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jeudi 26 décembre 2024

Le Prix des Incorruptibles Surprise !! Sélection CM2 - 6ème

La principale adjointe de notre bahut nous a sorti du chapeau une inscription toute chaude au Prix des Incorruptibles pour l'une de nos classes de 6ème, ainsi que pour une classe de CM2 d'une école primaire du secteur, au nom de la liaison école-collège ! On ne va pas s'en plaindre... même si la façon de procéder lui aurait attiré les foudres de la plupart de mes collègues, ahah ! Enfin, tant que c'est profitable aux élèves, moi ça me va. 

Du coup, on va essayer de faire un petit focus sur chacun des titres de la sélection CM2 - 6ème de cette année, histoire d'être prêts à bosser en janvier ! 

1 - La Maison des mots perdus 

Kochka 

Flammarion Jeunesse, 2024


C'est l'anniversaire de Ravi, il a dix ans. En ce jour de fête, et malgré l'énorme gâteau que son père a fait livrer à l'école pour qu'il puisse le célébrer avec tous ses camarades, il n'a pas la pêche. Trop de questions se bousculent en lui depuis quelques temps : pourquoi sa mère, pourtant aimante, ne franchit-elle jamais la porte de la maison familiale ? pourquoi reste-t-elle mutique, sauf quand elle chante en bengali _une langue qu'il ne connaît pas ? pourquoi son père, un médecin réputé, est-il toujours aux abonnés absents ? On lui cache tout, on ne lui dit rien ! Mais à qui parler de tout cela, et comment ? Ses copains sont sympas, mais ils n'ont de toute évidence pas les mêmes préoccupations que lui. 

Heureusement, la petite école des Vosges où est scolarisé Ravi est chapeautée par un directeur attentif et bienveillant qui repère tout de suite un coup de mou de son élève : il est bien décidé à le débarrasser de la chape de plomb qu'il porte sur ses épaules ; il va mettre à contribution M. Akimasa, le jardinier de l'école. 

Alors, je dois dire que les premières pages m'ont filé quelques sueurs : un père alsacien en déplacement qui semble régler les problèmes avec des biftons, une mère indienne qui l'a eu à 18 ans, qui ne parle pas français, qui ne parle pas tout court, cloîtrée chez elle... Comment interpréter cette situation de départ ? 

Au fil du roman, le malaise s'estompe, laissant place à la poésie et à la douceur. Les mystères se dénouent petit à petit, les réponses arrivent, douloureuses mais nécessaires. Les adultes de son entourage proposent à Ravi d'extraire le positif de toute situation pour mieux faire face à la dure réalité, et j'avoue que j'ai un peu de mal avec ça... mais ça se défend. 

Cette lecture m'a fait penser au Garçon au pyjama rayé de Boyne, dans le sens où Kochka parvient à rendre compte de faits sordides en conservant un ton et un vocabulaire adaptés à la jeunesse. On se doute que l'exercice n'a pas dû être facile. 




Passage à Bordeaux...

2 - La Bête et Bethany - Tome 1 

Jack Meggitt-Phillips, illustrations d'Isabelle Follath

Bayard, 2022 

Couverture : édition Livre de Poche Jeunesse

La relève de Roald Dahl est assurée ! J'ai eu un vrai coup de cœur pour le premier tome de La Bête et Bethany, un roman jeunesse qui figure dans la sélection CM2-6ème du #Prixdesincos _et qui, ma foi, pourrait bien remporter la #bourriche !

Ebenezer est un gentilhomme anglais respectable et solitaire, aussi riche qu'égoïste. Il a 511 ans, mais il a le physique d'un jeune premier. Comment parvient-il à traverser les siècles sans prendre une ride ?

Tout simplement grâce à la Bête, une créature horrible et cruelle qu'il cache et nourrit dans son grenier, en échange de cadeaux et d'un élixir magique qui lui permet de garder la jeunesse éternelle. 

La Bête est gourmande, difficile, avide de mets toujours plus originaux ; souvent, Ebenezer doit de plier en quatre pour lui rapporter sa pitance, mais il y parvient toujours : c'est aussi dans son intérêt. Or, lorsqu'elle lui fait part de son envie de gober un enfant, les choses se compliquent ! Non pas que sacrifier un gosse pose un problème particulier à Ebenezer, mais bon, il voit bien qu'autour de lui, les gens ne cèdent pas si facilement les leurs... 

C'est à ce moment-là qu'il croise le chemin de Bethany, une petite terreur qui passe sont temps à retourner l'orphelinat qui l'a recueillie, à coups de mauvaises blagues et d'insolences. Il la ramène chez lui, pressé de s'en débarrasser, mais la Bête refuse de bouffer Bethany car elle est trop maigre : il n'a qu'à la faire grossir et la lui présenter dans quelques jours. En attendant, pas de potion, bien sûr. 

Ebenezer est bien embêté : lui qui aime le calme et le confort, il va devoir cohabiter avec cette peste qui défonce tout ce qui passe dans son champ de vision... 

Entre la Bête, Bethany et Ebenezer, trois êtres détestables à leur échelle, lequel est le plus monstrueux ?

Un cocktail bien traître avec un poil de BGG, de Mortelle Adèle, une pincée de Dorian Gray, un peu de #fantastique et deux litres de #thé. Sans oublier quelques gouttes d'amertume : les échanges entre Bethany et Ebenezer amènent subtilement des thèmes sérieux, comme la mort, le #vieillissement, l'#empathie, le bonheur.   

Pour finir, voici une interview très instructive dans laquelle Jack Meggitt-Phillips fait un lien entre son livre et le #boxingday justement, ahah. (Cette vidéo a été trouvée sur la chaîne de la Librairie Mollat). 

La lampe pierre de sel est un cadeau offert par ma sœur. 
Cela me touche qu'elle ait pris le temps de m'en faire un, car elle a un gros problème de santé à gérer actuellement.


dimanche 14 juillet 2024

[Concours lecture 6ème] Né coupable - Florence Cadier (2020)

Avez-vous déjà entendu parler de George Stinney, et de la terrible injustice dont il fut victime ?

Mars 1944, Caroline du Sud. Tous les regards sont tournés vers l'Europe et la guerre ; on espère un retour rapide et victorieux des soldats américains. George a 14 ans, il vit paisiblement avec ses parents et ses frères et soeurs dans le quartier noir de la petite ville d'Alcolu. Un après-midi, alors qu'il promène la vache familiale, George croise deux fillettes blanches qui font une balade à vélo. Ils discutent quelques instants, mais très vite, leurs chemins se séparent. 

Sauf que les petites filles ne rentreront jamais chez elles et seront retrouvées mortes le lendemain. Aussitôt soupçonné du meurtre, George est arrêté, molesté, emprisonné... bien qu'il n'y ait aucune preuve contre lui. Il clame son innocence, mais les policiers sont trop contents d'avoir trouvé rapidement le coupable idéal pour se permettre de le relâcher. Au bout de quelques jours, il finissent par lui extorquer des aveux. 

A l'extérieur, les avis sont partagés, comme l'est la société américaine en pleine ségrégation : beaucoup demandent une mise à mort rapide, d'autres, moins nombreux et plus téméraires, veulent que les droits de George soient respectés, et qu'une vraie enquête soit menée. 

Malheureusement, à cette époque _et peut-être encore aujourd'hui..._ certaines voix comptent plus que d'autres. 

Né coupable a beau être écrit pour les jeunes lecteurs _on décèle même de la mignonnerie dans les premiers chapitres_ il n'en demeure pas moins inspiré d'une histoire vraie qui finit cruellement. Comme le texte est accessible, on compte le proposer aux 6° avec dans le cadre du concours de lecture... mais le sujet traité et l'issue tragique sont peut-être un peu rudes. Le livre a fait partie de la sélection du prix des Incorruptibles, mais pour le niveau 5°/4°. N'hésitez pas à dire ce que vous en pensez en commentaire.  

En finalement peu de pages (150 environ), Florence Cadier nous raconte bien plus qu'une injustice sur fond de racisme : elle dépeint les failles de toute une société, depuis l'emprise du Klu Klux Klan, jusqu'aux ravages de la peur sur les proches de la famille Stinney, qui deviennent des parias dans leur communauté et n'auront finalement que peu de soutien. 

A lire, donc (mais pas un dimanche soir) ; la mise en parallèle entre la silencieuse descente aux enfers de George et la place que prend le débarquement au même moment dans l'actualité est intéressante. 

CDI collège : OK, avec accompagnement pour les 6ème ; attention, c'est Talents Hauts = on ne prend pas de gants ! 

CDI lycée : le ton sera peut-être enfantin pour les lycéens, mais ça peut être un bon complément pour un travail de recherche sur la peine de mort ou la ségrégation. A regarder avec le documentaire Un coupable idéal de de Lestrade (2001), qui commence à dater mais qui reste efficace. 

Florence Cadier. Né coupable. Talents hauts, 2020. 150p. 



dimanche 22 octobre 2023

[BD] Camélia - Face à la meute. Cazenove / Bloz / Nora Fraisse (2021)

"Tu as vu ça, ce jeune de quinze ans qui s'est suicidé encore, parce qu'il se faisait harceler ? 

_ Oui... 

_ Et après on en fait des tonnes sur l'abaya... Laisse-le passer, lui, tu vois bien qu'il force. 

_ L'abaya, c'est un problème créé de toute pièce pour faire diversion. Le harcèlement scolaire, ça c'est un vrai fléau à combatte. 

_ Moi je dis... ok, l'école est sûrement responsable, mais les familles ont leur rôle aussi. Attention, là c'est 50 ! Si l'enfant harcelé ne parle pas de ce qu'on lui fait à ses parents, c'est qu'il y a un problème. Serre à droite. Ils ne sont pas à l'écoute, ou pas disponibles, ou l'enfant n'a pas confiance, je sais pas..." 

Durant une année passée à conduire plusieurs soirs par semaine, j'ai eu l'occasion de discuter avec une bonne vingtaine de moniteurs _ j'étais inscrite en auto-école, mais, pour pratiquer plus fréquemment, je complétais ma formation avec des profs indépendants via des applications dédiées. D'un point de vue humain et pédagogique, ça s'est toujours bien passé. Mais je remercie particulièrement le "noyau dur" de ceux qui ont assuré l'essentiel de mon parcours. Parmi eux figure Rachid, de l'auto-école. Rachid a vraiment été un bon prof. Dans la vie, ce doit être un type droit, ça se sent. Il s'intéresse à tout, et notamment aux questions éducatives : c'est vrai qu'il a vu passer un paquet de lycéens dans sa voiture.

 On tombe souvent d'accord, mais ce jour-là, on a pas mal débattu sur la route du centre d'examen de Rosny. Des profs, des cours d'empathie et des ateliers massages au Danemark. Parce que non, ce n'est pas si simple de dire à ses parents qu'on se fait bousculer, même si on les aime et qu'ils nous aiment. Surtout dans ce cas-là, en fait. Entre la honte de n'être pas capable de se défendre, la peur d'inquiéter et de rendre triste, de mettre ceux qui pensent nous protéger face à leur échec, les raisons de garder le silence ne manque pas. 

Cette conversation m'a remis en mémoire une bande dessinée commandée pour le CDI l'année dernière : Camélia - Face à la meute. Née des talents et des expériences de Bloz, déjà connu pour Seule à la récré, de Cazenove et de Nora Fraisse, elle est sortie en 2021 chez Bamboo.    

En vrai, je l'ai rachetée récemment car une élève de troisième a oublié de le rapporter en fin d'année dernière et j'ai complètement zappé de la "bloquer" lors de la restitution des manuels scolaires. Mais faut pas le dire.   

Pour Camélia, l'année s'annonce bien à l'internat des Sources : elle entre en seconde, retrouve ses habitudes aux côtés de sa meilleure amie, et, pour ne rien gâcher, elle s'est affinée pendant les vacances. Son surnom de Bouboule n'a plus lieu d'être. 

C'est sans compter sur Valentine et ses amies, jamais à cours de mauvaises blagues et bien décidées à passer à la vitesse supérieure maintenant qu'elles sont au lycée. Lorsqu'elles se rendent compte qu'il y a possibilité de quelque chose entre Camélia et le BG de la classe, elles décident de définitivement lui pourrir la vie. Et ça va marcher : rumeurs dans les groupes de messagerie instantanée, photos truquées, coups de pression bien efficaces sur la copine d'enfance, boulettes de shit placées stratégiquement... la jeune fille va sombrer peu à peu. Heureusement, il n'y a pas que des cons au lycée : les soutiens sont comme des champignons rares, ils poussent exactement là où on ne les attend pas. 

Camélia - Face à la meute parle du harcèlement, cette gangrène de l'humanité qui se déclare depuis des lustres dans les groupes de jeunes, et qui devient enfin une préoccupation de premier plan pour l'Éducation Nationale. Est-ce qu'on y trouvera une solution ? Je ne suis pas optimiste : s'il y a bien quelque chose qu'on a en commun avec les animaux, c'est notre propension à nous associer pour mettre sa race au plus faible ou a celui qui se distingue du lot. Chez les volailles, on parlerait de piquage. Chez les hommes, on parle de harcèlement. Cela n'a rien à voir avec l'école, si ce n'est que le système scolaire induit une forte concentration de jeunes au même endroit pendant des heures entières, favorisant ainsi la propagation du virus de la connerie.    

En tous cas, il faut continuer à se battre avec les armes qu'on maîtrise le mieux ; pour les artistes et les écrivains, publier des fictions à destination des jeunes est une façon de mener le combat, et elle vaut bien les autres. En l'occurrence, l'ouvrage dont on parle aujourd'hui me semble plutôt destiné aux collégiens (même si ça se passe au lycée) et a l'avantage de traiter un maximum des aspects du problème en un minimum de planches : 

- le "triangle" massacreur formé par la victime, le bourreau et les suiveurs qui craignent pour leur gueule, avec des rôles qui fluctuent au fil du temps. Le personnage de Ryan est particulièrement intéressant : passé de harcelé à harceleur "pour se protéger" en fin de collège, il devient le gars sûr de l'héroïne qui peine à lui accorder sa confiance _ et, à la lecture des premières planches, on la comprend.  

- l'importance mais aussi les limites des séances de prévention mises en place dans les établissements scolaires : Camélia perçoit la bienveillance de sa prof de français, et le discours qu'elle tient l'aide vraiment à tenir. Quant aux harceleurs, ils ont tous conscience que ce qu'ils font est mal, mais ça ne les empêche pas de continuer au nez et à la barbe des adultes...

- les points d'attaque qui font mouche, souvent axés sur le poids, une sexualité exacerbée ou non hétéro, une dépendance aux drogues ou une tendance à en faire le commerce.  

- le cheminement intérieur de la victime, qui n'aspire qu'à rompre l'isolement subi, mais qui a peur de saloper les bons moments passés en famille  

- les failles de communication et d'analyse des adultes. On voit bien que tout le monde était plein de bonnes intentions dès le début, mais n'y a vu que du feu.

- il suffit d'un agglomérat de petits détails insignifiants pour faire de vous une tête de turc : un micro-événement resté dans les mémoires, un surnom mal trouvé ("Camé" pour Camélia c'est pas l'idée du siècle), une chute malencontreuse sur votre pote en cours de lutte et une amitié naissante avec un beau gosse qui font de vous une "fille facile"...    

- la dimension "cyber" du harcèlement, qui s'est développée avec la généralisation des smartphones. 

- un même lieu peut être à la fois un paradis et un enfer, selon qu'on est plus ou moins bien accompagné. 

Le fascicule documentaire en fin d'album est clair, complet et exploitable en classe. 

Seul bémol : j'ai trouvé peu convaincante la séquence du spectacle de fin d'année, où Camélia et ses amis scandent un petit rap sur fond de "harceler c'est pas bien" avec un gros 3020 tatoué sur le front. Euh... comment dire...  Non ? Je pense que si on tente ça avec un groupe d'élèves dans le collège où je bosse, ils risque fort de se faire afficher sur tous les réseaux sociaux de la Terre avant 17h30 (ouais ouais, portable interdit, on sait), avant de se faire lapider en franchissant la grille. Mais c'est vraiment critiquer pour critiquer, car dans l'ensemble, la BD est top, agréable à l'oeil, réaliste, relativement optimiste et nécessaire. Merci aux auteurs de l'avoir fait exister.       

Bloz a participé à Seule à la récré, un autre album qui aborde les mêmes questions. Quant à Nora Fraisse, elle a créé l'association Marion, la main tendue, qui lutte contre le harcèlement scolaire. 

Cazenove ; Nora Fraisse ; Bloz. Camelia - Face à la meute. Bamboo Edition, 2021. 72 p. ISBN 978-2-8189-7717-0

dimanche 20 août 2023

[COMICS] Black Panther - 1 - Ennemi d'État. Christopher Priest / Mark Texeira / Joe Jusko / Mark Bright (2018)

Au club lecture, ma pote Nathalie la prof de lettres et moi-même avons essayé de déterminer un "fil rouge" afin de fidéliser les élèves, toujours volontaires au lancement mais parfois surpris d'avoir un minimum d'investissement à fournir, ou juste déçus de constater qu'à un moment, bah il faut bien lire un peu, quand même. A l'inverse, d'autres quittent le navire car ce sont de bons lecteurs qui ont déjà quelques longueurs d'avance sur le fonds du CDI. Je n'ai jamais réussi à trouver le bon équilibre, mais j'y travaillerai autant qu'il le faudra.  

Remember l'ancien collège ! 
Vous trouvez que c'était assez mignon, finalement, sous cet angle-là, hein ?
Eh bien ça n'existe plus !!!

Cette année, on a donc expérimenté un thème général "héroïnes et héros" de la littérature ou de la bande dessinée. De mon côté, ce rendez-vous hebdomadaire me donnait l'occasion de réinvestir le travail autour des super-héros fourni lors de ce fameux "atelier comics" amorcé en 2020 et tué dans l'œuf par le Covid. Le recoupement avec le programme de français en 5ème nous assurait d'avoir de la matière sous le coude en cas de pépin dans la préparation des rendez-vous.  

Après avoir consacré des séances à Miss Marvel, à Percy Jackson, au Journal d'un dégonflé, on a sondé les enfants pour savoir s'ils avaient envie qu'on parle d'un personnage en particulier, et ils ont été nombreux à proposer Black Panther. Peut-être parce que le film Wakanda forever sortait à ce moment-là au cinéma. On ne connaissait rien ni l'une ni l'autre sur ce personnage, mais on leur a promis de faire acquisition d'une BD centrée sur ce héros Marvel afin d'en parler avec eux.  

Ne sachant pas trop comment entrer dans l'univers, j'ai opté pour le tome 1 de la série Black Panther paru chez Panini en 2018, dans la collection "Marvel Select". Il s'agit d'une réédition des douze premiers chapitres d'une série qui en compte 72 au total ; elle est née de la plume de Christopher Priest et de Mark Texeira vingt ans plus tôt. 


L'histoire 

Une sordide affaire secoue le Fonds Tomorrow, un organisme d'aide à l'enfance implanté à Brooklyn et soutenu par T'Challa, roi du Wakanda, plus connu sous le nom de Black Panther. On y a récemment assassiné une fillette de sang froid, avant de détourner de l'argent. La totale. Lorsqu'il apprend la nouvelle, le roi T'Challa déserte le trône en urgence et file aux États-Unis pour régler leur compte aux malfrats.

Il laisse derrière lui un pays en proie à de nombreux affrontements entre les Wakandais "citadins", les "Tribus des Marais", et les réfugiés _accueillis à bras ouverts par le roi mais clairement rejetés par les citoyens. C'est tout sauf le moment de partir, mais il n'a pas le choix. 



Au même moment, l'agent Everett K. Ross se voit confier la mission d'accueillir le roi du Wakanda et d'assurer sa sécurité pour la durée de son séjour à New-York. Bien qu'il soit de bonne volonté, il est vite dépassé par la situation se fait rapidement balader par le super-héros qu'il escorte. Peut-on lui reprocher de ne pas arriver à gérer un Avenger ? 

   
Black Panther mène son enquête et découvre qu'un certain Achebe est à l'origine de la mort de la fillette du Fonds Tomorrow. Il comprend par la même occasion qu'il s'est fait manipuler par ce type qui n'avait qu'un seul but : pousser T'challa à s'éloigner le plus possible du Wakanda, et tenter de prendre le contrôle du pays en son absence.     

Achebe s'avère n'être pas plus qu'un fou relativement limité, incapable de manigancer des projets de grande envergure ; le "vrai méchant" se cache derrière lui, tapi dans l'ombre, agissant de façon sournoise, pénétrant les consciences pour arriver à ses fins. 

Le roi T'Challa va lui-même faire les frais de son pouvoir invisible, et revivre des souvenirs difficiles enclins à lui mettre le doute. Pourra-t-il s'en relever avant que son pays ne parte en vrille ? 

Attention, la suite du billet dévoile des infos que vous gagnerez à découvrir par vous-même si vous comptez lire la bande-dessinée !


Les défauts de ses qualités 

Après coup, je ne pense pas qu'Ennemi d'état puisse servir d'entrée principale dans le petit monde de Black Panther ; cependant, ça reste une porte dérobée tout à fait efficace, puisqu'on a de nombreux flashbacks sur les origines du héros, sur sa jeunesse, ses rapports en demi-teinte avec son père le roi T'Chaka, sa prise de pouvoir à la mort de ce dernier.

La comparaison au patriarche charismatique reviendra à de nombreuses reprises dans l'album, et elle sera rarement à l'avantage de T'Challa. Il faut dire que Black Panther n'a pas du tout la même façon de gouverner que son père : les Wakandais lui reprochent de ne pas avoir la poigne de son prédécesseur, d'être idéaliste et pas assez "stratège". 


Cela se vérifie au fil des chapitres : on se rend compte que T'Challa se retrouve souvent dans de sales draps parce qu'il a trop vite fait confiance à tel ou tel pèlerin douteux. On a l'impression que le roi du Wakanda se fait assez facilement berner parce qu'en tant que "gentil", il n'anticipe pas la fourberie des autres. C'est ce qui fait de lui un héros assez attachant en dépit de ses crises de colère et de sa frustration bien perceptible de ne pas pouvoir faire tomber de têtes sur le territoire US. Vers la fin, on comprendra qu'il y a une part de bluff dans tout ça _ T'Challa ne tue en aucun cas, mais on dirait bien qu'il ne veut pas que ça se sache. 

Quant aux micro-retournements de situation dans les derniers chapitres, sur fond de "non mais j'ai fait semblant de tomber dans les pièges, j'avais tout compris depuis le début", ils sont un peu difficiles à avaler, je trouve.      

Everett K. Ross, le roi de la digression

Pourtant, j'ai pris le temps de relire deux fois ce titre afin d'en juger. C'était nécessaire pour deux raisons. 

Premièrement, parce que je ne suis toujours pas familière des comics et des figures emblématiques de l'univers Marvel. Or, les super-héros sont nos chevaliers de la Table Ronde à nous : il vaut mieux avoir une culture des personnages, de leur caractère, de leur parcours pour bien comprendre les réactions, les associations des uns avec les autres, le chemin que prend l'histoire. 


Ensuite, la lecture est rendue difficile à cause du choix narratif de faire raconter les événements par le brave Everett K. Ross, pas plus doué pour les comptes-rendus que pour le reste ! De digression en flashbacks en passant par les erreurs de parcours et les "ah, au fait, j'ai oublié qu'avant il s'est passé tel truc", c'est un vrai casse-tête pour le lecteur. Mais lorsqu'on est entré dans le délire, ça devient marrant de se laisser porter et de revenir quelques pages en arrière si besoin. 

Du coup, je m'interroge sur la pertinence de mettre ce titre entre les mains des 4°-3° : s'il est loin d'être "trash", beaucoup risquent de se décourager entre les pages titrées on ne sait trop pourquoi, l'absence de numérotation des pages, l'enchaînement non linéaire de l'action, les dessinateurs qui se succèdent... 
   
Bien sûr, il ne faut pas oublier que les différentes chapitres qui composent Black Panther - 1 - Ennemi d'état ont été publiés séparément à la base, vraisemblablement en format kiosque. Les numéros étant espacés dans le temps, les auteurs ont pris la peine, à juste titre, de faire régulièrement des rappels de  ce qui s'est passé dans les épisodes précédents ; sauf que lorsqu'on lit tout d'une traite, les allusions nous semblent redondantes, forcément. Mais ça reste quand même tout à fait lisible, et on devine que ce travail de tri des épisodes et d'agencement est tout sauf facile.      

Des méchants de pacotille à Méphisto 

Même si l'action semble partir dans tous les sens, une progression se dessine quand même, au bout d'un moment, jalonnée de "méchants" plus ou moins sérieux à combattre. Le premier à apparaître est Achebe, un paysan schizo qui aurait vendu son âme au diable et qui se balade avec une marionnette qu'il fait parler. 


Le Diable, justement, parlons-en. J'ignorais complètement que dans l'univers Marvel, l'un des méchants notables s'appelle Méphisto et qu'il s'inspire du diable de la légende de Faust. Cet album aura eu l'intérêt de me le faire connaître car j'étais complètement passée à côté. Du coup, j'ai mis un peu de temps à comprendre ce que Satan venait foutre dans Black Panther. Depuis, ça a pris du sens évidemment. 


Si Achebe est le plus débile et Méphisto le plus vicelard, le plus stylé des super-vilains de cette BD est sans aucun doute Kraven le Chasseur _qui va faire l'objet d'un film l'année prochaine justement, tiens ! Je n'ai pas bien compris ce qu'il apportait à l'histoire en l'occurrence, mais ce personnage est une expérience à part entière, visuellement ! 



Clichés démontés 

Le premier feuilletage/lecture en diagonale de l'album m'a laissée dubitative : un méchant Russe, un réfugié arborant une ceinture d'explosifs, un héros débarquant d'Afrique avec toute "sa smala" (c'est traduit comme ça) sous le regard surpris des Américains, escorté de deux "épouses" _ les Dora Milaje. Je me suis dit que ça allait être riche en idées reçues ; et encore, je n'avais repéré ni les dealers mexicains, ni le patron vénère du resto chinois. 

Heureusement, la plupart de ces clichés sont dessinés dans le but d'être (plus ou moins subtilement) détournés : Black Panther considère les Dora Milaje comme des sœurs, des associées. Le massif Zuri, ami de T'Chaka et conseiller - garde du corps de T'Challa, n'est pas seulement une brute épaisse. Le Loup Blanc, frère pâlichon du royaume, a atteint de hautes fonctions militaires sans qu'on l'embête trop avec ses origines extérieures. Les propriétés du vibranium, les perles kimoyo et autres spécialités du Wakanda, pays d'Afrique mais aussi pays high-tech, sont pas mal exploitées et ont un impact significatif sur l'action. 



Le bémol, s'il faut en trouver un, concerne les personnages féminins, bien présents mais relégués à l'arrière plan. Certes, Ross a une patronne, Nikki, mais elle ne prend pas part à l'action. Les Dora Milaje sont des femmes fortes et indispensables à la réussite de T'Challa, mais l'une d'elles va faire les frais de la manipulation de Black Panther par Méphisto. Monica, la fiancée du héros, se retrouve bâillonnée et coincée dans un exosquelette, forcée de flinguer des gens. La belle-mère de Black Panther peine à assurer l'intérim à la tête du Wakanda, en l'absence du roi. Enfin, l'événement déclencheur de cette aventure de la Panthère Noire est le meurtre d'une fillette.    

En conclusion, Black Panther - 1 - Ennemi d'État est un album riche en action et en personnages fouillés, à découvrir si vous aimez les histoires de super-héros _ les Avengers débarquent sur la fin, d'ailleurs. Par contre, accrochez-vous, ce n'est pas une lecture facile !  

Il y aurait bien d'autres choses à dire sur le travail des trois dessinateurs, qui ont vraiment des styles différentes, mais à ce niveau-là je laisse faire les pros ! 

Christopher PRIEST. Mark TEXEIRA. Joe JUSKO. Mark BRIGHT. Black Panther - 1 - Ennemi d'État. Panini Comics, 2018. Coll. Marvel Select. 280 p. ISBN 9782809468373 

vendredi 28 juillet 2023

[LECTURES DE VACANCES] Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin - Tania de Montaigne (2015)

J'aime le répéter dès que j'en ai l'occasion, quitte à donner l'impression de radoter : j'ai beau travailler dans un collège de Seine-Saint-Denis depuis maintenant dix ans, mes pires sales quarts d'heure, je les ai passés dans un collège privé bordelais où j'étais alors surveillante à mi-temps.  

A la fin de ma première année de contrat, alors que mon CUI venait à ma grande surprise d'être renouvelé, la responsable des Ateliers _ c'était, et c'est toujours je pense, un établissement qui dispensait des cours jusqu'à 14h et qui laissait place à des activités sportives et artistiques l'après-midi_ avait soumis l'idée de faire une "journée déguisée". On n'était pas loin des vacances. Les enfants avaient joué le jeu et y étaient allés de leur cosplay le plus WTF. Les gothiques avaient poussé loin dans les tunnels du dark, les amateurs de mangas s'étaient lâchés sur les oreilles et queues peluche, et la secrétaire de Vie Scolaire se lamentait, tout en saisissant les absences sur APLON, de constater que le petit Paolo était "encore plus efféminé que d'habitude". La faute à ses lunettes de mascara.      

Mais la star des enfants comme des adultes, ce jour-là, c'était Sachatte, un élève de 3ème à la touffe blonde hirsute et aux joues rouges qui terminait péniblement sa scolarité obligatoire après quelques virages mal négociés dans un collège un peu plus huppé _ce qui ne l'empêchait pas d'être foutrement prétentieux et insolent. Ah, il avait tout donné, c'est le moins que l'on puisse dire ! 

C'est complètement méconnaissable qu'il avait passé la porte du collège : robe jaune citron, talons hauts très bien gérés (il fallait bien lui reconnaître ce talent-là), perruque volumineuse blonde, faux seins opulents et... la peau grossièrement colorée par je ne sais quel cirage. Tout en roulant du cul et en mangeant les "R", Sacha passa toute la journée à gueuler des phrases volontairement mal construites avec un fort accent, à danser dans les classes et dans la cour, sous les applaudissements, les rires, et même quelques photos prises discrètement sur des portables à clapet. 

Un petit blackface au calme, complètement validé par la communauté éducative et copieusement applaudi en salle des profs... 

Moi-même, à l'époque, je n'avais pas mesuré la gravité de cette mise en scène qu'on devinait minutieusement préparée. Je le savais déjà con et raciste, alors un peu plus, un peu moins... Mais aujourd'hui, ça me fait froid dans le dos de ne pas avoir une seule seconde pensé à dénoncer et à signaler son "déguisement". Et encore, je ne pourrai jamais m'imaginer à quel point ça a dû être pesant pour les quelques élèves et personnels blacks de ce petit bahut privé. Bordeaux, juin 2012. Voilà voilà...    

Aujourd'hui, Sachatte tient un élevage de volailles _comme quoi, on n'était vraiment pas faits pour s'entendre ! Il avait déjà des prédispositions pour l'agriculture qu'il n'assumait pas trop lorsqu'il était à l'école. Visiblement son affaire tourne bien. Les radios et télés locales vont souvent l'interviewer, car il représente une jeunesse paysanne motivée, à la fois moderne, aussi respectueuse des animaux que des traditions. Il communique bien, il fait sérieux et propre sur lui. Je ne doute pas qu'il fasse son travail honnêtement. Malgré tout, Sachatte ne trouvera jamais grâce à mes yeux, et restera dans mon souvenir un petit bâtard qui n'a rien trouvé de mieux qu'incarner une caricature de femme noire pour attirer l'attention. Ok, il était jeune à l'époque, vous me direz, mais il n'avait pas cinq ans non plus.   



Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin

Tania de Montaigne, 2015 

Si le nom de Rosa Parks vous dit forcément quelque chose, quand bien même vous ne connaîtriez pas les combats qu'elle a menés, il y a des chances pour que celui de Claudette Colvin vous soit étranger. Pourtant, les destins de ces deux femmes noires se sont liés dans l'Alabama des années 1950, à une époque où presque personne ne remettait en question la ségrégation raciale qui s'y exerçait. 

Le 2 mars 1955, à Montgomery (en Alabama, donc) Claudette a seulement 15 ans et rentre de l'école en bus, comme tous les jours. Elle est bien placée dans l'un des rangs "pour les noirs", mais ce jour-là, les blancs sont nombreux à monter dans le bus et remplissent toute leur zone. Or, quand cela arrive _et je l'ai réalisé seulement en lisant ce livre_ les passagers noirs doivent directement céder leur place aux blancs. C'est une des nombreuses règles tacites dégueulasses qui s'ajoutent aux officielles.

Claudette se retrouve donc dans ce cas de figure, contrainte de libérer sa place au profit d'une femme blanche. Sauf qu'elle décide de ne pas le faire. Il faudra que deux policiers la sortent de force du bus, et l'affaire fera assez de bruit pour interpeler quelques figures d'une lutte anti-ségrégation naissante, avant d'aboutir sur une condamnation de la jeune fille, puis sur un oubli total.

Pourtant, son acte courageux va devenir un catalyseur pour Rosa Parks et Jo Ann Gibson, deux femmes engagées respectivement à la National Association for Advancement of Colored People (NAACP) et au Women Political Council (WPC). Elles ont toutes les trois comme point commun d'avoir pris le bus et d'avoir été sommées de laisser leur siège à un blanc ; si Claudette s'est rebellée, les deux autres se sont pliées à la règle sur le moment et ont lutté a posteriori. 

Quand, quelques mois plus tard, Rosa Parks osera dire "non" à son tour, marquant ainsi un tournant dans l'Histoire, il y aura un peu de Claudette Colvin dans son audace et dans le boycott des bus qui suivra. Mais il faut vivre à cette époque et avoir bien suivi l'actualité pour en avoir conscience. Alors, pourquoi la mayonnaise a pris avec l'une et pas avec l'autre ? 



Tania de Montaigne nous explique les multiples paramètres (pas toujours reluisants) qui ont plongé Claudette à l'arrière plan, et ceux qui, au contraire, ont permis à Rosa Parks de se faire entendre à l'échelle nationale. J'ai découvert son texte il y a seulement quelques semaines, pour la simple raison que son édition en poche vient d'être distribuée massivement comme spécimen à aux profs de français et profs doc ; il m'a appris bien plus que n'importe quel manuel scolaire.   

A l'école, on a tous découvert l'horreur de la ségrégation raciale aux États-Unis, quelque part en fin de collège ou au lycée, le temps d'une séquence d'anglais. On n'allait pas en parler en histoire-géo, vu que ça ne concerne ni la France ni l'Europe... parce que nous on n'est pas comme ça, bien sûr, on n'aurait jamais laissé faire des choses pareilles évidemment. Donc oui, on a bien eu un ou plusieurs cours dessus ; mais ça ne suffit pas.


Ici, l'autrice tente une approche immersive
en invitant son lecteur, dès les premières pages, à devenir une femme noire. Ce n'est pas une simple accroche, mais une étape nécessaire à la bonne compréhension du propos : la vie est faite d'embrouilles quotidiennes qu'on ne peut se représenter que si on les vit, que si on se sent directement concerné. Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin ne pourra pas être apprécié pleinement si on ne joue pas le jeu. 

Le procédé fonctionne. A partir de là, tout devient plus clair : les organismes et associations évoqués (NAACP, WPC...), leur rôle, les fonctions de ces gens dont on n'avait jamais entendu parler (Jo Ann Gibson, E.D Nixon), on dont on n'avait qu'une connaissance partielle du parcours (Rosa Parks, Martin Luther King). Les déboires administratifs et les difficultés de ceux qui ont vécu la ségrégation prennent tout leur sens et en viennent à nous choquer personnellement. 


"Vous êtes une femme, donc moins qu'un homme, et vous êtes noire, donc moins que rien. Qu'y a-t-il après la femme noire ? Personne n'est revenu pour le dire."


A travers un essai accessible mais exigeant à la lecture et très documenté, l'écrivaine et journaliste Tania de Montaigne rend un bel hommage à une oubliée de l'Histoire (qui est toujours en vie, d'ailleurs).

Effectivement, le classement en "jeunesse mais + de 14 ans" me semble pertinent ; ça me semble un peu ardu pour les plus jeunes, mais bon après faut voir, c'est du cas par cas ! 

Noire a reçu le prix Simone Veil en 2015 et a été adapté au théâtre. J'ai bien hâte de voir ça.  


lundi 1 mai 2023

[MANGA] Jujutsu Kaisen - 1 - "Ryomen Sukuna" - Gege Akutami (2018)

J'ai voulu lire le début du manga Jujutsu Kaisen car il s'agit d'un titre très réclamé par les élèves du collège. Avec un poil de méfiance, tout de même : s'il est toujours appréciable d'avoir des indications sur ce qui peut plaire à nos lecteurs, il convient de ne jamais perdre de vue que leurs suggestions ne sont pas toujours en elles-mêmes gage de qualité. Après tout, le titre qu'on m'a demandé avec le plus d'insistance en dix ans n'est autre que le livre de Nabilla. Chacun en tirera les conclusions qu'il voudra ; pour ma part, j'ai pris le parti de garder la tête froide en toutes circonstances, dorénavant.      

2018, au Japon. La Terre est peuplée de "fléaux", des monstres nés des émotions négatives des humains et responsables d'un grand nombre de disparitions mystérieuses. Afin de les neutraliser, des exorcistes surveillent discrètement les écoles, les cimetières, les prisons... et autres lieux incubateurs de sentiments désagréables. 

Yuji vient d'entrer en 2nde au lycée de Sugisawa et a choisi d'intégrer le club de spiritisme de son établissement. Il ne croit pas spécialement aux fantômes, mais cela lui permet de finir plus tôt pour aller rendre visite à son grand-père hospitalisé. 


Réunion du club de spiritisme

Une nuit, ses amis du club de spiritisme se retrouvent au lycée afin d'analyser à la lueur d'une bougie un curieux petit objet entouré de bandelettes. Ils se rendent compte avec stupeur qu'il d'agit d'un doigt humain desséché. La bougie s'éteint, l'ambiance change, des monstres visqueux débarquent. Sans le savoir, ils ont malencontreusement réveillé le démon Ryomen Sukuna, un puissant fléau. 

Le jeune apprenti exorciste Megumi est déjà sur les lieux, talonné par Gojo, son prof. Mais sa rapidité d'analyse et sa bonne connaissance des sorts ne suffisent pas à tirer d'affaire les lycéens. Yuji décide alors d'entrer en jeu : fort de ses capacités physiques extraordinaires, d'une promesse faite à son grand-père et d'un mépris insolent du danger, il affronte le fléau aux côtés de Megumi. Il a alors l'idée étrange (mais bonne) de bouffer ce doigt séché afin de cantonner le démon au périmètre de son petit corps.

Pendant ce temps-là, sur Youtube...

Non seulement Yuji ne succombe pas à l'intrusion, mais en plus il gère assez bien l'entité qui le possède et qui apparaît à travers lui, de temps à autres. Si la règle voudrait qu'en tant qu'humain "contaminé", il soit exécuté au nom de la sécurité de tous, Megumi et Gojo bataillent pour lui obtenir un sursis. Ils lui donnent pour mission de retrouver et d'ingérer les autres doigts de Ryomen. En effet, sur le principe des Horcruxes dans Harry Potter, la destruction totale et définitive de ce fléau ne sera possible que lorsque toutes les phalanges disséminées auront été assemblées dans un seul réceptacle : le ventre de Yuji ! 

Je comprends le succès de ce manga shônen touffu et donc bien difficile à résumer ! Si vous aimez les combats de héros drôles malgré eux VS des kaiju dégueu pourvus d'yeux roulants et de chicots improblables, Jujutsu Kaisen va vous plaire. Mais c'est aussi cet aspect horrifique qui me retient de le mettre au CDI du collège pour l'instant.  


Celui-là, il est soft, dites-vous !

Après avoir lu un peu partout sur les sites consacrés à l'univers du manga que la version animée était plus claire et mieux réussie que la bande dessinée, je pense regarder les épisodes de la première saison histoire de voir si la différence est flagrante. 

La suite mérite d'être découverte, quel que soit le support, ne serait-ce que pour l'omniprésence bien maîtrisée de l'humour dans une histoire où la mort et les forces occultes sont au centre des préoccupations. 

Cet équilibre entre les tons, comparable à la cohabitation de Yuji et de Ryomen dans le même corps, constitue la touche d'originalité d'un manga dont le schéma est assez classique, même pour quelqu'un comme moi qui n'y connaît pas grand chose. On y retrouve le héros "élu" au grand coeur aux origines floues qui prend conscience de sa force, les adjuvants un peu dans son ombre mais nécessaires dans les combats, le prof plus gamin que ses élèves, les codes des lycées japonais, la faucheuse comme épée de Damoclès... A voir si les tomes suivants s'embourbent dans les stéréotypes ou s'ils s'en distinguent, au contraire.    

Gege Akuami. Jujutsu Kaisen - 1 - Ryomen Sukuna. Ki-oon Shônen, 2018. ISBN 979-10-327-0554-4

samedi 4 avril 2020

Sauf que c'étaient des enfants - Gabrielle Tuloup (2019)


C'est en écoutant l'émission Etre et savoir sur France Culture, plus précisément l'édition du 12 janvier dernier : "Comment parler de pédocriminalité et de violences sexuelles aux enfants" que j'ai appris la sortie du roman Sauf que c'étaient des enfants de Gabrielle Tuloup. En effet, l'autrice _beaucoup de monde a l'air de s'être rangé sur "autrice" plutôt que sur "auteure" dernièrement, et je suis bien tentée de faire de même_ était invitée, et a pu s'exprimer sur la question. 

Voici un lien vers le podcast. Etre et savoir "parle" en particulier aux personnes en lien direct ou indirect avec le système éducatif français, mais l'émission se veut accessible à tous, donc n'hésitez pas à laisser traîner vos oreilles dans le coin le dimanche après-midi. A plus forte raison si vous êtes parent et que vous angoissez (à tort) de ne pas maîtriser les "codes" et le jargon requis pour communiquer efficacement avec les profs et éducateurs de vos gosses. Voilà pour le coup de pub.     



L'histoire 


Sauf que c'étaient des enfants est un roman ; une mise à distance a été nécessaire pour que j'arrive à garder cette donnée en tête, pour que j'arrive à rester neutre face à cette histoire. 

Surveillants, CPE, professeurs, principal, élèves... Au collège André Breton de Stains, tout le monde remplit son rôle tant bien que mal, chacun apporte sa pierre à l'édifice pour faire "tourner" une machine qui ne garderait pas l'équilibre sans l'une ou l'autre de ses pièces maîtresses. Un jour, un cataclysme s'abat sur tout ce petit monde : la police débarque et embarque huit garçons du collège, tous suspectés de viol en réunion sur une jeune fille habitant la cité voisine. 

Gabrielle Tuloup raconte alors les instants, les jours, puis les semaines qui succèdent à ce formidable coup de pied dans la fourmilière, où les adultes et les enfants vont réagir comme ils le peuvent, avec les armes que leur statut leur accorde, avec leur sensibilité, avec leur histoire personnelle, avec les pressions sociales et culturelles auxquelles personne n'échappe. 

On a raté un chapitre 

Vous l'aurez compris, il ne s'agit pas d'un roman policier. L'intention n'est pas non plus d'anticiper le procès des agresseurs, ni même de suivre Fatima, la jeune fille qui a eu le cran de porter plainte, avec le soutien de sa mère. Comme le dit Gabrielle Tuloup dans Etre et savoir, son roman sert à "poser des questions" dont on n'a pas forcément les réponses, à verbaliser aussi tous ces drames qui se jouent à la maison, qui se poursuivent dans l'enceinte de l'école, et face auxquels les professionnels de l'éducation ne sont pas toujours en mesure de réagir comme il le faudrait, dans l'idéal, malgré leur bonne volonté. Quoi qu'on fasse _ou qu'on ne fasse pas, parce que parfois la sidération prend le dessus, on le fait avec notre conscience professionnelle, avec notre bon sens, mais avec notre personne, nos doutes, avec les casseroles qu'on traîne, aussi. 


mais des fois, on a beau tirer, ça part pas bien... :( 
Sauf que c'étaient des enfants s'organise en trois parties distinctes, de tailles inégales. La première, "Sauf que c'étaient des enfants", occupe environ 110 pages sur 170. La nouvelle du drame et ses conséquences _ les rumeurs, l'accueil de la victime au collège, l'interpellation des élèves, le désarroi parental_ nous sont présentés à travers le regard de différents personnages : le principal, la CPE, les mères, les AED, les professeurs. Il y a ceux qui ont du mal à émerger, ceux qui pleurent, qui se mettent en colère, ceux qui ont l'impression d'avoir failli dans leur métier d'éducateur, ceux qui ne comprennent pas qu'on jette des enfants en pâture à la police. Qui pense à Fatima, cette jeune fille qui n'est pas "leur élève", mais qui aurait pu l'être ? Car ce n'est pas "elle", le problème. Il ne faudrait pas l'oublier. 

La deuxième, "Sauf que c'était moi", se focalise sur Emma Servin, la professeure de français. C'est un personnage clé du roman, qu'on n'a pu que remarquer dans la première partie car elle fait partie de ceux qui ont réagi avec leurs tripes, de ceux qui ont dépassé les limites de leur fonction. Poussée par l'horreur du viol, par les réactions très diverses des élèves et de ses collègues, elle va se lancer dans une démarche d'introspection. Agression, consentement, "devoir conjugal"... il semblerait que tout le monde ne soit pas d'accord sur les définitions de ces mots et sur les limites qu'ils impliquent. Or, si chacun d'entre nous se déplace sur le plateau de jeu en direction de la case d'arrivée, mais que personne n'a les mêmes règles en tête, ça ne fonctionne pas. Ce drame lui a permis de prendre conscience d'un problème qui lui est plus personnel, et qu'elle doit régler, pour son bien et pour celui de ses futurs élèves, peut-être ? La troisième et dernière partie intitulée "Sauve" marque l'aboutissement de sa réflexion.






Parmi les enfants qu'on croise tous les jours dans les couloirs, certains vivent déjà des vies d'adultes, parfois sans le savoir. Je me revois au même âge qu'eux et quand je vois les conditions de vie de certains, je me dis qu'à leur place je me serais foutue en l'air. Du coup, le collège devient le seul endroit où ils s'autorisent à se comporter comme des gosses _et ça les rend d'autant plus agaçants, ahah ! Il n'empêche qu'ils forceraient notre admiration, "si on savait", si on ne s'empêchait pas d'ouvrir les yeux. 

Si, après avoir passé 9 ans (déjà !) aux côtés des collégiens, j'ai vraiment appris à douter de l'idée que "la vérité sort de la bouche des enfants", en terme de capacité de mythos, je crois bien que les petits bordelais et les petits aulnaysiens sont à égalité parfaite !, j'ai compris que tout ce qui est exprimé mérite, sinon d'être pris au sérieux, au moins être écouté, retenu, si possible noté quelque part. On ne sait jamais, rien n'est anodin, et surtout pas leurs blagues... Bon, euh, gardez quand même en tête que si vous êtes "trop gentil", ils vous bouffent, quoiqu'il arrive. Ce sont des humains, pas des petits anges !

Bref, le mieux est encore que vous lisiez au plus vite ce roman de Gabrielle Tuloup ; peu importe que vous soyez un professionnel de l'éducation ou pas : au contraire, comme il présente un bon aperçu du quotidien d'un établissement REP, il sera particulièrement instructif pour un lecteur éloigné du milieu scolaire. Sa lecture est facile, agréable, rien à dire, on y est, dans ce collège. J'ai lu quelque part une critique qui disait que Sauf que c'étaient des enfants était un livre "utile" : la formule me paraît juste.

A la lecture des premiers chapitres, j'ai eu un peu de mal à adhérer aux personnages : le principal s'efforce d'être professionnel, la CPE jongle parfaitement entre autorité et bienveillance, les profs sont cool, droits, impliqués, ils ont compris le caractère indispensable des AED... tous sont pétris de bonnes intentions et me paraissaient très propres sur eux. C'est ce qui m'a fait tiquer. Oh, j'ai connu les mêmes, en apparence. Débordant de belles paroles, de beaux projets, haranguant les foules, pointant du doigt les profs "moins impliqués", prenant les élèves sous leur aile... mais qui, au fond, n'étaient mus que par une soif de reconnaissance de leurs pairs et/ou de la hiérarchie. Bien sûr, ils sont une minorité, mais allez savoir pourquoi, j'ai pensé à eux en lisant ce livre. Enfin voilà, essayons de rester neutre. C'est un roman, une histoire fictive inspirée de faits réels, et il est évident que Gabrielle Tuloup n'avait pas l'intention d'écrire un thriller, donc ne tombons pas dans le piège de la transposition. 

Bien sûr, notre instinct de lecteur amateur d'histoires qui finissent bien voudrait qu'on en sache plus sur le dénouement, sur le devenir de la victime notamment, mais pour le coup, on n'y croirait plus. La "vraie vie" ne fonctionne pas comme ça. Dans la "vraie vie", on rencontre des obstacles, des problèmes qu'on ne règle pas forcément, parce qu'on fait de mauvais choix, ou pire, pas de choix du tout. Sauf que c'étaient des enfants ne culpabilise personne ; il soulève des dysfonctionnement présents à tous les niveaux de la société, et en particulier le non respect des droits des femmes et des droits des enfants. De tous les enfants. 

Prenez soin de vous et n'oubliez pas que 
La shnouf, c'est un fléau !

Gabrielle TULOUP. Sauf que c'étaient des enfants. Ed. Philippe Rey, 2019. ISBN 978-2-84876-784-0 

Désolée pour les fautes, faut que je me relise ! Si ça fait mal aux yeux, lâchez un com ! (pff qui dit encore ça ?)

vendredi 3 avril 2020

[COMICS] Deadly Class - Tome 1 : "Reagan Youth" - Rick Remender / Wes Craig / Lee Loughridge (2014)


Tous les ans, on parle climat de classe et harcèlement scolaire avec les élèves. 
Tous les ans, une question revient. 
"Madame, vous avez déjà été harcelée, vous ?" 
C'est marrant qu'ils choisissent toujours d'aborder le sujet sous cet angle-là.
"Non, pas vraiment. Par contre, j'ai harcelé quelqu'un." 
La surprise est toujours la première réaction. Certains rient en croyant que je viens de faire une bonne blague. D'autres referment aussitôt la porte blindée : "Non madame, c'est sûr que c'est faux". A partir de là, on peut commencer à bosser pour de vrai : apprendre aux victimes à se défendre est aussi important qu'apprendre aux harceleurs à s'identifier comme tels.



L'histoire 

San Francisco, 1987. Marcus n'était pas un garçon plus mauvais qu'un autre, à la base ; mais la mort de ses parents, la violence de l'orphelinat, la rue et bien d'autres épreuves de la vie ont fait de lui une bête enragée fort dangereuse. Si vous ne lui cherchez pas les poux sur la tête, tout se passera bien. Par contre, si vous le poussez à bout, vous lui fournirez une occasion en or de déverser son amertume et sa colère. Marcus est capable du pire, il en est conscient. Est-il un psychopathe ? un sadique dépressif ? un simple connard un peu plus violent que la moyenne ? Peut-être... Comment pourrait-il le savoir ? Il n'a que quatorze ans. Ce dont il est certain, qu'une fois lancé sur la pente du crime, il n'est plus capable de se maîtriser. 

Pour le policier, le petit orphelin rageux est un ennemi à abattre ; pour le citoyen lambda, c'est juste une fréquentation à éviter, ni plus ni moins. Mais pour Maître Lin, le vieux directeur de Kings Dominion, prestigieuse École des Arts Létaux, il est un diamant brut qui attend d'être taillé pour pouvoir exploiter son potentiel.   


Tapi dans l'ombre, le Dumbledore du meurtre confie à quelques uns de ses meilleurs éléments _ la sulfureuse Saya en tête_ la mission de capturer Marcus et de le ramener à ses pieds ; il pourra alors lui proposer un marché : intégrer son drôle de centre de formation, ou rester faire la manche dans les rues de San Francisco.




Têtes de tueurs et mauvaise réputation

Demi-spoiler : en position de faiblesse face à quelques énergumènes de la même trempe que lui, Marcus va accepter la proposition en or de Maître Lin, non sans avoir tergiversé et balancé quelques insultes à la cantonade ! Il lui reste un fond d'orgueil, dont ses futurs copains de classe vont tenter de s'emparer en le rudoyant. Décidément, on a un sens de l'accueil particulier à l'École des Arts Létaux.

Sur ce, on passe au chapitre 2 du premier épisode dessiné de Deadly Class. Il y est question des premiers pas du héros dans le Poudlard du meurtre, sans les "maisons" mais avec ses groupes communautaires bien marqués : le clan des fachos, la bande des drogués, les latinos, les bourges, et bien d'autres. Sans oublier les plus intéressants : les marginaux qui fument de l'herbe dans le cimetière, à la nuit tombée. 

Revêtu d'un uniforme, la nouvelle recrue arpente les couloirs sous les murmures d'adolescents aussi cons et méchants que partout ailleurs. Tous suivent des cours bien particuliers de "psychologie de l'assassin", de "décapitation", de "poison" ; Marcus n'est pas rassuré, car, bien qu'il soit formellement interdit aux élèves de s'entre-tuer (c'est même la règle d'or), il sait pertinemment que la mort n'est pas toujours la pire des options ! Si son instinct lui souffle de se la jouer loup solitaire, sa raison l'encourage à s'entourer d'alliés. 


C'est peut-être parce que j'y connais rien et parce que je m'émerveille de tout, mais je trouve que Rick Remender présente avec beaucoup de clarté un héros à la psychologie complexe, connaissant des difficultés à se positionner par rapport à ses semblables, probablement fragile psychologiquement, peut-être mytho avec lui-même et par conséquent avec nous, les lecteurs. Si j'avais quinze ans de moins, je m'identifierais sûrement beaucoup à lui ; ce serait à la fois rassurant et effrayant.  


D'ailleurs, le premier DM de Marcus, c'est un travail en binôme ! Chaque groupe a jusqu'au lendemain matin sans faute pour assassiner un clochard et faire disparaître le corps. Attention, il faudra prendre soin de tuer un type qui mérite ce sort tragique : il ne s'agirait pas de tuer des innocents pour les simples besoins d'un cours ! On n'est pas des bêtes !   

Faire trépasser un clodo ? Une formalité pour l'apprenti meurtrier ! Or, l'affaire est plus compliquée pour son pote Willie, pourtant reconnu par tous comme chef de bande. Alors que le vieillard détale sous la menace, il n'arrive pas à appuyer sur la gâchette de son arme et le laisse filer. Marcus n'en revient pas. Comment peut-on avoir aussi peu de cran et arriver à faire son chemin à l'Ecole des Arts Létaux ? 

En effet, et on s'arrêtera là pour la comparaison avec Harry Potter, promis, l'entrée dans cet établissement fait l'objet d'une sélection. Si vous voulez obtenir le sésame, deux possibilités s'offrent à vous : soit vous êtes issus d'une famille de tueurs dont le pedigree est reconnu, soit vous êtes un "moldu" du crime, une personne qui a réussi à faire ses preuves sans l'aide de papa et maman. A priori, Willie fait partie de la deuxième catégorie, puisqu'il se vante d'avoir abattu les agresseurs de son père, lorsqu'il avait douze ans. Mais la vérité est un peu différente, et bien moins "flatteuse" pour lui ; il n'est pas question d'en parler : Willie sait à quel point il est important d'avoir une "réputation", de soigner les apparences. 
      
En levant le voile sur le passé de ce personnage, les auteurs nous laissent entendre qu'il faudra compter sur lui par la suite. Car, aussi improbable que cela puisse paraître, Marcus va rapidement se faire un cercle de copains composé entre autres, de Billy, Saya, Maria et Willie. On les découvre petit à petit, lorsqu'ils embrigadent "le nouveau" dans une sortie clandestine à Las Vegas où le lecteur et les personnages vont en voir de toutes les couleurs ! .  

  • Billy a un rêve : tuer son père, qui est un "joueur invétéré", un véritable poison pour sa famille. Bien qu'il ait été placé dans cette école pour "s'endurcir", le programme n'a pas encore complètement fait ses preuves et il voit en Marcus l'opportunité de déléguer le sale boulot à quelqu'un. Il est plus ou moins l'instigateur de la fameuse sortie à Las Vegas où le héros va découvrir les joies du LSD.   




  • Maria et Saya sont les "meilleures amies du monde" ; regardez bien cette vignette qui marche sur la planche avec ses un gros sabots, comme pour nous dire : "attendez qu'un mec se glisse entre les deux, on va rigoler !


Bien qu'elle s'affiche avec le très possessif Chico, Maria dévoile très vite sa ferme intention de bouffer du Marcus, quitte à faire appel aux pouvoirs magiques de la drogue. Elle n'aura pas besoin de glisser quoi que ce soit dans son verre pour arriver à ses fins, puisque le principal intéressé va se défoncer au LSD de sa propre initiative. 

Ah au fait, vous vous souvenez ? Il a quatorze ans... 

Son coup de foudre et son tempérament de prédatrice vont pas mal influer sur le déroulement du week-end. Toute en exubérance, même si Saya arrive un peu à la canaliser, elle nous montrera une façon bien particulière d'utiliser un éventail... Je n'en dirai pas plus sur cette joyeuse bande, car ce serait empiéter sur le deuxième tome de la série. 


Folle chronologie 

Ouais, je viens de terminer le tome 2 : c'est même lui qui m'a convaincue de relire le premier afin de mieux le comprendre. En effet, j'ai eu un peu de mal à entrer dans l'oeuvre, et ce pour plusieurs raisons. 

D'abord, le trait de Wes Craig m'a rebutée, à la lecture des premières pages, sans que je puisse dire pourquoi. Possible que j'aie été influencée par l'histoire, présentée comme bien glauque dès le début. Il m'a semblé que tous les visages avaient été peints de façon à mettre en évidence la laideur et la folie, ce qui étaient peut-être bien le cas, en fait. Mais j'ai fini par m'y faire, de la même façon qu'on finit par s'habituer à son reflet dans la glace. Son travail est appuyé par Lee Loughridge, qui démontre de bout en bout qu'on ne met pas de la couleur dans une BD juste pour faire joli : il arrive notamment à traduire l'ambiance d'une planche rien qu'en lui attribuant une couleur dominante (rouge sang, bleu sombre, rose... LSD ?), ce qui ne manquera pas de rappeler aux lecteurs d'aujourd'hui les filtres Instagram et autres. 


Ensuite, l'histoire n'est pas linéaire dès le début ; si on se met deux minutes à la place des auteurs, on se dit qu'il aurait été bien difficile de procéder autrement que par flash-backs, mais c'est quand même un peu déstabilisant de passer de 1980 à août 1987, pour avancer en novembre et revenir en arrière de deux ans. Au moins, ça force à s'accrocher ; personne n'a jamais dit qu'il était facile de lire une BD, et c'est ça qui est bon aussi. D'autant plus que dans Deadly Class, les dates semblent avoir leur importance. On imagine bien que si la capture de Marcus par ses futurs camarades de l'École des Arts Létaux se produit un 1er novembre, ce n'est pas le fruit du hasard. Le héros lui-même est prisonnier de sa date d'anniversaire qu'il partage avec son ennemi juré, sa cible ultime, celui qu'il considère comme responsable direct ou indirect de tous ses déboires : le président Reagan.

Pas forcément fan de Deadly Class l'issue d'un premier emprunt à la bibliothèque, une seconde lecture aura été nécessaire mais bénéfique. A présent _c'est peut-être un effet du confinement, je suis plutôt curieuse de découvrir la suite et de voir ce que donne la série inspirée des comics. 

Note importante : bien que les personnages aient l'âge d'aller au collège ou au lycée, ce comics ne s'adresse certainement pas aux enfants ! Accessible à partir de la 4ème - 3ème, éventuellement, et encore, pas aux âmes sensibles ! Vraiment attention, c'est plutôt violent...

Rick REMENDER ; Wes CRAIG ; Lee LOUGHRIDGE. Deadly Classe 1 - Reagan Youth. Urban Comics, 2014. ISBN 978-2-3657-7594-6

Bonus confinement !
C'est gratuit (et ça le restera toujours)