mardi 31 décembre 2024

[LECTURE DE VACANCES] Le fantôme des Cévennes - Isabelle Renaud (2024)

Le hasard des rencontres fait que, lorsque Mme Renaud est venue au collège pour animer un atelier d'écriture avec l'une de nos classes, et nous a fait découvrir par la même occasion son roman Le fantôme des Cévennes, elle a fait écho sans le savoir à des questions qui me sont familières : la vie loin de la ville, les Protestants en France (et leur difficulté à se faire une place), et surtout, dernièrement, la maladie. 

On se prépare souvent à ce que ses parents soient confrontés à des problèmes de santé en prenant de l'âge, même si on n'y est jamais prêt, même si on espère que ça arrivera le moins souvent possible. Mais quand ça tombe sur sa jeune sœur qu'on a toujours vu comme un exemple de robustesse _et une mère de famille dynamique et irréprochable dans son hygiène de vie... On tombe de très haut.

Le fantôme des Cévennes a donc intégré le CDI il y a peu ; faisons une pause dans les lectures du Prix des Incorruptibles CM2 - 6ème pour en parler. 

Résumé

Depuis qu'il sait que sa tante Colette est atteinte d'un cancer, Gaby a pris ses distances avec elle : il l'adore, mais l'idée de la voir malade et diminuée de terrorise. Aussi n'est-il pas très emballé lorsqu'il apprend qu'elle l'invite, lui et sa petite sœur, à venir passer une semaine de vacances avec elle dans les Cévennes.

L'appréhension s'estompe une fois sur place : Colette est plutôt en forme, d'autant que sa femme est là pour veiller sur elle, et le coin montagneux et boisé où ils séjournent ne demande qu'à être exploré par des petits citadins. Gaby et sa soeur Avril ne tardent pas à faire connaissance avec la famille qui tient le gîte d'étape juste à côté de leur logement de vacances et notamment avec Elsa, la fille des patrons.

Une ombre se dresse bientôt dans le tableau champêtre : la nuit, Avril et Gaby sont souvent réveillés par des bruits suspects et ont l'impression que quelqu'un marche sur le toit. Pour Elsa, qui connaît l'histoire et les légendes de la région comme sa poche, cela ne fait pas de doute : un fantôme de protestant, ou "draket", hante les lieux. Gaby a tout intérêt à faire ce qu'il faut pour l'avoir de son côté, car il est possible qu'il soit mal intentionné. 

Gaby n'est pas plus superstitieux que la moyenne, mais les phénomènes inexplicables se multiplient, et il commence à vraiment flipper ! 

Avis

Un roman jeunesse fantastique vraiment sympa, qui sous ses airs d'"histoire de fantômes" classique, est très original dans les sujets qu'il aborde : l'héritage protestant des Cévennes, la quête des origines, la maladie (comment on vit avec, comment l'entourage l'accepte), les rapports ambigus entre les habitants à l'année et les touristes, les aléas d'AirBnb... 

CDI Collège : OK, à mon avis c'est la cible, même si la quatrième de couverture indique à partir de 9 ans. A mettre entre toutes les mains, dès que possible. 



Le fantôme des Cévennes 

Isabelle Renaud

Editions Thierry Magnier, Coll. "En voiture Simone" - 2024



vendredi 27 décembre 2024

[LIVRE DOCUMENTAIRE] Sexualité, ze big question - Magali Clausener / Jacques Azam (2014)

Sexualité, ze big question 

Magali Clausener 

Jacques Azam

De La Martinière Jeunesse, Coll. "Plus d'Oxygène", 2014

C'est pas la taille qui compte ! 

Sexualité, ze big question a beau être un livre documentaire tout petit format, il est très complet et facile d'accès pour les plus jeunes. Magali Clausener soulève les principales questions que peuvent se poser les adolescents sur les changements de leur corps à la puberté, sur leurs sentiments, et elle tente d'y apporter des réponses complètes et apaisantes. Mais surtout, elle évoque tout ce qui peut faire peur dans la #sexualité : les maladies, tomber enceinte, ce qui se passe dans la tête de l'autre, le consentement.


Si l'ouvrage débute et se termine par des explications qui vont recouper le cours de SVT de 4ème (la reproduction humaine, les règles, la contraception, les IST), les deux grands chapitres centraux intitulés "On a tous un sexe" et "C'est trop bon l'amour" peuvent vraiment aider les lecteurs à dédramatiser de nouveaux aspects de leur vie. 

La mise en page fun et les illustrations de Jacques Azam y contribuent beaucoup en apportant leur dose de légèreté. Au collège, ce sont elles qui intriguent les élèves, qui leur permettent d'assumer le fait qu'ils ont ce livre entre les mains _et qui explique ses disparitions fréquentes... Il me semble qu'elles favorisent vraiment la mixité : on est loin du Dico des Filles et de sa couverture à paillettes. 

Ce numéro de la collection "Plus d'Oxygène" _ la nouvelle génération d'"Oxygène" est sorti en 2014 et il commence à dater : il y aurait plus à dire, aujourd'hui, sur les moyens de contraception masculins, sur la PMA, sur la façon dont la sexualité est représentée sur Internet et des réseaux. Mais il reste largement recommandable ! 

On apprécie que la prévention des dangers et des interdits (inceste, pédophilie, violences...) n'ait pas été oubliée.


Comme une merde

"Est-ce que tu peux me prendre en photo avec mon téléphone ?" 

"... Oui bien sûr... " 

La demande de Mme M. est insolite ; d'habitude, lorsqu'elle m'appelle, c'est pour me demander s'il faut recharger les flacons de gel hydroalcoolique, des paquets de lingette ou des sacs poubelles supplémentaires. Ou alors, un élève a laissé des saloperies dans un box ou sous un fauteuil du CDI, et elle tient à me le signifier. 

Appuyant quelques instants son balai contre le chariot qui l'accompagne partout, elle prend la pose contre le mur en m'expliquant : 

"Bientôt, j'irai à la Mecque, hamdoullah. Il faut que j'envoie des photos pour le guide. Tu sais, là-bas, c'est tellement grand et il y a tellement de monde qu'il faut y aller avec un guide." 

Je ne réalise pas trop, je sais juste que pour les musulmans, il est important de faire ce pèlerinage. On prend une première photo, elle tique un peu : "on refait, on refait". 

On refait. 

"Vous y allez avec votre famille ?

_ Oui, avec mon mari et ma fille !

Elle m'explique qu'ils ont failli partir deux ans plus tôt, mais qu'ils se sont fait planter au dernier moment. Elle espère que cette fois-ci sera la bonne.

C'a été la bonne ; en janvier, elle est revenue avec des photos et une grande satisfaction intérieure. 

J'aimerais beaucoup rester sur ce bon souvenir de Mme M., qui est décédée quelques mois plus tard, à la fin de l'été. 

Malheureusement, lorsque je pense à elle, ce n'est pas son bon visage amène et rassurant qui me vient en tête en premier, mais l'expression blasée et dégoûtée de quelqu'un qui doit se résoudre à nettoyer littéralement la merde des autres. 

On était alors rendus au mois d'avril. Un matin, au début de la récréation de 10h, le couloir du premier étage a commencé à résonner de cris stridents et de rires hystériques. La rumeur nous a vite appris que quelqu'un avait "chié dans le couloir", et que malheur à qui marcherait dedans. Déjà, plusieurs adultes avaient quitté leurs salles de classe ou leurs postes pour valider l'information. Ils furent formels : sur le sol, près de l'escalier, il y avait bien "ce qu'on pensait que c'était". 

Oh, il n'y avait pas de quoi faire tant de raffut : c'était en fait un tout petit étron qui gisait au sol et qui semblait pétrifié par tous ces profs venus l'encercler ; un.e élève un peu couillon.ne l'avait sans doute prélevé dans la couche du petit dernier, en prévision d'une bonne blague. On aurait pu régler l'affaire en trente secondes, en prenant un mouchoir (allez, deux-trois si on est une princesse) et en allant le foutre dans la première cuvette de chiottes qu'on aurait trouvé sur notre chemin. Mais non. On a préféré établir un périmètre de sécurité "afin que personne ne marche dedans" et évacuer la zone, le temps qu'une délégation puisse traverser le collège afin d'aller chercher... "un agent d'entretien pour s'occuper de ça". 

Mme M. arriva quelques minutes plus tard, avec son chariot habituel et un seau de sciure. Eh oui, l'incident avait eu lieu dans son secteur, alors c'était sur elle que retombait cette tâche ingrate (qui l'avait sans doute détournée d'une autre pas beaucoup plus valorisante). Elle s'en était acquittée rapidement, sans se plaindre, comme à son habitude, avant de repartir vaquer à ses occupations. 

"Regarde ce qu'ils font ! C'est méchant !", m'avait-elle lancé, de loin, pestant contre les gosses alors que je remettais les chaises du CDI à leur place, l'air de rien. J'étais mal à l'aise en pensant que les profs étaient sans doute en train de se remettre de leurs émotions devant un café, d'autant que je n'avais pas bougé le petit doigt, moi non plus.

Seule une collègue revenue dans sa classe entre temps l'avait remerciée furtivement en passant à côté d'elle. 

La solution facile serait de dire que "c'était son travail, après tout", mais j'espère que personne ici ne se risquera à le penser, car ce serait une ineptie : un agent d'entretien est là pour assurer l'hygiène des locaux, selon des techniques conformes à son intégrité. Pas pour gommer tout ce qui nait des esprits les plus tordus. 

La mort de Madame M. nous a surpris. Notre collègue était malade depuis quelques temps, mais est-ce qu'on le savait ? Non, et ça veut peut-être dire quelque chose. Pourquoi n'avons-nous pas été capables de nous mettre à la page et de la soutenir ? Parce que jamais nous ne l'avons regardée pour de vrai, et cela nous a empêché de remarquer et d'interpréter des signes de fatigue. Si on avait pris la peine de réellement s'intéresser à son sort, elle se serait peut-être sentie légitime de nous parler de son état de santé. Mais ce n'est pas ce qu'on a fait. Inutile de faire les choqués maintenant. 

Je le reconnais sans problème, j'ai été aussi utile qu'une pute vêtue d'une ceinture de chasteté, sur ce coup-là, et j'ai encore moins d'excuses que mes collègues profs qui, en tant qu'enfants de bourgeois/fonctionnaires pour la plupart, ne peuvent se représenter toutes les difficultés des métiers pénibles. Quasiment tous les matins depuis plus de quatre ans, je voyais Madame M. et j'échangeais quelques mots avec elle. Fin juin, elle m'a souhaité bonnes vacances et m'a laissé un peu de matériel de ménage que "je lui rendrais à la rentrée". Je ne l'ai pas questionnée sur le fait qu'elle ne soit pas là pour les permanences de juillet, comme c'était le cas d'habitude. Ca ne m'a pas interpelée, et ça aurait dû. 

Grand sourire étalé sur son bon visage rieur et serein, presque rassurant. RAS. 

Bien sûr, je ne me voyais pas écrire tout ce qui me pesait dans le livre d'or à destination de la famille qu'on avait déposé en salle polyvalente, à l'occasion de l'hommage rendu fin septembre. Ni quoi que ce soit d'autre : ma conscience ne m'y autorisait pas. 

J'ai juste regardé ses enfants endeuillés, de loin et de biais, alors que les personnels qui avaient bien voulu se sentir concernés présentaient leurs condoléances. Force était de constater que beaucoup n'avaient pas daigné bouger leur cul pour l'occasion. S'il avaient appris qu'un jour on avait sonné leur mère pour nettoyer les saloperies d'un crétin... ils nous auraient peut-être défoncé la gueule un par un, et franchement nous l'aurions mérité. 


jeudi 26 décembre 2024

Le Prix des Incorruptibles Surprise !! Sélection CM2 - 6ème

La principale adjointe de notre bahut nous a sorti du chapeau une inscription toute chaude au Prix des Incorruptibles pour l'une de nos classes de 6ème, ainsi que pour une classe de CM2 d'une école primaire du secteur, au nom de la liaison école-collège ! On ne va pas s'en plaindre... même si la façon de procéder lui aurait attiré les foudres de la plupart de mes collègues, ahah ! Enfin, tant que c'est profitable aux élèves, moi ça me va. 

Du coup, on va essayer de faire un petit focus sur chacun des titres de la sélection CM2 - 6ème de cette année, histoire d'être prêts à bosser en janvier ! 

1 - La Maison des mots perdus 

Kochka 

Flammarion Jeunesse, 2024


C'est l'anniversaire de Ravi, il a dix ans. En ce jour de fête, et malgré l'énorme gâteau que son père a fait livrer à l'école pour qu'il puisse le célébrer avec tous ses camarades, il n'a pas la pêche. Trop de questions se bousculent en lui depuis quelques temps : pourquoi sa mère, pourtant aimante, ne franchit-elle jamais la porte de la maison familiale ? pourquoi reste-t-elle mutique, sauf quand elle chante en bengali _une langue qu'il ne connaît pas ? pourquoi son père, un médecin réputé, est-il toujours aux abonnés absents ? On lui cache tout, on ne lui dit rien ! Mais à qui parler de tout cela, et comment ? Ses copains sont sympas, mais ils n'ont de toute évidence pas les mêmes préoccupations que lui. 

Heureusement, la petite école des Vosges où est scolarisé Ravi est chapeautée par un directeur attentif et bienveillant qui repère tout de suite un coup de mou de son élève : il est bien décidé à le débarrasser de la chape de plomb qu'il porte sur ses épaules ; il va mettre à contribution M. Akimasa, le jardinier de l'école. 

Alors, je dois dire que les premières pages m'ont filé quelques sueurs : un père alsacien en déplacement qui semble régler les problèmes avec des biftons, une mère indienne qui l'a eu à 18 ans, qui ne parle pas français, qui ne parle pas tout court, cloîtrée chez elle... Comment interpréter cette situation de départ ? 

Au fil du roman, le malaise s'estompe, laissant place à la poésie et à la douceur. Les mystères se dénouent petit à petit, les réponses arrivent, douloureuses mais nécessaires. Les adultes de son entourage proposent à Ravi d'extraire le positif de toute situation pour mieux faire face à la dure réalité, et j'avoue que j'ai un peu de mal avec ça... mais ça se défend. 

Cette lecture m'a fait penser au Garçon au pyjama rayé de Boyne, dans le sens où Kochka parvient à rendre compte de faits sordides en conservant un ton et un vocabulaire adaptés à la jeunesse. On se doute que l'exercice n'a pas dû être facile. 




Passage à Bordeaux...

2 - La Bête et Bethany - Tome 1 

Jack Meggitt-Phillips, illustrations d'Isabelle Follath

Bayard, 2022 

Couverture : édition Livre de Poche Jeunesse

La relève de Roald Dahl est assurée ! J'ai eu un vrai coup de cœur pour le premier tome de La Bête et Bethany, un roman jeunesse qui figure dans la sélection CM2-6ème du #Prixdesincos _et qui, ma foi, pourrait bien remporter la #bourriche !

Ebenezer est un gentilhomme anglais respectable et solitaire, aussi riche qu'égoïste. Il a 511 ans, mais il a le physique d'un jeune premier. Comment parvient-il à traverser les siècles sans prendre une ride ?

Tout simplement grâce à la Bête, une créature horrible et cruelle qu'il cache et nourrit dans son grenier, en échange de cadeaux et d'un élixir magique qui lui permet de garder la jeunesse éternelle. 

La Bête est gourmande, difficile, avide de mets toujours plus originaux ; souvent, Ebenezer doit de plier en quatre pour lui rapporter sa pitance, mais il y parvient toujours : c'est aussi dans son intérêt. Or, lorsqu'elle lui fait part de son envie de gober un enfant, les choses se compliquent ! Non pas que sacrifier un gosse pose un problème particulier à Ebenezer, mais bon, il voit bien qu'autour de lui, les gens ne cèdent pas si facilement les leurs... 

C'est à ce moment-là qu'il croise le chemin de Bethany, une petite terreur qui passe sont temps à retourner l'orphelinat qui l'a recueillie, à coups de mauvaises blagues et d'insolences. Il la ramène chez lui, pressé de s'en débarrasser, mais la Bête refuse de bouffer Bethany car elle est trop maigre : il n'a qu'à la faire grossir et la lui présenter dans quelques jours. En attendant, pas de potion, bien sûr. 

Ebenezer est bien embêté : lui qui aime le calme et le confort, il va devoir cohabiter avec cette peste qui défonce tout ce qui passe dans son champ de vision... 

Entre la Bête, Bethany et Ebenezer, trois êtres détestables à leur échelle, lequel est le plus monstrueux ?

Un cocktail bien traître avec un poil de BGG, de Mortelle Adèle, une pincée de Dorian Gray, un peu de #fantastique et deux litres de #thé. Sans oublier quelques gouttes d'amertume : les échanges entre Bethany et Ebenezer amènent subtilement des thèmes sérieux, comme la mort, le #vieillissement, l'#empathie, le bonheur.   

Pour finir, voici une interview très instructive dans laquelle Jack Meggitt-Phillips fait un lien entre son livre et le #boxingday justement, ahah. (Cette vidéo a été trouvée sur la chaîne de la Librairie Mollat). 

La lampe pierre de sel est un cadeau offert par ma sœur. 
Cela me touche qu'elle ait pris le temps de m'en faire un, car elle a un gros problème de santé à gérer actuellement.


mardi 24 décembre 2024

[CONCOURS LECTURE 3°, oui je sais, ça a changé] La magnifique - Anne Laure Bondoux (2005)

La mise en place inéluctable de ce fameux Choc des Savoirs, contre lequel nous avons tant lutté l'année dernière, nous casse déjà les noix ! La répartition des profs de lettres du collège a changé pour les nécessités de l'alignement des classes ouvertes aux groupes de besoins, et les collègues avec qui nous devions mettre en place un concours de lecture en 6ème... n'ont plus de 6ème, ce qui gêne un peu le bon déroulement du projet, ahah ! 

Du coup, on a essayé de faire plancher les 3ème là-dessus, en changeant la liste d'œuvres évidemment _exit Miss Crampon et l'histoire du furet qui pue) en dirigeant les objectifs sur une restitution en format podcast des lectures, et en ouvrant la possibilité de présenter leur travail à l'oral du DNB. 

Petit zoom sur l'un des titres figurant dans notre "sélection 3ème". 

La Magnifique (Pépites) - Anne-Laure Bondoux (2005)

C'est l'histoire d'une rousse à gros seins, d'un manchot et d'un cul-de-jatte qui traversent l'Amérique dans une cariole... 

Bella Rossa, 20 ans, enchaîne les déconvenues depuis sa naissance : sa mère a fui leur foyer familial de Maussad-Vallée, une contrée reculée de l'ouest américain qui porte bien son nom ; sa poitrine énorme lui vaut d'être reluquée et harcelée constamment par les mecs du coin. Cerise sur le gâteau, elle doit subvenir aux besoins d'un père paralysé et alcoolique qui la battrait encore si ses jambes pouvaient le porter... 

On l'imagine, Bella Rossa n'a pas eu d'autre choix que de faire preuve de caractère pour s'imposer et survivre. 

Lorsque la guerre éclate et que les balles commencent à siffler trop près de la ferme, la jeune femme saute sur l'occasion pour changer de vie. Sans lui laisser le temps de s'opposer, elle charge son père dans la charrette et se lance à la poursuite de son rêve d'enfant : devenir colporteuse. Les calamités ne font que commencer, les rencontres plus ou moins heureuses vont s'enchaîner... 

Avis de lecture

La magnifique est un road-trip sur fond de chercheurs d'or, de batailles et d'essor de la modernité. Mais c'est surtout l'histoire d'une femme parmi tant d'autres, qui doit lutter constamment pour être respectée, dont l'amour propre sera brisé à plusieurs reprises par l'homme qu'elle aime. Qui verra le cœur sous les seins, sous la carapace de brute épaisse ? 

Ce roman jeunesse est indiqué 13 ans et +, ce qui me paraît approprié, mais reste tout à fait intéressant pour des 3ème. Il est surtout surprenant dans sa tonalité : Anne-Laure Bondoux, que je découvre après en avoir entendu le plus grand bien, a l'art de raconter les drames avec légèreté. On hésite entre rire et pleurer devant le fatalisme de l'héroïne face aux mésaventures cruelles et cyniques qui lui tombent dessus... Il  y a décidément un côté féministe dans ce livre, même si la quatrième de couverture n'y fait pas allusion.

On ne voit pas passer les 350 pages réparties en chapitres très courts. 


jeudi 24 octobre 2024

[LECTURES DE VACANCES] Drôles de questions pour vivre ensemble - Collectif (2021)

Drôles de questions pour vivre ensemble

Ouvrage collectif auquel ont participé Sylvie Baussier et Halfbob, entre autres. 

Fleurus, 2021


Une fois n'est pas coutume, voici un livre documentaire pour la jeunesse qui aborde différentes facettes de la vie en société. 

Epais de 190 pages, Drôles de questions pour vivre ensemble soulève, comme son titre l'indique, les questions que les enfants peuvent se poser sur la famille, l'école, les droits et les devoirs de chacun, les réseaux sociaux... A chaque fois, une réponse claire et concise est apportée en quelques paragraphes agrémentés d'illustrations et de petits encarts de type "le saviez-vous ?". 

Au début, j'ai eu quelques craintes en feuilletant l'ensemble, redoutant que la succession de questions / réponses sur une page ou une double page cause un effet fourre-tout et rende difficile la consultation, dans le cas d'une recherche d'informations pour un exposé, par exemple. Mais en fait, ça va : le livre est bien structuré en 6 grands chapitres thématiques reconnaissables par un code couleur, et le sommaire est assez détaillé pour qu'on puisse s'y retrouver facilement. 

"Qui est "normal"?"

"Pourquoi paie-t-on des impôts ?"

"Pourquoi écrit-on de gauche à droite ?" 

"Combien serons-nous en 2050 ?"

Un poil provocatrices (sciemment), les questions suscitent bien la curiosité et les réponses me semblent satisfaisantes et adapté aux 12 ans et plus. On n'échappe pas à certaines maladresses sur certains points (mais rien de bien méchant à mon sens) et le format ne laisse pas de place à la citation des sources _ même si on sent bien que les réponses sont documentées. Le chapitre sur les réseaux est vraiment pédagogique et instructif, même si le livre a déjà 4 ans _ce qui est déjà vieux à l'ère d'Internet.  

Qu'elles soient philosophiques ou bien plantées dans le concret, ces "drôles de questions" vous permettront forcément d'apprendre quelque chose ou au moins d'y réfléchir. 


[JEU SWITCH] Pigeon Simulator

Cet été, je me suis trouvée une console Switch d'occasion. Depuis j'y ai joué quatre ou cinq fois, seulement, mais j'espère bien trouver le temps de la rentabiliser, un jour. 

Pigeon Simulator 



GameToTop CC. 2024 

Switch

Le jeu : 

Vous êtes un petit pigeon tout mignon, et vous devez gagner un maximum de points en butant des gens... 

soit à la force de votre bec, 

soit à l'aide d'armes lourdes récoltées au cours de vos pérégrinations, 

soit en leur pétant à la gueule _ cette dernière option étant de loin la plus destructrice. 

Pour ce faire, il faudra arpenter les rues d'une ville toute pimpante à la recherche d'êtres humains susceptibles de poper çà et là, en prenant bien soin d'éviter les policiers qui n'hésiteront pas à vous tirer dessus à bout portant. Par chance, il suffit d'un ou deux battements d'ailes ! Alors, surveillez bien votre jauge de stamina et tentez de gagner vos 5 étoile, ça a l'air important. Pourquoi, je ne sais pas... Quand mon pigeon les a atteintes, il ne s'est rien passé de spécial.

Sauf erreur de ma part, y a rien de plus à faire (pas de quêtes, pas de niveaux)... La partie se termine quand vous mourrez sous les balles des flics ou, plus probablement, en vous explosant sur une voiture. 




Avis : 

Les critiques sont unanimes : ce jeu est tout pourri et le fait qu'il soit payant scandalise beaucoup de monde (12,99€, mais je l'ai trouvé en promo à 0,99€ _ça veut dire ce que ça veut dire). 

Malgré tout, je l'ai bien aimé car : 

- le héros est une volaille, poulet power ! Voir des personnes fuir devant un pigeon armé d'un bazooka, ça me convient... A savoir que vous avez le choix entre rose et gris pour la couleur de votre oiseau dévastateur. 

- on peut faire durer une partie très très longtemps sans stress, c'est relaxant. Coupez le son si vous ne voulez pas avoir la musique de fond en tête toute la journée ! 

- un jeu intéressant pour un débutant qui veut se familiariser avec les fonctionnalités de sa console. 



mardi 13 août 2024

[LECTURE DE VACANCES] Le porteur de mort - 1 - "L'apprenti" - Angel Arekin (2014)

Après mon coup de cœur pour la saga de l'Assassin Royal dont je vous rabats les oreilles depuis 2010, il m'a toujours été difficile de retenter de lire de la fantasy, et encore plus d'en parler ici. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. 

Cet été cependant, j'ai retrouvé le tome 1 de la série Le Porteur de mort, écrit il y a une dizaine d'années par une autrice française du nom d'Angel Arekin, qui m'était totalement inconnue jusque là. La fiche Babelio de cette dernière indique qu'elle est de Brive, ce qui veut dire qu'on est presque voisines Par conséquent, j'aurais été bien embêtée si j'avais dû tailler son livre, mais la question ne s'est pas posée puisque j'ai finalement beaucoup apprécié cette lecture. 

L'histoire 

Le royaume d'Asclépion n'est plus ce qu'il était : assailli par les brigands de grands chemins et les ennemis du pouvoir en place, sa population commence à ressentir les effets d'une protection armée insuffisante. 

Pour remédier à cela, le Régent décide de recruter parmi les jeunes hommes du peuple des apprentis guerriers qui rejoindront, s'ils réussissent la formation, la guilde des Tenshins. Ces derniers ont un rôle de défenseurs militaires et de conseillers politiques : ils sont donc extrêmement puissants et surtout immortels ! 

Beaucoup de petits paysans donneraient cher pour être choisis ; ce serait leur seule chance de sortir de leur condition modeste. Beaucoup, mais pas tous : Seïs Amorgen fait partie de ceux qui n'en ont rien à battre. Il faut dire qu'entre les beuveries, les nuits au bordel et les trafics en tous genres, il a déjà de quoi s'occuper. Son sort inquiète ses parents, ses frères et sa cousine Naïs _retenez bien son nom ! bien plus que cette soudaine opération de recrutement de Tenshins qui n'avait pas eu lieu depuis des siècles, et qui ne présage rien de bon. 

Devinez quoi, Seïs va faire partie des heureux élus ! D'abord réticent, il va finalement se rendre à Mantaore, haut lieu de formation des Maîtres, pour commencer son apprentissage. Ce premier tome du cycle (qui en compte 6) sera en partie consacré au déroulé de ce séjour initiatique, entre découverte de soi, des autres apprentis, actes de rébellion et entraînements physique. 

En parallèle, on suit l'évolution de la famille Amorgen et des bouleversements qu'elle va connaître au fil des chapitres, sur six ans environ : l'un des fils va se découvrir sorcier (c'est pas une bonne nouvelle) ; Naïs la cousine orpheline au caractère bien trempé semble aussi pourvue de certains dons, bien qu'on n'en sache pas plus. 

A la fin de l'Apprenti, le mystère reste entier sur plusieurs niveaux ; je ne sais pas vraiment quoi en dire pour l'instant, car ce tome sert a introduire l'univers du roman. C'est nécessaire, mais forcément ça laisse moins de place à l'action. Cela dit, les dernières pages laissent entrevoir un 2ème opus prêt à décoller en trombe. On sait pas encore trop où on va, mais on y va...

Une porte d'entrée vers la fantasy

Si vous aimez les romans d'heroic fantasy, foncez car il y a tous les ingrédients : le décor médiéval, les soldats musclés au régime pain fromage viande séchée nuit dehors fumette, les cheveux en bataille, les filles qui n'ont peur de rien, la carte du royaume au début, le sorcier, le roi, le faux clodo, le maître d'armes un poil tortionnaire, la pierre magique qui envoie du pouvoir mais qui détruit en même temps.... 

Fans de l'Assassin royal, vous aussi ? "L'Apprenti" vous rappellera de bons souvenirs, bien que l'histoire ne soit pas du tout la même ! 

Le porteur de mort constitue une bonne initiation pour qui n'est pas familier de ce type de romans ; c'est agréable à lire et plus accessible que l'œuvre de Tolkien _ qui a considérablement inspiré Angel Arekin, d'après ce que j'ai pu lire ça et là.

La plus-value de ce livre : les personnages, principaux et secondaires, très humains, et donc très réalistes. Ils souvent bien creusés. L'apprenti-tenshin rouquin nommé Lampsaque est mon préféré. Tous s'expriment de manière assez crûe ! 

Le point qui m'a fait un peu tiquer : la relation ambigüe entre Seïs et Naïs reste perturbante pour le lecteur _elle l'est aussi pour les personnages, et Angel Arekin l'exprime très bien. J'imagine qu'on ne connaît pas tout de leurs sentiments et de leurs liens familiaux pour l'instant, et que beaucoup d'éléments clefs s'éclairciront dans les tomes suivants. 

Mon seul regret est de l'avoir laissé moisir plus d'un an dans la bibliothèque.


Angel Arekin 

Le porteur de mort - 1 - L'apprenti 

2014

Photo : édition Le livre de poche. 


Avec ses 788 pages, cet ouvrage peut participer au challenge "Les épais de l'été 2024" organisé sur le blog de Dasola. N'hésitez pas à aller y faire un tour ! 





vendredi 9 août 2024

[LECTURE DE VACANCES] Le Sel de tous les oublis - Yasmina Khadra (2020)

Le Sel de tous les oublis 

Yasmina Khadra (2020)


Adem est instituteur près de Blida ; lorsque sa femme le quitte pour rejoindre un autre homme, son univers s'effondre. 

Il décide de quitter ses derniers gages de stabilité, à savoir sa maison et son métier, et de marcher droit devant lui. Il n'emportera dans son périple que ses économies et un cahier. Ou va-t-il ? Que cherche-t-il ? Il n'en sait rien. 


Nous le suivrons dans sa traversée d'une Algérie tout juste indépendante _l'histoire se situe entre 1963 et 1965_, au gré de ses nombreuses escales et rencontres plus ou moins heureuses, souvent improbables : asile psychiatrique, hameaux, nain en quête d'affection, chantier d'ouvriers... A chaque fois, l'échange est fastidieux, souvent douloureux pour un Adem en passe de devenir un clochard solitaire et hargneux. Pourtant, il doit parfois se résoudre à accepter l'aide de son prochain. 


Le roman se découpe en deux parties. La première raconte l'errance d'un héros au sort peu enviable : ce n'est pas pour rien que la couverture du livre fait référence à Don Quichotte. Dans la seconde, moins souvent évoquée dans les résumés et critiques, Adem pose ses valises (malgré lui) et révèle son humanité retrouvée, pour le meilleur et pour le pire. 


Difficile de donner mon avis sur Le Sel de tous les oublis car j'ai été extrêmement troublée par pas mal de personnages et de situations qui m'ont donné matière à réfléchir : le nain Mika est aussi généreux que le héros Adem est détestable ; les deux femmes de l'histoire, Dalal et Hadda se font écho et reflètent par leur choix différents la condition des femmes à cette époque.  


Le Sel de tous les oublis parle sans ambages de fragilité psychologique, des handicaps physiques ou induits par la société, les traditions, mais surtout de liberté.  

A lire absolument SI vous avez le cœur bien accroché !

Il a été chaudement recommandé par ma collègue prof d'arts plastiques (=ça veut dire qu'il est bien). J'espère avoir le temps de me le refaire avant de le lui rendre ! 

lundi 5 août 2024

[LECTURE DE VACANCES ] Boy Erased - Garrard Conley (2016)

Le bac, l'entrée à l'université, les désillusions et la découverte d'un nouveau champ des possibles... Mon souvenir de 2004 est celui d'une année bien particulière. Alors forcément, j'ai été assez troublée de constater en lisant Boy Erased qu'elle avait été tout aussi cyclonique pour Garrard Conley, un fils de pasteur américain qui avait le même âge que moi à l'époque, et qui est devenu écrivain, depuis.


Enfant unique d'une famille d'évangéliques baptistes, Garrard a grandi dans la foi et le respect des conventions. "Honorer son père et sa mère" aura été son GPS de vie pendant dix-huit ans, jusqu'à ce qu'il entre à l'université. Loin de sa famille et de sa communauté, il peut enfin prendre un peu de distance avec une religion qui lui pesait inconsciemment, rencontrer des jeunes issus d'autres milieux culturels, et verbaliser son attirance pour les mecs. Manque de pot, sa première expérience va mal tourner et il va se faire violer par un autre étudiant. Ce dernier, chrétien intégriste et surtout déjà coupable d'une agression sur un gosse, va se couvrir en outant Garrard à ses parents.

Le procédé est sordide mais efficace : les parents de Garrard vont tenter de remettre leur enfant dans le droit chemin en l'inscrivant à Love In Action, un centre où il pourra suivre une thérapie de conversion en 15 jours. C'est le déroulement de ce séjour "vers la guérison" que l'auteur nous raconte, ainsi que tous les événements plus ou moins anecdotiques qui l'ont amené là. 

Boy Erased est bien un récit autobiographique, et pas un roman. Même si les faits ont 20 ans, les propos rapportés (et dénoncés) par l'auteur _que ce soit dans la sphère familiale ou parmi les "ex-gays" et les modalités du programme de LIA restent flippants. Pas sûr que beaucoup de choses aient changé, depuis. 

Pour qui n'est pas pratiquant, ce livre est très instructif sur la religion, les façons de la vivre ; on voit bien dans quelle mesure elle peut impacter le quotidien. Il est longuement question du film La passion du Christ sorti au cinéma avec un certain fracas, je me souviens ! 

Enfin, les mémoires de Garrard Conley sont d'une grande justesse _me semble-t-il, dans l'expression des bouleversements internes qu'il a endurés. Entre l'envie sincère de s'intégrer dans une communauté et celle de tracer son propre chemin, pas facile de faire son choix sans ressentir un certain mal-être... 

Mon avis est à prendre avec des pincettes : je me suis beaucoup identifiée au narrateur, notamment dans ses phases de doutes, dans ses troubles _il devient addict à la course à pied, à un moment_, et dans son habileté à mener une "double vie" entre université et famille. 

Je ne sais pas si vous aimerez autant que moi, du coup, mais dans tous les cas, c'est un objet littéraire qui vaut le détour. 

Le livre a été adapté en film, en 2018. Il est sur Netflix. 


Photo : Garrard Conley. Boy erased. Autrement, 2019. 376 p. 978-2-7467-5034-0

dimanche 28 juillet 2024

[EXPOSITION] The Art of the Brick - Paris

Derniers jours pour aller voir The Art of the Brick aux Galeries Montparnasse à Paris ! 

Il s'agit d'un exposition d'œuvres intégralement faites avec des briques de LEGO par Nathan Sawaya, un ex-avocat américain reconverti en artiste à plein temps. 

Au fil de la visite, on reconnaît d'abord des tableaux et des sculptures célèbres fidèlement reconstruits en lego, de tous les horizons et de toutes les époques, du Penseur de Rodin à la Joconde, de Michel Ange à la tapisserie de Bayeux en passant par le cheval de Lascaux. 

Puis apparaissent les créations originales et encore plus fascinantes de N. Sawara, qui s'attache à exprimer l'humanité sous toutes coutures : une salle met en scène des sculptures associées à des états d'âmes, une autre des petits crânes qui semblent faire référence aux catacombes.

 Enfin (et c'est mon coup de coeur de l'expo), l'artiste a fabriqué plusieurs parties du corps humain et les a retravaillées avec le photographe Andrei Duman pour en faire une représentation imagée. Ainsi vous pourrez admirer un estomac, des poumons, un coeur, une main en 3D. Spoiler : y a pas de teub en LEGO, mais ne soyez pas déçus pour autant. 

C'est vraiment un spectacle impressionnant.

J'ai été assez séduite par le message de l'artiste : pas besoin de beaucoup de matériel ni d'outils sophistiqués pour créer et s'exprimer ; un boîte de LEGO basic suffit (enfin, un peu plus qu'une boîte !)














Fermeture de l'exposition le 11 août. 

Prix de l'entrée : compter dans les 20€ plein tarif pour un adulte. 



vendredi 26 juillet 2024

[MANGAS] Street Fighting Cat - 1 (2017) / Ken'en, comme chien et singe - 1 - (2018)

Cet article est le 501ème...Voilà déjà quinze ans que ce blog m'accompagne, même si je l'alimente un peu plus rarement maintenant, faute de temps. 

Voici deux mangas marrants et bien survoltés qui seront au CDI à la rentrée prochaine !


Street Fighting Cat - 1

SP Nakatema

Doki-Doki, 2017 


Qui n'a jamais été réveillé au milieu de la nuit par deux chats qui se foutent sur la gueule ? 

Le mangaka SP Nakatema a fait de ce miracle de la nature une sorte de furyo animalier tout à fait distrayant.  

Lorsque les humains dorment ou ont le dos tourné, les chats de gouttière reprennent le contrôle des quartiers de la ville de Sakura. Leur qualité de vie et les rapports qu'ils entretiennent dépendent de leur place dans la hiérarchie féline, et de leur capacité à respecter les codes d'honneur. Une sorte de société de yakuzas, version chats : alors que certaines bandes ont le monopole des rues et des poubelles de restos, les faibles et les marginaux doivent s'écraser ou faire les larbins pour survivre. 

Hige, le héros, appartient à cette dernière catégorie. Il s'en prend plein la tronche et pense même à en finir avec la vie. Sa rencontre avec Nabunaga, un ancien chat domestique à la carrure colossale va lui donner un peu de répit. Tous deux vont s'associer et se compléter : le malingre va aider le petit nouveau à se repérer dans un milieu qu'il connaît mal, tandis que le costaud va s'occuper de la partie "patates et coups de griffes". 

Serait-ce l'aube d'une vie meilleure pour ce binôme des extrêmes ? Ils ne sont jamais que deux contre une multitude de durs à cuire ! 

Très sympa et sans prise de tête ; ça change des histoires de chatons inoffensifs ! Les chats sont dessinés de différentes manières en fonction des situations, allant du presque kawai au guerrier taillé en serpe. On devine un dessinateur amateur et connaisseur de félins. 

Une bonne lecture de vacances pour les grands et les petits. 

A noter que c'est une série assez courte (4 tomes) _donc particulièrement pratique pour un CDI de collège !


Ken'en - Comme chien et singe - 1 

Fuetsudo / Hitoshi Ichimura 

Doki-Doki (2018) 


Photo prise au parc des Buttes Chaumont


Japon, sans doute au Moyen-Age. 

Alors qu'il traverse le pays afin de parfaire son initiation, le jeune moine Benzon arrive dans le petit village de Mitsuke, où les habitants sont encore chamboulés par la malédiction qui vient de les frapper : un mononoke (une sorte d'esprit) leur a fait savoir qu'il ne les laisserait pas en paix tant qu'on ne lui aurait pas sacrifié une jeune fille.  

Benzon part donc en quête d'un exorciste ; on lui recommande un certain Hayate... qui s'avère être un gros chien blanc. Il est bien étonné, mais bon, pourquoi pas. Le jour de l'offrande, le chien est stratégiquement caché dans le cercueil censé renfermer la jeune fille et déposé à l'endroit prévu. 

Effectivement, quelqu'un vient : il s'agit d'un kakuen, un être vivant mi-singe mi-humain qui n'existe qu'en version mâle et qui doit donc, de temps en temps, enlever une fille pour pouvoir faire perdurer l'espèce. 

Ce kakuen-là s'appelle Mashiro, il est plutôt pacifique et n'a pas envie de se marier. Alors, quand il découvre le chien, c'est le coup de foudre : il l'adopte aussitôt, oubliant même pourquoi il était venu. Sauf que Hayate est en fait un reiken "mi-homme, mi-chien", et peut changer d'apparence en fonction de ses besoins. Mashiro va vite voir que cette bête-là n'a pas du tout envie d'être tenue en laisse !  

Nous allons suivre les aventures et les déboires de Mashiro, partagé entre son sens des responsabilités envers les autres kakuen de sa tribu et le rejet de leurs traditions archaïques. Il doit aussi gérer son attachement pour Hayate _qui le tyrannise pas mal !  

A travers ce seinen, les auteurs ont réussi à traiter des sujets profonds (le sort des femmes, le consentement, concilier ses intérêts et ceux d'un groupe, cacher son identité...) sans le dépouiller d'une certaine légèreté ! Les personnages sont attachants ; Mashiro et Hayate s'envoient vanne sur vanne, et les blagues ne manquent pas ! 

Graphiquement, les décors en pleine nature, entre mers et forêts, sont superbes. 



jeudi 25 juillet 2024

[SERIE JEUNESSE] Les filles au chocolat (1, 2, 3, 3,5) - Cathy Cassidy

Qu'est-ce qui m'a donné envie de lire la série de romans jeunesse Les filles au chocolat ?

L'enthousiasme de la gamine de 5ème ultra fan de l'adaptation en BD, lorsqu'elle a entrepris de me résumer le début ? Ou la façon dont le collègue avec qui j'étais à ce moment-là a toisé son album lu, relu et corné ? Sans doute les deux... La condescendance est l'une des nombreuses plaies purulentes de la nature humaine (et de l'Education Nationale, au passage). 

L'histoire 

Cathy Cassidy nous raconte le quotidien d'une famille recomposée originale à tous points de vue : Charlotte et Paddy sont deux artistes qui ont fait leur vie de leur côté avant de se retrouver pour gérer une sorte de gîte à Kitnor, un petit village anglais situé en bord de mer. La situation a poussé les quatre filles de Charlotte à accueillir une "5ème soeur" en la personne de Cherry, la fille de Paddy. Depuis que ce dernier s'est lancé dans la fabrication de chocolats artisanaux, le bed and breakfast a gagné en notoriété et les enfants _qui n'en seront bientôt plus_ doivent s'acclimater au succès naissant ; toutes mettent la main à la pâte dans la joie et la bonne humeur, mais chacune a ses propres tourments, plus ou moins bien cachés. Il pleut aussi dans le monde des Bisounours ! 

La série compte pour l'instant 9 tomes, mais elle n'est pas terminée ; chaque livre est bien la suite du précédent, mais sa narratrice ou son narrateur change. L'histoire est racontée soit par une fille de la famille Tanberry, soit par un de leurs proches. Cela permet d'avoir différents points de vue et cela nous fait prendre conscience de la différence qu'il peut y avoir entre ce qu'on laisse paraître et ce qu'on pense vraiment. 

Les filles au chocolat - 1 - Coeur Cerise (2010)

Une nouvelle vie commence pour Cherry, 13 ans : au revoir l'Écosse où elle vivait modestement avec Paddy, son père, et cap sur Kitnor, un petit village anglais situé en bord de mer. 

Tous deux vont s'installer chez la nouvelle copine de Paddy : elle s'appelle Charlotte, elle tient un bed and breakfast toujours blindé de touristes, elle est très sympa MAIS elle a déjà quatre filles à peu près de l'âge de Cherry. Alors forcément, cette dernière stresse un peu et craint de ne pas trouver sa place dans cette nouvelle famille aux allures parfaites. D'autant plus que ses complexes et son envie de plaire aux autres l'amènent à mythonner comme pas deux, au point de se fourrer dans ses situations délicates ! 

Si les petites Coco, Skye et Summer font un bon accueil à Cherry, Honey est bien décidée à lui mettre la misère. En effet, l'aînée ne digère pas le divorce de ses parents et aimerait bien voir les deux pièces rapportées rentrer dans leurs pénates. Les vacances d'été s'annoncent agitées !  

Ajoutez à cela une caravane de gitans, un beau gosse avec une guitare, des projets de chocolaterie artisanale, des adultes en mode bisounours et du crêpage de chignon (soft)... et vous avez les bases d'une série jeunesse dont on comprend le succès. 

Les filles au chocolat - 2 - Coeur Guimauve

Skye Tanberry prend le relais de l'histoire, qui débute sur la soirée d'Halloween, soit quelques semaines après les dernières événements de Coeur Cerise. Skye est l'une des deux jumelles. Plus discrète, moins "parfaite" que Summer, la danseuse qui illumine son monde, elle peine parfois à imposer son point de vue dans cette grande famille et préfère se réfugier dans ses rêves. Jusqu'à présent, cela ne lui posait pas de problème, mais maintenant qu'elle grandit, elle commence à l'admettre : Summer lui fait de l'ombre. Pour elle, c'est une souffrance de voir ses meilleurs amis la délaisser pour sa jumelle plus populaire. 

Mais voilà encore autre chose : Charlotte et Paddy ont retrouvé dans le grenier du gîte une malle contenant les effets personnels de Clara, une ancêtre de la famille disparue tragiquement. Skye est friande de vieilleries et de mystères, et elle récupère des vieilles robes et un paquet de lettres. Peu après, elle est prise de visions étranges et se demande si elle ne serait pas un peu possédée par l'esprit de Clara. 

L'histoire est racontée par une fille de douze ans, le ton du livre est donc inévitablement plus enfantin que le précédent. Du coup, j'ai un peu moins accroché, mais il reste très agréable à lire. Il est notamment intéressant parce qu'il parle de l'évolution de la relation de deux sœurs jumelles qui se ressemblent de moins en moins, et qui ont l'impression de ne plus vraiment se connaître. Le petit côté fantastique est très bien dosé ! 

Les filles au chocolat - 3 - Coeur Mandarine

C'est bientôt l'été à Kitnor, et les vacances s'annoncent bien remplies pour toute la famille : Charlotte et Paddy partent en voyage de noces au Pérou, laissant le bed and breakfast et l'atelier entre les mains de la gentille Mamie Kate ; au même moment, une équipe de tournage investit les lieux et commence à réaliser un documentaire sur la chocolaterie artisanale de Paddy. Les filles se réjouissent de l'animation que tout cela suscite, sauf Summer. En effet, la jumelle de Skye doit bientôt passer une audition pour intégrer une prestigieuse école de danse, et elle se met beaucoup de pression pour réaliser son rêve. Même si son talent n'est plus à démontrer, elle n'est jamais satisfaite de ses prestations, et s'agace de ne pas pouvoir contrôler tous les paramètres.. à commencer par l'évolution de son corps.

Ce troisième tome est un poil anxiogène _normal, puisque c'est la stressée de la famille qui raconte, mais il a l'intérêt de décrire l'installation progressive d'un trouble alimentaire chez un jeune, vue de l'intérieur. 


Les filles au chocolat - 3 1/2 - Coeur salé

Enchaînons avec Coeur Salé. Cette fois-ci, le jeune Shay Fletcher qui nous raconte sa vie trépidante de lycéen moyen, gêné dans ses moindres mouvements par un père oppressant. 

On peut dire que Shay fait presque partie de la famille Tanberry : il est quand même sorti avec deux des cinq sœurs, ce qui crée des liens. Et ça vaut bien un tome à soi - qui n'est d'ailleurs pas le numéro 4, mais bien le "3 1/2 : peut-être est-ce une sorte de spin-off que Cathy Cassidy n'avait pas prévu de sortir, à la base ? 



En ce moment, le musicien en herbe est dans la tourmente : il a été approché par une maison de disques mais son père a refusé en bloc le contrat alléchant qui lui était proposé. Il ne peut guère compter sur le soutien de son frère, chouchou des parents et voué à prendre la direction du centre aquatique familial, un jour. Sa copine Cherry Costello était son rayon de soleil, jusqu'à ce que Honey, l'aînée des Tanberry, non contente d'avoir manqué de cramer la grange familiale en découvrant les joies de la clopes quelques mois plus tôt, ne vienne semer la discorde entre eux. 

En gros, rien ne va plus. Mais pas de panique : dans Les Filles au chocolat, tout finit toujours par s'arranger. 

Coeur Salé nous éclaire sur un personnage secondaire qu'on avait un peu oublié depuis le premier volet ; ce chapitre, plus expéditif _et donc forcément moins profond que les précédents_ traite des tensions entre parents et enfants lorsque ces derniers veulent prendre le contrôle de leur vie. 

Bon, j'ai apprécié beaucoup plus que je ne m'y attendais la lecture destinée à un public jeune mais beaucoup moins niais qu'on pourrait le croire. Cathy Cassidy traite bien de l'acclimatation à un nouvel environnement, de l'ajustement relationnel qui s'impose lorsqu'on intègre un groupe _l'élève fan est en famille d'accueil, elle a dû s'y retrouver_, de gérer l'hostilité viscérale qui se dégage d'une personne. 

On a quand même un peu l'impression d'être dans les Sims par moments : les parents sont d'accord pour tout _et ne gueulent même pas vraiment lorsqu'une gamine de 11 ans loue une pelleteuse pour faire un bassin au poisson rouge. Vas-y que ça bouffe du chocolat et des pancakes H24. Ces excès vont d'ailleurs exaspérer Summer, lorsqu'elle va tomber dans l'anorexie. Le copain de Honey vit quasiment chez eux et c'est lui qu'on appelle lorsqu'il faut gérer ses colères... Tout ça n'est pas très réaliste, certes, mais, par les temps qui courent, une histoire dégoulinante de sucre est toujours bonne à prendre.      

Voilà une série moins girly qu'on ne pourrait le croire en regardant la couverture des livres (mais ça l'est un peu quand même), aussi addictive qu'un sac de bonbons : on sait que ça ne va pas nous apporter grand chose d'un point de vue nutritionnel, mais on y revient toujours, irrésistiblement. 


Références des livres : 

Cathy CASSIDY. Les filles au chocolat - 1 - Coeur Cerise. Nathan, 2011

Cathy CASSIDY. Les filles au chocolat - 2 - Coeur Guimauve. Nathan, 2012

Cathy CASSIDY. Les filles au chocolat - 3 - Coeur Mandarine. Nathan, 2012

Cathy CASSIDY. Les filles au chocolat - 3 1/2 - Coeur Salé. Nathan, 2013