Nicolas est nouveau au collège ; c'en est fini de la classe musique à horaires aménagés qu'il avait réussi à intégrer dans son ancien établissement. Il a serré bien au chaud sa chère flûte traversière. A quoi bon ? Puisqu'il a du renoncer à ses rêves pour suivre sa famille dans leur nouvelle vie, puisque de toute façon personne ne tient compte de ce qu'il veut, lui, autant tirer un trait sur le passé. Nico n'est pas un garçon contrariant, et il compte bien finir son année de troisième sans faire de vagues pour décrocher son brevet. Heureusement qu'il a Rudy, son petit confident, la prunelle de ses yeux ; grâce à lui, il parvient à se montrer zen et responsable en toutes circonstances.
Dans ce bahut aux airs de prison, le flûtiste résigné fait la rencontre de Sam et surtout de la belle Marie : le coup de foudre est immédiat. Or la petite frappe locale qui terrorise profs et élèves s'en rend compte et voit rouge : Marie est à lui, et ce n'est pas ce gringalet sorti de nulle part avec ses vieilles fringues qui va la lui piquer ! Désormais, Nicolas sera la nouvelle cible du dénommé Dylan. Oh, au début ce sont de petites blagues qui ne méritent que d'être ignorées : un stylo qui disparaît, des remarques assassines lancées pendant les cours, des bousculades _faites exprès ? ou pas ? le doute est encore permis... Le temps passe... Nicolas fait une démonstration de flûte en cours de musique, sa popularité monte crescendo, l'intérêt que Marie lui porte aussi, et la pression que lui colle Dylan suit le mouvement, également... Seule la patience de la victime diminue petit à petit. Tout le monde sait, tout le monde voit, mais personne n'ose parler. Personne ne veut s'en mêler. Ni Dylan, ni Nicolas ne lâcheront le morceau sans se battre. Le drame sera inévitable.
Une sonate pour Rudy est écrit sous la forme d'un journal tenu par Nicolas après "le drame", justement. Aussi voit-on parfaitement ce qui se passe dans la tête d'un élève harcelé : le doute d'abord (Est-ce qu'il m'en veut ? Est-ce que je suis parano ?) puis la culpabilité : si j'avais de plus beaux vêtements, si je n'avais pas dit que je savais jouer de la flûte traversière, si je n'avais pas regardé Marie, il m'aurait sûrement laissé tranquille. Je ne vais pas rajouter des problèmes à mes parents, ils en ont déjà assez ; et je ne veux pas que mes amis aient des ennuis à cause de moi. A coup sûr, l'histoire de Nicolas parlera à beaucoup d'élèves ; les codes de langage des collégiens sont efficacement retranscrits _sans trop en faire, l'écriture est légère et accessible ; l'auteure a su mettre en place une atmosphère de mystère et du suspense autour d'une chute qu'on devine tragique. Avec à la clé un effet de surprise que je me garderai bien de spoiler, pour une fois !
J'ajouterai seulement qu'en tant que documentaliste _et ancienne AE, la lecture d'Une sonate pour Rudy m'a surtout fait flipper : que se passe-t-il dans mon dos, que je ne vois pas, quels sont ces micro-événements dont je ne mesure peut-être pas la gravité lorsque je reprends les élèves sur telle ou telle remarque ? Comment distinguer un chouineur _si si, vous savez, ce chieur qui cherche tout le monde et qui, étonné de se faire remballer, vient chialer sa mère dans vos frusques. Oui oui, ça existe aussi _ d'un cas de harcèlement ? Comment intervenir quand les harceleurs sont des élèves qui ressemblent à des anges ? Les collègues ont tellement de mal à y croire que vous venez à douter vous-même.. Eh oui, tels les porcs chasseurs d'enfants, certains élèves-bourreaux prennent soin de "bien s'entourer" et de se placer au-delà de tout soupçon pour s'assurer une confortable liberté d'action.
Un roman cousin de Je mourrai pas gibier ! de Guillaume Guéraud, en plus soft mais non moins représentatif de la réalité. C'est mon coup de coeur (frippé, parce que huit ans après la sortie du livre, quand même !) de la rentrée et il forme un parfait enchaînement avec celui de l'été : Brainless, de Jérôme Noirez.
La cicatrice - Bruce Lowery (1960)
Pas facile d'avoir treize ans et de s'intégrer dans sa nouvelle école lorsqu'on a un bec de lièvre et qu'on ne roule pas sur l'or. Jeff en fait la douloureuse expérience ; un jour, un garçon de sa classe décide de prendre sa défense.
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Brainless - Jérôme Noirez (2015)
Brainless, (re)parlons-en !
A partir de maintenant je vais vous faire du réchauffé car tous les livres que je vais citer ont déjà fait l'objet d'un billet ici-même. Cet article est donc de la grosse arnaque.
Vermillion, une petite ville du Dakota. Jason est tellement bête que ses copains le surnomment Brainless, "le sans-cerveau". Aussi, quand il meurt accidentellement pendant l'été et ressuscite à l'état de zombie, après avoir perdu au passage pas mal de facultés mentales, personne ne voit la différence. Pourtant, il y en a une : Jason doit s'injecter quotidiennement du formol pour ne pas pourrir. Parviendra-t-il à cacher aux autres élèves son drôle d'état ?
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Des Fleurs pour Algernon - Daniel Keyes (1966)
Charlie Gordon fait partie de ceux qu'on appelait à l'époque "les arriérés mentaux". Il travaille dans une boulangerie où on l'a embauché plus par charité que pour ses compétences et les autres employés se paient sa tête à longueur de journée. Le jeune homme n'a pas pleinement conscience des moqueries qu'il subit et interprète les petites violences quotidiennes de ses collègues comme des marques d'amitié. Un jour, il est choisi comme cobaye par des médecins qui ont mis au point une opération capable d'augmenter le Q.I d'un être vivant ; ça a marché sur la souris Algernon. Ca marche sur Charlie. Très bien. Trop bien ?
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Une Sonate pour Rudy, des Fleurs pour Algernon...
C'est quoi le prochain ?
Un Kebab pour ta Soeur ?
Non.
Mongol - Karin Serres (2003)
Ludovic est un peu simplet ; il n'en faut pas plus à ses camarade de classes pour le traiter de mongol et pour le molester du matin au soir. Face aux agressions, le petit neuneu va réagir de façon tellement incongrue que les autres enfants vont s'en trouver tout désarçonnés : un beau pied de nez aux harceleurs !
Ce roman destiné aux élèves de CM peut largement être évoqué en 6° et après.
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L'étoile d'Indigo - Hilary Mac Kay (2004)
Article en version longue
Cette micro-bibliographie est très loin d'être exhaustive ; n'hésitez pas à m'en proposer d'autres, ça aidera mes gosses !!!
Carrie - Stephen King
Il est question de Carrie, 16 ans, qui vit l'enfer à la maison et au lycée : sa mère est très religieuse et la tient à l'écart du monde ; ses camarades de classent la harcèlent. En secret, elle s'entraîne à maîtriser son don de télékinésie, que pour l'instant elle ne contrôle pas, mais qui s'est déjà révélé ravageur;
- Camélia - Face à la meute - Cazenove ; Bloz ; Nora Fraisse (2021)
- Miss Crampon - Claire Castillon, 2019
- A Silent Voice - 1 - Yoshitoki Oima (2013)
Shoya et sa bande de copains survoltés attendent avec impatience l'arrivée d'une nouvelle élève dans leur classe de CM2. Aussi, lorsqu'ils font la rencontre de Shoko, leur surprise n'est pas des moindres : la jeune fille est malentendante, et ne peut communiquer avec les autres enfants que par écrit. D'abord intrigués par son handicap, leur perplexité se mue en un vague agacement, puis en une franche hostilité : les enfants reprochent à leur nouvelle camarade de "retarder la classe", puisque le prof doit écrire / faire écrire ce qu'il dit, et de compromettre leurs chances au concours de chant _ à cause de la voix forcément dissonante de Shoko. Tous commencent à lui faire de mauvaises blagues, et s'engrainent les uns les autres pour savoir qui ira le plus loin, avec Shoya en tête de file.
La maman de Shoko finit par dénoncer le harcèlement dont fait l'objet sa fille, et après avoir constaté la dégradation de plusieurs appareils auditifs, elle menace de signaler à la police. Sa gueulante va décider l'école à se bouger. Comme il faut désigner un coupable, la faute retombe sur Shoya, qui en tant qu'élève à problèmes, a le profil idéal.
Les autres gamins, contents d'être mis hors de cause, fichent la paix à Shoko mais font de Shoya leur nouvelle cible. Le caïd passe alors de harceleur à harcelé.
Vous pourrez lire un peu partout d'excellentes critiques sur ce manga, "très juste", "touchant", "réaliste", donc pas la peine d'en rajouter.
Je dirai simplement qu'il aborde vraiment bien la complexité d'une situation de harcèlement à l'école, qui ne se limite pas toujours au "triangle victime - harceleur - témoin". Bien des facteurs entrent en jeu dans son origine et dans la façon dont elle va évoluer : ici, on en repère plusieurs : le statut de "nouveau", jamais évident, l'ennui, la crainte, l'esprit de compétition, et surtout l'absence de discernement des adultes. Voilà un prof qui ne fait rien, ni pour adapter son enseignement à Shoko, ni pour favoriser son intégration ! Pire, il discrédite devant la classe une collègue venue proposer un enseignement de langue des signes. Si le maître n'est pas bienveillant envers Shoko, pourquoi les élèves le seraient-ils ?
Un manga pour les jeunes mais que les adultes doivent lire aussi, surtout s'ils sont amenés à travailler avec des enfants : bien que ce ne soit pas facile de le reconnaître, il faut garder en tête qu'en cas de harcèlement, il peut arriver qu'on fasse (involontairement) partie du problème.