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dimanche 23 octobre 2022

[MANGA] My broken Mariko - Waka Hirako (2021) / Les vacances de Jésus & Bouddha - 1 - Hikaru Nakamura (2008)

A l'école, en bonne fragile, j'ai toujours fait en sorte de me mettre bien avec des copines grandes, costaud, et/ou fortes en gueule. Bien sûr, ce n'était pas forcément voulu ; les associations se faisaient naturellement, régies par l'instinct de survie, et je pense que ça fonctionnait parce que mes protectrices avaient besoin de se sentir dans ce rôle-là. C'est toujours valorisant d'être nécessaire à quelqu'un d'inoffensif, et puis ça donne un sens aux journées, à un âge où on navigue à vue. 

Toujours est-il que cette technique m'a permis de passer ma scolarité sans jamais être emmerdée, alors que je répondais à tous les critères de la victime idéale.

Allez, un petit manga qui parle de suicide pour bien amorcer l'automne ! 

My broken Mariko


Tout d'abord merci à toute l'équipe des libraires fous de l'excellent podcast BD Le Gaufrier, car c'est en écoutant l'épisode 54 que j'ai appris la sortie de My broken Mariko, un one shot de Waka Hirako.

Ce titre avait attiré mon attention car en présentant leur sélection du jour, l'un des animateurs avait fourché et dit "moricaud" au lieu de Mariko, ce qui avait généré un fou rire chez les intervenants _et chez moi aussi, d'ailleurs, alors que j'étais en train de courir. Du coup, j'avais fini mon parcours avec ce vieux hoquet qui te brûle le dos et qui met plus de temps à te quitter que la plupart de tes ex ! 

L'histoire

Maltraitée par son père et abandonnée par sa mère, la gentille Mariko avait fini par se briser de l'intérieur et Tomo la grande gueule s'était fait une mission de la protéger.

Depuis leur adolescence, elle la tenait ainsi à bout de bras, l'empêchant de s'auto-détruire, s'efforçant de la garder éloignée des types violents.

Malgré tous ses efforts, Mariko s'est suicidée, à 26 ans, au moment où tout semblait aller mieux, et maintenant Tomo est sous le choc.

En proie à la tristesse, à la culpabilité de n'avoir pas vu le coup venir, elle pète un câble et décide qu'elle fera ses adieux à sa meilleure amie comme il se doit, faute d'avoir pu empêcher de pire de se produire.


Tomo se rend chez le père de Mariko, largue toute sa colère sur lui en lui renvoyant ses crimes à la gueule, et dérobe les cendres de la défunte. Galvanisée par la réussite de son expédition, elle prend quelques affaires, l'urne funéraire et monte dans un bus en direction de la Pointe de Marigaoka, un patelin en bord de mer où Mariko et elle avaient prévu d'aller en vacances, un jour.

C'est le début d'un road trip déroutant mené par une fille encore incapable de quitter l'état second destructeur dans lequel sa peine la maintient.


Tomo perdante et perdue  

Si le périple de Tomo est parsemé de nombreux flashbacks qui nous en disent long sur la jeunesse catastrophique en tous points de la jeunes Mariko, on ne sait finalement pas grand chose sur sa meilleure amie protectrice. Grande gueule et intrépide, elle n'en est pas moins fragile et mal entourée : après tout, elle affirme à plusieurs reprises n'avoir "que Mariko", ce qui laisse penser qu'elle n'est pas très bien entourée elle non plus. Que ce soit dans les séquences souvenirs ou dans sa vie d'adulte, Tomo apparaît toujours seule ; il n'est presque jamais fait mention de sa famille ou d'autres amis. A présent coincée dans un boulot stressant qui n'a pas l'air d'être un aboutissement professionnel pour elle, elle n'arrive pas à se défaire de ce soupçon de loose qui la suit partout, collé sous sa semelle comme un vieux chewing-gume. A plusieurs reprises en lisant le manga, j'ai eu l'impression que son obstination à vouloir sauver sa copine était une façon de combler un vide dans sa propre existence.  


La voir mourir après des années passées à essayer de la faire vivre lui laisse un goût amer de ratage total et d'injustice _puisqu'après tout, le principal responsable de la dépression de Mariko est plus vivant que jamais. Même si les critiques que j'ai pu lire et regarder ne semblent pas l'interpréter ainsi, il me semble que My broken Mariko est vraiment centré sur le drame de Tomo ; d'ailleurs, l'action ne pourrait se mouvoir sans sa colère dévastatrice contre tout et tout le monde. Y compris contre Mariko elle-même, qui s'est "sauvée" en l'abandonnant à sa souffrance. 


Prozac d'or mérité ! 

L'énorme succès de ce manga est complètement justifié ! OK, c'est une histoire très triste et émouvante comme on pouvait s'y attendre, abordant des sujets très graves, et pourtant on ne se sent pas plombé en le lisant. Tomo a une rage et une énergie communicatives, et son personnage de fumeuse compulsive survoltée à quelque chose de comique, parfois. Ses traits m'ont même fait penser vite fait à l'Agrippine de Claire Bretécher.

My Broken Mariko raconte très bien la détresse de la survivante malheureuse d'un binôme fusionnel qui a tout fait pour empêcher la fin tragique de l'autre et qui doit composer avec son échec.

Un manga pour lycéens et adultes, pas pour les plus jeunes !

Manga découvert grâce au super podcast BD #legaufrier

#bookstagram #deuil #manga #sousentendusgouinistiques #tameilleureamie #oubliezlekawaii #violence #mybrokenmariko #kioon #seinen #mediathequemargueriteduras #wakahirako #ceuxquirestent

My broken Mariko
Waka Hirako
Ki-oon seinen - 2020


Deux salles, deux ambiances ! 

On enchaîne avec le premier tome d'une série de mangas beaucoup plus légère : Les Vacances de Jésus & Bouddha. 

Hikaru Nakamura
Kurokawa, 2008

Fatigués par le passage à l'an 2000 qui leur a donné beaucoup de travail, Jésus et Bouddha ont décidé de s'accorder des vacances 🌴 sur Terre.

C'est donc en touristes qu'ils posent leurs valises au Japon, en ce début de 21ème siècle. Ils louent un appartement et s'immergent avec curiosité dans la foule des humains qu'ils ne connaissent que "vus du ciel".

On suit donc leur quotidien, entre les aléas de la colocation, les rues animées, les festivals traditionnels japonais, le métro et la piscine.

Pas vraiment d'intrigue dans ce premier tome de la série, mais pour le coup, ce n'est pas gênant : voir Bouddha et Jésus aller de déconvenues en émerveillement tels deux étudiants paumés nous ravit déjà pleinement ! 😀

Comme pouvaient le laisser présager son titre et sa couverture, les Vacances de Jésus et Bouddha est un manga comique, qui joue beaucoup sur les quiproquos entre les deux "figures divines" et les humains qu'ils croisent...

Encore une découverte sympa faite grâce aux #mystérieuxétonnants !

Si le titre vous chiffonne, détendez-vous ! Toutes les religions sont respectées, d'ailleurs on n'en parle pas tant que ça ! Ici, les blagues ne sont jamais fondées sur le mépris du bouddhisme ou du christianisme. Au pire, si comme moi vous n'êtes pas trop calé sur la vie de Siddhartha et de Jésus, vous apprendrez deux ou trois trucs au passage !


#manga #bookstagram #leblogdejésus #bouddhasmile #hydrophobie #usbeketrika #japon #vinted #bouddhasmile #kurokawa #hikarunakamura #lesvacancesdejesusetbouddha


jeudi 4 juin 2020

Dans la série : y a confinement et confinement ! Naissance des coeurs de pierre - Antoine Dole (2017)

"J'espère que je n'ai pas fait une boulette..." 
Tu n'as pas "fait une boulette", tu as balancé un couscous entier, tu le sais fort bien, et au fond de toi tu jubiles.
 Pourquoi est-ce que je suis l'une des rares personnes à ne pas me laisser séduire par tes petits numéros ? J'aimerais mieux ne pas voir...      

Sans le vouloir, ces derniers temps, je me suis retrouvée à lire pas mal de bouquins qui parlent de l'enfermement sous toutes ses formes : vive BCDI à distance ! Le pire, c'est que ce n'était vraiment pas étudié pour ! S'il y a bien une dernière ahurie en France qui n'a compris le concept de confinement qu'en se réveillant avec un petit SMS du gouvernement le mardi 16 mars au matin, c'est bien moi. 
D'où ils ont eu mon portable, d'ailleurs ?
Peu importe, il est temps d'évoquer ces lectures de circonstance. 
              

Naissance des coeurs de pierre - Antoine Dole (2017)
  
                                                            


Jeb a 12 ans : comme tous les enfants de son âge, il doit passer une épreuve pour "entrer dans le Programme". Ce rite de passage propre au Nouveau Monde doit lui permettre d'être considéré comme citoyen à part entière. Les jeunes sont essentiellement testés sur leur capacité à dissimuler leur humanité : en effet, dans cette société qui se dit "meilleure" que celle de l'Ancien Monde, les émotions sont interdites et considérées comme dangereuses pour soi et pour les autres : n'est-ce pas elles qui ont causé les guerres, autrefois ? Aussi, les candidats qui montrent des signes de faiblesse le jour J révèlent qu'ils n'arrivent pas encore à se détacher de leurs états d'âmes, et un sort aussi mystérieux que redoutable les attend. Ceux qui savent se maîtriser sont prêts à se faire injecter la potion magique qui lavera définitivement leur cerveau, "pour le bien de tous". Jeb espère qu'il réussira et qu'il saura se montrer digne d'entrer dans le Programme : le contraire couvrirait sa mère de honte. Mais au fond de lui, il sait bien que c'est mort. 




Aude vient d'entrer en seconde dans un lycée de bourges, avec la motivation propre à son âge. Ses parents sont sur son dos car ils veulent qu'elle brille, mais leurs coups de pression vont s'avérer contre-productifs. Si on ajoute à cela d'autres paramètres plombants, tels que l'ambiance du bahut pas vraiment propice à l'intégration pour ceux qui se démarquent, l'absence des copines du collège, ou le désintérêt des adultes pour tout ce qui ne ressemble pas de près ou de loin à un bulletin de notes, on arrive vite au décrochage et la dépression. Aude se fait harceler, ne peut en parler à personne, s'emmure. Elle trouve du réconfort dans la compagnie de Mathieu le surveillant, le seul type qui semble capable de la comprendre.     

Les deux trajets de vie sont liés, évidemment. Par quoi ? Comment et quand vont-ils se rejoindre ? Il faudra lire le livre jusqu'au bout pour le savoir. Une fois n'est pas coutume, je ne spoilerai pas ! Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il est important que vous n'abandonniez pas votre lecture en plein milieu... parce que vous pourriez très bien être tenté de le faire ! Non pas que ce soit mal écrit ou ennuyeux, au contraire ! 

   


Les premières pages ne laissent pas de doute : deux univers parallèles nous sont présentés alternativement, au fil des chapitres. D'un côté, on pourrait bien avoir affaire à une dystopie dans laquelle le petit Jeb se débat. De l'autre, un décor contemporain et réaliste, quelque part en France. 

Pourtant, les deux univers ont en commun une ambiance de malaise constant. Le Nouveau Monde de Jeb, que l'on découvre pourtant à travers ses yeux d'enfant sensible, est terne, morose, d'une propreté clinique. Il suscite au mieux la déprime, au pire l'angoisse. Aude n'a pas une vie quotidienne qui fait rêver, peut-être parce qu'elle nous est décrite en tenant compte de l'état d'esprit d'une lycéenne pleinement consciente de son statut de brebis galeuse de sa classe.





Les deux histoires peu à peu imbriquées sont très bien racontées, sur un ton juste... tellement juste qu'il fout un peu le cafard, et que j'ai bien failli laisser tomber. C'aurait aurait été dommage, déjà parce que les derniers chapitres contiennent l'essentiel du message de l'oeuvre, mais surtout parce qu'on se rend compte qu'on a étiqueté à tort le Nouveau Monde de Jeb comme univers "imaginaire", "fantastique" ; or, de tous les événements qui ponctuent le parcours chaotique de l'enfant, lesquels relèvent de la science fiction, du futuriste, du surnaturel ? Aucun. Ils sont tous effroyablement plausibles !  


"Jamais on ne pointera du doigt que c'est le monde tel qu'il est qui a engendré tout cela."


Certes, vous n'allez pas vous fendre la poire en lisant ce livre, mais le propos est intéressant. Naissance des coeurs de pierre est en lice pour le prix du Prozac d'or 2020 de ce blog ; honnêtement, je ne suis pas sûre qu'il ait ses chances, car la concurrence est rude ! Cela dit, ce roman pour ados (à partir de 14 ans seulement, en fonction des sensibilités) part quand même avec un point bonus Anafranil d'avance. Autrement dit : rien n'est joué ! 

  
Oui, l'Anafranil est blond


Antoine DOLE. Naissance des coeurs de pierre. Actes Sud Junior, 2017. 158p. ISBN 978-2-330-08141-6



mercredi 28 octobre 2015

Larme de rasoir - Spéciale Couvertures Déprimantes : le Redoublant - Claire Mazard, Rester vivante - Catherine Leblanc, Iqbal. Un enfant contre l'esclavage - Francesco D'Adamo


L'année dernière, nous nous étions beaucoup amusées, ma collègue de français et moi, à lire les quatrièmes de couverture des ouvrages exposés au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse à Montreuil : entre les héros orphelins ou défigurés lors d'un accident, les histoires d'amour entre ados gravement malades, les journaux de jeunes dépressifs essayant de se remettre d'un viol et de la discrimination raciale qu'ils vivent au quotidien, les amitiés naissantes entre enfants battus et animaux maltraités, nous avions remarqué que les petits lecteurs avaient un choix de folie en terme d'histoires réalistes.



Tous ces reflets des malheurs du monde nous ont déprimées, alors nous avons choisi d'en rire _nerveusement, certes. C'était un peu trop. Aussi bête que cela puisse paraître, on a senti qu'il fallait qu'on se protège et qu'on puisse apprécier les oeuvres tout en fixant une espèce de périmètre de sécurité. L'existence de la catégorie "Larme de rasoir" de ce blog rejoint cette idée de "protection" face à la gravité de ces récits que je respecte si je ne les aime, et que je ne cesse de mettre en valeur auprès des élèves.


Si la quatrième de couverture nous propose parfois du cafard en barre, l'illustration de la première de couverture peut aussi donner envie d'aller se terrer huit jours au fond de son lit. Voici quelques exemples.


Encore une fois, ne prenez pas ce billet comme un manque de respect envers les auteurs et les illustrateurs ; et n'hésitez pas à laisser un commentaire si vous considérez que je vais trop loin. 


1) Le redoublant - Claire Mazard




Sylvestre n'a pas de chance ; en plus d'être redoublant, c'est aussi un enfant battu. Aussi, pendant la récréation, il préfère s'isoler et observer de loin les jeux des autres marmots. Romain aimerait bien en savoir plus sur ce garçon taciturne et mystérieux : pourquoi pas s'en faire un pote ? Alors, en toute logique, il se met à le harceler quotidiennement. Après un échange de bons mots et de coups (ah bon, c'est pas comme ça que ça marche ?!), des excuses vite fait et un exposé en binôme savamment bidouillé par une prof clairvoyante, leur amitié prend forme, contre toute attente. Sylvestre s'ouvre sur la nature des blessures qui couvrent son corps et qu'il badigeonne de mercurochrome pour une plus grande discrétion : son beau-père le cogne régulièrement. Ne sachant sur qui briser le sceau du secret, Romain commence à déprimer et prend conscience que certains adultes sont capables de taper sur des enfants au point de les envoyer à l'hosto.

A présent, remarquez la parfaite adéquation entre l'ambiance du roman et l'illustration de la couverture : au premier plan apparaît un garçon légèrement roux, adossé à un arbre comme à un poteau d'exécution. Il a visiblement l'arcade pétée, et à force de raser le mur de l'école, son pull a pris une couleur similaire. Derrière lui, on devine les ombres de ceux qui lui font face et qui se foutent de lui ouvertement. Alors, on fait quoi ? On ouvre le bouquin ou on va directement accrocher la corde ? Tout sourire et propres sur eux, les deux autres personnages principaux essaient de nous persuader que non, tout n'est pas encore perdu : "regardez : nous, ça va !"


2) Rester vivante - Catherine Leblanc.

Ah, Actes Sud Junior et ses couvertures dignes des interludes d'Arte...

Bim bam boum ! 

Est-ce qu'elle joue à cache-cache ? Est-ce qu'elle pleure ? Est-ce qu'elle pleure en jouant à cache-cache parce que, comme par hasard c'est toujours elle qui compte ? Est-ce qu'elle s'est québlo comme une conne entre les deux cloisons en essayant de se taper la tête contre le mur ? Quelqu'un pour mettre un peu de déco dans cet espace passé à la chaux, aussi triste que les couloirs d'un bahut neuf ?

Dans tous les cas, elle ne respire pas plus la joie de vivre que Josepha, l'héroïne de Rester vivante. Jo, seize ans, est au bord de la dépression : rien ne la motive plus, si ce n'est l'envie de décrocher son bac pour pouvoir s'affranchir de son gros dégueulasse de père qui mate des pornos devant elle dès onze heures du matin. Evidemment, elle se trouve moche et plate _dans tous les sens du terme, et désespère de se faire tringler par un mec dans un avenir proche ou lointain ; à vrai dire, c'est peut-être l'idée de mourir avec son hymen tout fripé par la vieillesse qui la déprime et la ronge le plus. Malgré le souvenir marquant de son atterrissage raté dans une soirée échangiste organisée par ses parents lorsqu'elle était petite, la lycéenne a la dalle comme jamais.

Spoiler : finalement elle baise, et ça lui plait bien.

Même si c'est avec un mec qu'elle ne verra plus jamais.
D'ailleurs tant mieux, puisque rien ne lui importait plus que d'en finir avec cette virginité qu'elle avait l'impression de porter sur sa gueule ; un peu comme les jeunes personnages de Loveless, ce yaoi dans lequel les puceaux arborent de belles oreilles de chats, histoire de bien se taper l'affiche.

"Salut, on cherche l'homme qui murmure à l'oreille des puceaux !"
Comment ça, je raconte la fin de l'histoire ? Pas du tout : y a pas d'histoire !

Non, soyons sérieux deux minutes.

Catherine Leblanc est psy pour enfants et pour ados, et on le perçoit bien dans sa manière de décrire avec beaucoup de justesse le dialogue intérieur de Josepha, une lycéenne lambda perdue dans ses angoisses : très souvent, ces petites connasses lui susurrent de rester cloîtrée dans sa chambre, mais le dégoût que ses parents lui inspirent finit toujours par avoir le dernier mot. Alors, son repli, c'est la rue, et parfois son unique amie Laurence, une fille posée et pas contrariante pour deux sous. Un jour, une copine de classe l'invite à une soirée, où une surprise l'attend !

Bonjour ! 

Ce roman est l'occasion de comprendre à quel point peut être compliqué le quotidien des jeunes qui n'ont pas encore trouvé de sens à sa vie et qui redoutent plus que tout le regard des autres ; en cela, il présente un fort intérêt pour les jeunes lecteurs et pour les professionnels de l'enfance. On ne peut pas lui enlever ce mérite. Par contre, on regrettera que certains personnages soient esquissés plus que décrits, alors qu'ils auraient pu être approfondis ; on pense à la belle et populaire Amina, qui s'éteint instantanément en présence de ses grands frères intégristes et/ou grincheux, ou à la gentille Laurence qui gère son entourage sans que personne ne se soucie jamais d'elle.

A mon avis, Rester vivante s'adresse plus à des lycéens qu'à des collégiens, car l'ouvrage laisse une grande part au non-dit, à l'implicite et sollicite l'interprétation du lecteur. Aussi, les jeunes qui le liraient sans accompagnement pourraient bien racler le bitume et se manger trente mètres de premier degré en comprenant que baiser est la solution à tous les problèmes, et que cet acte sacré est ce qui permet de "rester vivant". Je ne prends pas les enfants pour des cons, loin de là, mais lorsque l'héroïne broie du noir depuis des lustres, va à une soirée à reculons, rencontre un beau mec expérimenté qui lui apprend comment on allume la machine, et que bam ! le lendemain le moral est revenu... on est tenté de faire un lien direct.


3) Iqbal. Un enfant contre l'esclavage - Francesco D'Adamo

Quel collégien des années 1990-2000 n'a pas été marqué par le parcours extraordinaire et la fin tragique d'Iqbal, le petit Pakistanais qui se battait pour la reconnaissance des droits des enfants dans son pays ? Vingt ans après sa mort, la fascination et le respect des élèves pour le jeune rebelle ne faiblit pas : un gosse qui a le cran de se dresser contre les adultes, ça impressionne toujours, et ça nous montre que c'est possible ! Bon attention, hein, n'oublions pas qu'il agissait pour la bonne cause, lui !

Lorsque Iqbal est acheté par l'effrayant Hussein pour travailler dans la fabrique de tapis avec les autres enfants esclaves, la petite Fatima et ses copains d'infortune s'affairent sans relâche devant le métier à tisser depuis trois ans déjà. Ils perçoivent aussitôt dans le regard du nouvel arrivant une lueur insaisissable qu'ils croyaient avoir oubliée depuis bien longtemps : l'espoir. Pourtant, quand l'enfant tente d'instiller en eux des idées d'évasion et de rébellion, ils le prennent pour un fou et lui déconseillent de faire des vagues... Il faut dire que le garçon leur balance en pleine face des vérités qu'ils ne voulaient plus entendre : eux qui croyaient ferme qu'ils redeviendraient libres lorsqu'ils auraient comblé la dette de leurs parents savent maintenant que cette histoire de remboursement est complètement bidon et ne sert qu'à les faire taire. Beaucoup choisissent de tourner le dos à ce rabat-joie qui a l'air de vouloir les peiner à chaque fois qu'il ouvre la bouche. Seule Fatima choisit de croire en sa bonne foi ; elle devient sa confidente. Or un événement va les amener à comprendre qu'eux aussi ont droit à une vie bien à eux, à un avenir, et qu'il ne tient qu'à eux d'en prendre possession. Le tout est de s'unir pour être plus forts...

Si Francesco d'Adamo a écrit ce roman pour enfants librement inspiré de la courte vie d'Iqbal, c'est en partie pour perpétuer sa mémoire ; et aussi langue de pute que je puisse l'être, je dois bien reconnaître qu'il l'a fait de charmante manière. Simple, accessible et agréable à lire, Iqbal. Un enfant contre l'esclavage est à mettre entre toutes les mains et à citer à chaque fois qu'on parle des droits des enfants avec des jeunes. N'oublions pas qu'il s'agit d'une histoire vraie.



On ne s'attendait pas à voir des gamins se fendre la gueule sur la couverture d'un livre qui parle de l'esclavage des enfants, on est bien d'accord. Il n'empêche que le garçon dessiné sur la couverture _vraisemblablement Iqbal, même s'il ne lui ressemble pas énormément ; le vrai avait notamment des oreilles en feuille de chou _ donne l'impression qu'en plus d'avoir un coquard et d'être très fatigué, il a aussi une gastro et s'apprête à vomir sur le tapis qu'il est en train de tisser. Sauvez donc cet enfant pris au piège de sa pièce de tissu démesurément grande, pas loin de tomber dans le puits de sang formé par la figure dessinée sous ses pieds, assommé par le titre, menacé par les lecteurs qui le surplombent et vers qui il jette un regard implorant !

On se moque, on se moque, mais les illustrations d'Anne Buguet sont magiques.


A vous de voter pour le Prozac d'Or de cette sélection Larme de Rasoir Spéciale Couvertures Déprimantes ! 


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1) Le Redoublant. Claire Mazard. 1997, Nathan. Coll. Pleine Lune. ISBN 9782092821107
     Illustrateur : Romain Slocombe

2) Rester vivante. Catherine Leblanc. 2010, Actes Sud Junior. Coll. Roman Ado. 112 p. ISBN 9782742791170 
Conception graphique : Christelle Grossin et Guillaume Berga.

3) Iqbal. Un enfant contre l'esclavage. Francesco D'Adamo. Trad. Emanuelle Genevois. 2002, Hachette Jeunesse. Coll. Histoires de vies. 193 p. ISBN 2013220200
Illustrateur : Anne Buguet