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mercredi 1 mars 2023

Trashed - Derf Backderf (2015)

Tout juste revenu d'un stage catastrophique où il avait poussé tout le monde à bout, aussi rapidement et sûrement qu'au collège, Julien s'était exclamé : "Je m'en fous, je vais faire éboueur. Personne ne veut l'être, et pourtant c'est une bonne place. Ok, tu pues, mais tu es fonctionnaire et tu gagnes une brique par mois. Et pas besoin des maths et de la chimie !

_ Tu sais qu'il faut être pistonné par la mairie pour avoir sa place ! Donc ne te fais pas trop remarquer d'ici tes dix-huit ans..!", avait répliqué le prof de physique-chimie plus ou moins blasé. "Eh non, tu n'es pas le seul à connaître la combine !" 

Les deux étaient dans leur rôle, puisque l'un provoquait en espérant que l'autre lui clouerait le bec, et les deux avaient tort. Éboueur est un métier indispensable mais usant et ingrat à bien des niveaux ; il n'a jamais été une "planque" que pour les cons qui estiment que ceux qui n'ont jamais pu s'insérer dans système scolaire ne devraient pas être autorisés à avoir une vie professionnelle décente. 


Derf Backderf est un journaliste et dessinateur de presse américain qui consacre maintenant son activité à l'écriture de bandes dessinées ; il est notamment connu pour avoir publié Mon ami Dahmer, un album primé au FIBD d'Angoulème en 2014, dans lequel il parlait de la jeunesse du tristement célèbre Jeffrey Dahmer, qu'il a eu l'occasion de croiser lorsqu'ils étaient au lycée. 

Un peu plus tard, en 2015, Trashed fait son apparition en librairie. Encore une fois, l'auteur s'inspire d'une expérience personnelle pour nous raconter le quotidien d'un jeune éboueur intérimaire dans le service d'entretien d'une petite ville des États-Unis, depuis son recrutement en automne jusqu'à la refonte de l'équipe à l'été suivant.

L'album s'ouvre sur une introduction de l'auteur, dans laquelle il explique que cet album est une version actualisée, enrichie et plus fictive d'une précédente publication datée de 2002 : Trashed, true tales from the back of the garbage. Puis les premières planches abordent rapidement l'histoire du traitement des déchets, de l'Antiquité à nos jours, avant de nous faire entrer dans le vif du sujet : les tribulations cocasses ou cruelles de J.B, le personnage principal, structurées en quatre grands chapitres représentant chacun une saison. 

J.B a laissé tomber la fac et ne semble pas pressé de trouver un travail. Un jour, sa mère lui met sous le nez une annonce de la mairie : on cherche un employé pour compléter l'équipe d'entretien. J.B tente sa chance, pensant qu'il va s'occuper des espaces verts de la ville ; le lendemain, il se retrouve à sa grande surprise à l'arrière d'un camion-poubelle et fait l'expérience des aspects les moins ragoûtants du métier. 




Il retrouve bientôt son pote Mike ; tous deux vont former un binôme à la fois drôle et critique sur cette ville qu'ils connaissent depuis toujours. Ils comprennent que le contenu des poubelles et la façon dont elles sont mises à disposition disent bien des choses sur les habitants et sur la considération qu'ils ont pour les éboueurs. 


On devine que le jeune Derf Backderf a pris conscience des rouages du monde professionnel à travers ce boulot temporaire : l'importance de la ponctualité _pour certains plus que pour d'autres_, le flicage du chefaillon qui n'a pas le bras aussi long qu'il le voudrait, les collègues bizarres mais sympas, les imprévus humains ou techniques...  



Au-delà d'un retour en BD sur une expérience de vie _dont il dit avoir voulu se détacher, l'auteur fait ici la lumière sur un secteur d'activité méconnu et assez rarement abordé en dessin : le traitement des ordures ménagères, de la poubelle à la décharge.    


C'est aussi l'occasion pour lui de parler de la société de son temps : en effet, à travers les poubelles des uns et des autres, parfois de ceux qu'il a toujours connus, J.B tire plein de déductions sur le civisme en général, sur la façon de consommer et de jeter. Même si les tournées ne dépassent pas les frontières de cette petite ville de l'Ohio, ses observations parleront à beaucoup d'habitants des pays développés.     

Trashed ne propose pas une intrigue, avec son début, son milieu et sa fin ; c'est une œuvre fictive mais qui a quand même vocation à informer _l'auteur n'est pas dessinateur de presse pour rien. L'idée d'avoir créé des personnages tous plus étranges les uns que les autres, et de les avoir mis en scène dans des situations déjantées est bonne car elle donne un rythme à l'ensemble ; un reportage dessiné sur le quotidien des éboueurs aurait bien sûr permis de faire passer le message, mais ç'aurait été ennuyeux. L'aspect documentaire se ressent déjà assez dans les répliques, et casse un peu le naturel des dialogues.  Mais ce n'est pas trop lourdingue non plus ; on peut aussi saluer le travail du traducteur Philippe Touboul, qui n'y est pas pour rien. 

Les amateurs de Derf Backderf, reconnaitront le style bien particulier de ses bonhommes et bonnes femmes aux grosses têtes expressives, tellement éloignés des canons de beauté habituels. Comme dans Mon ami Dahmer, ses décors ont des airs de gravure, mais cette fois-ci, l'artiste a opté pour une couleur en nuances de bleu-vert sûrement mieux appropriée au petit monde des poubelles. 



Si vous vous intéressez aux comics, et pas seulement à ceux qui parlent de super-héros, voici un titre à connaître : Trashed est cru, marrant et surtout très instructif _ même 10 ans après sa sortie ! J'ai particulièrement aimé l'ambiance du "trou perdu" où tout le monde se connaît, pour le meilleur et pour le pire : il me parle bien !    

Public : adultes - accessible 16 ans et plus, à cause des gros mots et des blagues de cul. Sinon ça passe dès la fin du collège. 

Est-ce utile que j'ai eu connaissance de ce titre grâce aux Mystérieux Étonnants (épisode 522)
   
Derf Backderf. TRASHED. Ca et là, 2015. Trad Philippe Touboul. 238 p. ISBN 978-2-36990-216-4









 



vendredi 23 décembre 2022

[ROUX COOLS] Marie La Rousse dans French Kiss 1986 (2012)

Tiens, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas parlé de Roux Cools par ici ! 

French Kiss 1986

BD One Shot parue en 2012 chez Glénat


L'histoire

A l'issue d'un dîner en famille animé, Etienne commence à raconter à ses enfants comment il a rencontré leur mère. Il lui faut remonter le temps jusqu'à l'été 1986 ; autant le dire, une toute autre époque, où flottaient pêle-mêle des airs de Tchernobyl, de Michael Jackson et de navette spatiale explosée.  

Mais pour Etienne, qui avait neuf ans à ce moment-là, les vacances d'été furent surtout marquées par une grandiose et terrible "guerre de pirates" dont il fut l'instigateur et qui opposa deux bandes d'enfants dans la petite ville du Québec qu'ils habitaient alors, lui et sa future femme. 

French Kiss 1986 est le récit intense à tous points de vue des aventures mémorables vécues par le Clan de l'Oeil Noir d'Etienne et par celui des Rouges-Gorges de sa rivale "La Rousse", entre la rue Beaulieu et la rue Perron. C'est pas spoiler que de dire que Leïa et Lucas ne vont pas être déçus par les frasques de leurs parents !   

Marie La Rousse 

Si, en tant que narrateur, Etienne semble s'imposer à nous comme "héros de l'histoire", il partage en fait le leadership avec une jeune fille rousse, plus grande, plus âgée et plus costaud que lui, mais surtout dotée d'un fort caractère. Marie la Rousse intrigue et fait peur ; ses origines sont floues, perdues dans un nuage de rumeurs et de mystère : on dit que sa mère est une sorcière. D'où vient la légende ? De la couleur de ses cheveux ?  De sa tendance à faire bande à part et à ne faire confiance à personne, même à son propre clan ? De sa maison qu'on situe mais qu'on n'approche pas ? On n'en saura pas beaucoup plus, mais pour les gosses des alentours, on a pile ce qu'il faut pour en faire une bonne pestiférée. 

Forcément, la présence de cette voisine imposante et consciente de son pouvoir agace Etienne et sa horde de copains majoritairement masculine : la Rousse a beau être une sorcière, elle n'en est pas moins une fille, et il est hors de question de perdre la face devant elle. 

Pas de doute, c'est une Rousse Cool

Etienne la hait sans trop savoir pourquoi, mais adore l'affronter, et avoir la possibilité de se mesurer à elle ; c'est autant pour cette raison que pour son désir d'aventures qu'il se lance dans une bataille de pirates à grande échelle, avec repaire, drapeau et trésor. Un vrai trésor, parce qu'à neuf ans, on n'est plus des bébés. Ses copains sont dans le même état d'esprit et ne demandent qu'à le suivre. 

Dans cette guerre, tous les coups sont permis, y compris les remarques désobligeantes sur le physique de La Rousse, sa supposée mauvaise odeur et son ascendance douteuse. Même s'il en faut plus que ça pour museler une adversaire qu'on sent déjà prête à passer dans la cour des grands, on comprendra au fil des chapitres que les attaques les plus basses auront atteint leur cible. 

En attendant, la chef des Rouges Gorges (pas les mignons petits oiseaux, hein !) fait partie des personnages féminins inspirants qui commencent à poindre un peu partout en BD mais qui étaient encore rares il y a dix ans. Surtout dans celles mettant en scène des grappes de drôles. 


"Ce qu'il y a de bon en nous" 

En effet, si vous lisez French Kiss 1986, beaucoup d'histoires risquent de vous revenir en tête, en fonction de vos références. Bien sûr, le modèle des Goonies est évident, et même revendiqué par Etienne, qui ne demande rien de plus que "revivre" ce film tout juste sorti, à l'époque. D'autres le suivent de près : l'énergie de Tom Sawyer flotte dans l'air, la cruauté prétextée par la stratégie militaire de La guerre des boutons est là aussi (vite fait), la solidité du Club des Râtés de Ca n'est pas loin non plus (en moins angoissant tout de même). Toutes ces œuvres ont pour dénominateur commun l'ambivalence de nos premières années de vie, dont on a plus ou moins vite la nostalgie, dont on occulte plus ou moins facilement les déboires. 

J'ai eu l'impression qu'Axelle Lenoir essayait de nous dire, au fil de sa BD, qu'il vaut mieux rester sur les bons souvenirs des jeux d'enfants et éviter de trop gratter la dernière couche de peinture. A trop creuser, on risque de réactiver tous ces états d'âme moins cool directement liés à la condition d'enfant, et qu'on avait réussi à mettre en veille prolongée. Si ça se trouve, j'interprète mal et c'est pas ça du tout.

Toujours est-il que les premiers chapitres laissent entrevoir une joyeuse épopée ponctuée de coups d'épée en bois et de trésors à base de bonbons, jusqu'à ce que les événements prennent une tournure plus dark et mélancolique, où trahisons, sauvagerie, virilité exacerbée, amours secrètes et/ou déçues viennent renverser le plateau de jeu. 

Non, être un enfant dans les années 1980, c'était peut-être fun, mais ce n'était pas le monde des Bisounours non plus. Comme aujourd'hui en fait ; les figures en miroir des enfants d'Etienne, le montrent bien : Lucas doit avoir à peu près l'âge de son père durant l'été 86 et n'a pas trop la pêche. Visiblement préoccupé, il tente de s'ouvrir mais l'explosivité heureuse de sa petite soeur Leïa, encore préservée des soucis des plus grands, l'écrase perceptiblement. 

A neuf ou dix ans, tout le monde n'en est pas au même point ; certains ont déjà conscience que "les mots peuvent faire plus mal que les coups", d'autres trouvent l'idée improbable. S'il convient de se comporter en rustre avec ceux de l'autre genre, le code de l'honneur et la notion des limites à ne pas dépasser est encore trouble. Etienne en fera les frais. Moins épris de pouvoir que de la petite fille du camp ennemi qu'il veut impressionner, il va perdre le contrôle de ses troupes. Le jeu ira trop loin, et son objectif de montrer "ce qu'il y a de bon" en lui à travers la piraterie s'éloignera d'autant.     

Quant à la cruelle Marie, elle n'est bien entendu pas le monstre dont elle se donne l'apparence ; on s'en rend compte lorsque Bébé Lafleur, le cadet rigolo du clan de l'Oeil Noir, se rend chez elle avec l'insouciance de son jeune âge sous le regard catastrophé des plus grands. Elle se contentera de lui proposer de regarder les Cités d'Or avec elle, tranquillement. D'ailleurs, les vignettes qui retracent l'épisode en question sont super marrantes.  

Diffusez-moi tout ça ! 

Cela vient peut-être juste du fait que je n'aie pas été au bon endroit au bon moment ces dernières années, mais j'ai l'impression qu'on connaît extrêmement peu French Kiss 1986 en France, bien que la BD ait été publiée chez Glénat et que le titre en question soit devenu le Coup de Coeur du Jury à Angoulême en 2013 (en plus, j'y étais, cette année-là...). Pourtant, ce one shot d'environ 140 pages, pas forcément axé jeunesse mais accessible dès le collège, je pense, en vaut d'autres de sa génération. 

Le français québécois peut gêner, direz-vous, et je vous répondrai que les expressions locales ne nuisent pas la compréhension. Au contraire, ça ne nous fait pas de mal de les connaître, car elles sont souvent poétiques. 

Ok pas toutes ! 

Ou alors, les nombreuses références aux années 1980 (les Goonies, Star Wars, Alf, les Cités d'Or, les premières consoles de jeux et bien d'autres que je n'ai pas perçues vu que bah moi 1986 c'est tout juste mon année de naissance ahah) pourraient faire croire que la BD se destine exclusivement à ceux qui ont vécu cette douce période, mais même pas. Y a qu'à voir le succès de Stranger Things. Les questionnements existentiels (et relationnels) des enfants ne changent pas tant que ça d'une décennie à l'autre. Comme dans Le domaine Grisloire et dans Luck, la façon dont ils sont traités tape juste. Par contre, les dessins sont très différents des oeuvres sus-citées, peut-être parce que French Kiss est en noir et blanc ? Il me semble que les traits des personnages, les bulles des petits pirates lorsqu'ils crient, et même les décors sont plus enfantins, comme tirés d'un cahier d'écolier. Cela m'a surprise mais j'ai bien aimé. D'autant qu'on retrouve quand même les yeux hyper-expressifs des protagonistes.

Est-ce bien la peine de le préciser ? J'ai entendu parler pour la première fois de cette bande dessinée dans l'épisode 298 des Mystérieux étonnants ; vous pourrez entendre l'analyse dans les 20 dernières minutes de l'émission. 

Axelle Lenoir. French Kiss 1986. Glénat Québec, 2012. 144 p. EAN 9782923621333 

dimanche 23 octobre 2022

[MANGA] My broken Mariko - Waka Hirako (2021) / Les vacances de Jésus & Bouddha - 1 - Hikaru Nakamura (2008)

A l'école, en bonne fragile, j'ai toujours fait en sorte de me mettre bien avec des copines grandes, costaud, et/ou fortes en gueule. Bien sûr, ce n'était pas forcément voulu ; les associations se faisaient naturellement, régies par l'instinct de survie, et je pense que ça fonctionnait parce que mes protectrices avaient besoin de se sentir dans ce rôle-là. C'est toujours valorisant d'être nécessaire à quelqu'un d'inoffensif, et puis ça donne un sens aux journées, à un âge où on navigue à vue. 

Toujours est-il que cette technique m'a permis de passer ma scolarité sans jamais être emmerdée, alors que je répondais à tous les critères de la victime idéale.

Allez, un petit manga qui parle de suicide pour bien amorcer l'automne ! 

My broken Mariko


Tout d'abord merci à toute l'équipe des libraires fous de l'excellent podcast BD Le Gaufrier, car c'est en écoutant l'épisode 54 que j'ai appris la sortie de My broken Mariko, un one shot de Waka Hirako.

Ce titre avait attiré mon attention car en présentant leur sélection du jour, l'un des animateurs avait fourché et dit "moricaud" au lieu de Mariko, ce qui avait généré un fou rire chez les intervenants _et chez moi aussi, d'ailleurs, alors que j'étais en train de courir. Du coup, j'avais fini mon parcours avec ce vieux hoquet qui te brûle le dos et qui met plus de temps à te quitter que la plupart de tes ex ! 

L'histoire

Maltraitée par son père et abandonnée par sa mère, la gentille Mariko avait fini par se briser de l'intérieur et Tomo la grande gueule s'était fait une mission de la protéger.

Depuis leur adolescence, elle la tenait ainsi à bout de bras, l'empêchant de s'auto-détruire, s'efforçant de la garder éloignée des types violents.

Malgré tous ses efforts, Mariko s'est suicidée, à 26 ans, au moment où tout semblait aller mieux, et maintenant Tomo est sous le choc.

En proie à la tristesse, à la culpabilité de n'avoir pas vu le coup venir, elle pète un câble et décide qu'elle fera ses adieux à sa meilleure amie comme il se doit, faute d'avoir pu empêcher de pire de se produire.


Tomo se rend chez le père de Mariko, largue toute sa colère sur lui en lui renvoyant ses crimes à la gueule, et dérobe les cendres de la défunte. Galvanisée par la réussite de son expédition, elle prend quelques affaires, l'urne funéraire et monte dans un bus en direction de la Pointe de Marigaoka, un patelin en bord de mer où Mariko et elle avaient prévu d'aller en vacances, un jour.

C'est le début d'un road trip déroutant mené par une fille encore incapable de quitter l'état second destructeur dans lequel sa peine la maintient.


Tomo perdante et perdue  

Si le périple de Tomo est parsemé de nombreux flashbacks qui nous en disent long sur la jeunesse catastrophique en tous points de la jeunes Mariko, on ne sait finalement pas grand chose sur sa meilleure amie protectrice. Grande gueule et intrépide, elle n'en est pas moins fragile et mal entourée : après tout, elle affirme à plusieurs reprises n'avoir "que Mariko", ce qui laisse penser qu'elle n'est pas très bien entourée elle non plus. Que ce soit dans les séquences souvenirs ou dans sa vie d'adulte, Tomo apparaît toujours seule ; il n'est presque jamais fait mention de sa famille ou d'autres amis. A présent coincée dans un boulot stressant qui n'a pas l'air d'être un aboutissement professionnel pour elle, elle n'arrive pas à se défaire de ce soupçon de loose qui la suit partout, collé sous sa semelle comme un vieux chewing-gume. A plusieurs reprises en lisant le manga, j'ai eu l'impression que son obstination à vouloir sauver sa copine était une façon de combler un vide dans sa propre existence.  


La voir mourir après des années passées à essayer de la faire vivre lui laisse un goût amer de ratage total et d'injustice _puisqu'après tout, le principal responsable de la dépression de Mariko est plus vivant que jamais. Même si les critiques que j'ai pu lire et regarder ne semblent pas l'interpréter ainsi, il me semble que My broken Mariko est vraiment centré sur le drame de Tomo ; d'ailleurs, l'action ne pourrait se mouvoir sans sa colère dévastatrice contre tout et tout le monde. Y compris contre Mariko elle-même, qui s'est "sauvée" en l'abandonnant à sa souffrance. 


Prozac d'or mérité ! 

L'énorme succès de ce manga est complètement justifié ! OK, c'est une histoire très triste et émouvante comme on pouvait s'y attendre, abordant des sujets très graves, et pourtant on ne se sent pas plombé en le lisant. Tomo a une rage et une énergie communicatives, et son personnage de fumeuse compulsive survoltée à quelque chose de comique, parfois. Ses traits m'ont même fait penser vite fait à l'Agrippine de Claire Bretécher.

My Broken Mariko raconte très bien la détresse de la survivante malheureuse d'un binôme fusionnel qui a tout fait pour empêcher la fin tragique de l'autre et qui doit composer avec son échec.

Un manga pour lycéens et adultes, pas pour les plus jeunes !

Manga découvert grâce au super podcast BD #legaufrier

#bookstagram #deuil #manga #sousentendusgouinistiques #tameilleureamie #oubliezlekawaii #violence #mybrokenmariko #kioon #seinen #mediathequemargueriteduras #wakahirako #ceuxquirestent

My broken Mariko
Waka Hirako
Ki-oon seinen - 2020


Deux salles, deux ambiances ! 

On enchaîne avec le premier tome d'une série de mangas beaucoup plus légère : Les Vacances de Jésus & Bouddha. 

Hikaru Nakamura
Kurokawa, 2008

Fatigués par le passage à l'an 2000 qui leur a donné beaucoup de travail, Jésus et Bouddha ont décidé de s'accorder des vacances 🌴 sur Terre.

C'est donc en touristes qu'ils posent leurs valises au Japon, en ce début de 21ème siècle. Ils louent un appartement et s'immergent avec curiosité dans la foule des humains qu'ils ne connaissent que "vus du ciel".

On suit donc leur quotidien, entre les aléas de la colocation, les rues animées, les festivals traditionnels japonais, le métro et la piscine.

Pas vraiment d'intrigue dans ce premier tome de la série, mais pour le coup, ce n'est pas gênant : voir Bouddha et Jésus aller de déconvenues en émerveillement tels deux étudiants paumés nous ravit déjà pleinement ! 😀

Comme pouvaient le laisser présager son titre et sa couverture, les Vacances de Jésus et Bouddha est un manga comique, qui joue beaucoup sur les quiproquos entre les deux "figures divines" et les humains qu'ils croisent...

Encore une découverte sympa faite grâce aux #mystérieuxétonnants !

Si le titre vous chiffonne, détendez-vous ! Toutes les religions sont respectées, d'ailleurs on n'en parle pas tant que ça ! Ici, les blagues ne sont jamais fondées sur le mépris du bouddhisme ou du christianisme. Au pire, si comme moi vous n'êtes pas trop calé sur la vie de Siddhartha et de Jésus, vous apprendrez deux ou trois trucs au passage !


#manga #bookstagram #leblogdejésus #bouddhasmile #hydrophobie #usbeketrika #japon #vinted #bouddhasmile #kurokawa #hikarunakamura #lesvacancesdejesusetbouddha


mercredi 10 août 2022

[COMICS] Shirtless Bear Fighter - Jody LeHeup ; Sebastian Girner ; Nil Vendrell (2017)


"Je vais accélérer un peu la cassette vidéo car cette partie du film n'est pas faite pour vous!", nous prévient notre instit de grande section de maternelle, qui a entrepris de faire de L'Ours de Jean-Jacques Annaud notre prochain sujet d'étude. 

Comme c'est gentil de sa part de se souvenir de notre sensibilité, alors qu'on a vu d'entrée de jeu et sans le moindre avertissement la maman ourse se faire mortellement aplatir la tête par une énorme pierre, laissant son petit dans une détresse communicative. 

La fonction "avance rapide" n'est malheureusement pas très performante sur le magnétoscope de l'école. Malgré les deux rangées de fourmis rouges qui barrent l'écran et la vitesse de défilement des images, on voit parfaitement un chien se rompre le cou sur un rocher en laissant une trace de sang sur son passage, puis un autre, les tripes à l'air.

Je crois bien que ces images qui me sont restées en mémoire correspondent à une scène de chasse plutôt importante dans l'histoire, mais je ne saurais en dire plus. Ce grand moment de cinéma m'a laissé une impression tellement dégueu qu'aujourd'hui encore, je n'arrive pas à me remotiver pour regarder L'Ours au calme, en mode adulte. Pourtant je sais que ce film, qui met en scène l'adoption progressive d'un ourson orphelin par un grand ours solitaire, est un classique à connaître, qu'il est super intéressant, et qu'il est sur Netflix.   

Heureusement, d'autres fictions nous permettent de traiter les rapports houleux de l'homme avec la nature (et avec les ours) de façon un peu moins stressante ; c'est le cas la BD Shirtless Bear Fighter, publiée en 2017 par un groupe d'artistes composé notamment de Jody LeHeup, Sebastian Girner et Nil Vandrell.  


L'histoire 

Rien ne va plus dans la Grande Ville : des ours possédés envahissent les rues, détruisant tout sur leur passage. La police est complètement impuissante face à cette situation inédite. Heureusement, l'agent Burke dirige les opérations ; le vieux flic expérimenté a une bonne connaissance du terrain. Il sait que le seul homme capable de mettre fin au carnage s'appelle Shirtless Bear Fighter (en français : "le Cogneur d'Ours Torse Nu"), et qu'il vit seul dans la forêt. Accompagné de Suzie Silva, son acolyte débutante, il part à sa rencontre pour lui demander de l'aide.    

Le Cogneur d'Ours Torse Nu (on va faire comme tout le monde : on va l'appeler "Cogneur") refuse avant de se raviser. Il faut dire que, pour ce colosse recueilli et élevé par des ours avant d'être amené à s'en éloigner suite à un événement tragique qu'on ne spoilera point, la mission prend des airs de dilemme. 

Attention, à partie de là, des moments importants de l'intrigue peuvent être dévoilés.


Désormais, l'homme-ours vit reclus dans un chalet, tourne aux pancakes au sirop d'érable et veille sur une forêt qu'il ne quitte jamais. Et Dieu sait qu'elle a besoin d'être protégée, menacée qu'elle est par ses hordes d'ouvriers armés de tronçonneuses, toujours prêts à débiter des arbres pour le compte de leur patron, le bien nommé Jaxson Bûcheron. 


Retenez bien sa tête ! Bûcheron est LE grand méchant de la BD ; tous les ennemis déclarés et les nombreux traitres que Cogneur va croiser ne sont que des victimes de ce manipulateur. L'industriel n'a qu'une idée en tête : faire croître Cajol'Fesse, son usine de PQ. Pour arriver à ses fins, il a besoin d'avoir la mainmise sur toute la forêt ; cela implique d'une part de soudoyer les ours pour les avoir dans la poche,  d'autre part, d'éloigner le gardien des lieux. Cogneur, donc.   

Aussi, lorsque le héros fait décoller son avion-ours à la demande de Burke pour se rendre en ville et dégommer les ours qui terrorisent la population, il ne sait pas encore qu'il est en train de tomber dans un piège comparable à une toile d'araignée.   



On ne choisit pas sa famille ! 

Mais pourquoi Cogneur boxe-t-il les ours aussi vigoureusement, alors qu'il les connaît mieux que personne, et qu'il semble en parfaite harmonie avec la nature ?

Tout simplement parce que, même si Maman et Papa Ours l'ont toujours logé à la même enseigne que son Frère Ours, il reste différent des autres membres de sa famille d'adoption : c'est un homme, et pas un ours. Sa force incroyable attise la jalousie de son frère, qui voit en lui un improbable rival ; et lorsqu'il doit un jour choisir entre ses semblable et sa tribu, sa situation se complique. La crise identitaire qui couvait lui saute à la tête et éclabousse son entourage. S'ensuit une double trahison : son père l'exclut pour ménager la chèvre et le chou, tandis que Frère Ours pactise avec Bûcheron pour l'éliminer définitivement. L'histoire de ce Samson des temps modernes _mettre un t-shirt le dépouille de toutes ses aptitudes physiques_ pourrait être déchirante, si le comique ne dominait pas l'ensemble ! 





C'est bon, vous pouvez revenir !


Une lecture détente comme on les aime (ou pas)

Shirtless Bear Fighter est une BD toute en couleurs vives, où les aventures s'enchaînent au rythme des patates balancées par le héros. On se croirait un peu dans ces films de série B du dimanche après-midi, qui nous servent de fond sonore, dont on se moque à cause des personnages bien stéréotypés, mais dont on a quand même envie de connaître le dénouement ! Ici, l'album fonctionne, car les auteurs ont eu la bonne idée de ne pas se prendre au sérieux : il jouent avec les codes du cinéma d'action, justement, pour mieux nous faire rire. 

On retrouvera quelques unes des figures et motifs typiques du genre : 

  • le héros torturé à gros bras, à la Chuck Norris
  • le super méchant, qu'on a déjà vu
  • un savant fou, ou un magicien

  • le binôme dysfonctionnel de flics, l'un en fin de carrière, l'autre débutante mais plus fûtée ET amoureuse du héros. 
Enjoy la petite séquence machiste...

  • l'arsenal conséquent et les nombreuses machines de guerre _mention spéciale pour l'avion-ours et le vaisseau chiottes !
  • la castagne et les explosions  

La BD a beau avoir une visée humoristique, il ne suffira pas que vous soyez de bonne humeur pour qu'elle vous plaise. Ayez bien à l'esprit que le comique repose ici essentiellement sur l'exagération, les jeux de mots à base d'ours, les blagues potaches et parfois scato (avec une entreprise de PQ en toile de fond, on pouvait difficilement y couper...). Donc si vous n'êtes pas très à l'aise avec ces délires-là, ou si vous êtres en quête de scénarii à tiroirs, de suspense, de finesse, de thèmes traités de manière assez profonde pour nourrir une réflexion... ne perdrez pas votre temps et courez lire autre chose !

Comme vous pouvez vous en douter, j'ai complètement adhéré au concept ; quelques passages hilarants de débilité m'ont fait le plus grand bien, car ils correspondaient à ce que je recherchais comme lecture divertissante à ce moment-là. Voilà pourquoi je n'hésiterai pas à faire de Shirtless Bear Fighter mon titre-phare pour ces prochains mois, celui que j'irai ouvrir si j'ai un coup de mou. 

Le mieux est sans doute que vous vous fassiez un avis par vous-même. En attendant, je vous laisse entre les mains de expertes des Mystérieux Étonnants et vous renvoie au numéro 672 de leur émission. Ils sont toujours de bon conseil et proposent en fin d'épisode une critique plus complète et plus nuancée que celle-là !   

LEHEUP ; GIRNER ; VENDRELL. Shirtless Bear Fighter. HiComics, 2017. ISBN 978-2-37887-082-9

samedi 30 juillet 2022

[COMICS] Hawkeye - 1 - "Ma vie est une arme" - Matt Fraction ; David Aja ; Javier Pulido (2013)

L'un de mes neveux est dans une phase super-héros, il est assez connaisseur des grandes figures de Marvel, notamment _même s'il a préféré de loin se déguiser en Batman pour le dernier carnaval, paraît-il. En tous cas, c'est grâce à lui que j'ai découvert l'existence de Hawkeye, un allié atypique des Avengers. Lorsqu'il m'a présenté l'une de ses multiples figurines sous ce nom, et j'ai d'abord cru qu'il l'avait inventé. Ce n'est qu'en parcourant le rayon comics d'une bibliothèque, un peu plus tard, que j'ai compris de qui il s'agissait. 

L'histoire 

Cet album regroupe quatre aventures menées par Clint Barton, alias Hawkeye, un archer hors pair qui marche avec les Avengers. Très doué dans sa discipline mais dénué de super-pouvoirs, il est souvent accompagné dans ses pérégrinations par Kate Bishop, son double féminin beaucoup plus rusé que lui. 

Le premier chapitre intitulé Chanceux s'ouvre sur une chute vertigineuse de Clint, directement suivie d'un long séjour à l'hôpital ; à sa sortie, il regagne son immeuble situé dans un quartier populaire de New-York et s'aperçoit que le propriétaire, Ivan, le chef patibulaire de la Mafia en Survêt, a triplé le loyer de tout le monde, poussant ses voisins au déménagement. Clint n'apprécie pas l'entourloupe et décide de se battre au nom de tous les locataires. 

C'est dans le Code des vagabonds, la deuxième aventure, qu'apparaît la géniale Kate Bishop. Le binôme doit s'infiltrer dans un cirque pour capter quelques acrobates cleptomanes ; la mission prend un tournant nostalgique lorsque le héros, qui a grandi au milieu des forains, retrouve de vieux réflexes. Il va faire face à un lanceur de couteaux formé par son mentor, le Spadassin. 



Cherry est ni plus ni moins le déroulé d'une journée catastrophique. Alors qu'il part au supermarché acheter du café et du scotch pour étiqueter ses multiples flèches, une rencontre avec une voiture de collection (et sa belle conductrice) va modifier ses plans. La jeune femme semble s'est fourrée dans un guêpier et n'hésite pas à jouer de ses atouts pour bénéficier de son aide. Est-ce que cela suffira ? Pas sûr, car la bande des Survêts, encore eux, n'est jamais très loin. 

Enfin, la Cassette s'organise en deux parties _assez difficiles à délimiter, d'ailleurs, dans laquelle le lien entre Hawkeye et les Avengers devient concret. En effet, la directrice du S.H.I.E.L.D Maria Hill charge Clint de récupérer une cassette vidéo compromettante pour la Navy et pour l'équipe de Captain America. Il y est question de l'assassinat du dictateur Du Ke Feng. L'archer va devoir se montrer rapide et efficace car l'enregistrement est sur le point d'être vendu aux enchères sur l'île de Madripoor, une zone de non-droit où tous les coups sont permis. De nombreux ennemis des Avengers sont déjà sur le coup, toujours chauds lorsqu'il s'agit de salir l'image des justiciers. 

"Ca s'annonce mal" 

L'album s'ouvre sur cette petite phrase que Clint Barton prononce, comme pour mieux faire entrer le lecteur dans son quotidien mouvementé. Cette formule reviendra plusieurs fois, toujours issue des pensées d'Hawkeye ; il faut dire que le roi du tir à l'arc est tout sauf le héros indestructible et rassurant qu'on s'attend à croiser dans un Marvel. Au contraire, il se présente lui-même comme un être humain très conscient de sa vulnérabilité ; c'est sans doute ce qui lui permet de rester humble avec ses semblables, alors que sa proximité avec les Avengers aurait de quoi lui filer la grosse tête. Il est toujours appréciable de voir sur le devant de la scène des personnages qui n'en jettent pas trop et qui assument leurs points faibles _sans forcément se déprécier. Ils sont plus présents qu'on le croit dans ces comics, et cela participe de l'intérêt qu'on peut leur accorder. 

s les premières planches, il devient facile de se trouver des points communs avec Hawkeye : il boit du café (et le renverse), il fait des barbecues sur le toit le l'immeuble avec ses voisins, il est bordélique et range ses flèches n'importe comment, il pense à ce que deviendront ses effets après sa mort, il commet des lapsus, il prend les transports, éventuellement le taxi si c'est Captain America qui paye... Mais par-dessus tout, il peut avoir besoin d'aide et n'hésite pas à solliciter Kate Bishop, sa comparse qui n'a décidément rien à faire au second plan. 


Kate Bishop, ou la couverture de survie

Le personnage de Kate Bishop ne se "limite" pas à sa collaboration avec Clint Barton ; si vous souhaitez connaître l'ensemble de ses œuvres dans le monde féérique de Marvel, je ne peux vous conseiller l'épisode du podcast Codexes* qui lui est consacré. Je veux pas spoiler, mais sachez juste qu'elle sera nommée "la Nouvelle Hawkeye" plus tard dans son parcours.

Ici, Kate est clairement identifiée comme la subalterne de Clint ; ce dernier nous la décrit comme "assez géniale" et l'apprécie à sa juste valeur. Mais dans ce premier tome d'une série qui en compte 4, elle ne quitte jamais son rang de doublure de luxe indispensable justement parce qu'elle sait rester dans l'ombre. Ce n'est pas elle que Maria Hill et Captain America viennent chercher en toute urgence, c'est Hawkeye. Et pourtant... On a bon espoir que ça change. 

Ce statut, qu'elle connaît et accepte, ne l'empêche pas de se montrer audacieuse et de s'adresser à Clint comme au colocataire bas du front qu'il peut parfois être. Kate Bishop est derrière tous les bons mots et les moments comiques de l'album.   


La narration renforce ce sentiment d'être sur un pied d'égalité avec les deux personnages principaux, en particulier avec Clint Barton : d'abord parce qu'il parle à la première personne et semble s'adresser à nous, le plus souvent et début et fin de chapitre. Ensuite, les péripéties nous sont présentées de façon non linéaire ; on part généralement d'un temps fort ou d'un moment critique pour les personnages principaux, avant de remonter le cours des événements. Cette impression de joyeux bordel a bien failli me faire renoncer à la lecture de cette BD ! "Ma vie est une arme" commence sur des chapeaux de roue et ça m'a pris un temps fou de prendre le train en marche. Avec le recul _et une seconde lecture_ je comprends ce choix du scénariste : Clint et Kate vivent à l'arrache et à cent à l'heure, ils vont où le vent les emmènent, ils improvisent. On les suit dans leur journées périlleuses comme le feraient des documentaristes, caméra au poing. 

=> Regardez la critique de ce youtubeur Le Rat de Gotham, elle est beaucoup plus pertinente que la mienne car lui, il s'y connaît ! Il a aussi fait une vidéo sur Ms Marvel dont on a parlé il y a quelques temps !

Direction Madripoor : suivez les flèches

Je vais me répéter, mais tant pis : Marvel, DC et les autres me sont passés au-dessus pendant très longtemps et je suis encore en train de découvrir des personnages et des lieux qu'on ne présente plus. Donc les connaisseurs, si vous tombez sur ce billet _ce qui serait bien peu probable : passez votre chemin ; vous risquez de lire des choses évidentes ou approximatives et ça va juste vous faire péter un câble. 

Les références à l'univers de Marvel sont assez nombreuses dans la série Hawkeye, et elles permettent de comprendre un peu mieux l'historique des Avengers. 

  • Les Avengers englobent dans leur équipe des êtres humains ordinaires, tels que Clint Barton et Kate Bishop ; ces élus ont une place un peu particulière à leurs côtés et font penser aux héros de la mythologie grecque, par exemple. Leur absence de pouvoirs est compensée par des qualités humaines et/ou physiques au-dessus de la moyenne, et par une ribambelle de gadgets plus perfectionnées et WTF les uns que les autres. Alors, ok, on ne sait pas si Hawkeye a plusieurs cordes à son arc, mais il possède au moins autant de flèches différentes qu'Iron Man d'armures. Entre la flèche-filet, celle qui envoie de l'acide, celle qui te laisse dans une mare poisseuse, celle à point explosive... on saisit bien l'intérêt d'étiqueter tout ce barda. La documentaliste compatit.  
  • Il est fait allusion à Jacques Duquesne, le Spadassin, un aventurier souvent équipé d'une épée, ayant lui aussi fait partie des Avengers pendant quelques temps ; Hawkeye dit avoir été éduqué par ses soins dans son enfance, mais il ne cache pas son aversion pour cet homme qui semble l'avoir déçu par sa tendance à chouraver.
  • Pour la première fois, j'ai entendu parler de l'île de Madripoor, un lieu qui visiblement sert souvent de théâtre aux fourberies de tous genres. Une drôle de terre gouvernée et financée par le vice, qui est un peu le pays de tout le monde et de personne. A moins d'être un super-héros ou d'être couvert par Kate Bishop, on ne survit pas très longtemps dans cette jungle d'hôtels luxueux.  
  • Qui est cette "Madame Hill" qui vient extraire Hawkeye de la fête des voisins ? C'est la directrice du S.H.I.E.L.D, une agence de renseignements engagée dans la lutte anti-terroriste, qui sollicite pas mal de super-héros. J'avais l'impression qu'ils avaient surtout mis leur grapin sur Iron Man et Spider Man, mais pas que, visiblement !  
  • Madame Masque fait une brève apparition dans le dernier chapitre ; c'est une dame portant un masque (surprenant). C'est pas spoiler que de dire que cette super-méchante va bien se faire bolosser par Kate Bishop ! 
#jaunisse

La vie en mauve 

Si Matt Fraction s'est occupé du scénario, deux illustrateurs se sont partagés le dessin ; David Aja a mis en image les trois premiers chapitres, de Javier Pulido la dernière double aventure. Du début à la fin, la tonalité violette, correspondant à la couleur de prédilection des héros, a été respectée. Le trait un peu gras et sombre de David Aja, qui prête à ses figures un air mystérieux, déstabilise mais sait se faire apprécier ; si on a l'occasion de saisir le regard d'un personnage, c'est parce qu'il a une importance immédiate dans l'action. Javier Pulido adopte un trait plus fin, peut-être un peu plus conventionnel et rassurant. 

L'ambiance violette peut ne pas convenir à tout le monde ; mais ça vaut le coup de ne pas s'y arrêter. La critique est assez unanime, sur Internet : la série BD Hawkeye est d'une grande qualité et se hisse parmi les classiques. 

Ah, remarque importante : même si ce n'est pas une série estampillée jeunesse, il me semble qu'elle peut être mise entre toutes les mains (à partir du collège). Y a une micro histoire de cul dedans, certes, mais ça va on voit rien !

Elle a récemment été adaptée en série télévisée.

Hawkeye = oeil de faucon
faucon = oiseau = c'est presque un poulet !! 

* Codexes est un podcast culturel qui parle de personnages de fiction féminins. Chaque épisode est consacré à une figure plus ou moins connue d'un film, d'une série, d'une BD, et les animatrices l'épluchent de façon très complète ! C'est super instructif ! 

Références de la BD : 

Matt FRACTION ; David AJA ; Javier PULIDO. Hawkeye - 1 - Ma vie est une arme. Panini Comics, 2013. ISBN 978-2-8094-3169-8

Sources :