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samedi 21 juin 2014

L'hérésie du mois : fuck le CDDP des Hauts de Seine.


JE SAIS, ce n'est ni intelligent, ni très convenable _ ni très audacieux. 

Mais ça fait beaucoup de bien après toutes les fois où j'ai du y rentrer à 6 ou 7h du matin avec ma pauvre convoc pleine de fautes d'orthographe, pour en ressortir vidée (mais pleine...) avec des dizaines de feuilles de brouillon roses ou vertes.    




lundi 19 novembre 2012

La société numérique en question(s) - Isabelle Compiègne - 2011



C'est en la questionnant, en explorant sa complexité que l'on peut comprendre la société actuelle et appréhender son évolution. Ainsi, Isabelle Compiègne nous propose de réfléchir aux aspects de la "société numérique" et aux réalités qu'elle soulève. Va-t-elle dans le sens d'une démocratisation des savoirs, ou aggrave-t-elle les inégalités ? Doit-on la placer sous le signe de l'interactivité et du renforcement de la communication, ou marque-t-elle plutôt le début d'une déshumanisation du lien social, voire d'une surveillance ininterrompue ? Toutes ces questions ne trouveront pas de réponses, mais elles auront le mérite d'avoir été soulevées. 






        Isabelle Compiègne a tenté de définir les contours de cette « société numérique » mise à l'honneur dans l'ouvrage. Il faut dire que cette expression courante s'inscrit dans la même mouvance que les autres « sociétés de » (de l'information, des réseaux …).

Elle marque ici la conciliation entre l'essor des technologies pour l'information et la communication, et une tendance générale des hommes à fonctionner en réseau. Ce phénomène est matérialisé par des outils faisant appel aux technologies numériques. Souvent destinés à un usage individuel et personnel, ces nouveaux appareils (téléphones mobiles, smartphones, ordinateurs, tablettes, lecteurs mp3) sont fabriqués en grand nombre et largement diffusés. Faut-il alors croire au déterminisme technologique (1) de Mac Luhan ou, au contraire, à l'apparition d'objets répondant aux besoins d'un humain placé au coeur du réseau ? Isabelle Compiègne semble opter pour la deuxième hypothèse.

      Quoiqu'il en soit, la société numérique correspond à une réalité très inspirée de grandes représentations mythiques des sciences et des technologies. Issues de la pensée collective, elles mêlent l'admiration pour l'efficacité, la puissance des appareils de communication et d'information, le rêve d'un brouillage des repères spatio-temporels, et la crainte de machines plus fortes que l'homme, ou de la surveillance permanente de Big Brother. Aussi, les ordinateurs, les téléphones portables sont-ils des objets aussi fascinants qu'intrigants. L'homme peut-il correctement s'insérer dans une société où sa position sera forcément marquée par la mobilité ? Sans doute, s'il adapte le processus de socialisation aux exigences de son temps.


Le rapport à soi sensiblement modifié.


         Nous l'avions déjà vu en lisant Les liaisons numériques, vers unenouvelle socialbilité d'Antonio Casilli, l'hypothèse est encore soulevée ici : le rapport de l'homme à lui-même, à son corps comme à ses idées, connaît des changements. Nous devenons des « homo numericus » : nous pouvons faire plusieurs choses en même temps, jongler entre les échange avec nos pairs et notre activité professionnelle. Nous voulons rentabiliser au maximum notre temps en sollicitant plusieurs de nos sens dans des buts d'information et de communication, et cela influe sur notre manière d'être : le caractère très individuel de nos sociétés est conforté par le recours à des objets personnels pour communiquer. Le plus drôle, c'est qu'en écrivant mon interprétation de la lecture de ce livret, j'écoute aussi une conférence sur la vie de Bram Stocker tenue lors du Festival du Vampire et publiée peu après sur Youtube. Mes oreilles sont libres, faudrait pas gâcher.

          On se rapproche dangereusement (ou pas) de certains mobiles de la science fiction où hommes et machines sont indissociables. Des cyborgs au transhumanisme, l'évolution humaine implique forcément des attributs technologiques divers et une conciliation du monde réel et des sociétés virtuelles. En effet, chacun de nous peut créer sa « vie parallèle » en jouant à Second Life sur la toile, par exemple : c'est l'opportunité de se créer un « avatar » parfait de corps et d'esprit... peut-être en dépit de l'intégrité de sa « vraie » personne. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? Sans doute suffit-il juste d'avoir assez conscience de cette évolution pour en tirer profit et éviter les zones d'ombre (malveillance, dépendance aux TIC, déni de soi).

         Les mutations ne se limitent pas l'apparence physique de l'homme : les modes de stockage, l'hypertexte, le multimédia influent sur la manière de penser de l'homme. Ce phénomène n'est pas nouveau : de tous temps, les technologies intellectuelles ont amené le cerveau humain, extrêmement plastique, à s'adapter aux activités qui lui sont proposées. C'est pourquoi, de nos jours, le cerveau est caractérisé de « multitâches ». Les plus optimistes y voient une amélioration des capacités de l'homme, d'autres sont réticents et craignent un impact négatif dû à la surcharge cognitive, à l'hyper-attention, tels que la régression de la mémoire et de la réflexion. Il est important de constater une « fracture cognitive » en marge de la « fracture numérique » : si tout le monde n'est pas à égalité face aux technologies, tout le monde ne connaît pas non plus les mêmes transformations cognitives.

        Si le rapport de l'homme à lui-même évolue, il en va de même pour la prise en compte de l'Autre... même si tout ne change pas catégoriquement. Les interactions humaines prennent des formes différentes à l'ère du numérique : l'échange en face à face, par exemple, n'est plus indispensable à la mise en place d'une situation de communication, même s'il demeure important pour entretenir une relation de longue durée. Les téléphones, les smartphones, les ordinateurs permettent un contact non présentiel et pourtant instantané entre plusieurs personnes. Ils ouvrent ainsi la voie à une nouvelle sociabilité. Parallèlement, on note l'apparition de communautés virtuelles basées sur les centres d'intérêts ciblés, significatives d'une démarche de socialisation bien particulière : au lieu d'apprendre à se connaître et à se découvrir des points communs, les individus viennent s'intégrer dans un groupe en mettant en avant la petite partie d'eux-même qui les rapproche des autres. Si la solidarité est nécessaire à la survie et à la prospérité de ces sphères virtuelles, l'ouverture au monde est remise en cause : si les personnes d'un même groupe communiquent perpétuellement entre elles, elles se privent du contact de tous les autres.

          Toujours est-il que l'expression du « moi » face à l'autre devient la condition à la socialisation. Le succès des blogs et des réseaux sociaux illustrent bien ce phénomène : c'est en parlant de soi qu'on attire l'attention des autres et qu'on crée des liens. Bien entendu, la diversification des modes de sociabilité n'excluent pas les façons « traditionnelles » de nouer le contact. A trop parler de soi, on court le risque de brouiller les frontières entre vie privée et vie publique, et de devenir une proie facile pour les personnes mues par des enjeux commerciaux, politiques ou tout simplement malveillants. En effet, la société numérique symbolise à la fois la liberté d'expression et le risque d'un contrôle des échanges. La cybernétique et les débuts d'Internet sont marqués par leur idéal premier : accorder à tous la parole et la possibilité de s'informer. Mais les technologies facilitant l'expression de tous sont aussi celles qui facilitent le fichage et la localisation en tirant profit des informations données volontairement ou par inadvertance. Elles contribuent donc à la mise en place d'une société de surveillance, à la fois redoutée et demandée par les citoyens, pour des raisons sécuritaires. D'autant plus que cette surveillance prend, elle aussi, une nouvelle forme : à Big Brother, l'instance supérieure contrôlant les masses, succèdent des masses dont les individus se surveillent les uns les autres. En résistance à cette évolution d'une expression de soi déviée de ses objectifs premiers, des contre-pouvoirs se mettent en place : on peut citer la CNIL, l'Habeas Corpus du numérique. Cependant, la protection à l'excès ne suffit pas : il vaut mieux amener les citoyens à prendre conscience des risques pour élaborer eux-même leurs propres stratégies de vigilance. 


La puissance des peuples dans la société numérique.

De nos jours, détenir l'information est un pouvoir ; les sociétés démocrates mettent donc un point d'honneur à favoriser l'accès pour tous aux sources de connaissances. Elles visent ainsi l'utopie du savoir universel qui guidait un grand nombre de scientifiques et d'intellectuels, bien avant l'apparition des TIC. Isabelle Compiègne cite les exemples des travaux de Paul Otlet, créateur du Mondaneum (2) et de la CDU (3), de Vannevar Bush, inventeur de l'hypertexte facilitant les démarches de recherche et d'organisation des connaissances. Elle évoque également le projet de bibliothèque universelle né dans l'esprit de l'informaticien Ted Nelson : Xanadu.

Si les nouvelles technologies améliorent le partage des savoirs, et notamment des savoirs scientifiques, l'accès à toutes les informations pour tous est loin d'être assuré, car l'information a souvent un prix. D'une part, des restrictions s'appliquent à la diffusion illégale d'une information, telles que la loi DAVDSI et d'HADOPI, afin d'en protéger son créateur. Sur Internet, des partenariats commerciaux avec les moteurs de recherche mettent en évidence certains sites, certaines sources, au détriment d'autres non moins fiables. Ensuite, la trop grande quantité d'informations disponibles brouille les pistes et rend difficiles les recherches : la classification est loin d'être de mise sur le web, l'hypertexte peut nous égarer et la recherche textuelle a ses limites à l'ère du multimédia. Enfin, la fracture numérique perdure dans toutes les sociétés ; tout le monde ne possède pas l'équipement technologique ou le capital socio-culturel nécessaire aux démarches d'accès au savoir.

Pourtant, la société numérique serait significative d'une redistribution des pouvoirs. Dans les démocraties, les citoyens sont assez décomplexés pour ne plus avoir peur de donner leur avis avant-même de se poser la question de leur légitimité. Les TIC deviennent alors des moyens d'expression particulièrement faciles à utiliser, une fois qu'on peut bénéficier du matériel nécessaire : le web 2.0 permet à tous de devenir un acteur de l'information.

Le journalisme participatif est révélateur de la liberté d'expression demandée par les citoyens : sur Agoravox, les reporters en herbe peuvent écrire des articles et les enrichir de vidéos, de sons captés par leurs propres portables, appareils photos. On peut se demander si un tel contrôle de l'information par les citoyens ne constitue pas un contre-pouvoir à une éventuelle manipulation des médias de masses très souvent évoquée. Des problèmes se posent : les citoyens demeurent des journalistes amateurs qui, de fait, ne sont pas censés respecter les règles du métier. Ils peuvent donc se laisser aller à des approximations et à l'expression de leur point de vue personnel. Venant d'eux, ces imperfections sont tolérées et donnent même un aspect « naturel » que les professionnels se réapproprient ; parallèlement à leur activité, ces derniers ressentent le besoin de « se lâcher » sur un blog d'humeur ou sur les réseaux sociaux.

Mais Isabelle Compiègne reste mesurée quant au « cinquième pouvoir » des médias participatifs _ en référence au « quatrième pouvoir » des médias de masse : tant que les citoyens se préoccuperont en priorité de faire partager leur avis personnel aux autres, au lieu de former des groupes, de s'organiser pour atteindre un objectif commun, on ne pourra pas parler de véritable « pouvoir » populaire.


Pistes de réponses aux problématiques de la société numérique

On contrôle mieux une situation lorsqu'on a conscience de ses propres atouts et de ses propres limites. Certes, cette vérité générale pourrait bien ne nous emmener nulle part, mais elle correspond bien à ce que m'évoque la lecture de La société numérique en question(s) d'Isabelle Compiègne : l'impact du numérique dans la société n'a de raison d'être craint ou redouté que si les citoyens (ou futurs citoyens) l'ignorent ou le méconnaissent. D'où l'intérêt d'une formation de tous aux réalités de la société _ et pas seulement aux outils de télécommunication et à leurs « dangers ». Elle prendra des formes diverses, allant de la mise en place d'une éducation à l'information pour les jeunes, à l'accent mis sur l'importance de la formation tout au long de la vie, en passant par l'acceptation d'une évolution constante de nos cerveaux en fonction de nos activités et des exigences de notre société. Si l'auteur ne consacre pas nettement de chapitre à la formation de ceux qui composent la société numérique, c'est parce que la question est abordée à tous les niveaux de l'ouvrage.

La société numérique en question(s) offre un panorama intéressant de notre environnement actuel en abordant beaucoup de ses facettes encore incertaines. Pour les lecteurs non avertis des sciences de l'information et de la communication, cette courte publication est tout à fait abordable ; d'autant plus qu'elle a été rédigée par une enseignants. L'ensemble est donc très structuré, bien dirigé, bien écrit, et par conséquent assez agréable à lire. Pour les documentalistes, coutumiers des questions liées à la société numérique, elle constitue un bon récapitulatif propre à leur rafraîchir la mémoire, sans vraiment leur apporter de grandes nouveautés. Les spécialistes pourront même trouver l'ouvrage un peu trop condensé et pas assez approfondi. Mais le but n'est pas de faire de grandes découvertes : Isabelle Compiègne, comme beaucoup de profs, préfère soulever les points « chauds » pour nous amener à réfléchir par nous-même.


1) Mac Luhan défendait l'idée d'une pensée et d'une action humaine modelées par les outils et les technologies propres à chaque époque.

2) Mondaneum : projet de rassemblement et d'organisation de tous les savoirs

3) CDU : Classification décimale universelle


Sources : 

  • COMPIEGNE, Isabelle. La société numérique en question(s). Sciences Humaines Editions, Auxerre. Coll. « La petite bibliothèque de Sciences Humaines ». 2011. 128 p.


  • CASILLI, Antonio A. Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité? Seuil, Paris. "La couleur des idées". 2010. 336p. 


mercredi 15 août 2012

Soyons sérieux : cassons les murs !


          Lorsque la cour de récréation se fait trop petite et semble hostile aux plus frileux, le CDI devient un terrain de jeux idéal pour n'importe quel ado. Un "lieu de vie", "d'accueil" et de "convivialité", faut-il dire pour reprendre les termes en vogue. Effectivement, il suffit de quelques instants de relâchement pour les tables accueillent les sacs à dos, et les étagères, les pieds. Entre ceux qui ne mesurent pas la gravité des dégradations qu'ils provoquent, et ceux qui n'en ont que trop conscience, la marge n'est pas bien grande : ainsi sont les enfants ! Alors on se console comme on peut : il faut bien que "jeunesse se passe", "il est préférable qu'ils se lâchent maintenant que dans dix ans, car ce sera dix fois plus grave". Ce n'est pas faux.   

            Or, ces raisons suffisent-elles à justifier la transformation d'un CDI en no man's land ? Peut-on parler de convivialité quand le tiers du collège se confine dans une salle sans aucune possibilité d'en ressortir... puisque la grande blague du moment est de caler un bac de bandes dessinées en travers de la porte d'entrée pour bloquer l'accès au champ de bataille ? Pas la peine d'enfoncer la jeune professeure documentaliste de cet établissement, bien qu'elle ait été parfois méprisante avec tout le monde en général, et avec les employés de vie scolaire en particulier. Bien qu'elle soit, quand même un peu responsable de la situation, aussi. Qui aurait fait mieux ? Pas grand monde, et certainement pas moi. Il semblerait même que la gestion du CDI ait toujours été une énigme non résolue dans ce collège, pour bien des raisons.


C'est pourquoi j'aimerais vous faire partager un article paru dans InterCDI, LA revue destinée aux documentalistes de l’Éducation Nationale, car il a fait écho en plusieurs points à des situations vécues. Publié dans le numéro 224 de mars-avril 2010, il traite notamment des rapports entre le CDI et la Vie Scolaire. L'auteur, François Daveau, est le secrétaire général du Centre d'Etudes de la Documentation et de l'Information Scolaire (CEDIS).  

Voici un lien vers cette publication, suivi de ce que j'en ai retenu, et de la manière dont je l'ai interprété, sans prétention aucune.




Les missions du professeur-documentaliste ont beau être clairement définies, connues de tous et globalement admises, elles sont sans cesse détournées. En effet, on considère toujours le CDI comme un local pourvu de tables et de chaises bien pratique à l'"accueil" d'élèves lorsqu'un manque de "places assises" se fait sentir partout ailleurs. Lorsque des élèves viennent au CDI parce qu'il fait trop froid dehors, ou parce qu'il n'y a pas assez de place en étude, il n'est plus question de chercher à appliquer la politique documentaire de l'établissement.    

Les élèves manquent d'espace de socialisation, où ils peuvent discuter et se faire des blagues bruyantes et débiles en toute quiétude : les cours de récré ne sont pas assez spacieuses, ne proposent pas assez d'activités sportives. La présence d'un foyer ou d'une cafétéria, voire des deux, éviterait que les élèves viennent au CDI pour des raisons qui ne sont pas les bonnes : parler, débattre, éviter ses ennemis, roucouler, pleurer sa mère, ou jouer au basket en lançant des dictionnaires dans une poubelle. Si tous les collèges ne peuvent à l'évidence construire un bowling au fond de la cour pour contribuer au bien être des gosses, il convient de ne pas détruire ce qui leur tient lieu de lien social dans une vie qui n'est pas toujours rose. Faut-il tolérer pour autant un brouillage des frontières entre les différents lieux de la structure ? Sûrement pas. La salle d'étude n'est pas plus une annexe de la cour que le CDI n'est une salle d'étude funky.



Un exemple de "Bordel o cdi" .. et encore, ça reste gentillet.

Un lieu de vie nécessite des règles établies, acceptées et appliquées par tous : les centres de documentation et d'information ne sauraient être une exception. Or, on sait bien que les adolescents adorent jouer avec les limites du cadre réglementaire, surtout lorsqu'ils sont au collège ou au lycée, carrefour de contrariétés et d'interdits pour beaucoup d'entre eux. Très vite, l'insolence guette en réponse à la moindre remarque. Alors que faire pour leur faire comprendre l'utilité de ce cadre, et les  amener à avoir envie de le respecter ? Faire appliquer un règlement sous la peur et la contrainte entraîne un jour ou l'autre un retournement de situation qui n'est jamais à l'avantage de l'adulte... même si, sur l'instant, la menace de sanction est souvent bien pratique.    

François Daveau pointe une possible cause du rejet des repères fixés par l'adulte : la distribution des rôles dans le personnel enseignant et éducatif. Encore une fois, le manque d'effectifs dû aux restrictions du nombre de postes dans l'Education Nationale serait source de dysfonctionnements : par exemple, le personnel de Vie Scolaire intervient de plus en plus dans des tâches relevant de l'enseignement, au détriment des fonctions qui lui revient. Il n'a pas tort, à mon avis. J'ajouterais que l'élève peut vivre la situation comme une perte de repères : qui fait quoi ? Si l'assistant d'éducation transmet un savoir disciplinaire au même titre qu'un prof, le professeur documentaliste peut aussi occuper les fonctions d'un assistant d'éducation. Concrètement, les tâches des uns et des autres sont assez intimement liés. N'en déplaise à ma jeune "profdoc" citée plus haut : "les parents élèvent mal leurs enfants", se lamentait-elle, "nous devons les éduquer en plus de leur apprendre des choses. Mais moi j'ai un capes, j'ai été formée pour être professeur documentaliste et mon travail n'est pas de leur apprendre à bien se conduire." Ben si, un peu quand même ! Il me semble que le prof n'a aucune raison de rejeter la fonction éducative, même si elle demeure peu abordée dans les programmes des différents CAPES. Face aux élèves cependant, on devrait être en mesure d'expliciter clairement ses fonctions et de poser des frontières entre les tâches des uns et des autres, afin que les enfants sachent qui est qui.

L'importance de la communication entre les différentes instances de l'établissement, et en particulier entre le(s) professeur(s) documentaliste(s) et les personnels de vie scolaire est primordiale. Elle est d'ailleurs soulevée à juste titre dans cet article ; un minimum de dialogue et de respect des uns et des autres est nécessaire. Comment peut-on demander aux élèves ce qu'on ne fait pas soi-même ! Il arrive que chacun vive avec ses oeillères, ignorant la nature-même du métier de l'autre. Faudrait-il créer des petits stages d'observation internes aux établissements, où des professeurs passeraient quelques heures à la vie scolaire, où des CPE/AED iraient dans les classes (ou au CDI) assister au déroulement d'un cours ? Pourquoi pas !*

Voilà, les problèmes nous sont connus ; on est sans doute nombreux à être d'accord avec les constats de l'auteur. Ils nous remueront le couteau dans la plaie tant qu'on n'aura pas de solutions. En attendant, les belles pistes de travail que voilà ! Une ébauche de remède nous est proposé : travailler la configuration des lieux. Non pas seulement le CDI, mais tout l'établissement, qui forme une entité. L'idéal, celui qu'on vise forcément pour progresser, serait de multiplier les endroits attractifs afin que les élèves viennent au CDI pour des raisons appropriées à leur fonction. Ok, on casse les murs. Et après ? Concrètement, ce n'est pas forcément réalisable. Dans mon petit collège de centre ville, on n'a jamais pu se permettre de fonder ni un foyer, ni une cafeteria, ni des terrains de jeux, car la superficie ne le permet pas. Alors nous devrons pleurer nos mères jusqu'à ce qu'on trouve un architecte qui nous plante tout ça à la verticale !

François Daveau fait enfin référence, en conclusion de l'article, au Rapport de Inspection Générale EVS et de l'Inspection Générale des Bibliothèques de 2009, que je m'en vais lire de ce pas ! 

M'étant considérablement enflammée, j'ai sans doute oublié d'expliciter plusieurs points de cette publication qui donne à réfléchir. Je m'en excuse par avance, et vous engage à la lire de plus près, même si vous n'avez rien à voir avec l'Education Nationale : les problèmes étant sensiblement les mêmes à l'école que partout ailleurs, cela peut forcément vous intéresser.

* Je précise que l'idée n'est pas de moi ; c'est celle du big boss. 
 
Daveau, François. "La vie scolaire en question", InterCDI n°224, mars-avril 2010. Url : http://www.intercdi-cedis.org/spip/intercdiarticle.php3?id_article=1552. Consulté le 15 août 2012.  



dimanche 13 mai 2012

Soyons sérieux : les annuaires web


Qu'est-ce donc ? 
Les annuaires de recherche sur Internet sont des répertoires de sites Internet organisés manuellement en catégories et sous catégories. Ils permettent d'effectuer une recherche sur un sujet ou une thématique, soit par l'exploration libre d'une catégorie, soit en tapant une requête dans un champ prévu pour. On distingue les annuaires "généralistes", qui recouvrent tous les champs du savoir, des "spécialisés", qui proposent des liens précis dans un domaine particulier. Pour alimenter leur contenu, des professionnels tiennent compte des informations disponibles sur le web, mais aussi dans les bases de données.




Les annuaires généralistes existent-ils encore ?  

Depuis quelques années, les annuaires généralistes francophones connaissent une forte décadence ; beaucoup d'entre eux sont même officiellement désactivés : c'est le cas de Lycos, Nomade, Voila.fr, ou encore de l'annuaire francophone de Google. D'autres, comme Yahoo! et Dmoz.fr ont évolué au point d'être méconnaissables. Ceux qui découvrent actuellement Internet peuvent-ils deviner que Yahoo!, son moteur de recherche, ses multiples fonctions de messagerie et de personnalisation des services, était à l'origine un annuaire de recherche généraliste ? Dmoz.fr, version française de l'annuaire mondial géré par l'Open Directory Project,  renaît tout juste de ses cendres pour proposer un répertoire collaboratif de sites Internet. Plus question que quelques webmasters sélectionnent et classent le travail des autres, c'est au créateur du site de se manifester et de solliciter son entrée dans cet annuaire nouvelle génération.  

Faites le tour de vos connaissances ; vous verrez que très peu d'entre elles pleurent leur déchéance, et que beaucoup, au contraire, auront du mal à se représenter l'outil. Pourquoi les annuaires généralistes, qui à première vue avaient tout pour plaire, puisqu'ils proposaient un contenu vérifié et organisé du web, ont-ils aussi vite disparu de la toile ?

Deux raisons principales peuvent expliquer cette évolution :

  •  La quantité d'information échangée sur le web a considérablement augmenté suite à la généralisation d'Internet et à l'usage quasi quotidien qui en est fait à présent. Les tâches attribuées aux humains chargés de veiller au bon fonctionnement des annuaires sont de moins en moins réalisables, compte tenu de la quantité de pages web à analyser _ au détriment de la qualité. 

  •  Les moteurs de recherche connaissent un fort succès auprès des internautes car ils permettent d'avoir des informations sur un sujet seulement quelques secondes après avoir tapé un ou plusieurs mots-clés dans le champ approprié. Ces moteurs fonctionnent à l'aide d'un robot qui explore et répertorie automatiquement toutes les pages du web visible*. Si les pages ainsi répertoriées ne sont pas du tout organisées de manière thématique, elles sont indexées de manière à pouvoir être interrogées directement dans leur contenu. Cependant, Google, Yahoo! Bing et d'autres excluent forcément des sources de savoir disponibles sur Internet, mais ne faisant pas partie du web visible*, telles que les bases de données ou les archives ouvertes. Habitués à vivre dans la réalisation instantanée des tâches et dans la course à l'information, à explorer des sujets entièrement inconnus, les internautes choisissent souvent la voie de la facilité et de la rapidité. A eux de bien choisir leurs mots-clés pour obtenir satisfaction. 
 
Annuaires et moteurs de recherche "spécifiques"
Les annuaires spécifiques ne connaissent pas les mêmes problèmes, a priori, puisque le "flux" indomptable de l'information inonde moins leurs rubriques. Ils survivent d'autant mieux qu'ils répondent aux attentes de communautés soucieuses de suivre la démarche de recherche rigoureusement organisée dans laquelle  l'usage d'un annuaire s'intègre toujours. Il va sans dire que la consultation d'un annuaire est utile lorsqu'on débute un travail dont on ne connait que vaguement la thématique, bien qu'une connaissance minimale du sujet soit tout de même requise. Elles sont également demandeuses d'informations scientifiquement et humainement validées. Le "répertoire" de Weblettres, réalisé par des professeurs de français qui participent à l'alimentation de ce portail de ressources pour l'enseignement des lettres, illustre assez bien ce constat.

Parallèlement, on remarquera le développement des moteurs de recherche spécialisés, et les possibilités de plus en plus grandes de configurer finement un moteur de recherche généraliste pour l'interroger sur un domaine ciblé. 

* Pages web auxquelles les robots des moteurs de recherche peuvent accéder automatiquement, contrairement aux  pages du "web invisible", dont l'accès est humainement contrôlé.

Références 

  •  ANDRIEU, Olivier. Abondance : l'actualité et l'information sur le référencement et les moteurs de recherche. "Outils". Url : http://outils.abondance.com/ . Consulté le : 13 mai 2012. 
  •  ASSOCIATION WEBLETTRES. Weblettres. Le portail de l'enseignement des lettres. "Le répertoire de liens". Url : http://www.weblettres.net/index2.php. Consulté le : 13 mai 2012.
  • OPEN DIRECTORY PROJECT. Dmoz.fr. Annuaire et répertoire d'articles. Url : http://www.dmoz.fr/. Consulté le : 13 mai 2012. 
  • VIDAL, Claudine. Les épreuves orales des CAPES de Documentation et questions choisies pour un accompagnement du professeur documentaliste. CRDP de Nice. 2006. 



   

mardi 1 mai 2012

Soyons sérieux : les Travaux Personnels Encadrés



             "Le mardi matin, à partir du deuxième trimestre, vous aurez deux heures de TPE", nous avait dit la prof d'espagnol vraiment barrée à qui on avait confié la mission de communiquer les emplois du temps de l'année scolaire. Comme on ne savait pas vraiment l'étendue des tâches que ces trois lettres recouvraient, elle crut bon d'ajouter : "Les TPE sont spécifiques aux classes de 1ère et de Terminale. Ce sont des "Travaux Personnels Encadrés", autrement dit : le rendez-vous des tir-au-flanc. Théoriquement, ça doit vous apprendre à agir en groupe, mais on sait bien comment ça se passe en réalité ; des groupes de trois, y en a un qui bosse et deux qui foutent rien." 

               Le pire, c'est que sa vision des choses n'était pas si fausse. Pourtant, les objectifs à atteindre lors de la réalisation des TPE n'avaient rien à voir avec la valorisation d'un élève au sein d'un groupe, ni avec l'art de faire semblant de travailler ! Histoire de vous montrer à quel point l'intention de départ était différente, je vous ai fait une petite fiche.

Je savais bien que je l'utiliserais un jour !


Apparition et évolution des TPE 

C’est dans le texte de réforme du lycée Un lycée pour le XXI° siècle (1999), proposé au Conseil Supérieur de l'Education par le Ministère de l’Education Nationale et de la recherche, que les “travaux personnels encadrés” sont évoqués pour la première fois en tant qu’”axe de la réforme”. Durant l’année scolaire 1999-2000, quelques classes de Première choisies dans chaque académie expérimentent ce nouveau dipositif. Les TPE posent un “cadre de travail” différent permettant au lycéen d’aborder les savoirs d’une manière autre que frontale, de s’exprimer et de progresser par le travail de groupe et par la mise à disposition de plusieurs professeurs. Ils s’inscrivent dans la préoccupation ministérielle d’exploiter la diversité des pratiques pédagogiques en rendant l’élève acteur du capital culturel et scientifique qu’il se construit et en raisonnant en terme de “savoirs” plus qu’en terme de “matières” :  “pour la première fois, une véritable plage de travail pluridisciplinaire est ainsi potentiellement créée au lycée.” D’ailleurs, dans ce texte, les TPE sont mis sur le même plan que les “modules” et “l’aide individualisée en Seconde”.   
 

C’est en 2000-2001 qu’ils sont généralisés, toujours en classe de première. L’année suivante, soit en 2001-2002, les TPE sont intégré au titre d’épreuve facultative au bac pour les élèves de terminale. Tous les élèves s’impliquent dans ce dispositif avant de décider ou non de présenter leur production à l’oral en tant qu’épreuve pour le bac. S’ils décident de ne pas faire de leur travail une note de bac, ils ne sont alors plus tenus d’être assidus lors des deux heures hebdomadaires mises à leur disposition dans l’emploi du temps. Pour les élèves de première, les TPE restent obligatoires et sont un “entraînement” pour l’année suivante.

Ce fonctionnement perdurera jusqu’en 2005-2006, où on les supprime en classe de terminale ; les TPE redeviennent un dispositif spécifique aux 1ère, et constituent une épreuve anticipée du bac. 

  

Fonctionnement actuel 

A présent, les TPE sont réalisés par les élèves de première. Les élèves profitent des deux heures hebdomadaires consacrées à ce dispositif pour travailler en groupe et pour choisir un sujet en lien avec les thèmes nationaux qui leur sont proposés. Ils sont alors encadrés par plusieurs professeurs représentatifs des thématiques communes et spécifiques à chaque filière, et très souvent par le professeur documentaliste. Les enseignants guident les groupes dans le choix du sujet avant de les valider définitivement ; leur rôle est d’aider, de conseiller et de valider. La concertation est le maître mot d’un projet réussi : le dialogue entre les membres du groupe et entre les professeurs et les élèves est primordial.

Les TPE sont matérialisés par la réalisation d’une production écrite et d’une production orale (10 minutes par élève). Ils font partie des épreuves obligatoires anticipées à prendre en compte pour la délivrance du baccalauréat général. S’il s’agit bien d’un travail collectif, l’évaluation demeure individuelle. Elle tient compte de : 

- la démarche de l’élève 
- l’investissement 
- la qualité de la présentation orale

La note de TPE regroupe l’évaluation du travail effectué et l’évaluation de la présentation orale. 
- Evaluation du travail effectué : faite par les profs qui ont encadré l’élève (8/20)
- Evaluation de la présentation orale : faite par un jury (12/20)

Les élèves tiennent un carnet de bord, de préférence individuel, et produisent un dossier écrit. Ils peuvent également proposer d’autres documents sur des supports divers qui seront autant d’outils d’évaluation (diaporama, transparents, maquettes). 


Thématiques pour l’année scolaire 2011/2012

Thématiques communes aux ES,L,S :

- Contraintes et libertés
- Ethique et responsabilité
- Santé et bien-être 

Thématiques spécifiques aux ES :

- La consommation
- La crise et le progrès
- Pouvoirs et sociétés 

Thématiques spécifiques aux L :

- Formes et figures du pouvoir
- Héros et personnages
- Représentations et réalités 

Thématiques spécifiques aux S :

- Avancées scientifiques et réalisations techniques
- Environnement et progrès 
- La mesure 



Les TPE et le professeur documentaliste, aspects pratiques


Les professeurs documentalistes rapprochent très logiquement les travaux personnels encadrés de tous les autres travaux de recherche donnant lieu à une production écrite, orale ou les deux. Dès les débuts du dispositif, il est dit que “le CDI constitue une source incontournable d’accès à l’information. Les rôle des documentalistes est essentiel...” et que “l’utilisation des TIC est “encouragée”. Il leur arrive donc de proposer des méthodes en plusieurs étapes pour aborder les différentes tâches de façon organisée et efficace, tels que celle rédigée par Madeleine Aboual (Lycée Camille Sée, Paris) : 

- Formation aux outils et aux automatismes à acquérir, notamment au niveau du carnet de bord
- Questionnement du sujet (heuristique ou systématique)
- Le choix du sujet et la cohésion du groupe
- La recherche documentaire
- L’autoévaluation et les productions écrite et orale 

Des ressources locales et régionales utiles à la réalisation des TPE sont disponibles dans les différents CRDP, bien qu'on ne pense pas forcément à ces centres de ressources au premier abord, maintenant qu'on a pris l'habitude de se jeter sur Internet pour un oui ou pour un non. Les enseignants font appel aux TIC pour communiquer aux élèves des informations, des rappels sur la méthode à avoir pendant la phase de recherches. D’autant plus que les élèves sont amenés à utiliser Internet dans la plupart des cas. 

Le professeur documentaliste peut faire partie du jury d’évaluation orale. 



Perception des TPE dans le monde de l’éducation 

Pour Philippe Meirieu, les TPE sont significatifs d’un renouveau pédagogique : les élèves sont motivés par leurs expériences et apprennent à travailler en groupe, mais aussi en autonomie. Loin d'avoir la prétention de dire que son point de vue semble répondre à un idéal théorique, nous nous permettrons d'y opposer le regard de l'expérience vécue d'une enseignante, qui montre que tout n'est pas si simple pour tous les élèves. Il est bon de soulever les points de désaccord pour faire perdurer le progrès.  

Tous les avis méritent d'être entendus. Personnellement, c'est le statut de l'épreuve TPE au BAC  me laisse perplexe. Mon point de vue est que l'idée d'avoir supprimé les TPE en Terminale pour en faire une épreuve anticipée en Première n'est pas bonne. On a beau faire travailler de plus en plus les élèves en groupes, les amener à être à la fois autonomes et complémentaires lorsqu'ils réalisent un "produit" commun, les Travaux Personnels Encadrés demeurent une épreuve à laquelle un lycéen n'est pas pleinement préparé. Comme pour n'importe quelle épreuve (même optionnelle !) évaluée au BAC un galop d'essai demeure nécessaire. Il est important de bien tomber dans tous les panneaux possibles avant de se jeter "pour de vrai" dans ce travail de longue haleine.

"Vendredi, c'était la folie ! me racontait Isabelle pas plus tard qu'au début du mois de février, avec la date butoir des remises de dossiers de TPE, tout le monde a séché l'étude pour aller imprimer et relier in extremis !" Eh ben, ça a du être beau, la présentation orale ! Quoique travailler dans l'urgence ne nuise pas toujours à la qualité, d'ailleurs.     


Références utilisées



  • MINISTÈRE DE L'EDUCATION, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE. Un lycée pour le XXI° siècle. 4 mars 1999. 21p.