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mercredi 1 mars 2023

Trashed - Derf Backderf (2015)

Tout juste revenu d'un stage catastrophique où il avait poussé tout le monde à bout, aussi rapidement et sûrement qu'au collège, Julien s'était exclamé : "Je m'en fous, je vais faire éboueur. Personne ne veut l'être, et pourtant c'est une bonne place. Ok, tu pues, mais tu es fonctionnaire et tu gagnes une brique par mois. Et pas besoin des maths et de la chimie !

_ Tu sais qu'il faut être pistonné par la mairie pour avoir sa place ! Donc ne te fais pas trop remarquer d'ici tes dix-huit ans..!", avait répliqué le prof de physique-chimie plus ou moins blasé. "Eh non, tu n'es pas le seul à connaître la combine !" 

Les deux étaient dans leur rôle, puisque l'un provoquait en espérant que l'autre lui clouerait le bec, et les deux avaient tort. Éboueur est un métier indispensable mais usant et ingrat à bien des niveaux ; il n'a jamais été une "planque" que pour les cons qui estiment que ceux qui n'ont jamais pu s'insérer dans système scolaire ne devraient pas être autorisés à avoir une vie professionnelle décente. 


Derf Backderf est un journaliste et dessinateur de presse américain qui consacre maintenant son activité à l'écriture de bandes dessinées ; il est notamment connu pour avoir publié Mon ami Dahmer, un album primé au FIBD d'Angoulème en 2014, dans lequel il parlait de la jeunesse du tristement célèbre Jeffrey Dahmer, qu'il a eu l'occasion de croiser lorsqu'ils étaient au lycée. 

Un peu plus tard, en 2015, Trashed fait son apparition en librairie. Encore une fois, l'auteur s'inspire d'une expérience personnelle pour nous raconter le quotidien d'un jeune éboueur intérimaire dans le service d'entretien d'une petite ville des États-Unis, depuis son recrutement en automne jusqu'à la refonte de l'équipe à l'été suivant.

L'album s'ouvre sur une introduction de l'auteur, dans laquelle il explique que cet album est une version actualisée, enrichie et plus fictive d'une précédente publication datée de 2002 : Trashed, true tales from the back of the garbage. Puis les premières planches abordent rapidement l'histoire du traitement des déchets, de l'Antiquité à nos jours, avant de nous faire entrer dans le vif du sujet : les tribulations cocasses ou cruelles de J.B, le personnage principal, structurées en quatre grands chapitres représentant chacun une saison. 

J.B a laissé tomber la fac et ne semble pas pressé de trouver un travail. Un jour, sa mère lui met sous le nez une annonce de la mairie : on cherche un employé pour compléter l'équipe d'entretien. J.B tente sa chance, pensant qu'il va s'occuper des espaces verts de la ville ; le lendemain, il se retrouve à sa grande surprise à l'arrière d'un camion-poubelle et fait l'expérience des aspects les moins ragoûtants du métier. 




Il retrouve bientôt son pote Mike ; tous deux vont former un binôme à la fois drôle et critique sur cette ville qu'ils connaissent depuis toujours. Ils comprennent que le contenu des poubelles et la façon dont elles sont mises à disposition disent bien des choses sur les habitants et sur la considération qu'ils ont pour les éboueurs. 


On devine que le jeune Derf Backderf a pris conscience des rouages du monde professionnel à travers ce boulot temporaire : l'importance de la ponctualité _pour certains plus que pour d'autres_, le flicage du chefaillon qui n'a pas le bras aussi long qu'il le voudrait, les collègues bizarres mais sympas, les imprévus humains ou techniques...  



Au-delà d'un retour en BD sur une expérience de vie _dont il dit avoir voulu se détacher, l'auteur fait ici la lumière sur un secteur d'activité méconnu et assez rarement abordé en dessin : le traitement des ordures ménagères, de la poubelle à la décharge.    


C'est aussi l'occasion pour lui de parler de la société de son temps : en effet, à travers les poubelles des uns et des autres, parfois de ceux qu'il a toujours connus, J.B tire plein de déductions sur le civisme en général, sur la façon de consommer et de jeter. Même si les tournées ne dépassent pas les frontières de cette petite ville de l'Ohio, ses observations parleront à beaucoup d'habitants des pays développés.     

Trashed ne propose pas une intrigue, avec son début, son milieu et sa fin ; c'est une œuvre fictive mais qui a quand même vocation à informer _l'auteur n'est pas dessinateur de presse pour rien. L'idée d'avoir créé des personnages tous plus étranges les uns que les autres, et de les avoir mis en scène dans des situations déjantées est bonne car elle donne un rythme à l'ensemble ; un reportage dessiné sur le quotidien des éboueurs aurait bien sûr permis de faire passer le message, mais ç'aurait été ennuyeux. L'aspect documentaire se ressent déjà assez dans les répliques, et casse un peu le naturel des dialogues.  Mais ce n'est pas trop lourdingue non plus ; on peut aussi saluer le travail du traducteur Philippe Touboul, qui n'y est pas pour rien. 

Les amateurs de Derf Backderf, reconnaitront le style bien particulier de ses bonhommes et bonnes femmes aux grosses têtes expressives, tellement éloignés des canons de beauté habituels. Comme dans Mon ami Dahmer, ses décors ont des airs de gravure, mais cette fois-ci, l'artiste a opté pour une couleur en nuances de bleu-vert sûrement mieux appropriée au petit monde des poubelles. 



Si vous vous intéressez aux comics, et pas seulement à ceux qui parlent de super-héros, voici un titre à connaître : Trashed est cru, marrant et surtout très instructif _ même 10 ans après sa sortie ! J'ai particulièrement aimé l'ambiance du "trou perdu" où tout le monde se connaît, pour le meilleur et pour le pire : il me parle bien !    

Public : adultes - accessible 16 ans et plus, à cause des gros mots et des blagues de cul. Sinon ça passe dès la fin du collège. 

Est-ce utile que j'ai eu connaissance de ce titre grâce aux Mystérieux Étonnants (épisode 522)
   
Derf Backderf. TRASHED. Ca et là, 2015. Trad Philippe Touboul. 238 p. ISBN 978-2-36990-216-4









 



samedi 24 septembre 2022

[LECTURE] Découvertes du mois de septembre : Melinda / La ligne de courtoisie

N'ayant pas beaucoup de temps en ce moment pour alimenter ce blog, je me résigne à tenter des publications plus courtes. C'est un bon exercice, même si ce n'est vraiment pas mon préféré !

Aujourd'hui, il sera question de deux livres publiés il y a dix ans (une BD et un roman) et découverts ces derniers jours. 


Melinda - Halfbob (2012) - Bande dessinée

États Unis, début du XXe siècle. A la mort de sa femme Melinda, Théodore Johnson à acheté un cirque dont il est devenu le directeur. Il peine à le faire vivre : entre la crise et le cinéma, les clowns et les lions en cage ne pèsent pas lourd.


En proie à ses démons _l'alcool et sa culpabilité dans la mort de Melinda, il aurait déjà sombré si son collaborateur Hans ne le tenait pas à bout de bras !

La vie suit son cours au rythme des roulottes, des surprises et des femmes à fausse barbe, jusqu'au jour où Théodore tombe sur Caleb et ses fascinantes crises de démence...

 Une BD très sympa, au graphisme net et sans bavure, très courte... trop courte ! Je pensais que Melinda n'était que le premier tome d'une série, et apparemment non. C'est dommage car tous les ingrédients d'une histoire à succès sont réunis : humour noir, émotion, monde du cirque wtf, fantastique, paranormal... Mais dans une version trop light !

Public cible : adultes ; les enfants peuvent lire cette BD qui ne contient pas d'images violentes à proprement parler, mais les représentations de l'alcool et de l'ivresse sont quand même assez nombreuses. 

Halfbob. Melinda. Éditions Poivre & Sel, 2012. 48 p. ISBN 9782875470102


La ligne de courtoisie - Nicolas Fargues (2012) - Roman

Tout plaquer et aller vivre à Pondichéry... Voilà la solution que trouve un écrivain en perte de vitesse pour ne plus se faire piétiner par ses semblables. Qui sait, peut-être retrouvera-t-il l'inspiration, une fois posé à l'autre bout du monde ?

La Ligne de courtoisie raconte d'abord les derniers jours à Paris de ce héros au destin ballotté par les conséquences de décisions prises pour plaire aux autres. Il est ensuite question de sa difficile installation en Inde.



Les portraits des personnages sont d'une précision bluffante. Nicolas Fargues est un fin observateur des hommes et sait fort bien retranscrire ces petits détails qui disent tant d'une personne. Son écriture est un modèle à suivre pour qui s'efforce de poser les bons mots sur ses pensées. C'est du bonbon pour les yeux !

➖ Petit bémol. On ne sait pas trop où on va, lorsqu'on lit ce livre. Comme le héros, d'ailleurs _et c'est sûrement fait exprès ! Mais je ne suis pas fan des histoires qui n'ont ni début, ni fin, ni fil rouge reliant les deux..

On a l'impression que le héros se victimise et se lamente plus qu'autre chose. Il se dit brimé par ses enfants, ignoré par son éditeur, floué par les propriétaires véreux... OK, mais quand va-t-il se décider à taper du poing sur la table ?

➕ Heureusement, le réveil aura lieu, tardivement certes, mais jubilatoire malgré tout. 

A lire, au moins pour découvrir le style de l'auteur.

Public cible : adultes 

Nicolas Fargues. La ligne de courtoisie. POL, 2012. 176 p. EAN 9782818014776  

vendredi 24 septembre 2021

[MANWHA] La Bicyclette Rouge - 1 - "Yahwari". Kim Dong Hwa (2005)

Le vent me soufflait dans la figure, mais ce n'était pas désagréable en soi. On était au mois de mai, la route était sèche. Tout allait bien, mais j'étais tétanisée de peur en descendant le boulevard à vélo, les mains tellement serrées sur le guidon et sur les freins que c'était un coup à se faire des cloques. Serrée sur la file de droite, je sentais les voitures me frôler jusqu'à remettre en cause mon équilibre, et j'appréhendais le rond point que j'allais devoir prendre cent mètres plus bas. David était un habitué, et, bien que parti plus tard du collège, il m'avait rattrapée car il avait l'art de se glisser entre les voitures avec assurance. 

"J'ai trop peur, je comprends rien à ce qui se passe ! C'est rare que je vienne à vélo." C'est tout ce que j'avais trouvé à lui dire mais bon, c'était mieux que rien. 

"C'est simple ! Si le feu est rouge tu t'arrêtes, et si c'est vert, tu avances !" Avait-il dit en rigolant, et il m'avait proposé qu'on prenne le même chemin pour rentrer, vu qu'on habitait dans le même secteur. Il suffisait qu'il sorte une connerie de ce style pour qu'on soit aussitôt convaincus que tout allait bien se passer. 

J'avais quand même décliné la proposition, par peur de me casser la gueule à côté de lui. La fierté m'avait poussée sur l'itinéraire bis, comme toujours. Il ne s'en était pas offusqué car il était du genre à prendre les gens comme ils étaient et les choses comme elles venaient. Son vélo rouge et argenté s'était faufilé dans les embouteillages avant de disparaître. 



C'est la première fois que je lis un manwha, un "manga coréen" ; à vrai dire, je n'avais pas spécialement l'intention de commencer, mais en passant en revue le rayon manga de la bibliothèque Marguerite Duras, je suis tombée sur le tome 1 de La Bicyclette Rouge, de Kim Dong-Hwa. Sa couverture blanc cassé, sur laquelle est seulement dessiné un jeune cycliste au visage serein levé vers le ciel était fort parlante. Quelques jours plus tôt, je ne l'aurais peut-être même pas remarqué. Mais là, je l'ai emprunté et j'ai commencé à le lire dans le RER. 

L'histoire,... 

... ou plutôt les nombreuses petites histoires qui composent cette BD racontent la tournée quotidienne d'un facteur sillonnant le village coréen de Yahwari avec son vélo rouge. Au fil de son parcours somme toute routinier, le jeune homme ne s'ennuie jamais : il fait parfois des rencontres insolites, aime discuter avec les habitants _qui sont souvent des personnes âgées isolées, s'accorde quelques pauses sur le chemin du retour pour s'extasier devant la beauté du paysage rural. 

Ses pérégrinations nous donnent un aperçu de ce à quoi peut ressembler la vie à la campagne, en Corée, j'imagine, mais je n'ai pas suffisamment de connaissances sur ce pays pour l'assurer. De toute façon, les frontières s'effacent devant les micro-drames qui ponctuent la vie de Yahwari : d'où qu'on vienne, on reconnaîtra bien une vieille voisine ou un copain derrière certains villageois.   



Avec son enchaînement de portraits qui tiennent sur deux planches, parfois un peu plus, cette BD ressemble à un recueil de poèmes organisé en grands chapitres thématiques dont le titre commence presque toujours par "histoires de" _ "histoires de mères", "histoires de fleurs", "histoires des gens de là-haut". Mais la poésie ne se ressent pas que dans la forme du livre : elle est présente partout : dans les boîtes aux lettres des plus créatifs, dans les paysages doux et colorés, autour des bancs des habitants les plus âgés, sur le visage (presque) toujours souriant du facteur qui sert de fil rouge à l'ensemble... 

Jeunes, vieux, riches, pauvres, munis d'un téléphone portable (la BD est sortie en 2005 en France, remember les premiers portables à clapet !) ou complètement déconnectés... Tous attendent le messager, tiraillés entre l'impatience de le voir venir et la crainte de ne rien avoir. La lettre qui arrive rappelle qu'on existe pour quelqu'un et fait immanquablement chaud au coeur ; au contraire, la boîte aux lettres vide nous renvoie cruellement notre solitude en pleine tête.  

J'avais le Motorola V220 ; il a tenu sept ans, le bougre ! 

L'énigme sous la casquette 

Que sait-on de l'homme au vélo à l'issue des 140 premières pages de la série ? Pas grand chose. Où vit-il exactement ? Comment s'appelle-t-il ? Ce n'est pas dans ce premier opus qu'on aura la réponse, en tous cas. Il est ici résumé à sa fonction ; d'ailleurs, le titre-même de la série _ La Bicyclette rouge_ ne lui laisse aucune place. Pourtant, il n'est pas non plus complètement transparent : il s'adresse au lecteur, aux habitants, il n'a aucun mal à exprimer ses émotions, ses goûts, à parler de ses centres d'intérêt et à faire preuve d'empathie. Il semble avoir une vie solitaire et sans souci, comme hors du temps ; mais en fait, on n'en sait rien. On en apprend beaucoup plus sur la vie des gens qu'il visite que sur lui-même. 

  

 
Peut-être faut-il voir dans ce jeune facteur à couette une incarnation du temps présent ; il est là, on le regarde passer sans s'en rendre compte, car on est trop préoccupé par ce qu'il va vous apporter pour en profiter. D'ailleurs, seuls les vieux, les philosophes et les poètes parviennent à l'apprécier pour lui-même. 

Vous l'aurez compris, on n'est pas du tout dans Bienvenue chez les Ch'tis, mais plutôt dans "bienvenue au pays des gens qui soufflent sur les fleurs de pissenlits et qui trouvent leur envol fascinant". Vive la quiétude, les tons pastels, les couchers de soleil à la campagne, la nostalgie des vieilles mères qui attendent en vain des nouvelles de leur descendance overbookée, les frères et sœurs qui sollicitent le facteur pour s'envoyer des citrouilles parce que "c'est sur son chemin". 



Un peu de douceur ne fait pas de mal, et j'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture ; elle est tombée à point nommé, et je compte bien poursuivre la série. C'est du bonbon pour les yeux et pour l'esprit. Mais tout le monde n'aimera pas, c'est certain.  

Kim Dong Hwa. La Bicyclette Rouge - 1 - "Yahwari". Paquet, 2005. 140 p. ISBN 2-88890-022-X


dimanche 22 août 2021

[MANGA] Amanchu ! - 1 - Kozue Amano (2011)

A moins que je ne me trompe, c'est en écoutant le podcast Mangadiscovery _le cousin de ComicsDiscovery qui ne dépareille pas la famille_ que j'ai entendu parler d'Amanchu !. J'avais alors noté le titre sur une feuille volante sans plus d'indications, en vue d'un prochain passage à la bibliothèque. Du coup, mercredi dernier, en faisant le tour des structures nécessitant le pass sanitaire afin de rentabiliser au max mon dernier viol de nez, j'ai emprunté ce manga alors disponible dans la section jeunesse de la médiathèque, sans plus trop savoir de quoi il était question.  

Je crois que je cherchais surtout une lecture légère après pas mal de découvertes superbes mais plus tristes les unes que les autres.  


L'histoire 

Hikari a 15 ans, elle vit avec sa grand-mère qui tient une boutique de matériel de plage au bord de la mer. Nous sommes au début du printemps, ce qui veut dire qu'au Japon c'est la fin des vacances et le début d'une nouvelle année scolaire. Afin de ne pas trop stresser pour sa rentrée au lycée Yumegaoka qui a lieu le lendemain, Hikari veut passer son dernier jour de tranquillité à faire de la plongée, car c'est sa passion ultime. 

Alors qu'elle arpente des fonds marins qu'elle semble déjà connaître par cœur, une jeune fille de son âge nommée Futaba stoppe son scooter devant la boutique de la grand-mère, avec qui elle échange quelques mots. On y apprend qu'elle vient d'arriver dans la région et qu'elle va aller dans le même lycée que Hikari (heureuse coïncidence). 

Les deux filles vont seulement se croiser ce jour-là, mais elles auront l'occasion de se parler dès le lendemain puisqu'elles seront, contre toute attente ! dans la même classe. 


Le feu et la glace 

Allez, si on commençait l'année par une intrusion dans la piscine du lycée ? C'est sans doute ce qu'a pensé Kozue Amano lorsqu'elle a voulu dessiner la naissance de l'amitié unissant "Pikari", surnom issu de "Hikari" et de "Pika", qui veut dire "lumineux" _ ahah, je viens de faire le lien avec Pikatchu, et "Teko", rebaptisée ainsi car elle a un front haut. 

J'étais sûr que Futaba allait mal prendre ce blase trouvé en trente secondes par la petite Hikari, souvent dessinée sous des traits d'enfant de 8 ans, pour souligner sa candeur et son explosivité ? mais pas du tout ! Elle semble l'accepter aussitôt... comme un peu tout ce que lui proposera la pro de plongée dans les pages suivantes.

Voilà ce qui est à la fois étonnant et assez juste dans la composition des personnages et de leur relation : à première vue, les deux élèves de seconde ont tout pour se détester. Alors que Hikari nous apparaît comme enjouée, dynamique et excessivement bavarde, Futaba semble préférer le calme et la discrétion. Visiblement, elle se soucie beaucoup de l'image qu'elle renvoie. On sent que le côté pile électrique de sa comparse la laisse partagée entre admiration et agacement, mais au final, c'est la curiosité qui l'emporte.


Elles vont très bien s'entendre et se reconnaître comme complémentaires. Hikari, qui dissimule son malaise en jouant les moulins à paroles et en soufflant frénétiquement dans son sifflet de plongée _même en classe... va trouver en Futaba l'oreille attentive dont elle a besoin. "Teko" arrive à se lancer dans des aventures (plus ou moins bien inspirées...) qu'elle n'aurait pas songé à entreprendre seule. 

Comme entrer par effraction dans la piscine du club de plongée du lycée, par exemple, histoire de jeter un oeil au bassin et d'essayer quelques combinaisons... Après deux ou trois longueurs, leur amitié est scellée, et Teko n'est pas loin de se laisser tenter par la discipline de prédilection de sa pote. Un cours théorique des rudiments de la plongée dispensé par leur prof principale, qui est aussi l'adulte en charge du club, va finir de la convaincre. 

A noter que ce chapitre explicatif, qui clôture ce premier tome d'Amanchu! est intéressant puisqu'on s'y familiarise avec quelques unes des préoccupations quotidiennes des plongeurs. Il est question du lien entre la pression et la profondeur, des techniques à connaître pour se déboucher les oreilles et pour remonter efficacement à la surface sans faire exploser ses poumons (en gros)...  

Gné. 

Hormis le coup de la piscine, il ne se passe rien de bien trépidant dans ce volet d'exposition du décor et des personnages, et cela peut se comprendre car l'autrice avait pas mal de choses à nous dire. Il faudra lire les chapitres suivants pour juger de la qualité des péripéties, mais je ne m'inquiète pas à ce sujet.  

Pas besoin d'aller plus loin cependant pour affirmer que ce manga a le mérite d'exister, au moins pour deux raisons : 

  • Le sujet principal est la plongée sous-marine, sport rarement abordé en BD, me semble-t-il. Ca change du foot et du basket... 
  • Amanchu! est classé en "shônen" (=manga aventure ou sport) et il est porté par des filles ; ce qui était bien rare en 2011, année de sa sortie en France.  

Bizarrement, Amanchu! m'a rendue assez nostalgique. Il m'a beaucoup rappelé mes premières heures au lycée, et ma rencontre avec Mélanie, une copine dont j'ai déjà parlé ici, ici, ici et même . Je me souviens que cette mini météorite était venue s'écraser à côté de moi sans me connaître, le jour de la rentrée, et qu'elle avait tout de suite engagé la conversation alors que je n'avais pas du tout envie d'avoir d'interactions avec qui que ce soit. Je connaissais déjà tout son CV depuis la maternelle avant que le prof d'italien M. Roger ait fini de copier l'emploi du temps au tableau. Son débit de paroles m'avait à la fois bluffée et exaspérée. Comme Futaba, j'ai compris un peu plus tard que cette apparente aisance n'était pas forcément naturelle et servait surtout à gérer des situations angoissantes.     

Kozue AMANO - Amanchu ! 1 - Ki-oon, 2011. 176 p. ISBN 978-2-35592-245-9. 

  • Pour les Parisiens, la suite de la série est disponible à la médiathèque Marguerite Duras (Porte de Bagnolet)
  • Une version anime est disponible ; vous pouvez aussi découvrir la suite en VOSTF sur la chaine Youtube Manga Total (je crois qu'il n'y a pas tous les épisodes...).