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J'avais le Motorola V220 ; il a tenu sept ans, le bougre ! |
vendredi 24 septembre 2021
[MANWHA] La Bicyclette Rouge - 1 - "Yahwari". Kim Dong Hwa (2005)
vendredi 23 avril 2021
[MASSE CRITIQUE - BABELIO] La part des chiens - Marcus Malte (2003)
Merci à Babelio et aux Editions Zulma pour l'envoi de La part des chiens, dans le cadre de l'opération Masse Critique. Ce roman écrit par Marcus Malte a d'abord été publié en 2003 avant d'être réédité en format poche cette année.
L'histoire
Zodiak et Roman dit "le polac" cherchent Sonia inlassablement, depuis de longs mois.
Sonia, c'est la femme du premier et la sœur du second ; cette jeune funambule de talent s'est comme évaporée du camp de forains dans lequel ils vivaient tous les trois, et depuis ce jour, ils tentent de retrouver sa trace. Mais la tâche est ardue ; on comprend vite que Zodiak et Roman n'ont en leur faveur que leur solide amitié et leur amour pour la disparue.
La part des chiens débute par leur arrivée nocturne dans une ville portuaire dont on ne connaîtra jamais le nom : ils semblent y avoir flairé une piste et s'immergent dans les ruelles les plus glauques, parce qu'ils savent bien que les clefs des lieux compromettants finissent toujours dans les bas-fonds. Les deux hommes ne paient pas de mine sous leurs allures de marginaux, mais gare à ceux qui tenteraient de les prendre de haut ! Leur détermination ne connaît ni les limites de la morale, ni les travers de la fierté, ni les codes de l'honneur. Si, pour arriver à leurs fins, ils doivent frayer avec la frange la plus malsaine de la population locale, en découdre avec des gros bras, secouer des prostituées ou encore supporter une projection de films pédopornographiques crânement présentée par le propriétaire d'un cinéma miteux sans tout de suite le dégommer... ils le feront.
Saint Germain du Salembre Sortie à vélo du 18 avril. Non, ça n'a rien à voir avec le livre, et alors ? C'est mon blog ! |
Ambiance sombre et sublime
Ne connaissant pas du tout l'auteur, j'ai lu quelques critiques en parcourant Internet. Il semblerait que Marcus Malte soit connu depuis longtemps pour sa capacité à mêler efficacement le glauque à la poésie dans ses textes ; c'est effectivement le cas dans La part des chiens, où les différents chapitres alternent en douche écossaise : le lecteur suit Zodiak et Roman dans leur enquête, avec toute la violence qu'elle sous-entend, puis remonte le temps au gré d'un narrateur omniscient peut-être soucieux de nous faire faire des pauses régénératives ? On vit alors le coup de foudre qui a touché Zodiak lors de sa première rencontre avec Sonia, aussi onirique que chelou _ il avait douze ans, elle huit ET elle était à poil..., on découvre le sage astrologue Aghara qui prendra le héros sous son aile, l'univers pourri de ce camp de roulottes dans lequel les protagonistes surnagent ou tirent leur épingle du jeu avec beaucoup de mérite. Toujours est-il que ces petits flashbacks nous aident à mieux comprendre l'histoire qui se déroule sous nos yeux, et notamment le contexte de la disparition de la funambule.
Ils apportent aussi la dimension d'enquête du roman ; en effet, la quatrième de couverture qualifie l'histoire de "roman noir", et j'ai d'abord eu un peu de mal à l'identifier comme tel : oui, les personnages sont des cas sociaux et évoluent dans un univers sombre, laissant peu de place à l'espoir. Mais pas d'inspecteur à l'horizon, pas d'indices, pas le moindre élément concret susceptible de rappeler un roman policier. Au fil des pages, on comprend que Zodiak est dans une démarche d'investigation : de bouges crasseux en locaux désaffectés, il sonde, menace, dialogue pour retrouver la piste de son âme sœur. Il tire des déductions de ce qu'il arrive à faire cracher à ses interlocuteurs. Ok, va pour le roman noir... De toute façon j'y connais rien, et puis on s'en moque. La complexité des personnages me semble être un point plus important à observer.
La brochette n'était pas végan !
En chien fidèle, Roman se contente d'obéir aveuglément aux ordres d'un binôme qu'il adule autant qu'il le craint. Du moins lorsqu'il n'est pas en train d'essayer de calmer son appétit gargantuesque. Pourtant, les dernières phrases qu'ils prononcera dans l'un des derniers chapitres seront peut-être celles de la vérité... Le polac n'est pas plus Watson que son beau-frère est Sherlock Holmes : au fond, sous un vernis de raisonnement rationnel, Zodiak n'est jamais guidé que par ce que lui dicte son coeur, et par sa capacité à lire l'avenir dans les constellations. A chaque rencontre, il est catalogué comme le "cerveau", quand Roman se voit systématiquement coller une étiquette de brute épaisse sur le front. Certes, leur équipe est aussi complémentaire que le laissent présager les apparences, mais pas pour les raisons que l'on croit : ils se connaissent depuis l'enfance, les deux hommes se respectent mutuellement _ Zodiak ne s'énerve jamais contre les boulettes de Roman, Roman prend soin d'épargner à Zodiak son point de vue sur leur quête_, et ils aiment Sonia plus que leur propre personne. De la fameuse Sonia, on ne saura pas grand chose que ce que nous laissent entrevoir les "chapitres flash-back" : prometteuse depuis ses jeunes années, elle excelle comme funambule et semble rendre à Zodiak l'intérêt qu'il lui porte. Quelques figures secondaires ne manqueront pas de s'imprimer dans la mémoire du lecteur : Igor Pécou, l'homme haut d'un mètre quarante et délesté de l'une de ses jambes suite à une mésaventure, propriétaire d'un cinéma porno et acteur dans certains des films projetés. ou "Monsieur Victor", dit "le Prince", un fils de maçon devenu gangster, qui n'a tellement pas la tête de l'emploi qu'on se demande bien comment ça a pu marcher pour lui.
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Il faut que je trouve un moment pour parler de cette BD. Il y aurait pas mal de parallèles à faire avec La part des chiens, en plus ! |
Etre un malfrat s'apprend, même s'il faut des prérequis. De même, décrire la violence sous toutes ses formes n'est pas donné à tout le monde. Marcus Malte sait le faire. D'un bout à l'autre de l'oeuvre, les scènes trash, cruelles ou simplement très réalistes s'enchaînent sans que ce soit de trop. La scène de la "projection forcée" du film (j'en dirai pas plus pour pas spoiler) a notamment été très difficile à lire tant les images données m'étaient dures à encaisser. Je crois que je n'avais pas ressenti un tel malaise depuis la lecture de Ca de Stephen King, qui reste ma référence en la matière, traitez-moi de fragile si le cœur vous en dit. L'auteur réveille tellement bien nos instincts qu'on en vient à distinguer complètement l'acte répréhensible, destructeur, criminel.. de "ce qui est mal". Je ne serai sans doute pas la seule à avoir trouvé ce drôle de duo de forains de plus en plus attachant au fur et à mesure qu'ils commettent des horreurs...
La part des chiens est une étrange expérience de lecture que tout le monde devrait vivre au moins une fois !
Marcus MALTE. La part des chiens. Editions Zulma, 2021. 270 p. ISBN 9791038700031
vendredi 9 avril 2021
[Téma la bibliothèque] Le CDI est un champ de bataille comme un autre : Un sprint pour Marie - Philippe Barbeau (1994)/ Gamer - Pierre-Yves Villeneuve (2016) / Par les chemins noirs - 1 - Les Prologues - David B. (2007)
La lecture récente de deux romans et d'une bande dessinée ont fait écho à des situations, rares mais tout à fait plausibles, où le silence sacré d'une bibliothèque se voit profané par une bagarre aussi ravageuse qu'imprévisible !
- Le premier des deux romans est le tome 1 de Gamer, une série de livres pour ados et jeunes adultes écrite par Pierre-Yves Villeneuve, dont j'ai entendu parler en écoutant une émission des Mystérieux étonnants* _ ceux-là même qui m'ont fait découvrir Elmer.
- Le second, plus ancien, s'intitule Un sprint pour Marie et a été écrit par Philippe Barbeau. Ce petit livre était dans les rayons bien avant que j'arrive dans l'établissement ; malgré sa couverture vieillotte qui sent bon les années 1990, je n'ai plus du tout envie de désherber.
- Enfin, Les prologues est le premier volume de la série Par les chemins noirs, de David B., un auteur de BD dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à mon dernier passage à la bibliothèque.
Leur point commun ? Le CDI _ ou son équivalent québécois_ et la bibliothèque sont des lieux importants de l'histoire, dans le sens où ils deviennent bien malgré eux un terrain miné sur lequel un conflit latent éclate au grand jour.
Gamer - 1 - Nouveau port. Pierre-Yves Villeneuve (2016)
Au Canada, 2015 ou dans ces eaux-là... Une nouvelle vie commence pour Laurianne et son père : les projets professionnels de ce dernier les obligent à quitter leur maison à la campagne pour s'installer dans une ville plus grande. Laurie aurait bien des raisons de s'en réjouir : voir du monde, frayer avec les citadins, avoir à portée de main tous les services nécessaires à l'épanouissement de la lycéenne qu'elle est... C'est un univers étrange et excitant qui s'ouvre à elle. Mais l'idée de ce déménagement ne soulève en elle qu'une vague mélancolie ; son microcosme lui convenait plutôt bien, puisqu'il réunissait ses copains d'enfance, son meilleur ami Sam qu'elle abandonne à regret, son skatepark, son PC gamer et du champ libre pour la course à pied.
Au lycée, Laurie n'a qu'un objectif : ne pas faire de vagues. Mais bien qu'elle soit discrète, elle ne manque pas de caractère et ne supporte pas de se laisser marcher sur les pieds. Elle se heurte assez vite à Sarah-Jade, une fille populaire relativement désagréable avec qui ne lui mange pas dans la main.
C'est marrant : autant Sarah et Jade sont des prénoms qui passent bien, autant Sarah-Jade, ça fait vraiment pétasse.
Les insinuations et les coups en douce fleurissent, mais très vite, la guerre est déclarée sur fond de rivalité amoureuse : jusqu'où peut aller la star de l'école pour éradiquer la petite nouvelle en baggy qui ose lui tenir tête (et lui faire de l'ombre) ?
La sauce va monter jusqu'à l'"incident de la bibliothèque" qui nous intéresse particulièrement aujourd'hui. Il faut d'abord savoir que, dans le lycée où évoluent les personnages de Gamer, la première mention du centre de documentation survient au chapitre 17 : on y apprend qu'il est situé au "dernier étage de l'école", et qu'il dispose de "cubicules"_ c'est à dire de petites salles de travail vitrées_ qu'il faut réserver auprès de la documentaliste Madame Claude lorsqu'on a un exposé à préparer.
"La pièce est petite. Il y a tout juste assez de place pour nous quatre. L'air est surchauffé et sent le renfermé."
Mettez quatre adolescents dans un bocal de ce type, et vous verrez qu'il peut se passer à peu près tout sauf du travail : vas-y que ça parte en fou rire, que ça fasse coucou aux copains après avoir mollement griffonné trois mots sur une feuille quadrillée !
Occupés à vouloir arranger le coup entre la sage Margot et le beau Simon, Laurie, Elliot et Charlotte ne voient pas leurs ennemis potentiels jeter discrètement un fumigène puant dans le box avant d'en bloquer la porte avec une chaise pour les empêcher de fuir. Cette scène m'a fait flipper car elle représente parfaitement ma hantise, en tant que documentaliste, de voir des élèves perdre le contrôle d'une mauvaise blague de ce type... et de ne pouvoir éviter le drame. Car il faut bien le reconnaître : sur le coup, Madame Claude était un peu aux fraises : elle ne tente de débloquer la porte qu'au moment où les quatre prisonniers lancent un ultime assaut avant une mort certaine par étouffement, explosant la serrure et la tronche de la dame par la même occasion. On a quand même un particulier qui a eu le temps de cramer un fumigène dans la bibliothèque, de le balancer, de choper une chaise pour entraver des gus restés à l'intérieur... au nez et à la barbe du personnel encadrant... Tout va tellement vite dans ce genre de situations.
"Dehors, il y a mes fleurs !"Pierre-Yves Villeneuve permet quand même à la bibliothécaire de garder la face en procédant à l'évacuation des lieux suite au déclenchement logique de l'alarme incendie, et en témoignant en faveur des victimes de l'attentat. Au final, plus de peur que de mal, même si Margot s'en tire avec un bon d'entrée à l'infirmerie pour avoir respiré trop d'effluves toxiques. Mais ce début d'apocalypse au CDI permet de mettre en évidence les mécanismes qui entrent en jeu dans la tête de victimes de harcèlement à l'école. Laurie, Charlotte, Elliot et Margot ont l'intuition que Sarah-Jade est à l'initiative de ce qu'on appellera "l'incident du cubicule", mais face au directeur de l'école, qui flaire le coup fumant et qui fait pourtant tout pour les mettre en confiance, ils n'osent pas l'accuser, pris entre de faux doutes, un regain de fierté et une peur sourde des représailles. Une peur bien justifiée : confortés par leur petit succès, quelques sales gosses vont tenter de nuire à la réputation de Margot via Facebook. Pourquoi elle en particulier, alors qu'elle rase déjà les murs en temps normal ? Justement parce qu'elle semble plus fragile et donc plus facile à atteindre.
Même si à première vue, ce premier tome de Gamer ne se distingue pas trop d'autres récits d'adolescents issus de familles monoparentales prenant un nouveau départ après un déménagement subi, il a l'avantage d'aborder de manière juste et efficace un cas de cyberharcèlement et d'atteinte à l'identité numérique d'une personne. Mieux encore, il traire d'une thématique plus rarement évoquée : la place (pas toujours facile à tenir) des filles dans les jeux vidéos. En effet, d'un chapitre à l'autre, on suit tantôt les aventures de Laurianne, tantôt celles de Stargrrl arpentant les mondes fantastiques de la Ligue des mercenaires. On peut le souligner : Pierre-Yves Villeneuve relève le défi difficile de "raconter" l'évolution d'un avatar dans un jeu en réseau, décrivant précisément le décor, l'équipement des personnages, les subtilités du jeu _et ce n'est même pas ennuyeux ! Il fallait oser. Toujours est-il que Laurianne déplore à plusieurs reprise les propos sexistes dont elle fait l'objet, et remarque que les "gamers" ont parfois du mal à faire équipe avec les rares "gameuses". Là encore, l'avatar de Sam peut avoir son rôle à jouer.
Interview sympa de l'auteur !
Chaîne Le Blog de Sean
L'évolution de l'amitié à distance de Laurie et Sam ne manque pas de faire écho à des situations malheureusement actuelles, où les casques et les webcams nous permettent de faire fi des kilomètres. Si Laurianne m'a d'abord beaucoup fait penser à La fourmi rouge que j'avais lu quelques semaines plus tôt, dans le sens où l'héroïne vit avec son père déluré et avec l'absence d'une mère rarement évoquée, et parce qu'elle vit une amitié forte et sans tabou avec un gars sympathique et aussi peu populaire qu'elle, le traitement des personnages est un poil plus subtil. Ce n'est pas étonnant : on a affaire à une série d'au moins six volumes (sept ? à vérifier). Mais je reconnais avoir été surprise, fermement convaincue que j'étais que les contacts virtuels entre Sam et Laurie s'étioleraient jusqu'à disparaître, au fur et à mesure de leurs nouvelles rencontres : or il n'en est rien, et c'est un bon message d'espoir qui fera rêver tous les gens convaincus que "loin des yeux loin du coeur" _souvent à juste titre, malheureusement.
Si vous êtes amateur de comics, de jeux vidéos, de cinéma, vous vous éclaterez à relever toutes les références semées çà et là _jamais gratuitement. A l'inverse de La fourmi rouge, qui démarre en trombe et finit par "retomber" jusqu'à devenir assez prévisible, Gamer sent d'abord le réchauffé puis arrive à être vraiment original. Je suis assez motivée pour lire la suite, peut-être le serez-vous aussi !
Gamer - 1 - Nouveau port a tout à fait sa place en CDI de collège et lycée ; les tournures québécoises ne gêneront pas la compréhension, d'autant plus qu'un lexique en donnent l'explication en fin d'ouvrage.
* Non non, ils ne me payent pas pour placer leur site : c'est juste que j'apprécie sincèrement leurs émissions.
Pierre-Yves VILLENEUVE. Gamer - 1 - Nouveau Port. (2016). 320 p. ISBN 2875803093
Un sprint pour Marie - Philippe Barbeau (1994)
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En bonus, la couverture de l'édition Flammarion sur laquelle l'héroïne est en train de se moquer des asiatiques, eh beh c'est du propre ! (Blague 18e degré, j'espère quelle passera) |
Un jour de club journal, donc, alors qu'une épidémie de grippe décime les élèves _ahah, ça vous rappelle rien ? Tout était donc écrit ! Fabien se voit "obligé" de collaborer journalistiquement avec Marie. Il avait le choix entre une meuf et des sixièmes, donc bon. On apprend d'ailleurs que le droit d'aînesse régit le comité de rédaction, puisque ce sont les troisième qui choisissent les rubriques, qui traitent les "sujets sérieux" et qui hiérarchisent les infos, tandis que les "petits" ne sont que de vagues pigistes chargés de démêler les ragots de la cour de récréation. C'est tellement injuste et cruel... que ça me donne bien envie d'essayer ce mode de fonctionnement, tiens !
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Ce à quoi je pense toujours lorsqu'on me parle de tables renversées Titanic (1999) mais vous le saviez déjà. |
Je me moque, mais Philippe Barbeau parle plutôt bien des relations amicales entre les collégiens. Bien sûr, Un sprint pour Marie a un peu vieilli : ça se ressent vraiment beaucoup à la lecture des dialogues entre ces adolescents décidément bien sages. Quant au vocabulaire technique propre au cyclisme, utilisé en abondance dans les chapitres qui racontent le "duel" final, je ne suis pas certaine qu'il soit toujours d'actualité presque trente ans plus tard. Il est certain qu'Arnaud n'aurait rien d'un thug dans les romans d'aujourd'hui. Pourtant, la morale de l'histoire, s'il y en avait une, pourrait être d'engager le jeune lecteur à s'exprimer, quelle que soit la situation. Le message est toujours bon à prendre : Fabien, le blanc-bec, n'arrive par à dire à Arnaud qu'il l'admire et le jalouse en même temps ; Arnaud ne parle de son amour pour Marie à personne, car il a peur de passer pour un con. Marie a grillé tout le monde, mais elle ne veut pas mettre les pieds dans le plat, d'autant qu'elle a sa propre histoire à régler et ne souhaite pas la partager avec ses potes. Elle choisit finalement l'écrit pour faire prendre conscience à ses copains qu'ils la mettent en porte à faux et que c'est chiant pour elle. Ce sont tous ces non-dits qui vont créer un effet cocotte-minute et rendre l'échange de coups inévitable : voilà un cas de figure qui sera toujours d'actualité ! C'est difficile de mettre ce court roman entre les mains d'un jeune d'aujourd'hui sans qu'il ne vous le jette à la gueule au bout de trois phrases, mais celui qui voudra bien s'y accrocher en aura pour son prix. A lire, donc !
Philippe BARBEAU. Un sprint pour Marie. Flammarion, 1994. Castor Poche Sénior. 102 p. ISBN 2-08-164103-08
Par les chemins noirs - 1 - Les prologues. David B. (2007)
La fille en rouge qui pousse comme un champignon au milieu d'une foule de types en train de se battre a précipité l'emprunt de cette bande dessinée. Je ne sais pas si ça vient du ton éclatant de sa robe ou de son oeil en amande, mais je me suis dit que ce personnage devait en avoir assez sous la pédale pour rendre l'histoire entraînante.
Fiume, 1920. La ville porte encore les stigmates de la Première guerre mondiale et ses habitants vivent mal leur récente annexion à la Yougoslavie plutôt qu'à l'Italie. Le commandant Gabriele d'Annunzio, soldat et poète, s'y installe dans l'idée d'en faire une république indépendante et rameute pas mal d'anciens militaires et de déserteurs à sa cause.
Parmi eux figure le calme et ténébreux Lauriano. Il est membre d'un groupe d'énergumènes mi-bandits mi-justiciers, farouchement opposés aux autres bandes du secteur.
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Toby dans The Office !!! (version US) |
Le lecteur aura tout le loisir de suivre les tourtereaux dans leurs déambulations à travers Fiume, sur les toits comme dans les rues, de jour comme de nuit.
Mais lorsque D'Annunzio se lance dans des discours endiablés, le romantisme n'existe plus : Natale, Lauriano et les autres rejoignent leur QG : le grenier de la vieille bibliothèque.
David B. a conçu la planque de ses protagonistes de façon à ce qu'elle prenne la forme d'un espace étouffant, grouillant de livres ; les hommes qui l'habitent provisoirement ont "recréé une tranchée" avec les ouvrages stockés là, et, en fonction de leur personnalité et de leurs centres d'intérêt, attribuent un rôle à l'objet livre : Lauriano, instruit et curieux, profite de la situation pour lire. Il est dit qu'il "aime être entouré de livres". D'autres choisissent de construire des meubles de fortune avec les bouquins, de s'en faire des cachettes. Aussi sont-ils mieux protégés que prévu lorsque les Milanais lancent l'assaut sur la bibliothèque avec force grenades et coups de feu : à l'abri des livres, ils peuvent riposter et même contre-attaquer. Elle devient le refuge par excellence, celui qui resiste, par opposition aux appartements des bandes rivales, dont les portes sautent en trois coups de pompes. De quoi faire honneur à D'Annunzio, leur idole.Voilà une partie de l'histoire de l'Europe de l'entre-deux guerre qui m'était totalement inconnue ; si l'écrivain Gabriele D'Annunzio est renommé pour ses oeuvres littéraires, son projet de faire de Fiume une république à part entière ne me disait tellement rien que j'ai fait quelques recherches pour voir ce n'était pas une invention de David B.. Rien que pour cela, il est intéressant de ce plonger dans cet album. Pour l'instant, je n'ai pas lu les autres volets de Par les chemins noirs, mais j'ai cru comprendre qu'il ne s'agissait pas de suite directe. Ils ressemblent plus à des captations de vies, de moments de l'histoire, qu'à des récits soucieux de montrer l'évolution de quelques personnages auxquels on pourrait dangereusement s'attacher : c'est en tous cas l'impression que j'ai eue en lisant Les prologues.
David B.. Par les chemins noirs - 1 - Les Prologues. Fururopolis, 2007. 62 p. ISBN 9782754801003