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Tiens, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas parlé de Roux Cools par ici !
French Kiss 1986
BD One Shot parue en 2012 chez Glénat
L'histoire
A l'issue d'un dîner en famille animé, Etienne commence à raconter à ses enfants comment il a rencontré leur mère. Il lui faut remonter le temps jusqu'à l'été 1986 ; autant le dire, une toute autre époque, où flottaient pêle-mêle des airs de Tchernobyl, de Michael Jackson et de navette spatiale explosée.
Mais pour Etienne, qui avait neuf ans à ce moment-là, les vacances d'été furent surtout marquées par une grandiose et terrible "guerre de pirates" dont il fut l'instigateur et qui opposa deux bandes d'enfants dans la petite ville du Québec qu'ils habitaient alors, lui et sa future femme.
French Kiss 1986 est le récit intense à tous points de vue des aventures mémorables vécues par le Clan de l'Oeil Noir d'Etienne et par celui des Rouges-Gorges de sa rivale "La Rousse", entre la rue Beaulieu et la rue Perron. C'est pas spoiler que de dire que Leïa et Lucas ne vont pas être déçus par les frasques de leurs parents !
Marie La Rousse
Si, en tant que narrateur, Etienne semble s'imposer à nous comme "héros de l'histoire", il partage en fait le leadership avec une jeune fille rousse, plus grande, plus âgée et plus costaud que lui, mais surtout dotée d'un fort caractère. Marie la Rousse intrigue et fait peur ; ses origines sont floues, perdues dans un nuage de rumeurs et de mystère : on dit que sa mère est une sorcière. D'où vient la légende ? De la couleur de ses cheveux ? De sa tendance à faire bande à part et à ne faire confiance à personne, même à son propre clan ? De sa maison qu'on situe mais qu'on n'approche pas ? On n'en saura pas beaucoup plus, mais pour les gosses des alentours, on a pile ce qu'il faut pour en faire une bonne pestiférée.
Forcément, la présence de cette voisine imposante et consciente de son pouvoir agace Etienne et sa horde de copains majoritairement masculine : la Rousse a beau être une sorcière, elle n'en est pas moins une fille, et il est hors de question de perdre la face devant elle.
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Pas de doute, c'est une Rousse Cool |
Etienne la hait sans trop savoir pourquoi, mais adore l'affronter, et avoir la possibilité de se mesurer à elle ; c'est autant pour cette raison que pour son désir d'aventures qu'il se lance dans une bataille de pirates à grande échelle, avec repaire, drapeau et trésor. Un vrai trésor, parce qu'à neuf ans, on n'est plus des bébés. Ses copains sont dans le même état d'esprit et ne demandent qu'à le suivre.
Dans cette guerre, tous les coups sont permis, y compris les remarques désobligeantes sur le physique de La Rousse, sa supposée mauvaise odeur et son ascendance douteuse. Même s'il en faut plus que ça pour museler une adversaire qu'on sent déjà prête à passer dans la cour des grands, on comprendra au fil des chapitres que les attaques les plus basses auront atteint leur cible.
En attendant, la chef des Rouges Gorges (pas les mignons petits oiseaux, hein !) fait partie des personnages féminins inspirants qui commencent à poindre un peu partout en BD mais qui étaient encore rares il y a dix ans. Surtout dans celles mettant en scène des grappes de drôles.
"Ce qu'il y a de bon en nous"
En effet, si vous lisez French Kiss 1986, beaucoup d'histoires risquent de vous revenir en tête, en fonction de vos références. Bien sûr, le modèle des Goonies est évident, et même revendiqué par Etienne, qui ne demande rien de plus que "revivre" ce film tout juste sorti, à l'époque. D'autres le suivent de près : l'énergie de Tom Sawyer flotte dans l'air, la cruauté prétextée par la stratégie militaire de La guerre des boutons est là aussi (vite fait), la solidité du Club des Râtés de Ca n'est pas loin non plus (en moins angoissant tout de même). Toutes ces œuvres ont pour dénominateur commun l'ambivalence de nos premières années de vie, dont on a plus ou moins vite la nostalgie, dont on occulte plus ou moins facilement les déboires.
J'ai eu l'impression qu'Axelle Lenoir essayait de nous dire, au fil de sa BD, qu'il vaut mieux rester sur les bons souvenirs des jeux d'enfants et éviter de trop gratter la dernière couche de peinture. A trop creuser, on risque de réactiver tous ces états d'âme moins cool directement liés à la condition d'enfant, et qu'on avait réussi à mettre en veille prolongée. Si ça se trouve, j'interprète mal et c'est pas ça du tout.
Toujours est-il que les premiers chapitres laissent entrevoir une joyeuse épopée ponctuée de coups d'épée en bois et de trésors à base de bonbons, jusqu'à ce que les événements prennent une tournure plus dark et mélancolique, où trahisons, sauvagerie, virilité exacerbée, amours secrètes et/ou déçues viennent renverser le plateau de jeu.
Non, être un enfant dans les années 1980, c'était peut-être fun, mais ce n'était pas le monde des Bisounours non plus. Comme aujourd'hui en fait ; les figures en miroir des enfants d'Etienne, le montrent bien : Lucas doit avoir à peu près l'âge de son père durant l'été 86 et n'a pas trop la pêche. Visiblement préoccupé, il tente de s'ouvrir mais l'explosivité heureuse de sa petite soeur Leïa, encore préservée des soucis des plus grands, l'écrase perceptiblement.
A neuf ou dix ans, tout le monde n'en est pas au même point ; certains ont déjà conscience que "les mots peuvent faire plus mal que les coups", d'autres trouvent l'idée improbable. S'il convient de se comporter en rustre avec ceux de l'autre genre, le code de l'honneur et la notion des limites à ne pas dépasser est encore trouble. Etienne en fera les frais. Moins épris de pouvoir que de la petite fille du camp ennemi qu'il veut impressionner, il va perdre le contrôle de ses troupes. Le jeu ira trop loin, et son objectif de montrer "ce qu'il y a de bon" en lui à travers la piraterie s'éloignera d'autant.
Quant à la cruelle Marie, elle n'est bien entendu pas le monstre dont elle se donne l'apparence ; on s'en rend compte lorsque Bébé Lafleur, le cadet rigolo du clan de l'Oeil Noir, se rend chez elle avec l'insouciance de son jeune âge sous le regard catastrophé des plus grands. Elle se contentera de lui proposer de regarder les Cités d'Or avec elle, tranquillement. D'ailleurs, les vignettes qui retracent l'épisode en question sont super marrantes.
Diffusez-moi tout ça !
Cela vient peut-être juste du fait que je n'aie pas été au bon endroit au bon moment ces dernières années, mais j'ai l'impression qu'on connaît extrêmement peu French Kiss 1986 en France, bien que la BD ait été publiée chez Glénat et que le titre en question soit devenu le Coup de Coeur du Jury à Angoulême en 2013 (en plus, j'y étais, cette année-là...). Pourtant, ce one shot d'environ 140 pages, pas forcément axé jeunesse mais accessible dès le collège, je pense, en vaut d'autres de sa génération.
Le français québécois peut gêner, direz-vous, et je vous répondrai que les expressions locales ne nuisent pas la compréhension. Au contraire, ça ne nous fait pas de mal de les connaître, car elles sont souvent poétiques.
Ok pas toutes !
Ou alors, les nombreuses références aux années 1980 (les Goonies, Star Wars, Alf, les Cités d'Or, les premières consoles de jeux et bien d'autres que je n'ai pas perçues vu que bah moi 1986 c'est tout juste mon année de naissance ahah) pourraient faire croire que la BD se destine exclusivement à ceux qui ont vécu cette douce période, mais même pas. Y a qu'à voir le succès de Stranger Things. Les questionnements existentiels (et relationnels) des enfants ne changent pas tant que ça d'une décennie à l'autre. Comme dans Le domaine Grisloire et dans Luck, la façon dont ils sont traités tape juste. Par contre, les dessins sont très différents des oeuvres sus-citées, peut-être parce que French Kiss est en noir et blanc ? Il me semble que les traits des personnages, les bulles des petits pirates lorsqu'ils crient, et même les décors sont plus enfantins, comme tirés d'un cahier d'écolier. Cela m'a surprise mais j'ai bien aimé. D'autant qu'on retrouve quand même les yeux hyper-expressifs des protagonistes.
Est-ce bien la peine de le préciser ? J'ai entendu parler pour la première fois de cette bande dessinée dans l'épisode 298 des Mystérieux étonnants ; vous pourrez entendre l'analyse dans les 20 dernières minutes de l'émission.
Axelle Lenoir. French Kiss 1986. Glénat Québec, 2012. 144 p. EAN 9782923621333
A l'école, en bonne fragile, j'ai toujours fait en sorte de me mettre bien avec des copines grandes, costaud, et/ou fortes en gueule. Bien sûr, ce n'était pas forcément voulu ; les associations se faisaient naturellement, régies par l'instinct de survie, et je pense que ça fonctionnait parce que mes protectrices avaient besoin de se sentir dans ce rôle-là. C'est toujours valorisant d'être nécessaire à quelqu'un d'inoffensif, et puis ça donne un sens aux journées, à un âge où on navigue à vue.
Toujours est-il que cette technique m'a permis de passer ma scolarité sans jamais être emmerdée, alors que je répondais à tous les critères de la victime idéale.
Allez, un petit manga qui parle de suicide pour bien amorcer l'automne !
My broken Mariko
Tout d'abord merci à toute l'équipe des libraires fous de l'excellent podcast BD Le Gaufrier, car c'est en écoutant l'épisode 54 que j'ai appris la sortie de My broken Mariko, un one shot de Waka Hirako.
Ce titre avait attiré mon attention car en présentant leur sélection du jour, l'un des animateurs avait fourché et dit "moricaud" au lieu de Mariko, ce qui avait généré un fou rire chez les intervenants _et chez moi aussi, d'ailleurs, alors que j'étais en train de courir. Du coup, j'avais fini mon parcours avec ce vieux hoquet qui te brûle le dos et qui met plus de temps à te quitter que la plupart de tes ex !
L'histoire
My broken Mariko
Waka Hirako
Ki-oon seinen - 2020
Deux salles, deux ambiances !
On enchaîne avec le premier tome d'une série de mangas beaucoup plus légère : Les Vacances de Jésus & Bouddha.
"Je vais accélérer un peu la cassette vidéo car cette partie du film n'est pas faite pour vous!", nous prévient notre instit de grande section de maternelle, qui a entrepris de faire de L'Ours de Jean-Jacques Annaud notre prochain sujet d'étude.
Comme c'est gentil de sa part de se souvenir de notre sensibilité, alors qu'on a vu d'entrée de jeu et sans le moindre avertissement la maman ourse se faire mortellement aplatir la tête par une énorme pierre, laissant son petit dans une détresse communicative.
La fonction "avance rapide" n'est malheureusement pas très performante sur le magnétoscope de l'école. Malgré les deux rangées de fourmis rouges qui barrent l'écran et la vitesse de défilement des images, on voit parfaitement un chien se rompre le cou sur un rocher en laissant une trace de sang sur son passage, puis un autre, les tripes à l'air.
Je crois bien que ces images qui me sont restées en mémoire correspondent à une scène de chasse plutôt importante dans l'histoire, mais je ne saurais en dire plus. Ce grand moment de cinéma m'a laissé une impression tellement dégueu qu'aujourd'hui encore, je n'arrive pas à me remotiver pour regarder L'Ours au calme, en mode adulte. Pourtant je sais que ce film, qui met en scène l'adoption progressive d'un ourson orphelin par un grand ours solitaire, est un classique à connaître, qu'il est super intéressant, et qu'il est sur Netflix.
Heureusement, d'autres fictions nous permettent de traiter les rapports houleux de l'homme avec la nature (et avec les ours) de façon un peu moins stressante ; c'est le cas la BD Shirtless Bear Fighter, publiée en 2017 par un groupe d'artistes composé notamment de Jody LeHeup, Sebastian Girner et Nil Vandrell.
L'histoire
Rien ne va plus dans la Grande Ville : des ours possédés envahissent les rues, détruisant tout sur leur passage. La police est complètement impuissante face à cette situation inédite. Heureusement, l'agent Burke dirige les opérations ; le vieux flic expérimenté a une bonne connaissance du terrain. Il sait que le seul homme capable de mettre fin au carnage s'appelle Shirtless Bear Fighter (en français : "le Cogneur d'Ours Torse Nu"), et qu'il vit seul dans la forêt. Accompagné de Suzie Silva, son acolyte débutante, il part à sa rencontre pour lui demander de l'aide.
Le Cogneur d'Ours Torse Nu (on va faire comme tout le monde : on va l'appeler "Cogneur") refuse avant de se raviser. Il faut dire que, pour ce colosse recueilli et élevé par des ours avant d'être amené à s'en éloigner suite à un événement tragique qu'on ne spoilera point, la mission prend des airs de dilemme.
Attention, à partie de là, des moments importants de l'intrigue peuvent être dévoilés.
Mais pourquoi Cogneur boxe-t-il les ours aussi vigoureusement, alors qu'il les connaît mieux que personne, et qu'il semble en parfaite harmonie avec la nature ?
Tout simplement parce que, même si Maman et Papa Ours l'ont toujours logé à la même enseigne que son Frère Ours, il reste différent des autres membres de sa famille d'adoption : c'est un homme, et pas un ours. Sa force incroyable attise la jalousie de son frère, qui voit en lui un improbable rival ; et lorsqu'il doit un jour choisir entre ses semblable et sa tribu, sa situation se complique. La crise identitaire qui couvait lui saute à la tête et éclabousse son entourage. S'ensuit une double trahison : son père l'exclut pour ménager la chèvre et le chou, tandis que Frère Ours pactise avec Bûcheron pour l'éliminer définitivement. L'histoire de ce Samson des temps modernes _mettre un t-shirt le dépouille de toutes ses aptitudes physiques_ pourrait être déchirante, si le comique ne dominait pas l'ensemble !
Une lecture détente comme on les aime (ou pas)
Shirtless Bear Fighter est une BD toute en couleurs vives, où les aventures s'enchaînent au rythme des patates balancées par le héros. On se croirait un peu dans ces films de série B du dimanche après-midi, qui nous servent de fond sonore, dont on se moque à cause des personnages bien stéréotypés, mais dont on a quand même envie de connaître le dénouement ! Ici, l'album fonctionne, car les auteurs ont eu la bonne idée de ne pas se prendre au sérieux : il jouent avec les codes du cinéma d'action, justement, pour mieux nous faire rire.
On retrouvera quelques unes des figures et motifs typiques du genre :
La BD a beau avoir une visée humoristique, il ne suffira pas que vous soyez de bonne humeur pour qu'elle vous plaise. Ayez bien à l'esprit que le comique repose ici essentiellement sur l'exagération, les jeux de mots à base d'ours, les blagues potaches et parfois scato (avec une entreprise de PQ en toile de fond, on pouvait difficilement y couper...). Donc si vous n'êtes pas très à l'aise avec ces délires-là, ou si vous êtres en quête de scénarii à tiroirs, de suspense, de finesse, de thèmes traités de manière assez profonde pour nourrir une réflexion... ne perdrez pas votre temps et courez lire autre chose !
Comme vous pouvez vous en douter, j'ai complètement adhéré au concept ; quelques passages hilarants de débilité m'ont fait le plus grand bien, car ils correspondaient à ce que je recherchais comme lecture divertissante à ce moment-là. Voilà pourquoi je n'hésiterai pas à faire de Shirtless Bear Fighter mon titre-phare pour ces prochains mois, celui que j'irai ouvrir si j'ai un coup de mou.
Le mieux est sans doute que vous vous fassiez un avis par vous-même. En attendant, je vous laisse entre les mains de expertes des Mystérieux Étonnants et vous renvoie au numéro 672 de leur émission. Ils sont toujours de bon conseil et proposent en fin d'épisode une critique plus complète et plus nuancée que celle-là !
LEHEUP ; GIRNER ; VENDRELL. Shirtless Bear Fighter. HiComics, 2017. ISBN 978-2-37887-082-9
L'un de mes neveux est dans une phase super-héros, il est assez connaisseur des grandes figures de Marvel, notamment _même s'il a préféré de loin se déguiser en Batman pour le dernier carnaval, paraît-il. En tous cas, c'est grâce à lui que j'ai découvert l'existence de Hawkeye, un allié atypique des Avengers. Lorsqu'il m'a présenté l'une de ses multiples figurines sous ce nom, et j'ai d'abord cru qu'il l'avait inventé. Ce n'est qu'en parcourant le rayon comics d'une bibliothèque, un peu plus tard, que j'ai compris de qui il s'agissait.
L'histoire
Cet album regroupe quatre aventures menées par Clint Barton, alias Hawkeye, un archer hors pair qui marche avec les Avengers. Très doué dans sa discipline mais dénué de super-pouvoirs, il est souvent accompagné dans ses pérégrinations par Kate Bishop, son double féminin beaucoup plus rusé que lui.
Le premier chapitre intitulé Chanceux s'ouvre sur une chute vertigineuse de Clint, directement suivie d'un long séjour à l'hôpital ; à sa sortie, il regagne son immeuble situé dans un quartier populaire de New-York et s'aperçoit que le propriétaire, Ivan, le chef patibulaire de la Mafia en Survêt, a triplé le loyer de tout le monde, poussant ses voisins au déménagement. Clint n'apprécie pas l'entourloupe et décide de se battre au nom de tous les locataires.
C'est dans le Code des vagabonds, la deuxième aventure, qu'apparaît la géniale Kate Bishop. Le binôme doit s'infiltrer dans un cirque pour capter quelques acrobates cleptomanes ; la mission prend un tournant nostalgique lorsque le héros, qui a grandi au milieu des forains, retrouve de vieux réflexes. Il va faire face à un lanceur de couteaux formé par son mentor, le Spadassin.
Cherry est ni plus ni moins le déroulé d'une journée catastrophique. Alors qu'il part au supermarché acheter du café et du scotch pour étiqueter ses multiples flèches, une rencontre avec une voiture de collection (et sa belle conductrice) va modifier ses plans. La jeune femme semble s'est fourrée dans un guêpier et n'hésite pas à jouer de ses atouts pour bénéficier de son aide. Est-ce que cela suffira ? Pas sûr, car la bande des Survêts, encore eux, n'est jamais très loin.
Enfin, la Cassette s'organise en deux parties _assez difficiles à délimiter, d'ailleurs, dans laquelle le lien entre Hawkeye et les Avengers devient concret. En effet, la directrice du S.H.I.E.L.D Maria Hill charge Clint de récupérer une cassette vidéo compromettante pour la Navy et pour l'équipe de Captain America. Il y est question de l'assassinat du dictateur Du Ke Feng. L'archer va devoir se montrer rapide et efficace car l'enregistrement est sur le point d'être vendu aux enchères sur l'île de Madripoor, une zone de non-droit où tous les coups sont permis. De nombreux ennemis des Avengers sont déjà sur le coup, toujours chauds lorsqu'il s'agit de salir l'image des justiciers.
"Ca s'annonce mal"
L'album s'ouvre sur cette petite phrase que Clint Barton prononce, comme pour mieux faire entrer le lecteur dans son quotidien mouvementé. Cette formule reviendra plusieurs fois, toujours issue des pensées d'Hawkeye ; il faut dire que le roi du tir à l'arc est tout sauf le héros indestructible et rassurant qu'on s'attend à croiser dans un Marvel. Au contraire, il se présente lui-même comme un être humain très conscient de sa vulnérabilité ; c'est sans doute ce qui lui permet de rester humble avec ses semblables, alors que sa proximité avec les Avengers aurait de quoi lui filer la grosse tête. Il est toujours appréciable de voir sur le devant de la scène des personnages qui n'en jettent pas trop et qui assument leurs points faibles _sans forcément se déprécier. Ils sont plus présents qu'on le croit dans ces comics, et cela participe de l'intérêt qu'on peut leur accorder.
Dès les premières planches, il devient facile de se trouver des points communs avec Hawkeye : il boit du café (et le renverse), il fait des barbecues sur le toit le l'immeuble avec ses voisins, il est bordélique et range ses flèches n'importe comment, il pense à ce que deviendront ses effets après sa mort, il commet des lapsus, il prend les transports, éventuellement le taxi si c'est Captain America qui paye... Mais par-dessus tout, il peut avoir besoin d'aide et n'hésite pas à solliciter Kate Bishop, sa comparse qui n'a décidément rien à faire au second plan.
Kate Bishop, ou la couverture de survie
Le personnage de Kate Bishop ne se "limite" pas à sa collaboration avec Clint Barton ; si vous souhaitez connaître l'ensemble de ses œuvres dans le monde féérique de Marvel, je ne peux vous conseiller l'épisode du podcast Codexes* qui lui est consacré. Je veux pas spoiler, mais sachez juste qu'elle sera nommée "la Nouvelle Hawkeye" plus tard dans son parcours.
Ici, Kate est clairement identifiée comme la subalterne de Clint ; ce dernier nous la décrit comme "assez géniale" et l'apprécie à sa juste valeur. Mais dans ce premier tome d'une série qui en compte 4, elle ne quitte jamais son rang de doublure de luxe indispensable justement parce qu'elle sait rester dans l'ombre. Ce n'est pas elle que Maria Hill et Captain America viennent chercher en toute urgence, c'est Hawkeye. Et pourtant... On a bon espoir que ça change.
Ce statut, qu'elle connaît et accepte, ne l'empêche pas de se montrer audacieuse et de s'adresser à Clint comme au colocataire bas du front qu'il peut parfois être. Kate Bishop est derrière tous les bons mots et les moments comiques de l'album.
La narration renforce ce sentiment d'être sur un pied d'égalité avec les deux personnages principaux, en particulier avec Clint Barton : d'abord parce qu'il parle à la première personne et semble s'adresser à nous, le plus souvent et début et fin de chapitre. Ensuite, les péripéties nous sont présentées de façon non linéaire ; on part généralement d'un temps fort ou d'un moment critique pour les personnages principaux, avant de remonter le cours des événements. Cette impression de joyeux bordel a bien failli me faire renoncer à la lecture de cette BD ! "Ma vie est une arme" commence sur des chapeaux de roue et ça m'a pris un temps fou de prendre le train en marche. Avec le recul _et une seconde lecture_ je comprends ce choix du scénariste : Clint et Kate vivent à l'arrache et à cent à l'heure, ils vont où le vent les emmènent, ils improvisent. On les suit dans leur journées périlleuses comme le feraient des documentaristes, caméra au poing.
=> Regardez la critique de ce youtubeur Le Rat de Gotham, elle est beaucoup plus pertinente que la mienne car lui, il s'y connaît ! Il a aussi fait une vidéo sur Ms Marvel dont on a parlé il y a quelques temps !
Direction Madripoor : suivez les flèches
Je vais me répéter, mais tant pis : Marvel, DC et les autres me sont passés au-dessus pendant très longtemps et je suis encore en train de découvrir des personnages et des lieux qu'on ne présente plus. Donc les connaisseurs, si vous tombez sur ce billet _ce qui serait bien peu probable : passez votre chemin ; vous risquez de lire des choses évidentes ou approximatives et ça va juste vous faire péter un câble.
Les références à l'univers de Marvel sont assez nombreuses dans la série Hawkeye, et elles permettent de comprendre un peu mieux l'historique des Avengers.
La vie en mauve
Si Matt Fraction s'est occupé du scénario, deux illustrateurs se sont partagés le dessin ; David Aja a mis en image les trois premiers chapitres, de Javier Pulido la dernière double aventure. Du début à la fin, la tonalité violette, correspondant à la couleur de prédilection des héros, a été respectée. Le trait un peu gras et sombre de David Aja, qui prête à ses figures un air mystérieux, déstabilise mais sait se faire apprécier ; si on a l'occasion de saisir le regard d'un personnage, c'est parce qu'il a une importance immédiate dans l'action. Javier Pulido adopte un trait plus fin, peut-être un peu plus conventionnel et rassurant.
L'ambiance violette peut ne pas convenir à tout le monde ; mais ça vaut le coup de ne pas s'y arrêter. La critique est assez unanime, sur Internet : la série BD Hawkeye est d'une grande qualité et se hisse parmi les classiques.
Ah, remarque importante : même si ce n'est pas une série estampillée jeunesse, il me semble qu'elle peut être mise entre toutes les mains (à partir du collège). Y a une micro histoire de cul dedans, certes, mais ça va on voit rien !
Elle a récemment été adaptée en série télévisée.
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Hawkeye = oeil de faucon faucon = oiseau = c'est presque un poulet !! |
* Codexes est un podcast culturel qui parle de personnages de fiction féminins. Chaque épisode est consacré à une figure plus ou moins connue d'un film, d'une série, d'une BD, et les animatrices l'épluchent de façon très complète ! C'est super instructif !
Références de la BD :
Matt FRACTION ; David AJA ; Javier PULIDO. Hawkeye - 1 - Ma vie est une arme. Panini Comics, 2013. ISBN 978-2-8094-3169-8
Sources :