mardi 23 juillet 2019

Dans la série "J'ai payé, merde !" : Poldark - Saison 1 (2015)

Après avoir écumé le portail de Netflix, j'ai tapé "Écosse" dans le moteur de recherche. Ouais, je fais une fixette sur l'Ecosse en ce moment, allez savoir pourquoi. La série Poldark est apparue dans les résultats, ce qui est à la fois étrange et marrant car les huit épisodes de la saison 1 se jouent dans les Cornouailles, et non en Écosse. Alors soit l'algorithme s'est dit : "allez, l'Angleterre c'est à côté, c'est presque pareil, ça peut passer...", soit les personnages vont migrer au nord plus tard dans l'histoire. 

Du coup, j'ai commencé à regarder, sans grande conviction, le descriptif de Netflix et les toutes premières minutes ne me faisant pas vraiment rêver. Cela dit, toute oeuvre a droit à sa chance.



Poldark - la saison 1 racontée en version express (ou pas)    

Ross Poldark est un type bien, mais il est un peu trop remuant et insolent pour l'Angleterre de 1783, où tout n'est que bonnes manières, mariages de raison, amitiés stratégiques, travail acharné et gros sous planqués dans des coffres forts. Quelques erreurs de jeunesse lui ont valu d'être envoyé en Amérique pour prendre part à la guerre d'indépendance, histoire de lui faire les pieds. Il subira une grave blessure sur le champ de bataille qui retardera son retour sur ses terres natales. Mais il reviendra pourtant, le visage marqué d'une petite balafre stylée très peu cohérente avec le semi-arrachage de tête qu'il a vécu quelques scènes plus tôt.




Peu importe. Il fait une arrivée d'autant plus fracassante que tout le monde le croit mort depuis des lustres ! Du coup, les retrouvailles sont compliquées. Ross apprend que son père, respectable propriétaire minier, est mort pendant son absence en lui laissant plein de dettes. Son oncle George n'est pas franchement enchanté de le voir réapparaître, car une âme de moins aurait fait ses affaires : il aurait pu mettre le grappin une bonne fois pour toutes sur l'intégralité des biens des Poldark et en faire bénéficier son fils Francis. Lequel en passe de se marier avec Elizabeth, qui n'est autre que l'ancienne copine de Ross. Dépité, le rescapé rentre dormir dans la maison déserte de son père. Enfin déserte, pas tout à fait : Jud et Prudie, les domestiques, squattent les lieux et semblent s'accommoder fort bien de la compagnie d'animaux dans leur chambre à coucher. Bref, la loose totale. Ross déprime ; mais pas pour longtemps. Il sait que quand on touche le fond, on ne peut que remonter.



Deux ou trois levers de soleil plus tard, Poldark est remotivé : il va relancer la mine de cuivre, même si c'est un peu la crise à ce moment-là, et redonner du travail à tous ces jeunes mineurs avec qui il a passé sa jeunesse à batifoler, et qui le considèrent comme un frère. Ouais, il est comme ça, Poldark, il est né du bon côté de la barrière, mais il est nature ! ça le dérange pas de défricher lui-même son devant de porte et de serrer la pince à des gens sales et mal habillés.

"et la famille ?"

Bref, un jour, tonton Georges vient mettre un coup de pression car il le sent un peu trop enthousiaste. Tellement, même, qu'il se demande s'il ne pourrait pas réussir, en fin de compte... Il lui tape sur l'épaule en lui disant : "Écoute mon petit, je te connais, la campagne c'est pas pour toi, t'es un malin, tu mérites mieux, va faire ta vie à Londres et laisse les mines à ton cousin." Ce à quoi Ross répond : "Ouais ouais, mais non, je reste ici.", et l'aventure peut commencer. Il rachète la mine de Leisure, avec l'aide de quelques associés prêts à miser quelques livres sur son projet audacieux.


"Tu sais, tu devrais partir...
_ Non.
_Je te le dis autrement : casse-toi !
_ Non.

Parallèlement, il se lie d'amitié avec une paysanne nommée Demelza qu'il rencontre en faisant quelques courses au marché. Pour être exact, disons que la jeune femme est en train de se faire bastonner par quelques bonhommes car elle n'a pas accepté qu'ils s'emparent de son chien pour le donner à manger à un autre chien. Ross la sauve en jouant de sa canne d'aristo et s'apprête à la raccompagner chez elle, vu qu'il est à cheval et qu'elle habite dans le village voisin. Mais elle lui confie qu'elle n'est pas très chaude pour rentrer à la maison car son père et ses frères la fracassent. Il lui propose donc de travailler pour lui en tant qu'aide-cuisinière, ce qu'elle accepte sans savoir qu'elle va aussi se faire bolosser par cette pochtronne de Prudie.

"Qu'est-ce que je pourrais bien faire, là, maintenant, pour emmerder mon monde ?"

L'épisode 1 se termine de manière surréaliste car le père de Demelza rapplique sur la propriété Poldark avec tout son village pour récupérer sa fille, qui ne sera pas la pute d'un gentleman, qu'à cela ne tienne ! Ross se fait défoncer par les gueux, finit en sang, mais il gagne quand même la partie contre toute attente, sans qu'on comprenne à partir de quand il a pris le contrôle de la situation. On comprend bien que ses propres paysans sont venus lui filer un coup de main sur la fin de la baston, mais c'est clairement pas eux qui ont fait la différence. Une fois que la maison est retournée, tout le monde reconnaît la supériorité du Poldark et lui serre la main : c'était un beau match, vraiment ! Ils rentrent chez eux, et Demelza sort du placard où elle s'était rangée. Je ne vous cache pas que cette scène m'a paru tellement capillotractée que je me suis demandée si j'allais enchaîner sur le deuxième épisode. Mais allez, ne soyons pas mauvaise langue : ç'aurait été dommage de s'arrêter là.

La nouvelle de l'embauche d'une nouvelle cuisinière chez Poldark fait jaser, car il n'est pas marié, elle est pas trop mal, et ils rigolent beaucoup ensemble. Et puis d'abord, comment il la paye, lui qui n'a pas un rond. Mais Ross n'est pas un goujat, sachez-le : non, il ne couchera pas avec son employée. Pas avant l'épisode 3, en tous cas.

Cousin Francis se montre favorable à une co-gestion de la mise de Leisure, jusqu'à ce qu'il se rende compte que Ross et Elizabeth sont toujours en très bons termes, et même en très très bon termes. Sa jalousie a le dessus. Ce premier micro-événement marque le début d'une longue série où les décisions professionnelles et/ou impliquant un grand nombre de destins seront guidées par les sentiments de trois pelés.


Dans ce deuxième épisode, on se penche un peu plus sur le cas intéressant de Verity, la gentille soeur vieille fille de Francis, qui rend tellement de services à tout le monde que personne n'a réellement envie qu'elle se case : ça la rendrait beaucoup moins disponibles pour toutes les tâches à la con dont elle doit s'acquitter. Manque de pot pour son vieux père, elle rencontre Blamey, un capitaine au lourd passé ! c'est le coup de foudre. Personne ne valide cette relation, sous prétexte que le marin aurait tué sa femme.

"Oui, j'ai tué ma femme, mais... c'était un accident !"

Seul Ross semble décidé à les aider et leur prête sa maison pour qu'ils puissent faire connaissance de manière plus approfondie, mais Francis découvre le pot-aux-roses et fait irruption chez lui pour agresser les amoureux. Le duel est inévitable ; on va découvrir à ce moment-là que Demelza possède des compétences d'infirmière non négligeables...

... et bien plus efficaces que les talents d'avocat de Poldark. Au cours d'une troisième épisode particulièrement dense, ce dernier doit tirer du pétrin son ami Jim, un jeune mineur asthmatique qui s'est fait choper en train de braconner. Ross fera irruption au procès, retournera la salle et passera un bon savon au juge pour lui rappeler ce que sont la justice et les maladies respiratoires ; le magistrat lui répondra que oui, pauvre garçon, mais bon c'est la vie, foutez-moi ça en prison !

A part ça, les beaux jours reviennent, annonçant la saison des mariages et des gosses : Elizabeth accouche d'un fils, Geoffrey-George _c'est sûrement son bizut de père qui a choisi les prénoms. Le même jour, l'oncle George fait un malaise et demande à Francis de se bouger le cul professionnellement car il sent qu'il ne fera pas de vieux os. Que va devenir la mine si son seul fils ne parvient pas à prendre la moindre initiative ?

Pour finir, comme spoilé plus haut, Ross couche avec Demelza en mettant en avant un argument imparable : quand on ne peut pas faire taire une rumeur, autant lui donner raison ! C'est une manière de voir les choses.

"Est-ce bien le mien, d'abord ?"

Poldark a des principes : quand il se tape une fille, il assume jusqu'au bout et l'épouse (épisode 4). Autant dire que son mariage précipité avec Demelza est une surprise pour tous, y compris pour l'heureuse élue. En effet, passer de Cendrillon à maîtresse de maison n'est pas évident pour. Comment manager des serviteurs quand on a passé sa vie à recevoir des ordres ? Ross se fout des possibles réactions de son entourage, du qu'en dira-t-on et du malaise de sa femme, qu'il perçoit à moitié sans vraiment le comprendre. Il devrait s'inquiéter pourtant, car ses amis investisseurs se demandent si leur choix de le suivre dans son aventure minière ne relève pas de la faute stratégique. Est-il bon et profitable d'encourager un homme qui prend plaisir à faire outrage aux codes de la bonne société ? Dans le doute, certains préfèrent se désengager.



Tonton George tombe et ne s'en relève pas ; Francis est projeté sur le devant de la scène bien plus tôt que prévu. Toujours jaloux de Ross pour plein de raisons, inquiet de ne pas arriver à gérer le lourd héritage que représente la mine de Gambling, il canalise ses angoisses en jouant et en allant aux putes assez fréquemment. Par conséquent, il délaisse sa femme et son enfant ; Elizabeth se doute bien de ce qui se passe, mais choisit de se boucher les oreilles en chantant lalala quand les on-dit arrivent jusqu'à elle.

La gentille Verity prend Demelza sous son aile et tente de lui apprendre les bonnes manières pour qu'elle fasse illusion lors des prochains repas de famille. L'épreuve de mise en application arrivera en même temps que la neige, à Noël _ouais, on a de bonnes grosses ellipses entre certains épisodes. Elizabeth se montrera plutôt bienveillante envers celle qu'elle pourrait considérer comme sa rivale, mais c'est bien la seule. D'autres aristocrates tenteront de mettre la jeune paysanne mal à l'aise, or Demelza s'en sortira avec un pirouette qu'il vaut mieux que vous découvriez par vous-même. Je précise que ce n'est pas sexuel. A la fin de l'épisode, elle apprend à Ross qu'elle est enceinte à son tour, ce qui tombe bien puisqu'ils sont en train de réaliser qu'ils s'aiment vraiment bien, en fait !

Je ne sais plus trop si c'est avant ou après, mais Poldark et ses associés habituels entreprennent de monter leur propre fonderie, histoire de rentabiliser le cuivre remonté de leurs mines. Malheureusement, les Warleggan _aka les (vrais) méchants de la série_ vont lui mettre les bâtons dans les roues. Cette famille de banquiers désireux de compenser leur statut de "parvenus" par la richesse va prendre en grippe l'homme aux trop bonnes idées. A leur tête, on retrouve le jeune George (encore un George ! on va finir par se perdre !), une petite teigne qui vendrait sa mère pour trois piécettes et qui a été assez malin pour devenir l'homme de confiance du cousin Francis... 



Le cinquième épisode est marqué par 1/ la naissance de Julia, la fille de Poldark 2/ l'arrivée de son ami de longue date, le docteur Enys, un BG célibataire très efficace et très remarqué. D'autres événements un peu fous se produisent, on sent qu'on se dirige à grands pas vers la fin de la saison et que le rythme s'accélère. Je ne dirai pas tout, au cas où certains d'entre vous voudraient encore regarder cette série, en dépit de tous mes spoils. Sachez juste que Ross fout sa femme dans la merde en invitant au baptême les deux familles de la petite Julia _on se souvient de la dernière visite du père de Demelza, et que Francis joue sa mine aux cartes. Et perd la partie. Parallèlement, le cuivre se vend mal, les ouvriers ont faim et les émeutes éclatent ça et là. C'est la crise.



Si vous trouvez que c'est moyen de ma de stopper le résumé ici sous prétexte de ménager le suspense, alors qu'il ne reste plus que trois épisodes, dites-vous bien que les coups de théâtre nous arrivent à la fin. Une fois le décor et le contexte social plantés, on sent clairement le changement de cadence _sans que cela semble bâclé pour autant. Certes, l'action devient un peu plus dure à suivre et demande un visionnage plus attentif qu'au début de la série, mais elle reste cohérente et c'est le plus important. 

Verdict 
Bien que je n'aime pas du tout l'univers dans lequel se déroule la série, j'ai voulu regarder la première saison jusqu'au bout pour savoir si je pouvais la conseiller à ma mère. Il se trouve qu'elle adore les histoires de servantes maltraitées à coups de trique et prêtes à mourir de froid pour veiller toute la nuit sur les enfants d'aristocrates au teint de lait, à l'abri des murs sombres et suintants d'un manoir anglais du XIX°siècle. Dans lequel riches et pauvres succombent tous à la même peste bubonique, à la fin. Chacun ses goûts.

J'aime 



  • Poldark a des poules dans son jardin, et même dans sa maison. On les aperçoit par trois fois dans le premier épisode, et ensuite plus vraiment. Sûrement la faute à Demelza... 
  • Un héros qui se moque des apparences et des bonnes manières, ça fait jamais de mal ! Les premières séquences mettant en scène Ross Poldark dans la "haute société" m'a rappelé le personnage de Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent : un type déjà trop occupé à contenir sa violence intérieure pour mettre en pratique des codes appris tardivement. En fait, les deux figures sont très différentes ! Poldark a baigné dans un environnement d'aristos où le moindre faux pli de la manchette peut être pris pour un marque d'insolence. Il connaît tous les codes et les maîtrise parfaitement ; c'est juste qu'il s'en fout, et qu'il adore montrer qu'il s'en fout. Cette facette du personnage de Ross Poldark me semble vraiment très bien traitée.  
  • Les femmes de la série parviennent souvent à prendre leur place et à sortir de leur condition _ merci à Graham, l'auteur des romans qui ont inspiré la série télé_ : Demelza, capable de se travestir pour exister sur la place du marché, et de s'adapter à sa nouvelle vie ; Verity saura elle aussi dévier de son chemin tout tracé de vieille célibataire, tellement pratique quand on a besoin de quelqu'un pour s'occuper des gosses et des vieux. 
  • On n'a pas besoin d'être esthète de formation pour remarquer que les paysages sont magnifiques. Je ne dis pas que c'est ce qui fait la différence entre une série qu'on regarde jusqu'au bout et une série qu'on abandonne au milieu du champ, mais vraiment, l'image vaut le coup d'oeil. Je tiens à le souligner. 


Je n'aime point... 


  • Poldark reste quand même un héros trop parfait : brave, talentueux, juste, audacieux, capable de faire un usage à peu près raisonné de ses poings, capable de trouver du cuivre alors que c'est la dèche et du travail à ses amis d'enfance,... Même quand il échoue dans ses différentes entreprises, même quand il fait des boulettes, ben on ne peut pas lui en vouloir car c'était pas vraiment sa faute. En plus, il est bon aux cartes et tient bien l'alcool : il nous énerverait presque ! D'ailleurs, on n'a jamais compris comment ça se faisait que Ross, sa famille, ses personnes de service ne crèvent pas de faim littéralement, et comment il faisait pour rémunérer ses ouvriers à un meilleur taux que son cousin pété de thune, sachant qu'il est censé n'avoir reçu que des dettes en héritage. Mystère. 
  • J'ai eu beaucoup de mal avec Elizabeth, alias la première copine de Poldark, finalement mariée au calme et riche cousin Francis. Déjà, ses airs de biche apeurée qui ne sait pas si elle doit traverser la route ou pas m'ont pas mal agacée. Et vas-y que je mette un mur à mon ex en jouant la carte de la raison, et vas-y que je revienne lui tourner autour deux jours après... Cela dit, il faut reconnaître que ce personnage évolue sensiblement et devient presque attachant, au fil des épisodes. C'est l'inverse avec Francis, qu'on trouve sympa au début, ou du moins qu'on prend en pitié tellement il fait pâlichon à côté de son cousin charismatique, et qu'on finit par détester au fil des événements. Son manque de personnalité a indéniablement laissé de la place à sa connerie, mais vraiment. C'était nécessaire de lui coller cette tête de bizut ? Bref, je n'ai pas réussi à prendre au sérieux ces deux pièces maîtresses de la série, mais c'est très personnel. 
  • La saison 1 compte 8 épisodes de 50 minutes, clairement délimités, faits pour être regardés d'une traite ; alors tout dépend des préférences des spectateurs et des capacités de concentration de chacun, mais il faut savoir ceci : le mieux pour bien suivre Poldark, pour ne pas en louper une miette, c'est de se poser devant et de ne rien faire d'autre. 


Si vous aimez les séries historiques qui prennent un peu le temps pour démarrer, Poldark vaut vraiment le détour. Par contre, si vous n'adhérez pas à l'ambiance lutte sociale dans les Cornouailles au XIX°siècle, peut-être vaut-il mieux passer votre chemin.


Poldark 
2015 
Création : Debbie Horsfield 
Royaume-Uni - BBC One 
Série adaptée des treize romans de la saga Poldark écrite par Winston Graham




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