille, qui ne sera pas la pute d'un gentleman, qu'à cela ne tienne ! Ross se fait défoncer par les gueux, finit en sang, mais il gagne quand même la partie contre toute attente, sans qu'on comprenne à partir de quand il a pris le contrôle de la situation. On comprend bien que ses propres paysans sont venus lui filer un coup de main sur la fin de la baston, mais c'est clairement pas eux qui ont fait la différence. Une fois que la maison est retournée, tout le monde reconnaît la supériorité du Poldark et lui serre la main : c'était un beau match, vraiment ! Ils rentrent chez eux, et Demelza sort du placard où elle s'était rangée. Je ne vous cache pas que cette scène m'a paru tellement capillotractée que je me suis demandée si j'allais enchaîner sur le deuxième épisode. Mais allez, ne soyons pas mauvaise langue : ç'aurait été dommage de s'arrêter là.

La nouvelle de l'embauche d'une nouvelle cuisinière chez Poldark fait jaser, car il n'est pas marié, elle est pas trop mal, et ils rigolent beaucoup ensemble. Et puis d'abord, comment il la paye, lui qui n'a pas un rond. Mais Ross n'est pas un goujat, sachez-le : non, il ne couchera pas avec son employée. Pas avant l'épisode 3, en tous cas.

Cousin Francis se montre favorable à une co-gestion de la mise de Leisure, jusqu'à ce qu'il se rende compte que Ross et Elizabeth sont toujours en très bons termes, et même en très très bon termes. Sa jalousie a le dessus. Ce premier micro-événement marque le début d'une longue série où les décisions professionnelles et/ou impliquant un grand nombre de destins seront guidées par les sentiments de trois pelés.


Dans ce deuxième épisode, on se penche un peu plus sur le cas intéressant de Verity, la gentille soeur vieille fille de Francis, qui rend tellement de services à tout le monde que personne n'a réellement envie qu'elle se case : ça la rendrait beaucoup moins disponibles pour toutes les tâches à la con dont elle doit s'acquitter. Manque de pot pour son vieux père, elle rencontre Blamey, un capitaine au lourd passé ! c'est le coup de foudre. Personne ne valide cette relation, sous prétexte que le marin aurait tué sa femme.

"Oui, j'ai tué ma femme, mais... c'était un accident !"

Seul Ross semble décidé à les aider et leur prête sa maison pour qu'ils puissent faire connaissance de manière plus approfondie, mais Francis découvre le pot-aux-roses et fait irruption chez lui pour agresser les amoureux. Le duel est inévitable ; on va découvrir à ce moment-là que Demelza possède des compétences d'infirmière non négligeables...

... et bien plus efficaces que les talents d'avocat de Poldark. Au cours d'une troisième épisode particulièrement dense, ce dernier doit tirer du pétrin son ami Jim, un jeune mineur asthmatique qui s'est fait choper en train de braconner. Ross fera irruption au procès, retournera la salle et passera un bon savon au juge pour lui rappeler ce que sont la justice et les maladies respiratoires ; le magistrat lui répondra que oui, pauvre garçon, mais bon c'est la vie, foutez-moi ça en prison !

A part ça, les beaux jours reviennent, annonçant la saison des mariages et des gosses : Elizabeth accouche d'un fils, Geoffrey-George _c'est sûrement son bizut de père qui a choisi les prénoms. Le même jour, l'oncle George fait un malaise et demande à Francis de se bouger le cul professionnellement car il sent qu'il ne fera pas de vieux os. Que va devenir la mine si son seul fils ne parvient pas à prendre la moindre initiative ?

Pour finir, comme spoilé plus haut, Ross couche avec Demelza en mettant en avant un argument imparable : quand on ne peut pas faire taire une rumeur, autant lui donner raison ! C'est une manière de voir les choses.

"Est-ce bien le mien, d'abord ?"

Poldark a des principes : quand il se tape une fille, il assume jusqu'au bout et l'épouse (épisode 4). Autant dire que son mariage précipité avec Demelza est une surprise pour tous, y compris pour l'heureuse élue. En effet, passer de Cendrillon à maîtresse de maison n'est pas évident pour. Comment manager des serviteurs quand on a passé sa vie à recevoir des ordres ? Ross se fout des possibles réactions de son entourage, du qu'en dira-t-on et du malaise de sa femme, qu'il perçoit à moitié sans vraiment le comprendre. Il devrait s'inquiéter pourtant, car ses amis investisseurs se demandent si leur choix de le suivre dans son aventure minière ne relève pas de la faute stratégique. Est-il bon et profitable d'encourager un homme qui prend plaisir à faire outrage aux codes de la bonne société ? Dans le doute, certains préfèrent se désengager.



Tonton George tombe et ne s'en relève pas ; Francis est projeté sur le devant de la scène bien plus tôt que prévu. Toujours jaloux de Ross pour plein de raisons, inquiet de ne pas arriver à gérer le lourd héritage que représente la mine de Gambling, il canalise ses angoisses en jouant et en allant aux putes assez fréquemment. Par conséquent, il délaisse sa femme et son enfant ; Elizabeth se doute bien de ce qui se passe, mais choisit de se boucher les oreilles en chantant lalala quand les on-dit arrivent jusqu'à elle.

La gentille Verity prend Demelza sous son aile et tente de lui apprendre les bonnes manières pour qu'elle fasse illusion lors des prochains repas de famille. L'épreuve de mise en application arrivera en même temps que la neige, à Noël _ouais, on a de bonnes grosses ellipses entre certains épisodes. Elizabeth se montrera plutôt bienveillante envers celle qu'elle pourrait considérer comme sa rivale, mais c'est bien la seule. D'autres aristocrates tenteront de mettre la jeune paysanne mal à l'aise, or Demelza s'en sortira avec un pirouette qu'il vaut mieux que vous découvriez par vous-même. Je précise que ce n'est pas sexuel. A la fin de l'épisode, elle apprend à Ross qu'elle est enceinte à son tour, ce qui tombe bien puisqu'ils sont en train de réaliser qu'ils s'aiment vraiment bien, en fait !

Je ne sais plus trop si c'est avant ou après, mais Poldark et ses associés habituels entreprennent de monter leur propre fonderie, histoire de rentabiliser le cuivre remonté de leurs mines. Malheureusement, les Warleggan _aka les (vrais) méchants de la série_ vont lui mettre les bâtons dans les roues. Cette famille de banquiers désireux de compenser leur statut de "parvenus" par la richesse va prendre en grippe l'homme aux trop bonnes idées. A leur tête, on retrouve le jeune George (encore un George ! on va finir par se perdre !), une petite teigne qui vendrait sa mère pour trois piécettes et qui a été assez malin pour devenir l'homme de confiance du cousin Francis... 



Le cinquième épisode est marqué par 1/ la naissance de Julia, la fille de Poldark 2/ l'arrivée de son ami de longue date, le docteur Enys, un BG célibataire très efficace et très remarqué. D'autres événements un peu fous se produisent, on sent qu'on se dirige à grands pas vers la fin de la saison et que le rythme s'accélère. Je ne dirai pas tout, au cas où certains d'entre vous voudraient encore regarder cette série, en dépit de tous mes spoils. Sachez juste que Ross fout sa femme dans la merde en invitant au baptême les deux familles de la petite Julia _on se souvient de la dernière visite du père de Demelza, et que Francis joue sa mine aux cartes. Et perd la partie. Parallèlement, le cuivre se vend mal, les ouvriers ont faim et les émeutes éclatent ça et là. C'est la crise.



Si vous trouvez que c'est moyen de ma de stopper le résumé ici sous prétexte de ménager le suspense, alors qu'il ne reste plus que trois épisodes, dites-vous bien que les coups de théâtre nous arrivent à la fin. Une fois le décor et le contexte social plantés, on sent clairement le changement de cadence _sans que cela semble bâclé pour autant. Certes, l'action devient un peu plus dure à suivre et demande un visionnage plus attentif qu'au début de la série, mais elle reste cohérente et c'est le plus important. 

Verdict 
Bien que je n'aime pas du tout l'univers dans lequel se déroule la série, j'ai voulu regarder la première saison jusqu'au bout pour savoir si je pouvais la conseiller à ma mère. Il se trouve qu'elle adore les histoires de servantes maltraitées à coups de trique et prêtes à mourir de froid pour veiller toute la nuit sur les enfants d'aristocrates au teint de lait, à l'abri des murs sombres et suintants d'un manoir anglais du XIX°siècle. Dans lequel riches et pauvres succombent tous à la même peste bubonique, à la fin. Chacun ses goûts.

J'aime 



  • Poldark a des poules dans son jardin, et même dans sa maison. On les aperçoit par trois fois dans le premier épisode, et ensuite plus vraiment. Sûrement la faute à Demelza... 
  • Un héros qui se moque des apparences et des bonnes manières, ça fait jamais de mal ! Les premières séquences mettant en scène Ross Poldark dans la "haute société" m'a rappelé le personnage de Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent : un type déjà trop occupé à contenir sa violence intérieure pour mettre en pratique des codes appris tardivement. En fait, les deux figures sont très différentes ! Poldark a baigné dans un environnement d'aristos où le moindre faux pli de la manchette peut être pris pour un marque d'insolence. Il connaît tous les codes et les maîtrise parfaitement ; c'est juste qu'il s'en fout, et qu'il adore montrer qu'il s'en fout. Cette facette du personnage de Ross Poldark me semble vraiment très bien traitée.  
  • Les femmes de la série parviennent souvent à prendre leur place et à sortir de leur condition _ merci à Graham, l'auteur des romans qui ont inspiré la série télé_ : Demelza, capable de se travestir pour exister sur la place du marché, et de s'adapter à sa nouvelle vie ; Verity saura elle aussi dévier de son chemin tout tracé de vieille célibataire, tellement pratique quand on a besoin de quelqu'un pour s'occuper des gosses et des vieux. 
  • On n'a pas besoin d'être esthète de formation pour remarquer que les paysages sont magnifiques. Je ne dis pas que c'est ce qui fait la différence entre une série qu'on regarde jusqu'au bout et une série qu'on abandonne au milieu du champ, mais vraiment, l'image vaut le coup d'oeil. Je tiens à le souligner. 


Je n'aime point... 


  • Poldark reste quand même un héros trop parfait : brave, talentueux, juste, audacieux, capable de faire un usage à peu près raisonné de ses poings, capable de trouver du cuivre alors que c'est la dèche et du travail à ses amis d'enfance,... Même quand il échoue dans ses différentes entreprises, même quand il fait des boulettes, ben on ne peut pas lui en vouloir car c'était pas vraiment sa faute. En plus, il est bon aux cartes et tient bien l'alcool : il nous énerverait presque ! D'ailleurs, on n'a jamais compris comment ça se faisait que Ross, sa famille, ses personnes de service ne crèvent pas de faim littéralement, et comment il faisait pour rémunérer ses ouvriers à un meilleur taux que son cousin pété de thune, sachant qu'il est censé n'avoir reçu que des dettes en héritage. Mystère. 
  • J'ai eu beaucoup de mal avec Elizabeth, alias la première copine de Poldark, finalement mariée au calme et riche cousin Francis. Déjà, ses airs de biche apeurée qui ne sait pas si elle doit traverser la route ou pas m'ont pas mal agacée. Et vas-y que je mette un mur à mon ex en jouant la carte de la raison, et vas-y que je revienne lui tourner autour deux jours après... Cela dit, il faut reconnaître que ce personnage évolue sensiblement et devient presque attachant, au fil des épisodes. C'est l'inverse avec Francis, qu'on trouve sympa au début, ou du moins qu'on prend en pitié tellement il fait pâlichon à côté de son cousin charismatique, et qu'on finit par détester au fil des événements. Son manque de personnalité a indéniablement laissé de la place à sa connerie, mais vraiment. C'était nécessaire de lui coller cette tête de bizut ? Bref, je n'ai pas réussi à prendre au sérieux ces deux pièces maîtresses de la série, mais c'est très personnel. 
  • La saison 1 compte 8 épisodes de 50 minutes, clairement délimités, faits pour être regardés d'une traite ; alors tout dépend des préférences des spectateurs et des capacités de concentration de chacun, mais il faut savoir ceci : le mieux pour bien suivre Poldark, pour ne pas en louper une miette, c'est de se poser devant et de ne rien faire d'autre. 


Si vous aimez les séries historiques qui prennent un peu le temps pour démarrer, Poldark vaut vraiment le détour. Par contre, si vous n'adhérez pas à l'ambiance lutte sociale dans les Cornouailles au XIX°siècle, peut-être vaut-il mieux passer votre chemin.


Poldark 
2015 
Création : Debbie Horsfield 
Royaume-Uni - BBC One 
Série adaptée des treize romans de la saga Poldark écrite par Winston Graham




dimanche 1 mai 2016

Histoires de canassons : Je m'appelle Holly Starcross - Berlie Doherty (2001)


J'ai eu envie d'ouvrir une série "Histoire de canassons" consacrée aux romans pour la jeunesse où il est question de chevaux et/ou d'équitation. On a tous, dans notre entourage, une copine qui aime les chevaux ; moi oui, en tous cas :) et la passion prend souvent sa source dès l'enfance. Du coup, ça pourra peut-être vous servir.

Par contre, autant vous prévenir tout de suite : je ne sais rien des chevaux, et j'ai longtemps eu une représentation négative du sport qu'est l'équitation. A savoir, une activité de richous. Merci Sacha ! qui m'a permis de m'accrocher plus longtemps que prévu à ce cliché. Sacha, c'était un petit bourge du Mirail qui m'a beaucoup emmerdée pendant toute une année scolaire. Ce connard en herbe (ou en avoine, ahah) était un ange avec le reste du personnel éducatif, ce qui lui assurait de pouvoir me faire des sales coups sans qu'on le soupçonne une seule seconde. En contrepartie, je le surnommais Sachatte, pour son plus grand agacement. Ce gamin excellait dans ce sport ; il s'entraînait dur et ça payait. Il n'en était pas peu fier, et il pouvait se le permettre ; je le lui accorde. Bref, s'il ne s'est pas fait aplatir la tronche par un bec de gaz, il doit avoir dans les 18-19 ans. Alors, Sachatte, si tu passes un jour par là... n'oublie surtout pas de te raser, et n'abuse pas du Jockey !


Salut Sachatte !

Afin d'inaugurer cette série d'"histoires de canassons", il sera question du roman Je m'appelle Holly Starcross, écrit par Berlie Doherty, prof anglaise et auteure de nombreux romans pour enfants. Après l'avoir lu, je me rends compte qu'il n'est pas très représentatif dans sa catégorie, mais... ce petit ouvrage a des qualités insoupçonnées et il est beaucoup plus profond que je ne le pensais !



L'histoire 



Holly a quatorze ans et, comme beaucoup d'enfants de son âge, elle ne sait pas vraiment qui elle est. Qu'est-ce qui cloche chez elle ? Alors que tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, elle se rend bien compte que son humeur maussade ne la quitte jamais vraiment. Tout l'énerve et personne ne lui paraît digne de confiance. Pourtant, lorsqu'on a une mère présentatrice de télé connue et admirée dans toute l'Angleterre, un beau-père qui joue les potes, des petits frères et soeurs pénibles par définition mais pleins de vie, une meilleure copine qui tient la route et un ordinateur connecté à Internet dans sa chambre, est-ce qu'on a le droit de se plaindre ? On pourrait dire que non... à première vue. En réalité, Holly souffre de l'absence de son père. Huit ans plus tôt, ses parents se sont séparés et sa mère a subitement fui la maison familiale pour s'installer avec un autre homme, l'emmenant avec elle sans lui donner aucune explication. Depuis, la pilule ne passe pas pour la fille du premier mariage. Elle ressent le besoin d'en savoir plus sur ce père dont elle n'a plus aucune nouvelle, et s'efforce vainement de comprendre la logique de sa mère à l'époque. Mais la célèbre Mrs Murray s'enferme à double tour dans le silence lorsque Holly la questionne... Heureusement, le mystérieux Zed et ses e-mails rassurants parviennent, à mettre un peu d'ordre dans le bazar infernal qui l'agite. Un jour cependant, la terreur envahit les couloirs du collège : des filles remarquent qu'un rôdeur passe ses journées près de l'école, planqué dans sa vieille voiture cabossée. Il paraît qu'il cherche une certaine Holly...


Et sinon, quand est-ce qu'on parle canassons ? 

"Où est le cheval dans l'histoire ?" me direz-vous plutôt, si vous êtes du genre poli. On y vient, on y vient. Le type qui tourne autour de l'héroïne n'est autre que son père, qui semble enfin avoir retrouvé sa trace après des années et des années de recherches infructueuses. Avec l'accord de sa fille, il l'"enlève" afin de la ramener "à la maison". La maison, c'est la ferme isolée de Noedale, dans le Derbyshire où il élève ses chevaux avec passion. Il y mène la vie simple et sans surprise qui lui plaît mais qui a fini par rendre sa femme malheureuse, petit à petit, jusqu'à ce qu'elle pète un câble... Holly n'a plus beaucoup de souvenirs de cet endroit ; la plupart renaîtront au fil de leur périple, notamment celui de la jument Dixie. Elle se rappelle alors le bien être qui l'envahissait lorsqu'elle était au milieu de ces grandes bêtes et qu'elle copinait avec Rosa, "son" poulain. O combien, déjà, elle les préférait à sa mère ! L'escapade de la jeune Holly et de son père prendra fin à l'issue d'une balade à cheval riche en émotions pour tout le monde.

Sur ce, interlude Petit Poney.
Désolée, j'ai encore trop de mal à ne pas me moquer. Mais j'y bosse ! 


Pire que les gosses 

L'inévitable confrontation entre Diane, la mère, et Phil, le père, sera l'occasion de souligner une réalité souvent peu osée en littérature de jeunesse : l'immaturité des adultes. En effet, les parents de la jeune Holly Starcross sont tous deux des enfants : l'un vit dans son monde de chevaux, l'autre veut punir son ex-mari d'avoir fait passer les animaux avant son confort en se barrant avec leur fille et en imposant à cette dernière d'"oublier" son père. En réponse à cela, le premier enlève la gamine pour que son ex-femme "voie ce que ça fait". C'est par pur égoïsme que Diane a refusé que Holly garde contact avec son père ; l'ultimatum qu'elle pose ensuite à sa fille, à savoir, choisir de vivre avec son père ou avec sa mère, ne vise qu'à piéger l'éleveur de chevaux : pour sûr, il ne s'en sortira jamais avec une ado à charge ! Le fait est que l'homme prend la fuite avant que leur fille ait pu donner une réponse, pour la plus grande joie de la mère qui se met à pérorer "ah, tu vois ! pas de couilles au cul !" Dans certains cas, la conciliation n'est pas possible, même des années après le divorce ! Alors la seule qui puisse faire son choix, de façon neutre, en tenant compte de ce qu'elle veut, elle (car ça, tout le monde s'en fout apparemment...), c'est Holly ! Pour quitter en paix le monde de l'enfance, elle a besoin de connaître son histoire, et celle de sa famille ; son père aura le mérite de bien vouloir répondre à ses questions (et d'être en mesure de le faire), même si l'homme de la campagne n'est pas exempt de tout reproche.

Ok, ils ont su se mettre d'accord pour appeler leur fille Houx.
 Par contre un divorce à l'amiable c'était trop pour eux...

Le choix  

Ok, Phil ne s'embarrasse pas de manières et offre même une bouffée de zénitude plus qu'appréciable pour l'adolescente sous pression : on va ou on veut, et après on verra. Voilà un style de vie auquel Holly n'est pas vraiment habituée, elle qui doit s'occuper des jumeaux, de Zoé, elle qui doit se montrer digne de sa mère, elle qui est bien trop grande pour qu'on la console quand elle pleure. L'espace de quelque jours, elle redevient la fille unique d'un père qui lui dit qu'elle lui a manqué, qu'elle est jolie, que ses idées sont super... Bref, la revoilà au centre de l'attention, et ce n'est pas pour lui déplaire. Mais, aussi improbable que ce soit, Holly a vite la nostalgie de la maison ; et surtout de Zoé, la petite dernière de la fratrie. Elle s'en ouvre à ce père qu'elle connaît si peu, introduisant avec classe et justesse la question du handicap. Lorsqu'on apprend à travers son regard qui se cache derrière le mystérieux Zed, on se dit que le choix de la raison s'impose... Sauf qu'on n'est pas à sa place. A vrai dire, ce roman est curieux : on a l'impression que tous les éléments sont réunis pour que le destin de l'héroïne tourne à la catastrophe, et le choix de la première personne dans la narration renforce cette idée : des ados insouciantes, un rôdeur qui les mate, un mystérieux correspondant virtuel bon pour les déclarations d'amour, une voiture en panne, des gares désertes, un hôtel mal-famé... Et pourtant... rien ne se passe. Les seules aventures dignes de ce nom sont celles appartenant à la "mémoire familiale" des ancêtres de Holly Starcross, que son père lui transmet petit à petit, à chaque étape de leur parcours.. Que va décider Holly ? Retourner chez sa mère ou rester à la campagne avec sa famille paternelle ? Le voilà, le suspense...

Vous l'aurez compris, j'ai été très agréablement surprise par ce petit roman que je pensais orienté sur le nombril d'une ado geignarde amie pour la vie avec les chevaux... et qui s'est révélé à mes yeux comme une quête d'identité, une réflexion sur le passage à l'âge adulte. Ne vous arrêtez pas à la couverture, qui est très jolie mais qui sonne un peu midinette, et plongez-vous dedans !

Je m'appelle Holly Starcross a fièrement gagné son badge Licorne de Brume, le label des jeunes lecteurs et lectrices perchés qui cogitent !




DOHERTY, Berlie. Je m'appelle Holly Starcross. Le Livre de Poche Jeunesse, 2005. Coll. "Mon bel oranger". ISBN 2-01-322018-9




jeudi 14 novembre 2013

L'hérésie du mois : J'aime pas lire Jules Verne (même en BD) : Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne - Loïc Dauvillier / Aude Soleilhac (2008 - 2010)


Woohh non pas lui !  


Comme je n'ai jamais su trop quoi penser des adaptations BD de la littérature classique, c'est avec une certaine réserve que je me suis lancée dans la lecture des trois albums reprenant Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. D'autant plus que je ne suis pas, non plus, spécialement fan de cet écrivain précurseur de la science-fiction. Ce n'est pas faute de m'y être accrochée, depuis l'adaptation jeunesse de Cinq semaines en ballon jusqu'à l'intégrale des Voyages Extraordinaires en grand format avec la couverture imitation Hetzel. Mes parents pensaient que ces romans étaient une valeur sûre pour mes goûts de petit mec, et leur initiative mérite bien d'être saluée au passage, mais... non ! La mayonnaise n'a jamais pris. D'une part, ses visions futuristes n'avaient plus rien d'impressionnant à mes yeux, puisque toutes les fantastiques chimères de l'auteur (ou presque) avaient trouvé leur incarnation dans le monde réel ; d'autre part, ses héros étaient des gonzes antipathiques ou beaucoup trop perchés pour moi. Voire les deux. Même l'adaptation animée de 20000 lieues sous les mers me gonflait à mort : qu'il se noie dans son sous-marin, et qu'on en finisse, bordel !

"Il fallait bien que ça sorte un jour ! et c'est pas un hasard si ça sort maintenant !" 
(Bien dit.) 

20000 lieues sous les mers !
(rires en boîte)
Tout ça pour dire que mes chances de trouver les BD chiantes au possible ne sont pas minces. Par conséquent, les conseiller aux gosses pourrait s'avérer bien plus difficile qu'à l'accoutumée.

Oui, hurlez un bon coup et passons à autre chose. Tout comme je l'ai fait il y a bien des années, en voyant Flore, la fille de Babar, s'extasier devant l'artiste venu à la rencontre des trompes royales via sa machine à remonter le temps.

Cons d'éléphants modèles, va ! et dire que le fils du méchant traîne avec eux !

Le Tour du Monde en 80 jours 

Allez, pas de jugement hâtif ! Abordons la situation d'un regard neutre et professionnel.

Je ne me souviens plus vraiment de l'histoire, si ce n'est qu'un maniaque de la ponctualité décide sur un coup de tête de parier qu'il va réussir à faire le tour du Monde en 80 jours, pas un de plus ni de moins. Ce livre m'avait quand même bien marquée, parce que le héros était, comme souvent dans les romans de Jules Verne, accompagné d'un brave larbin nommé Passepartout. Sauf que pour moi, Passepartout c'est LUI et personne d'autre :

wesh !

Autant dire que j'ai mentalement traversé l'Asie et les océans avec sa tête en arrière plan.

Il m'était totalement sorti de l'esprit que, dans l'histoire, le moment du départ de Philéas Fogg coïncidait presque parfaitement avec le vol de 50000 livres commis à la Banque d'Angleterre. Pour Sir Fix, le détective, Fogg est le suspect n°1 : ce voyage autour du monde ne serait rien moins qu'une fuite déguisée afin d'échapper à la justice. Cela expliquerait aussi pourquoi le "gentleman" anglais n'hésite jamais à mettre la main à la poche pour gagner dix minutes. Cela expliquerait aussi le prix des sandwiches à la gare ?

"ça vous fera 456,46 euros, bon appétit !"

L'adaptation de Loïc Dauvillier et Aude Soleilhac découpe l'oeuvre en 3 albums intitulés Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne, (Volume 1, Volume 2 et Volume 3). 

Où est Charlie ?

Dans le volume 1, on nous présente Philéas dans ses manières d'excentrique raffiné, un peu marginal au sein du Reform Club dont il fait partie, un peu con trop exigent avec ses majordomes successifs, aussi. Le dernier malchanceux recruté par le lord n'est autre que Jean Passepartout, un jeune homme français plein de bonnes intentions qui ne tarde pas à se demander où il a bien pu tomber. Le vol de la Banque d'Angleterre est succintement évoqué, de même que les paris pris Philéas Fogg et ses amis du club : tous s'accordent à dire qu'il est impossible de faire le tour du Monde en 80 jours, lui pense que si, et d'ailleurs, il va le leur prouver sur le champ. Et hop, le voilà qui saute dans le train avec Passepartout et... rien d'autre, à vrai dire. Fix a bien du mal à suivre la cadence, mais il parvient pourtant à faire ami-ami avec le majordome sans vraiment décliner son identité _le fourbe ! Quelques vignettes plus tard, il arrivent à Bombay, où le larbin officiel de Fogg se prend un bon marron après avoir refusé d'ôter ses chaussures en entrant dans un lieu de culte. Ce moment constitue d'ailleurs la seule et unique scène d'action de l'album.  


Sorti un an plus tard, le second album est plus énergique.

GRILLÉS !!!!!!!!!

En traversant la jungle indienne avec leur guide, Philéas et Passepartout tombent sur un cortège funèbre dont ils ne saisissent pas tous les enjeux. Ils comprennent peu à peu qu'un homme est mort et que la tradition veut que sa femme meure elle aussi. Les deux touristes se mettent en tête de sauver la fille des griffes de sa tribu et ils y parviennent : désormais, elle continuera le voyage avec eux. On sent un léger suspense : de Fogg ou de Passepartout, lequel arrivera à la choper ? En attendant d'en savoir plus, quittons l'Inde pour Hong-Kong.


"On va tous mûrir !"

Le troisième et dernier album est celui de la course contre la montre pour un retour express vers l'Angleterre. Alors que Philéas Fogg considérait toujours qu'il était assez "large", le voilà pris de méchants coups de stress. Les réelles motivations du détective Fix ont été devinées par Passepartout, mais les situations extrêmes dans lesquelles les personnages se placent rendent la cohabitation indispensable.

Que dire de cette adaptation en bande dessinée ? Le scénario réussit à mon avis à alléger l'histoire et à faciliter sa compréhension auprès des jeunes lecteurs ; forcément, l'accent est mis sur les aventures des personnages, au détriment de tous les éléments scientifiques et techniques qui relèvent plutôt de la science fiction. Du coup, le fond de commerce de Jules Verne est perdu ; même si Le tour du Monde en 80 jours n'est pas, dans mon souvenir, le roman le plus débordant d'inventions délirantes ultra détaillées, il n'est pas le non plus la "simple" histoire d'aventure qu'il devient ici. Quant au dessin et à la coloration... euh c'est pas parce qu'on est au XIX°siècle qu'on est forcément obligé de faire une BD en bois ! Plus sérieusement, il me semble que c'est un peu sombre, tristounet et trop marron ; mais cela reste une impression personnelle. Et puis ça me perturbe que le détective Fix soit roux. Je ne suis pas la seule à ne pas être convaincue par la couleur : une de mes collègues prof de français s'est montrée plutôt sceptique en feuilletant le troisième volume, que je m'apprêtais à saisir dans la base du CDI, et a laissé entendre que c'était plutôt moche. Pourtant, il y a dans les dessins d'Aude Soleilhac quelque chose qui rappelle les gravures illustrant les volumes des éditions Hetzel ; une force est à puiser de ce côté-là, mais je ne m'y connais pas assez pour me lancer là-dedans.


  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 1). Delcourt, 2008. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-0472-3



  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 2). Delcourt, 2009. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-1101-1



  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 3). Delcourt, 2010. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-1729-7



samedi 20 octobre 2012

Brève footballistique du 20 octobre 2012 - France (F) - Angleterre (F)


Ce soir, j'ai décidé de miser 54 centimes sur une victoire de l'équipe de France Féminine de football face à leurs homologues anglaises. Le match amical avait lieu au Stade Charléty, à Paris _ le stade où se déroulent souvent des événements sportifs d'envergure mais néanmoins perçus comme secondaires : les jeunes, les Espoirs, l'athlétisme ou ... les filles. N'allons pas nous perdre dans l'éternel débat de la reconnaissance des genres, on trouvera d'autres occasions d'y revenir plus précisément dans ces pages : faites-moi confiance là-dessus ! Le match étant diffusé sur D8, la "nouvelle grande chaîne" venue remplacer Direct8, j'en ai profité pour le regarder. 

Les Bleues au complet, ou presque. (Image D8)

Composition des équipes : 

FRANCE : S.Bouhaddi - L.Georges - C.Franco - O.Meilleroux - L.Necib - C.Abily - L.Boulleau - E.Le Sommer - S.Soubeyrand (C. Catala 46ème) - G.Thiney (E.Thomis 46ème, K.Hamraoui 90ème)

ANGLETERRE : K.Bardsley (S.Chamberlain 71ème) - A.Scott - C.Stoney - S.Bradley (L.Bassett 79ème) - J.Scott - K.Carney - A.Asante - R.Yankee (T.Duggan 47ème) - E.White (D.Susi 79ème) - E.Aluko (F.Williams 47ème) - S.Houghton. 


Première mi-temps 

Les premières actions du matchs a eu de quoi nous laissez dubitatifs quant aux finalités du football : que faut-il mettre dans le but ? Le ballon ou les joueuses de l'équipe adverse ? Etant donné le pressing des Bleues sur leurs adversaires, prises à la gorge dès le coup d'envoi, on est en droit de se poser la question. Cela dit, les Anglaises tiennent bon, même si elles souffrent : elles savent très bien que "dominer n'est pas gagner". Elles plient mais ne se brisent pas devant les multiples occasions amenées par les attaquantes françaises, E. Le Sommer et M.L. Delie en tête, multipliant les sauvetages d'urgence dans leur surface de réparation. De leur côté, les Françaises s'agacent en constatant qu'elles n'ont toujours pas marqué après 20 minutes de jeu. Comme tout supporter des Girondins vous le dira, il ne fait pas bon manquer d'efficacité et de réalisme face au but : on finit toujours par le regretter. L’Équipe de France féminine n'échappe pas à la règle. Suite à une erreur qui aurait certes pu être évitée _ S.Bouhaddi relance à la main en dehors des limites de sa surface, récoltant un carton jaune _ l'équipe d'Angleterre bénéficie d'un coup franc cadeau : Steph Houghton frappe fort et marque (34ème).
Enhardies, les Britanniques s'aventurent plus facilement dans le camp français, affolant la défense : c'est sans grande encombre que Jill Scott double la mise cinq minutes plus tard (39ème). Complètement déstabilisées, les Bleues ont du mal à se mobiliser et s'attachent surtout à limiter la casse avant la mi-temps.     




Deuxième mi-temps 

Comme ont pouvait s'y attendre, l'entame du match est beaucoup plus posée. Les Anglaises ont tout intérêt à casser le rythme pour préservée le score, et les Françaises se sentent encore refroidies par les deux buts récoltés... ou par leur propre manque d'efficacité. Leur réserve et leur manque de fluidité n'est pas pour déplaire, évidemment, à celles qui mènent au score et qui montrent une réelle solidité dans le jeu, à l'image de Karen Carney (n°10).

Karen Carney. En voilà une qui ne dormirait pas dans la baignoire...
Quoique, à bien y réfléchir ... peut-être que si !

A la 59ème minute, soit quelques instants après avoir subi une prise de judo _ estimée licite par l'arbitre _ dans la surface de réparation adverse, Marie-Laure Delie réduit la marque en profitant d'une sortie approximative de K. Bardsley. C'est exactement le genre de rebondissements nécessaire au réveil des Bleues, quelques peu assommées depuis le deuxième but encaissé. Elles vont de nouveau enchaîner les occasions de but, mais avec aussi peu de réalisme qu'en première mi-temps, faute de précision (Eugénie Le Sommer), de rapidité dans les prises de décision, ou encore de chance (Élodie Thomis). Pendant ce temps, T. Duggan s'essaye aux frappes de mules, car sur un malentendu, ça peut marcher ! D'autant plus que l'attaquante possède la fraîcheur des remplaçants et la détermination de ceux qui ne connaissent pas encore la fatigue. 

Alors, à ce moment-là, on se dit qu'on ne peut plus espérer grand chose qu'une envolée solitaire d'Elodie Thomis dans les contrées lointaines. Pourtant, le salut viendra finalement de Marie-Laure Delie, et en particulier de son lob à la 83ème sur S. Chamberlain, gardienne fraîchement entrée sur la pelouse. Les Bleues reviennent donc à 2-2 à une dizaine de minutes de la fin du match, pour le bonheur de tous : les internationales britanniques ont de quoi se satisfaire de ce match nul à l'extérieur, alors que les Bleues peuvent insister sur leur belle remontée en deuxième mi-temps.


Retransmission : le 20 octobre 2012 à partir de 20h40 sur D8. Le match était visible à la télé et en streaming sur le site internet de la chaîne. Commentaires : Sandrine Roux, Alexandre Delpérier, et Jézabel Lemonier pour les interviews sur le terrain.

mercredi 8 août 2012

Shameless (UK) - Saison 4 - 2007



Comique, cruelle et profonde, la saison 4 de Shameless est une réussite ; quelques mois de pause dans mes résumés, et la poursuite très progressive du visionnage des épisodes en cours de diffusion, me l'avaient presque fait oublier ! Pourtant, l'évolution de la famille Gallagher à travers ces 8 chapitres longs d'une quarantaine de minutes mérite bien d'être passée au crible.    



Épisode 1

Kev, Veronica et Marti, les voisins des Gallagher, ont mystérieusement disparu. Tout Chatsworth s'inquiète, d'autant plus que le couple avait accumulé quelques dettes dans le voisinage... Les explications arriveront dans le journal télévisé : toujours accrochés à leur rêve d'adoption, ils ont été pris la main dans le sac, en train d'acheter un bébé dans un orphelinat roumain. Les Maguire décident de s'approprier la maison déserte : qui pourra les en empêcher, puisqu'ils sèment la terreur sur leur passage ?   
Frank Gallagher a mis le feu à son repas et s'est légèrement intoxiqué dans la combustion de son manteau. Il est transporté à l’hôpital suite à l'incident. Lorsqu'il s'agit de prévenir les proches, les services médicaux sont bien ennuyés : il y a deux Madame Gallagher. Laquelle faut-il appeler ? Le sort fait que Monica sera plus facile à joindre que Sheila. Cette reprise de contact est un prétexte idéal pour donner envie à la mère fantomatique de la tribu de s'incruster parmi eux et de reprendre sa place dans le foyer ... à l'insu de sa copine Norma ! Hormis Carl, qui semble avoir particulièrement souffert de l'absence de Monica, les enfants voient d'un mauvais oeil ce retour soudain. Debbie a décidé de lui mener la vie dure.
Toute la famille prépare en secret une fête pour les 18 ans de Lip. Le jour J, il apprend qu'il a en fait 19 ans car Frank et Monica ont mis un an avant d'aller le déclarer. Les Maguire lui ont aussi préparé un cadeau de bienvenue à Lip : l'entrée dans leur clan. Celui-ci refuse et se met à dos toute la famille de Mandy. 



Épisode 2 

Sheila ne tarde pas à se rendre compte de la présence de Monica à Chatsworth, d'autant plus qu'elle allume Frank aussi bien dans la rue qu'au pub, sans se soucier du qu'en dira-t-on. La mère de famille, qui revendique fièrement sa place en parodiant une nourrice soucieuse de la nutrition de ses enfants à l'heure du petit déjeuner, a bien l'intention d'évincer sa rivale et de se débarrasser de Norma. Seule Debbie ne semble pas être dupe de ses caprices d'enfants, cachés sous les plaintes que nul n'ose remettre en question, et le soudain désir d'être en famille. Avec l'aide de Sheila, elles vont tenter de mieux cerner les goûts de Monica en matière de filles, et de relooker Norma pour la rendre plus attrayante.

Pendant ce temps-là, les Maguire sont en effervescence : Jamie, l'aîné de la fratrie, est enfin libéré après dix années d'emprisonnement pour meurtre. Tous le craignent, sans savoir qu'il a décidé de se racheter une conduite et de gagner sa vie honnêtement... en travaillant dans le pub de Jez. Les frictions qui l'opposent à Karen Jackson sont trop fréquentes pour ne pas être douteuses ! Quant à Shane, le cadet aux cheveux en bataille, il se sent quelque peu oublié et tourné en dérision depuis le retour de son frère.  


Norma, pas de très bonne humeur au réveil...

Episode 3 

Les Gallagher récupèrent les déchets de leurs voisins pour organiser un vide-grenier et en tirer quelques fonds. Sous l'oeil narquois des Maguire bien plus à l'aise financièrement, ils réparent et nettoient divers meubles, appareils électro-ménagers, vêtements... jusqu'à ce qu'ils découvrent une main humaine dans un carton d'emballage. Il semblerait que Fergal, le quatrième fils de Patrick et Mimie, ait fait les frais d'une sombre histoire opposant son frère aîné Jamie à une autre famille de trafiquants. 

A l'approche de son premier anniversaire de mariage avec Sheila Jackson, Frank Gallagher a toujours du mal à jongler entre ses deux femmes. Monica lui est toujours aussi irrésistible avec sa boulimie sexuelle, son côté autoritaire et sa détermination à casser son histoire _jusque là sans nuage_ avec la mère des jumeaux. Cette dernière explose littéralement lors de la petite fête organisée chez elle le soir-même, et s'essaie au lancer de couteau sur son mari ... après lui avoir annoncé qu'ils partiraient bientôt en croisière au bord de la Méditerranée.
Le lendemain, Sheila et Monica posent un ultimatum à Frank : il a une journée pour choisir avec qui il jugera bon de continuer sa vie. 


"Tu n'es pas végétarienne, tu n'es pas lesbienne, et tu couches avec mon Frank !!!"

Épisode 4    

En apprenant la mort de son frère, Mimie Maguire pense qu'elle est porteuse d'une malédiction et tombe dans le mutisme le plus total. Patrick pense qu'un mariage précipité entre Lip et Mandy pourra conjurer ce mauvais sort : cette idée n'enchante guère le futur mari, mais a-t-il vraiment le choix ? Ian apprend qu'il a été licencié de l'épicerie d'Yvonne et Kash Karib, pour cause de problèmes financiers. Une situation difficile à imaginer devant les opérations marketing de Kash et son évidente folie des grandeurs. Ian préfère voir un lien direct entre leur rupture et la perte de son travail. Fou de colère, il rentre chez lui à mobylette et renverse Anne, une petite frappe qui vient de voler une valise entière de tickets de jeux à gratter à Shane Maguire. L'accident lui sauve la mise, puisqu'elle arrive à convaincre Ian de la cacher quelques temps dans le grenier des Gallagher. Alors qu'ils passent des heures à gratter, gratter, gratter, une étrange relation naît entre eux : est-ce le temps des remises en question pour celui qui se dit 100% gay ? Jamie Maguire drague comme il peut une Karen Jackson sur la défensive, elle qui nous avait habitués à être moins farouche !


Ian et sa nouvelle copine sur une mobylette (volée, cela va de soi !) : "Un dimanche matin, avec ma putain, ..."
Épisode 5

Les Gallagher mettent la pression à Debbie pour qu'elle se trouve un copain le plus rapidement possible. Devant le désintérêt total de sa fille - et rivale - pour les garçons de son âge, Monica dénonce un comportement anormal voire malsain. Debbie tente donc de remédier à la situation en se faisant sauter par le premier venu. Elle rencontre Luke, nouvellement arrivé à Chatsworth et issu d'une famille pentecôtiste. Frank Gallagher, qui n'avait pas vraiment contesté les exhortations à aller traquer les mâles destinées à sa fille, voit d'un mauvais oeil cette relation.

Ian fait la connaissance de Mickey Maguire, avec qui il couche assez rapidement. Mais chez les Maguire, on ne fait pas les choses à moitié : soit on tue, soit on adore. Mickey dévoile aussitôt ses sentiments à Ian, qui le renvoie balader, bloqué par l'idée que son don juan se soit fait sucer par son chien durant son adolescence. Quant à Jamie, il ne veut entamer de relation avec Karen que dans la perspective d'un mariage ! Elle accepte sans être convaincue... et entre dans l'univers très fermé des copines braqueuses de Mimie.   
  

"Je suis tout seul à la maison. Mes parents sont à leur cours de danse irlandaise."

Episode 6 

Carl est déboussolé : lui qui pensait avoir retrouvé un équilibre familial avec le retour de sa mère à Chatsworth prend conscience de la complexité de la situation. Il est le seul des cinq enfants à se souvenir de l'anniversaire de Monica et à le lui souhaiter en cuisinant son plat préféré... mais il n'accepte pas qu'elle couche encore avec Norma. A tel point qu'il tente d'éjecter la routière de son paysage.

Une détresse financière crée des tensions entre Lip et Mandy. Lorsqu'il propose à Kelly, la soeur de Kev récemment revenue dans la cité, d'habiter avec eux contre un loyer, elle interprète mal ses intentions et refuse, contraignant la toxico à squatter chez Lilian Tyler.

L'arrivée de Carrie dans l'équipe de police de Chatsworth bouleverse les petites habitudes de Stan et Tom : la fliquette a les dents longues et ne laisse absolument rien passer aux habitants de la cité, même lorsque ceux-ci agissent avec la connivence des forces de l'ordre. Ambitieuse et impitoyable, elle n'en allume pas moins ses collègues de travail.
Les Maguire continuent de terroriser, de casser des bras et de kidnapper leur future belle-fille Karen, pour la simple et bonne raison qu'elle ne se sent pas prête à intégrer le "clan". Shane s'est embarqué dans une affaire de pilules d'ecstasy volées et sollicite les services de Frank Gallagher pour ne pas souffrir directement d'éventuelles représailles.


Quand Frank Gallagher et Shane Maguire s'allient pour une cause commune...

Episode 7 

Au petit matin, Frank essaie de voler de l'argent à Norma, profondément endormie dans le van. Sa maladresse finit tout de même par la réveiller : elle pense alors qu'il a tenté de la violer. Elle compte l'éloigner d'elle en déposant une plainte, consciente de son éloignement faciliterait la reconquête de Monica.

Lip et Ian aident Yvonne dans le fonctionnement du centre d'appel clandestin qu'elle a fondé dans l'arrière boutique de l'épicerie ! Lip se fait draguer par Nadia et y prend goût jusqu'à ce qu'il comprenne qu'elle est trans : sa vexation est si grande qu'il s'en prend à Ian, parfaitement au courant. La querelle, née sur fond d'homophobie, va déteindre sur la vie de la famille.

Patrick Maguire a caché de l'explosif dans la cuisine, malgré les interdictions de sa femme. Voyant que les poubelles s'enflamment régulièrement à Chatsworth sous l'effet de mini-bombes, il craint à juste titre que la planque ait été découverte. En effet, Mimie a demander à Shane et à Mickey de faire disparaître le petit paquet jaune qui ressemble tant à de la pâte à modeler...        


Shane et Mickey Maguire "Eh, mais c'est la crème de maman !_ Non..."

Épisode 8

Patrick Maguire tombe dans la dépression en voyant disparaître ses plus proches compagnons de cellule. Lorsqu'il remarque qu'il est le dernier survivant d'une joyeuse bande de malfrats, la tristesse se transforme en peur d'être le suivant. Il entreprend une thérapie, pour le plus grand malheur de son psy.

Le dossier scolaire de Lip est accepté dans trois universités ; il n'a plus qu'à choisir. Tous se réjouissent en apprenant la nouvelle, sauf Mandy, qui ne comprend pas pourquoi son copain lui a affirmé quelques jours plus tôt qu'il était refusé partout. De plus, partir à la fac, c'est laisser sa petite famille à Chatsworth.

Carl se montre aussi très froid face au succès de ce frère aîné un peu trop sûr de lui : est-ce qu'on en ferait autant pour quelqu'un d'autre ? Pendant que tout le monde se congratule, sa tête est en ébullition sous l'effet de projets mystérieux. Il enchaîne les petits cambriolages et les reventes d'objets divers, et perçoit Norma comme une poule aux oeufs d'or, lui proposant de racheter le van bleu et blanc des Gallagher : si elle s'attache à le remettre en état, Monica pensera peut-être qu'elle veut partir de la cité et reviendra vers elle pour ne pas perdre l'un de ses deux sextoys ? Norma est séduite par l'idée... mais prépare un départ bien réel. 

Jamie et Karen préparent leur mariage, qui a lieu dans quelques jours. Leurs plans sont souvent interrompus par la formation "d'agent de probation" que suit Jamie.    


A noter dans ce dernier épisode une réplique très poétique de Frank à Norma : "Retourne dans une vie antérieure, chacal, celle où t'avais deux queues et un oeil !"

Une saison psychologique 

Bien que les aventures des Gallagher et de leurs voisins de Chatsworth reprennent environ un an après le mariage de Sheila et Frank, le téléspectateur novice ne se sentira pas largué le moins du monde, même s'il ignore tout de la saison 3. Par contre, il ne mesurera pas à quel point les rapports (familiaux notamment) entre les personnages principaux se sont complexifiés.

Le retour de Monica au sein du cocon vermoulu des Gallagher crée bien des émois, mettant les gosses à fleur de peau : il faut dire que leur mère adopte un comportement qui ressemble fort à celui d'un ado de l'âge de Carl ou de Debbie. Ce sont d'ailleurs eux qui se sentent le plus bouleversés par sa présence, et réagissent de façon extrême. Parce qu'elle a joué le rôle d'une mère auprès de ses frères et sœurs, Debbie perçoit aussitôt Monica comme une intruse à éradiquer : elle n'hésite pas à enflammer ses valises pour lui faire passer l'envie de se réinstaller avec eux. Carl, quant à lui, se jette au cou de celle qui était disparue et qui est retrouvée. Stupidité, naïveté face aux belles paroles de la première femme de Frank, toujours prête à se faire victimiser quand le vent tourne en sa défaveur et qu'elle se sent piégée ? Ou simple besoin de reconstituer la famille idéale qu'il n'a jamais connue ?

Qu'est-ce qu'être une mère ? Faut-il couver ses gosses et les rassurer perpétuellement comme l'ont fait Fiona et Debbie ? Est-ce consacrer sa vie aux autres sans jamais penser à soi ? Cette représentation atypique de la maman qui couche avec deux personnes plusieurs fois par jour et expédie la préparation du petit déjeuner pour avoir plus vite l'opportunité de "prendre soin d'elle" donne a réfléchir. Notre culture commune nous susurre de condamner l'indigne génitrice, mais n'est-ce pas trop facile ?

Heureusement, Monica est un personnage pourri jusqu'à la moelle, ce qui signifie qu'on a plein de raison de lui taper dessus, même si on n'est pas un macho ou un conservateur qui tient à ce que le monde tourne au rythme de ses petites habitudes. On ne peut certes pas lui reprocher d'être un femelle en chaleur, mais ces allures de gamine capricieuse provocatrice et fouteuse de merde en font une idéale "méchante" de films ou de série TV. Dans le premier épisode de la saison, Monica apprend que Frank s'est remarié sans l'avoir prévenue, persuadé qu'il était qu'elle ne remettrait plus les pieds à Chatsworth. Piquée, elle tente de faire sortir Sheila de ses gonds, et y arrive fort bien.

              


Le deuxième épisode sera d'ailleurs marqué par la mini parodie de Kill Bill, franchement bien trouvée, avec Sheila et Monica dans les rôles principaux. Regardez-là, cela vous fera rire même si, tout comme moi, vous n'avez pas aimé ce film. Oui, je sais qu'il en existe d'autres...

Monica et Frank ont un grand point commun : ils sont laids et cons, mais nombreux sont celles et ceux qui tombent sous leur charme. Sheila et Norma sont les deux grandes perdantes de la saison. Si l'une finit par sauver sa peau en même temps qu'un reste de dignité _ ce qui donne lieu à un super coup de théâtre à la fin de l'épisode 3, puisque, comme souvent, Frank attend les dernières secondes pour tout foutre en l'air _, l'autre se fait écorcher du début à la fin de la saison, sans interruption. C'est dans le seul espoir que Monica se "réveille" et reparte avec elle, que la routière campe dans le van des Gallagher ; mais ce "réveil" ne peut se produire puisque sa belle a besoin de deux partenaires à plein temps, et de préférence, deux partenaires qui se "battent" pour elle, afin qu'elle se sente "désirée".

Comme souvent, finalement, Frank ne sait pas où il en est, et ne parvient pas à résister aux avance de Monica, bien qu'il préfère de loin Sheila, ne serait-ce que pour le confort, le soutien et la stabilité qu'elle lui apporte. J'espère avoir l'occasion de faire un article de blog sur les rapports entre Frank et les femmes avec qui il sort ou couche, car il y aurait fort à dire, en particulier qu'elles l'affaiblissent considérablement. Mais elles ne lui ramollissent jamais autant l'esprit qu'un billet de 20£.   

Enfin, la famille Maguire fait partie des personnages secondaires en pleine émancipation suite à la disparition de quelques pauvres diables (Kev, Veronica, Fiona et Steve notamment). C'est, à mon avis, une réussite d'avoir intégré cette dynastie de dealers pas vraiment méchants. Les rapports de rivalité entre les frères Maguire notamment, ainsi que la pureté de leur esprit de famille sont tout aussi réalistes que comiques. Eux qui tuent, blessent, eux dont "on ne peut pas dire grand chose si on ne veut pas se faire péter un bras"* ne peuvent être totalement détestables, tant ils sont frappés. Leur proximité géographique avec les Gallagher _ puisqu'ils récupèrent la maison de Kev et Veronica_ les rend totalement incontournables. Nous connaissions déjà Mandy, Patrick et Mimie, et nous découvrons Shane, Mickey et Jamie. Ils sont autant de fleurs en pleine éclosion, ou de bombes en pleine explosion, c'est selon.   



L'âge d'or de la série touche-t-il à sa fin ? 

Il faut savoir être critique, même si c'est difficile. Pourtant, cette saison 4 marque bel et bien l'apogée d'une série qui ne pourra plus que perdre en intérêt, dorénavant. En effet, on commence déjà à regretter la disparition de certains personnages... et, sachez-le, ce n'est hélas que le début d'un défilé de nouvelles têtes au fil des saisons. Mais bon, chacun sa vie ! Vu la médiatisation de cette série, on peut aisément comprendre la décision d'un acteur un minimum carriériste.

  • Le spectateur ne sera sans doute pas fan des départs en cours de saison, à l'image de Sheila et des jumeaux. C'est d'autant plus dommage car son personnage de gentille femme névrosée apportait une touche d'innocence et de répliques décalées qui étaient toujours bonnes à prendre, ma foi ! 
  • Il n'est pas toujours aisé de considérer la déchéance de personnages réputés dur et forts ; Yvonne Karib montre ses failles face aux difficultés qu'elle rencontre. Les dettes accumulées par Kash, l'amènent à craquer en prenant conscience de la gravité de la situation (Épisode 4) : il n'y a pas de mal à se montrer humain de temps en temps, mais de là à dénaturer l'épicière de la sorte... Là encore, les choses n'iront pas en s'arrangeant.  
  • Les histoires des cœur entre les flics sont marrantes deux minutes mais guère plus ! L'idée d'instiller une fille dans l'équipe pour que les deux compères (dont l'un a une tête d'écureuil pré-pubère) soient en rivalité me semble un peu surfaite. On pourrait s'en passer sans problème.   
  • Pour finir, on n'échappe pas au fameux épisode musical qui sévit dans beaucoup de séries télévisées, même si les frais sont limités aux dernières minutes de la saison, à savoir, le mariage de Karen Jackson et Jamie Maguire. 

Si vous voulez voir ce que ça donne en vidéo, même si vous savez déjà tout : allez voir par là. :-)


Shameless 
Saison 4 (2007)
8 épisodes : 7 de 40min + 1 de 70min 
Paul Abbott 
Diffusion Channel 4 au Royaume Uni et Virgin17/DirectStar en France. 


* Générique VF à partir de l'épisode 4