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mercredi 15 août 2012

Soyons sérieux : cassons les murs !


          Lorsque la cour de récréation se fait trop petite et semble hostile aux plus frileux, le CDI devient un terrain de jeux idéal pour n'importe quel ado. Un "lieu de vie", "d'accueil" et de "convivialité", faut-il dire pour reprendre les termes en vogue. Effectivement, il suffit de quelques instants de relâchement pour les tables accueillent les sacs à dos, et les étagères, les pieds. Entre ceux qui ne mesurent pas la gravité des dégradations qu'ils provoquent, et ceux qui n'en ont que trop conscience, la marge n'est pas bien grande : ainsi sont les enfants ! Alors on se console comme on peut : il faut bien que "jeunesse se passe", "il est préférable qu'ils se lâchent maintenant que dans dix ans, car ce sera dix fois plus grave". Ce n'est pas faux.   

            Or, ces raisons suffisent-elles à justifier la transformation d'un CDI en no man's land ? Peut-on parler de convivialité quand le tiers du collège se confine dans une salle sans aucune possibilité d'en ressortir... puisque la grande blague du moment est de caler un bac de bandes dessinées en travers de la porte d'entrée pour bloquer l'accès au champ de bataille ? Pas la peine d'enfoncer la jeune professeure documentaliste de cet établissement, bien qu'elle ait été parfois méprisante avec tout le monde en général, et avec les employés de vie scolaire en particulier. Bien qu'elle soit, quand même un peu responsable de la situation, aussi. Qui aurait fait mieux ? Pas grand monde, et certainement pas moi. Il semblerait même que la gestion du CDI ait toujours été une énigme non résolue dans ce collège, pour bien des raisons.


C'est pourquoi j'aimerais vous faire partager un article paru dans InterCDI, LA revue destinée aux documentalistes de l’Éducation Nationale, car il a fait écho en plusieurs points à des situations vécues. Publié dans le numéro 224 de mars-avril 2010, il traite notamment des rapports entre le CDI et la Vie Scolaire. L'auteur, François Daveau, est le secrétaire général du Centre d'Etudes de la Documentation et de l'Information Scolaire (CEDIS).  

Voici un lien vers cette publication, suivi de ce que j'en ai retenu, et de la manière dont je l'ai interprété, sans prétention aucune.




Les missions du professeur-documentaliste ont beau être clairement définies, connues de tous et globalement admises, elles sont sans cesse détournées. En effet, on considère toujours le CDI comme un local pourvu de tables et de chaises bien pratique à l'"accueil" d'élèves lorsqu'un manque de "places assises" se fait sentir partout ailleurs. Lorsque des élèves viennent au CDI parce qu'il fait trop froid dehors, ou parce qu'il n'y a pas assez de place en étude, il n'est plus question de chercher à appliquer la politique documentaire de l'établissement.    

Les élèves manquent d'espace de socialisation, où ils peuvent discuter et se faire des blagues bruyantes et débiles en toute quiétude : les cours de récré ne sont pas assez spacieuses, ne proposent pas assez d'activités sportives. La présence d'un foyer ou d'une cafétéria, voire des deux, éviterait que les élèves viennent au CDI pour des raisons qui ne sont pas les bonnes : parler, débattre, éviter ses ennemis, roucouler, pleurer sa mère, ou jouer au basket en lançant des dictionnaires dans une poubelle. Si tous les collèges ne peuvent à l'évidence construire un bowling au fond de la cour pour contribuer au bien être des gosses, il convient de ne pas détruire ce qui leur tient lieu de lien social dans une vie qui n'est pas toujours rose. Faut-il tolérer pour autant un brouillage des frontières entre les différents lieux de la structure ? Sûrement pas. La salle d'étude n'est pas plus une annexe de la cour que le CDI n'est une salle d'étude funky.



Un exemple de "Bordel o cdi" .. et encore, ça reste gentillet.

Un lieu de vie nécessite des règles établies, acceptées et appliquées par tous : les centres de documentation et d'information ne sauraient être une exception. Or, on sait bien que les adolescents adorent jouer avec les limites du cadre réglementaire, surtout lorsqu'ils sont au collège ou au lycée, carrefour de contrariétés et d'interdits pour beaucoup d'entre eux. Très vite, l'insolence guette en réponse à la moindre remarque. Alors que faire pour leur faire comprendre l'utilité de ce cadre, et les  amener à avoir envie de le respecter ? Faire appliquer un règlement sous la peur et la contrainte entraîne un jour ou l'autre un retournement de situation qui n'est jamais à l'avantage de l'adulte... même si, sur l'instant, la menace de sanction est souvent bien pratique.    

François Daveau pointe une possible cause du rejet des repères fixés par l'adulte : la distribution des rôles dans le personnel enseignant et éducatif. Encore une fois, le manque d'effectifs dû aux restrictions du nombre de postes dans l'Education Nationale serait source de dysfonctionnements : par exemple, le personnel de Vie Scolaire intervient de plus en plus dans des tâches relevant de l'enseignement, au détriment des fonctions qui lui revient. Il n'a pas tort, à mon avis. J'ajouterais que l'élève peut vivre la situation comme une perte de repères : qui fait quoi ? Si l'assistant d'éducation transmet un savoir disciplinaire au même titre qu'un prof, le professeur documentaliste peut aussi occuper les fonctions d'un assistant d'éducation. Concrètement, les tâches des uns et des autres sont assez intimement liés. N'en déplaise à ma jeune "profdoc" citée plus haut : "les parents élèvent mal leurs enfants", se lamentait-elle, "nous devons les éduquer en plus de leur apprendre des choses. Mais moi j'ai un capes, j'ai été formée pour être professeur documentaliste et mon travail n'est pas de leur apprendre à bien se conduire." Ben si, un peu quand même ! Il me semble que le prof n'a aucune raison de rejeter la fonction éducative, même si elle demeure peu abordée dans les programmes des différents CAPES. Face aux élèves cependant, on devrait être en mesure d'expliciter clairement ses fonctions et de poser des frontières entre les tâches des uns et des autres, afin que les enfants sachent qui est qui.

L'importance de la communication entre les différentes instances de l'établissement, et en particulier entre le(s) professeur(s) documentaliste(s) et les personnels de vie scolaire est primordiale. Elle est d'ailleurs soulevée à juste titre dans cet article ; un minimum de dialogue et de respect des uns et des autres est nécessaire. Comment peut-on demander aux élèves ce qu'on ne fait pas soi-même ! Il arrive que chacun vive avec ses oeillères, ignorant la nature-même du métier de l'autre. Faudrait-il créer des petits stages d'observation internes aux établissements, où des professeurs passeraient quelques heures à la vie scolaire, où des CPE/AED iraient dans les classes (ou au CDI) assister au déroulement d'un cours ? Pourquoi pas !*

Voilà, les problèmes nous sont connus ; on est sans doute nombreux à être d'accord avec les constats de l'auteur. Ils nous remueront le couteau dans la plaie tant qu'on n'aura pas de solutions. En attendant, les belles pistes de travail que voilà ! Une ébauche de remède nous est proposé : travailler la configuration des lieux. Non pas seulement le CDI, mais tout l'établissement, qui forme une entité. L'idéal, celui qu'on vise forcément pour progresser, serait de multiplier les endroits attractifs afin que les élèves viennent au CDI pour des raisons appropriées à leur fonction. Ok, on casse les murs. Et après ? Concrètement, ce n'est pas forcément réalisable. Dans mon petit collège de centre ville, on n'a jamais pu se permettre de fonder ni un foyer, ni une cafeteria, ni des terrains de jeux, car la superficie ne le permet pas. Alors nous devrons pleurer nos mères jusqu'à ce qu'on trouve un architecte qui nous plante tout ça à la verticale !

François Daveau fait enfin référence, en conclusion de l'article, au Rapport de Inspection Générale EVS et de l'Inspection Générale des Bibliothèques de 2009, que je m'en vais lire de ce pas ! 

M'étant considérablement enflammée, j'ai sans doute oublié d'expliciter plusieurs points de cette publication qui donne à réfléchir. Je m'en excuse par avance, et vous engage à la lire de plus près, même si vous n'avez rien à voir avec l'Education Nationale : les problèmes étant sensiblement les mêmes à l'école que partout ailleurs, cela peut forcément vous intéresser.

* Je précise que l'idée n'est pas de moi ; c'est celle du big boss. 
 
Daveau, François. "La vie scolaire en question", InterCDI n°224, mars-avril 2010. Url : http://www.intercdi-cedis.org/spip/intercdiarticle.php3?id_article=1552. Consulté le 15 août 2012.  



jeudi 11 août 2011

Mytho-méthode : comment ne pas aller chercher le pain


Mentir, c'est mal, tout le monde vous l'a toujours dit. Mais y a-t-il de plus grande joie que celle de balancer un joli bobard bien ficelé à quelqu'un qu'on n'aime pas trop, et de le regarder le gober sans l'ombre d'un soupçon ? Il faut en tous cas admettre que le détournement de vérité est parfois bien pratique, sinon inévitable. 

Cependant, un problème se pose. Inutile de se voiler la face et disons-le clairement : nous ne sommes pas égaux face au mensonge, nous ne possédons pas tous de façon innée l'art de mentir. Comme dans bien des domaines, certains sont naturellement doués d'imagination et de répartie, alors que d'autres doivent apprendre et travailler dur pour compenser ce qu'ils n'ont pas naturellement. C'est pourquoi il est essentiel de PRA-TI-QUER dès le plus jeune âge ! 





Beaucoup admettent bien volontiers qu'ils ne "savent pas mentir". 

Ne vous inquiétez pas pour autant : ça s'apprend !  Pour commencer, nous allons aborder des situations simples mais classiques, aussi utiles que les mots courants que vous glissez dans votre valise juste avant de partir en vacances dans un pays dont vous ne connaissez rien de la langue. 

Sans avoir la prétention de vouloir réinventer la typologie du mensonge, je voudrais avant toute chose distinguer le mensonge défensif du mensonge artistique. Le premier est le plus courant : c'est celui qu'on crée et qu'on utilise pour se dépêtrer d'une situation inconfortable. Le second est volontaire, souvent prémédité et donc mûrement réfléchi : il intervient à l'initiative de quelqu'un qui n'a pas besoin de fausser la réalité dans l'immédiat, mais qui attend beaucoup de l'effet produit sur le récepteur et sur ses actes futurs.  

C'est donc très logiquement que nous laisserons de côté le mensonge artistique, réservé aux menteurs expérimentés, pour d'abord nous concentrer sur le défensif.

 
BOBARDEMENT IMMINENT : Comment ne pas aller chercher le pain
 

Situation de départ : vous êtes sur le chemin du retour lorsque votre partenaire domestique* vous appelle : il n'y a plus pain dans la huche, ce serait bien d'aller en chercher à la boulangerie située au coin de la rue. Or, vous n'avez justement pas du tout envie d'y mettre les pieds ce jour-là car vous savez très bien qu'à cette heure-ci, c'est précisément LA boulangère maudite qui tient la boutique. Oui, celle-là même qui vous a mis, non pas un râteau, mais carrément une moissonneuse-batteuse dans la tête, quelques années plus tôt. Vous n'avez aucunement l'intention de lui faire gagner un seul centime, et il est hors de question de retourner en ville pour une baguette. Vous décidez de rentrer les mains vides, et comme la boulangère est aussi une connaissance de votre partenaire domestique, vous n'avez d'autres solution que de ficeler un beau mensonge défensif en moins de 5min. 

1) Attention, il s'agit d'un mensonge défensif ; il est fortement déconseillé de répandre la moitié de votre bobard tout en ouvrant la porte : "Je te préviens tout de suite, je n'ai pas de pain, mais je vais t'expliquer ! ". Vous aurez l'air stressé et c'est le meilleur moyen d'attirer les soupçons ; ayez l'air d'avoir la conscience tranquille : après tout vous n'avez rien fait de mal, puisque vous n'avez rien fait du tout ! Attendez que l'autre amène le sujet : elle/il peut très bien avoir oublié, en 5 minutes. C'est peu probable, mais c'est possible, car la chance vient souvent là où on ne l'attend pas.  
2) Faites feu de tout bois : reprenez très rapidement les éléments dont vous disposez.

"Vous êtes sur le chemin du retour lorsque votre partenaire domestique vous appelle : il n'y a plus pain dans la huche, ce serait bien d'aller en chercher à la boulangerie située au coin de la rue." 

Dans votre tête, essayer d'exclure tout ce qui gêne (la boulangerie, la rue) et tentez d'exploiter tout le reste : 

- le chemin du retour, qui comme on le sait, est long et semé d'embûches et de mauvaises rencontre, surtout lorsqu'on traîne sur ses talons la fatigue de... beaucoup de choses, sans doute ! A chacun de jauger si la fatigue peut être un argument ou non.  

- tout le monde n'a pas la chance d'avoir une huche, alors il serait peut-être bon de la maintenir vide quelques temps afin de pouvoir la photographier à vide / laisser en jachère / vidanger ... ?

- votre partenaire domestique était là, elle/lui ! Pourquoi était-ce à vous d'aller chercher le pain ? Est-ce qu'elle/il n'aurait pas un problème avec la boulangère, par hasard ? C'est à se demander... Cette remarque quelque peu agressive me paraît bonne à garder sous le coude si le bobard tourne au vinaigre. 

3) L'argument principal, qui est le noyau du bobard. Il doit être bref et facile à retenir pour mieux s'y tenir. Dans le mensonge d'art, c'est à partir lui que l'artiste menteur brode toute une dentelle de conneries. A vous de bien choisir ; il n'y a pas de mauvais noyaux, mais plutôt des noyaux solides et des noyaux friables : tout dépend de votre aplomb et bien entendu d'un minimum de réalisme. Dans cette situation, nous proposerons : Après ton appel j'ai estimé qu'il était plus sage pour des raisons nutritionnelles d'arrêter de manger du pain le soir. 

Cela peut paraître osé de s'engager ainsi sur le long terme, mais vous n'aurez qu'à dire le lendemain que le pain vous a tellement manqué ce soir-là que mince ! tant pis pour la santé, il faut profiter de la vie !  
 
4) La pluie d'arguments à la suite de votre conte de fées aura l'avantage de contraindre votre interlocuteur à garder le silence. Il servira à anticiper les possibles questions de l'autre et à gommer les dernières incohérences qui subsistent toujours lors d'un mensonge défensif trop rapidement mis sur pied :  


- C'est pour notre bien : on mange déjà trop de sandwichs ! 

- Il reste des biscottes. (Attention à l'huile de palme comme réfutation) 

- Je n'ai pas osé te dire non au téléphone car j'avais peur que tu dépasses ton forfait pour rien alors que j'étais en train de rentrer. 

.... 

5) A éviter : 

- "J'ai oublié ! " Non seulement cela montre que vous n'avez même pas fait l'effort d'inventer une histoire, mais en plus vous risquez de vous faire houspiller aussi désagréablement que si vous aviez dit la vérité. A ce prix-là, autant jouer le tout pour le tout et lâcher un pauvre mytho sans queue ni tête ni profondeur ! 

- Sourire ou rire en parlant : vous n'aurez plus aucune crédibilité et en plus de ça, vous agacerez profondément votre partenaire domestique ! Garder son sérieux est une base du mensonge, mais c'est l'une des compétences les plus difficiles à acquérir.

Normalement, vous devriez passer la douane sans problème cette fois-ci !
       
Si vous avez des idées de situations problématiques à résoudre en temps limité, n'hésitez pas à les proposer ! 


* merci à Facebook pour l'instauration de cette formule des plus énigmatiques ...