jeudi 14 novembre 2013

L'hérésie du mois : J'aime pas lire Jules Verne (même en BD) : Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne - Loïc Dauvillier / Aude Soleilhac (2008 - 2010)


Woohh non pas lui !  


Comme je n'ai jamais su trop quoi penser des adaptations BD de la littérature classique, c'est avec une certaine réserve que je me suis lancée dans la lecture des trois albums reprenant Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. D'autant plus que je ne suis pas, non plus, spécialement fan de cet écrivain précurseur de la science-fiction. Ce n'est pas faute de m'y être accrochée, depuis l'adaptation jeunesse de Cinq semaines en ballon jusqu'à l'intégrale des Voyages Extraordinaires en grand format avec la couverture imitation Hetzel. Mes parents pensaient que ces romans étaient une valeur sûre pour mes goûts de petit mec, et leur initiative mérite bien d'être saluée au passage, mais... non ! La mayonnaise n'a jamais pris. D'une part, ses visions futuristes n'avaient plus rien d'impressionnant à mes yeux, puisque toutes les fantastiques chimères de l'auteur (ou presque) avaient trouvé leur incarnation dans le monde réel ; d'autre part, ses héros étaient des gonzes antipathiques ou beaucoup trop perchés pour moi. Voire les deux. Même l'adaptation animée de 20000 lieues sous les mers me gonflait à mort : qu'il se noie dans son sous-marin, et qu'on en finisse, bordel !

"Il fallait bien que ça sorte un jour ! et c'est pas un hasard si ça sort maintenant !" 
(Bien dit.) 

20000 lieues sous les mers !
(rires en boîte)
Tout ça pour dire que mes chances de trouver les BD chiantes au possible ne sont pas minces. Par conséquent, les conseiller aux gosses pourrait s'avérer bien plus difficile qu'à l'accoutumée.

Oui, hurlez un bon coup et passons à autre chose. Tout comme je l'ai fait il y a bien des années, en voyant Flore, la fille de Babar, s'extasier devant l'artiste venu à la rencontre des trompes royales via sa machine à remonter le temps.

Cons d'éléphants modèles, va ! et dire que le fils du méchant traîne avec eux !

Le Tour du Monde en 80 jours 

Allez, pas de jugement hâtif ! Abordons la situation d'un regard neutre et professionnel.

Je ne me souviens plus vraiment de l'histoire, si ce n'est qu'un maniaque de la ponctualité décide sur un coup de tête de parier qu'il va réussir à faire le tour du Monde en 80 jours, pas un de plus ni de moins. Ce livre m'avait quand même bien marquée, parce que le héros était, comme souvent dans les romans de Jules Verne, accompagné d'un brave larbin nommé Passepartout. Sauf que pour moi, Passepartout c'est LUI et personne d'autre :

wesh !

Autant dire que j'ai mentalement traversé l'Asie et les océans avec sa tête en arrière plan.

Il m'était totalement sorti de l'esprit que, dans l'histoire, le moment du départ de Philéas Fogg coïncidait presque parfaitement avec le vol de 50000 livres commis à la Banque d'Angleterre. Pour Sir Fix, le détective, Fogg est le suspect n°1 : ce voyage autour du monde ne serait rien moins qu'une fuite déguisée afin d'échapper à la justice. Cela expliquerait aussi pourquoi le "gentleman" anglais n'hésite jamais à mettre la main à la poche pour gagner dix minutes. Cela expliquerait aussi le prix des sandwiches à la gare ?

"ça vous fera 456,46 euros, bon appétit !"

L'adaptation de Loïc Dauvillier et Aude Soleilhac découpe l'oeuvre en 3 albums intitulés Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne, (Volume 1, Volume 2 et Volume 3). 

Où est Charlie ?

Dans le volume 1, on nous présente Philéas dans ses manières d'excentrique raffiné, un peu marginal au sein du Reform Club dont il fait partie, un peu con trop exigent avec ses majordomes successifs, aussi. Le dernier malchanceux recruté par le lord n'est autre que Jean Passepartout, un jeune homme français plein de bonnes intentions qui ne tarde pas à se demander où il a bien pu tomber. Le vol de la Banque d'Angleterre est succintement évoqué, de même que les paris pris Philéas Fogg et ses amis du club : tous s'accordent à dire qu'il est impossible de faire le tour du Monde en 80 jours, lui pense que si, et d'ailleurs, il va le leur prouver sur le champ. Et hop, le voilà qui saute dans le train avec Passepartout et... rien d'autre, à vrai dire. Fix a bien du mal à suivre la cadence, mais il parvient pourtant à faire ami-ami avec le majordome sans vraiment décliner son identité _le fourbe ! Quelques vignettes plus tard, il arrivent à Bombay, où le larbin officiel de Fogg se prend un bon marron après avoir refusé d'ôter ses chaussures en entrant dans un lieu de culte. Ce moment constitue d'ailleurs la seule et unique scène d'action de l'album.  


Sorti un an plus tard, le second album est plus énergique.

GRILLÉS !!!!!!!!!

En traversant la jungle indienne avec leur guide, Philéas et Passepartout tombent sur un cortège funèbre dont ils ne saisissent pas tous les enjeux. Ils comprennent peu à peu qu'un homme est mort et que la tradition veut que sa femme meure elle aussi. Les deux touristes se mettent en tête de sauver la fille des griffes de sa tribu et ils y parviennent : désormais, elle continuera le voyage avec eux. On sent un léger suspense : de Fogg ou de Passepartout, lequel arrivera à la choper ? En attendant d'en savoir plus, quittons l'Inde pour Hong-Kong.


"On va tous mûrir !"

Le troisième et dernier album est celui de la course contre la montre pour un retour express vers l'Angleterre. Alors que Philéas Fogg considérait toujours qu'il était assez "large", le voilà pris de méchants coups de stress. Les réelles motivations du détective Fix ont été devinées par Passepartout, mais les situations extrêmes dans lesquelles les personnages se placent rendent la cohabitation indispensable.

Que dire de cette adaptation en bande dessinée ? Le scénario réussit à mon avis à alléger l'histoire et à faciliter sa compréhension auprès des jeunes lecteurs ; forcément, l'accent est mis sur les aventures des personnages, au détriment de tous les éléments scientifiques et techniques qui relèvent plutôt de la science fiction. Du coup, le fond de commerce de Jules Verne est perdu ; même si Le tour du Monde en 80 jours n'est pas, dans mon souvenir, le roman le plus débordant d'inventions délirantes ultra détaillées, il n'est pas le non plus la "simple" histoire d'aventure qu'il devient ici. Quant au dessin et à la coloration... euh c'est pas parce qu'on est au XIX°siècle qu'on est forcément obligé de faire une BD en bois ! Plus sérieusement, il me semble que c'est un peu sombre, tristounet et trop marron ; mais cela reste une impression personnelle. Et puis ça me perturbe que le détective Fix soit roux. Je ne suis pas la seule à ne pas être convaincue par la couleur : une de mes collègues prof de français s'est montrée plutôt sceptique en feuilletant le troisième volume, que je m'apprêtais à saisir dans la base du CDI, et a laissé entendre que c'était plutôt moche. Pourtant, il y a dans les dessins d'Aude Soleilhac quelque chose qui rappelle les gravures illustrant les volumes des éditions Hetzel ; une force est à puiser de ce côté-là, mais je ne m'y connais pas assez pour me lancer là-dedans.


  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 1). Delcourt, 2008. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-0472-3



  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 2). Delcourt, 2009. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-1101-1



  • DAUVILLIER, Loïc ; SOLEILHAC, Aude. Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne (Vol. 3). Delcourt, 2010. Coll. "Ex-libris". 48p. ISBN 978-2-7560-1729-7



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