lundi 10 octobre 2016

Dans la série "T'as intérêt à aimer le bleu !"Alexis, Alexia...Comme un baiser fait à la nuit - Achmy Halley (2004) / L'infirmerie après les cours 1 - Setona Mizushiro (2008)

Du haut de ses douze jours, le petit Paul a déjà une sacrée garde robe de babygros bleus et de polos de rugby. Il dort dans une chambre bleue avec des rideaux bleus ornés de petits avions. La seule veste saumon qui lui ait été offerte "par erreur", se repose elle-aussi, bien cachée, se réservant pour la future "petite sœur". Tant de conditionnement m'a fait penser à deux récentes lectures, où l'on nous rappelle que, heureusement ! tout n'est pas si simple.

 Alexis, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit - Achmy Halley (2004) 



Jusqu'à cet été, Alexis était le fils parfait : efficace dans les études, champion de plongeon acrobatique et doté du corps d'athlète qui va avec, proche de ses parents, calme et posé... peut-être trop pour un gars de seize ans ? Mais à présent, les vacances familiales en Lozère perdent de leur attrait, et la compagnie de ses proches l'agace plus qu'autre chose. Alexis est perdu, incapable de trouver ce qui relie son âme à cette enveloppe charnelle qui ne suffit pas à le définir. Il a besoin de s'isoler, de se dissoudre dans son élément de prédilection _l'eau, pour découvrir toutes les facettes de lui-même. Cette quête d'identité l'amène à répondre à une petite annonce parue dans le journal : Yvan, un détenu âgé de vingt-sept ans, cherche une correspondante afin de rompre sa solitude. Il décide alors de laisser s'exprimer Alexia, cette femme si différente d'Alexis qui existe en lui. Où ce petit jeu les emmènera-t-il ? De son côté, le prisonnier au grand coeur se confie sans réserve sur sa vie passée, sur l'événement qui l'a mené en taule et sur la perspective d'avenir qui le maintient en vie : rejoindre ses frères les Indiens d'Amérique. En attendant, il demande à Alexia de l'appeler Tonnerre Fou, et non plus Yvan.

Ce roman court, dont la fin ouverte nous invite à imaginer toutes les suites possibles, s'adresse plus aux jeunes adultes qu'aux enfants... et idéalement à ceux qui connaissent un peu l'oeuvre de Marguerite Yourcenar. En effet, les allusions à l'auteure des Mémoires d'Hadrien parsèment l'oeuvre ; on ne s'en étonne pas lorsqu'on apprend qu'Achmy Halley a étudié de près ses travaux avant de se lancer dans la littérature. Le prénom Alexis fait d'ailleurs écho à son roman épistolaire : Alexis ou le traité du vain combat. 

Il me semble qu'Alexix, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit soulève des questions que tout jeune est amené à se poser : qui suis-je ? Quelle différence y-a-t il entre un homme et une femme ? Qui serais-je si je relevais d'un autre genre ? Pourquoi mon esprit n'est-il pas en harmonie avec mon corps en évolution ? Jusqu'où dois-je aller pour faire plaisir à mes parents ? Suis-je capable de prendre mes propres décisions _et de faire un truc complètement fou ? En ce sens, il est intéressant à lire, même si la brièveté de l'oeuvre nous laisse sur notre faim : qui est vraiment Yvan ? quelle sera sa réaction lorsqu'il apprendra qu'Alexia a en fait, l'apparence d'un jeune homme ? Ce n'est pas spoiler que ne dire qu'on n'aura pas de certitude à ce sujet... et c'est un peu frustrant.

Achmy HALLEY. Alexis, Alexia... Comme un baiser fait à la nuit. Le Livre de Poche Jeunesse, 2004. Coll. Histoires de vie. 95 p. ISBN 2-013-2238-6



L'infirmerie après les cours 1 - Hokago Hokenshitsu (2008) 




Comme Mashiro ne sait pas vraiment s'il est un garçon ou une fille, il a décidé de se construire une virilité exacerbée pour se raccrocher au genre masculin, celui qu'il s'est choisi. Mais son corps revient à la charge, ramenant à la surface des problèmes qu'il pensait avoir écartés : si la nature l'a doté du torse d'un homme, il a aussi la chance de voir ses règles apparaître. Ce grand événement le force à quitter le club de kendo où il avait pourtant trouvé sa place... aura-t-il également un impact sur la vie au lycée, où son identité masculine n'avait pas lieu d'être remise en cause jusque-là ?

Est-ce une chance ou non ? Mashiro n'est pas scolarisé dans une école ordinaire : là bas, on ne sanctionne pas les années d'études par un diplôme, mais par la réussite d'une quête personnelle que chaque élève poursuit lors d'un passage hebdomadaire à l'infirmerie du sous-sol. Une fois que les ados ont réglé leurs comptes avec eux-mêmes, ils sont jugés "prêts" à quitter le lycée.

Lors d'un premier entretien avec une infirmière des plus mystérieuses, Mashiro boit un breuvage "qui sent bon" mais qui le plonge dans un sommeil agité où il vit un affreux cauchemar. A l'issue de son périple onirique, dans lequel il porte un uniforme de fille, il se fait planter sauvagement par un gamine dépenaillée.. qui s'avérera être Kureha, une de ses copines de classe. En voilà déjà une qui connaît son lourd secret. Saura-t-elle tenir sa langue ?

Il ne faudrait surtout pas que la nouvelle arrive aux oreilles de So. Mashiro veut absolument éviter d'avoir maille à partir avec ce beau ténébreux qui passe sa vie à le chercher. Parce que, même s'il est capable de s'agacer et se battre sans problème contre lui, il sait qu'il perdra car au fond... il n'est qu'une fille, il est faible. Que peut-il faire contre sa nature ? Ce manga fantastique, où les personnages semblent résoudre leurs problèmes existentiels dans des rêves qu'ils partagent, bouleverse les clichés qui pourrissent les genres : la femme est une brave soumise, le bonhomme utilise sa force physique  pour taper sa dame ou violer des enfants. L'air de rien, la bande de lycéens torturés pourrait bien faire cogiter nos boutonneux chéris... qui ne sont jamais très loin de ces grossières représentations.

L'infirmerie après les cours 1 passe très bientôt en comité d'intégration _ou non ! au CDI. Son sort est maintenant entre les mains des mangavores du collège ; autant dire que je ne m'inquiète pas trop pour lui !


Setona MIZUSHIRO. L'infirmerie après les cours 1. Asuka, 2008. "Shojo". ISBN 2-84965-130-3



Bonne nuit les petits !! 


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