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dimanche 3 septembre 2017

Les Cités des Anciens - 8 - Le puits d'Argent - Robin Hobb (2013)


Un cycle se termine pour laisser place au suivant ! Voilà ce que nous nous disions l'été dernier, en fermant les cartons de déménagement. Eh oui, pour la petite histoire, mon cher collège jaune et biscornu est en cours de démolition ; une fois qu'il sera rasé, il renaîtra de ses cendres sous la forme d'un établissement moderne, lumineux, hi-tech, fonctionnel... et pourvu de bien d'autres qualités qu'il ne possédait pas vraiment jusqu'alors.   

En attendant, à nous les travaux, les préfabriqués, les escaliers métalliques qui tremblotent et les cloisons qui sonnent creux ! Il faut maintenant déballer les paquets, prendre nos marques... mais pas trop, car dans deux ans il faudra de nouveau bouger. 

Dans les Cités des Anciens aussi, on s'installe mais pas trop ! Si les dragons ne peuvent s'alimenter en Argent dans leur repaire de Kelsingra, à quoi bon y rester ? 




Où est-ce qu'on en était ? 


Les gardiens et les dragons sont toujours à la recherche du puits d'Argent qui assurera leur santé et leur longévité ; ils quadrillent les bâtisses imposantes, à l'affût de secrets ancestraux contenus dans les pierres de mémoire : mais comment procédaient-ils pour trouver, recueillir et utiliser ce métal magique ?

Malta et Reyn serrent les dents ; ils oscillent entre inquiétude et espoir car la survie du petit Phron dépend de leur efficacité. Un soir, Kanaï demande à Thymara de le suivre sans lui dire où il l'emmène...

L'horrible Hest se frotte les mains ! Fraîchement débarqué à Kelsingra, il a repéré sa femme et son amant ; bien qu'ils aient beaucoup changé et que tous deux semblent avoir trouvé chaussure à leur pied, il ne désespère pas de tirer son épingle du jeu en leur faisant du chantage. Mais la vie dans la Cité des Anciens n'est pas la même qu'à Terrilville...

A Chalcède, Selden se meurt auprès de la jeune Chassim ; le duc malade lui pompe tous les jours plus de sang en espérant se remettre d'aplomb grâce au fluide magique qui coule dans ses veines. Mais le jeune frère de Malta est à bout de forces... 


Cette fin de série est beaucoup moins prévisible que je ne le redoutais dans le billet consacré au tome 7, et c'est tout à fait appréciable ! Même si les Cités des Anciens m'ont un peu moins exaltées que les précédents cycles de Robin Hobb, je reconnais que ce final-là a un petit effet Têtes Brûlées goût pomme que je vous laisse découvrir de vous-même ! 


Le puits du Jeu de l'Oie

Une vie insignifiante 

La fin approche ! A qui donnera-t-elle sa part de bonheur et son lot de tuiles ?  

Pas à Kanaï, il n'existe plus vraiment. 

En se noyant dans la pierre de mémoire, Kanaï le loser insouciant devient Tellator, un guerrier imposant et craint de tous. Il est le premier à participer au combat des dragons contre les navires chalcédiens, à faire des rescapés des prisonniers puis des "otages" dont il pourra sous-tirer une rançon. Tous ceux qui le connaissaient se lamentent de le voir se faire peu à peu posséder par un conquérant mort depuis longtemps : quel gâchis, le brave Kanaï est en passe de perdre son âme, peut-on encore le sauver ? 

Mais au fait, est-ce vraiment souhaitable ? Souvenez-vous de l'adolescent qu'il était dans les premiers tomes... Un rigolo au physique filiforme qu'on ne remarquait que lorsqu'il entrait dans un excès de loufoquerie, un amant pour qui le sexe était un jeu comme un autre, le premier gardien a avoir été balayé par les eaux du désert des pluies... A cette époque, l'existence de Kanaï n'avait de valeur pour personne et il n'était même pas pleinement intégré dans le groupe des parias. L'Ancien de Gringalette _ vous voyez, même le nom de sa dragonne n'était pas crédible !_ avait tout à gagner en troquant sa personne vulnérable contre l'esprit charismatique de Tellator. Tellator le viril, le chef de guerre, celui qui n'a besoin que de claquer des doigts pour trouver une femme disponible et consentante.


Thymara n'est pas plus impressionnée par l'un que par l'autre, et c'est la seule ombre au tableau pour le chef des gardiens. Son refus de s'offrir à lui _malgré une insistance lourdingue_ cassera le lien qui les unit ; vexé, Kanaï se réfugiera dans le combat et dans tous les autres domaines qui lui réussissent. Décidément, le miracle du coup de foudre ne se sera pas produit avec la donzelle ailée ! 


Pourtant, les miracles existent dans Les Cités des Anciens - ATTENTION SPOILER 

Arrêtez-vous là si vous comptez lire le livre !

Selden et Tintaglia, séparés depuis les débuts de l'aventure, sont tous deux des miraculés ! Une âme charitable (et sentimentalement intéressée) les tire du pays des morts où ils avaient déjà posé un pied et demi. Chassim, la fille du duc de Chalcède, protège "l'homme dragon" dont le sang est sucé tous les jours, prête à le suivre dans le trépas. Mais il était dit que les amants maudits ne mourraient pas de la sorte ! Tintaglia est sauvée in extremis par le grave dragon mâle nommé Kalo, plus attentionné que cette brute épaisse de Glasfeu. Les retrouvailles de la reine des Trois Règnes et de son "petit chanteur" seront pour le moins fracassantes !


Robin HOBB. Les Cités des Anciens - 8 - Le puits d'argent. J'ai Lu, 2013. 320 p. ISBN 978-2-290-08598-1

jeudi 20 juillet 2017

Les Cités des Anciens 7 - Le vol des dragons - Robin Hobb (2014)


Une incursion tardive dans l'univers de Harry Potter _eh oui, comme vous le savez déjà, j'avais toujours pris soin d'éviter ce monstre littéraire jusqu'à ces derniers mois_ a retardé ma traversée des Cités des Anciens de Robin Hobb. Il est temps de s'y remettre ! 




Où est-ce qu'on en était ? 

Au moment où tous les personnages principaux sans exception reçoivent quelques tuiles sur le coin du nez ! 

A Kelsingra, les Anciens et les dragons ont presque atteint l'apogée de leur évolution : les ailes, les écailles et les regards perçants des premiers flamboient, tandis que les seconds s'élèvent dans les cieux pour mieux fondre sur leurs proies. Tous se préparent à passer une belle et une très longue vie en ces lieux magiques qu'ils découvrent jour après jour, mais leur bonheur est bientôt terni par un constat : pour rester beaux et puissants, ils doivent régulièrement tirer d'un puits un peu d'argent liquide qu'il leur faut ingurgiter. Or, ce "puits d'argent" est introuvable : il deviendra vite la nouvelle quête des anciens parias du Désert des Pluies. 


"Jack, je vole ! Et aussi bien que les dragons estropiés !"


Le capitaine Leftrin est maintenant tout proche de la cité des Anciens ; il transporte non seulement une sacrée cargaison de vivres et de produits de première nécessité, mais aussi Malta et Reyn Khuprus. Ces derniers comptent sur le pouvoir des dragons pour donner de la force à leur petit Phron, qui en manque cruellement.  


La vivenef est suivie de près par des navires vraisemblablement résistants aux eaux acides du Fleuve ; si personne ne saurait dire qui ils sont et quelles sont leurs intentions, l'équipage du Mataf n'a aucun doute sur leur détermination. A aucun moment, Leftrin et sa bande n'auront réussi à les semer. On devine qu'au fond d'une cale chalcédienne inconnue, Hest se terre en attendant des jours meilleurs ; difficile de ne pas faire le lien entre sa cachette et le bateau warrior qui étonne les matelots. 

"Jack, je vole plus !"

A terre, Selden "l'homme dragon" a été livré en pâture au vieux duc de Chalcède afin de le soigner en lui sacrifiant sang et écailles. Mais le noble comprend que le médicament et plus malade que lui et le confie aux bons soins de sa fille Chassim : pas question qu'il s'intoxique en avalant sa morve de reptile défraîchi ! Il le coupera en morceaux quand Selden Vestrit se sera retapé ! Une connivence s'instaure très vite entre la jeune femme en manque de reconnaissance et l'Ancien déchu...   

Les colosses aux pieds d'argile 

Tome 7, tome des chutes plus ou moins douloureuses... Qu'elles soient sentimentales _ le triangle amoureux formé par Thymara, Tatou et Kanaï est maintenant reconnu par tous comme stérile_, techniques _ les vivenefs n'ont plus le monopole du fleuve_, ou personnelles _Anciens et dragons prennent conscience de leurs limites, elles tombent sur les personnages comme autant de couperets..

La dragonne Tintaglia illustre parfaitement le phénomène, puisque sa blessure pourrissante l'amène à ravaler son dédain pour les hommes ; c'est en battant de l'aile qu'elle tentera de rejoindre ses admirateurs de toujours : les Khuprus. Au fond, on se dit que ça ne lui fait pas de mal, à cette grande prétentieuse, mais celui qu'on est vraiment heureux de voir galérer, c'est Hest ! Le petit marchand freluquet en a rabattu depuis qu'il a vu le sang couler, au point d'accepter de jouer les soubrettes pour des Chalcédiens sans foi ni loi. Robin Hobb a parfaitement réussi à nous faire détester son méchant, encore faut-il qu'elle ne pousse pas le happy end jusqu'à lui sortir la tête de l'eau ! 




Les feux d'artifice : t'en as vu un, tu les as tous vus ! 

Car cette issue "bouquet final" où tous les gentils retomberont sur leurs pattes dans la joie et la bonne humeur, au terme d'une confrontation explosive à proximité de Kelsingra, le lecteur la sent venir. Est-ce parce que j'ai encore en tête la conclusion des Aventuriers de la Mer ? Est-ce parce que j'ai fait le tour de l'oeuvre de Robin Hobb et que le charme commence à s'estomper ? Sans doute ne suis-je plus la lectrice qui a plongé dans L'Assassin Royal pour fuir la détresse du quotidien dans laquelle elle se noyait ? Non pas que je gère beaucoup mieux maintenant, mais c'est différent ^^. Toujours est-il que la fin des Cités des Anciens me semble quelque peu prévisible. Si je me trompe, je ferai la rectification dans le prochain biller, soyez-en sûrs. 

Mais pour l'instant, la curiosité avide et le suspense qui m'ont conduite à dévorer les précédentes séries est limitée ; j'ai toujours l'impression de ne pas m'attacher aux personnages et l'envie de leur coller des baignes se fait parfois sentir. Enfin, si je n'y suis pas totalement indifférente, cela veut dire que Robin Hobb a bien fait son boulot, remarquez ! Bref, je lirai la dernière partie de la saga très bientôt, avec grand plaisir, et avec l'assurance de ne pas voir les minutes s'égrener sur le compteur de mon tapis de marche, mais sans que le coeur s'emballe pour autant. 

A vous de voir ! 

HOBB, Robin. Les Cités des Anciens 7 - Le vol des dragons. J'ai Lu, 2014. ISBN 2290085979

lundi 8 mai 2017

Les Cités des Anciens 6 - Les pillards - Robin Hobb (2012)


Je dois vous dire que j'ai pris le temps de penser à ma gueule dernièrement... 

Les Chevaliers du Zodiaque, la série abrégée - 1
Allez jeter un oeil !

...d'où le petit craquage livresque suivant : 

Les Cités des Anciens 6 - 7 -  8

... talonné de près par l'acquisition bien trop impulsive pour être honnête d'une BD de l'auteure féministe Liv Strömquist : Les Sentiments du Prince Charles.  

Artiste découverte lors du PULP festival, qui s'est tenu fin avril à La Ferme du Buisson (Noisiel)

Bref, laissons ces jolis cygnes se faire de doux gros yeux sous un ciel d'orage pour retrouver les nouveaux habitants de la Cité Ancienne de Kelsingra, le vaisseau Mataf, et quelques personnages qu'on avait bien failli oublier ! 

Illustration couverture : Sébastien Hayez

L'histoire 

Les craintes d'Alise étaient bien fondées : en apprenant que Leftrin et son équipage ont réussi à mener à bien leur expédition, découvrant au passage la Cité Ancienne de Kelsingra, les Marchands du Désert des Pluies se sentent pousser des ailes. Pourtant, le marin s'est volontairement montré peu explicite : s'il est rentré au pays, c'est seulement pour toucher sa paie et rapporter celle des jeunes gardiens de dragons restés sur place. Pas question de montrer le chemin à qui que ce soit : chacun porte sa croix, et personne ne lui a filé aucun tuyau, à lui. Le Conseil des Marchands refuse toutefois de lui payer son dû, faute de preuves et d'informations détaillées qu'il ne donnera pas : non mais c'est quoi ce chantage ? Il en ressort outré par si peu de confiance à son égard, mais les Anciens Malta et Reyn Khupprus sauront lui apporter la reconnaissance qu'il mérite.

L'accouchement de Malta est mouvementé ; elle perd les eaux au retour du Conseil, avant même d'avoir regagné sa chambre. Etendue entre deux passerelles de lianes suspendues, elle hurle à la mort jusqu'à l'arrivée d'un inconnu chalcédien... qui ne lui vient pas du tout en aide et semble plus intéressé par sa couronne d'écailles que par son état. L'homme la transporte à l'intérieur d'un bordel et la boucle dans une cellule miteuse, où elle accouche pour de bon avant de s'échapper grâce à son audace et à quelques coups de poignard heureux. 

L'enfant, déjà très écailleux, est d'une faiblesse inquiétante... même si Malta se réjouit qu'il soit toujours vivant. Si seulement Reyn était auprès d'elle ! Or, son mari est monté à bord du Mataf, où l'on discute déjà d'un départ anticipé... 

Leftrin reconnaîtra-t-il ses compagnons de route lorsqu'il reverra la Cité des Anciens ? Rien n'est moins sûr, tant les dragons et leurs gardiens évoluent rapidement dans les airs et les eaux magiques de Kelsingra. Sintara parvient à prendre son envol et à rejoindre l'antre de ses aïeux ; les quelques heures qu'elle y passe suffisent à la transformer et à la renforcer. Thymara et Kanaï passent la nuit la cité et prennent conscience de leur statut d'Ancien, au fur et à mesure que leurs écailles se teintent de couleurs vives. Oui oui, Thymara couche avec Kanaï dans une chambre bien douillette tandis que Tatou crève de jalousie de l'autre côté du ravin, joie totale ! Pourquoi sa copine a-t-elle cédé aux ardeurs ce type perché, alors qu'elle s'est toujours refusée à lui ? Il se le demande, nous aussi, et ... elle aussi, d'ailleurs !! 

Bref, c'est son choix, et c'est...



Le retour de l'ex maléfique ! 

Le dépit du jeune gardien tatoué l'amène à demander des conseils aux gays à Sédric et à Carson, eux qui semblent avoir une vie amoureuse épanouie. Si Carson sait trouver les mots qu'il faut, justes et francs bien que désagréables à entendre pour Tatou, Sédric se rembrunit l'espace de quelques minutes. La jalousie est un sentiment qu'il connaît bien ! Ah, pour ça, il peut remercier ce connard de Hest Finbok et sa tendance à fourrer sa queue partout ! Mais à quoi bon se prendre la tête, l'amant qui l'employait comme secrétaire ne fait plus partie de sa vie, et c'est tant mieux. 

Or, seules les montagnes ne se rencontrent jamais. Hest a eu vent du retour de Leftrin, et, poussé par son père tout aussi calculateur et ambitieux que lui, il compte bien embarquer pour prendre d'assaut ces contrées oubliées. Après tout, si Alise fait partie des découvreurs potentiellement bénéficiaires des richesses de la Cité, il peut faire jouer son statut de mari pour racler quelques morceaux de choix ! Entre sa femme qui a noué une relation digne de ce nom avec le capitaine Leftrin et son amant qui roucoule tranquillement entre les bras costauds d'un bear, Finbok risque fort d'être surpris par le bonheur de ses anciens larbins. Les retrouvailles s'annoncent explosives ! Une traversée du fleuve, ça vous change une épouse soumise et un ami docile... 

BEAR POWER !

Des écailles aux écus 

Hest ne vient pas juste pour régler ses comptes et s'en foutre plein les poches. Il est aussi à la botte d'un Chalcédien qui l'a chargé de récupérer des écailles de dragons afin de soigner le Duc malade... d'être vieux, ni plus ni moins. Comme nous l'avions déjà compris dans le tome précédent, les majestueux reptiles sont devenus, au regard des hommes, des bêtes parmi d'autres. Leur chair, leurs organes et leur robe sont consommables et monnayables. Or, pour la nouvelle génération d'Anciens, et pour ceux qui ont gardé la mémoire des traditions, le dragon est le "seigneur des trois règnes" et ne peut faire le beurre des hommes. On comprend donc qu'un combat va s'engager entre ceux qui pensent écus et ceux qui brossent les écailles. A noter que l'illustration de couverture de la version poche que j'utilise (J'ai Lu) me paraît coller parfaitement à l'ambiance, puisqu'elle représente une pièce de monnaie frappée d'une tête de dragon, me semble-t-il. Au passage, Selden est toujours aussi mal traité par ses ravisseurs, tandis que sa grande dragonne Tintaglia n'est pas non plus au meilleur de sa forme...  


CDZ, la série abrégée, toujours l'épisode 1 !

Le tome "Les pillards" est un tremplin vers un feu d'artifice imminent de nouvelles aventures pour les nombreux héros des Cités des Anciens. Comme dans Les Aventuriers de la Mer, on sent que tous les personnages sont en route pour converger en un même point... qui sera sans doute un point de non retour pour certains d'entre eux. A suivre, donc !

Robin HOBB. Les Cités des Anciens 6 - Les pillards. 2013, J'ai Lu. Coll. Fantasy. 288 p. ISBN 978-2-290-07037-6     


vendredi 24 mars 2017

Les Cités des Anciens 4 - La Décrue - Robin Hobb (2011)


On critique, on critique, mais on continue à lire, toujours avec autant d'entrain... Nous voilà déjà au tome 4 des Cités des Anciens, intitulé "La décrue".



L'histoire 

Après avoir été emportés et ballottés au fil des eaux tumultueuses du Fleuve, gardiens et dragons retrouvent un semblant de quiétude. Ils ont subi de lourdes pertes et ont du être rapatriés à bord du Mataf ; pourtant, le moral est remonté et la vie a repris le dessus. La vivenef escortée de son armée de dragons de plus en plus forts redémarre au ralenti vers sa destination finale, après un temps de stagnation plus que nécessaire. On ne sait toujours pas si la fameuse cité de Kelsingra existe pour de vrai. On ne sait pas de quoi demain sera fait, d'autant plus que les éléments leur rappellent dans cesse que leur vie ne tient qu'à un fil. Alors on se libère des lourdes valises du passé et on prend le parti de profiter du moment présent. Cependant, et en dépit de leur conscience du danger, tous les protagonistes ont oublié que le vrai boss de l'expédition, c'est Mataf, le bateau vivant... Or, voyager sur une gabare qui refuse d'avancer n'a rien d'une partie de plaisir. 

Passage à l'acte 

Mais ce n'st pas si grave au fond, car les plaisirs, on peut les trouver ailleurs (, t'inquiète). Huis clos ? Décompression ? Manque ? Regrets ? Dans la Décrue, tout le monde tire son coup à l'exception de Thymara. Saluons au passage la force de caractère de ce personnage : il n'est pas évident de rester courtois face à tous ces adolescents mâles qui la frôlent de trop près, soucieux de bien lui renvoyer en pleine tronche leur déception d'avoir été éconduits ! Ses sentiments pour Tatou ont beau ne pas être très clairs, elle entend bien rester libre et maîtresse de son corps. Alors que la moche Alise tombe enfin dans les bras et dans les draps du capitaine Leftrin, Thymara reste la dernière des Mohicans féministes des Cités des Anciens. Les secrets bien gardés se mettent à prendre l'eau eux aussi ! Sédric n'en peut plus de sa conscience ; il se résout à informer Alise la nature de sa relation avec Hest ; la nouvelle cogne en plein dans sa fierté de marchande et la patience de son nouveau compagnon ne sera pas de trop pour lui redonner le sourire. Bien que douloureuse, cette révélation était nécessaire car, comme le dit Carson, "on ne peut rien commencer de nouveau tant qu'on n'a pas achevé l'ancien". 


La blague de beauf du vendredi soir


Les deux pieds dans le marais 

Petit à petit, l'image de Hest s'efface des pensées de Sédric. Le petit secrétaire précieux est d'autant plus motivé pour céder aux avances de Carson qu'il réalise que son ancienne relation relevait plus de la maltraitance que de l'idylle. On pardonnera à Robin Hobb sa tendance à tomber dans les clichés du couple gay _le doux Sédric souffrant sans oser le dire d'être toujours LE passif alors que Hest, le viril, le marié, le patron.. a l'exclusivité du maniement de pinceau. Enfin, passons. Retenons seulement que La Décrue aurait pu avoir pour titre Le Marais tant la communauté y est bien représentée: Hest, Sédric, Carson, Davvie et même le gardien Lecter (qui se tape Davvie, logique). Bientôt un dragon dans la fanfare ?

La gabare Mataf semble se plaire dans cet environnement marécageux _ça tombe bien, où ses gros pieds ne s'empêtrent pas spécialement. Oui, j'ai bien dit ses pieds. A moins que ce détail m'ait échappé dans les tomes précédents, cette fraction de l'histoire fait état, à plusieurs reprises, de cette "spécificité" de l'embarcation. Quand l'envie lui prend d'accélérer un peu la cadence et que l'eau du fleuve n'est pas trop profonde, il sort ses pattes et hop hop hop, tu me vois tu me vois plus ! Fantastique ce Mataf... Si vous aussi la chanson "Maman les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes" vous a agacé au plus haut point sans que vous n'ayez jamais osé pointer du doigt sa débilité, sachez qu'on est deux. Robin Hobb a du fumer un peu sur ce coup là...  




Le livre du changement  

Si ça se trouve, c'est en posant des pattes sur Mataf qu'elle a du se dire que ce serait marrant de faire pousser des ailes à Thymara, et de transformer Kanaï en Ancien. Eh oui, on s'en doutait un peu : Kanaï et Gringalette ne sont pas morts, ils ont simplement été emportés plus loin que les autres ; cela leur a fourni l'occasion de découvrir... Kelsingra ! C'est en annonciateur, coloré à l'image de sa dragonne, que le jeune gardien frivole réintègre le groupe. Les autres parias ne sont pas en reste : plus ou moins consciemment, chaque dragon a "déteint" physiquement sur son protecteur en lui donnant de sa couleur ou de ses écailles ; très attaché à Relpda, Sédric a aussi bénéficié de cette évolution, bien que les origines de leur lien soient plus que douteuses. Les créatures rejetées par leurs pairs, quelle qu'en soit la raison, sont en passe de devenir des monstres sacrés qu'on croyait légendaires, aussi bien à Terrilville que dans le Désert des Pluies.     

Kelsingra ! Kelsingra ! 

Si vous n'aimez pas trop lire des scènes de cul, et encore moins les histoires de couples qui se font et se défont sur les lames de ton plafond, faites l'impasse sur ce volume. En quatre mots : Thymara est toujours vierge malgré l'insistance de Tatou, Graffe meurt, rejeté par son dragon, Kanaï revient pour les guider aux portes de la cité. Voilà. Ah, et Mataf a des grosses pattes ; ouais, ça m'a marquée...Vous pouvez donc passer au cinquième volume, qui paraît plus prometteur niveau action puisqu'on s'apprête à visiter la cité légendaire, Alise et son calepin en tête ! Sinon, eh bien vous vous éclaterez à voir les gens s'entre-essorer le cerveau pour savoir qui aime qui, et est-ce bien sage, d'abord ?

A suivre !

HOBB, Robin. Les Cités Des Anciens - La Décrue. Editions France Loisir. Vol. 4, 2011. 400 p. ISBN 978-2-298-05733-1



dimanche 19 février 2017

Les Cités des Anciens 3 - La Fureur du fleuve - Robin Hobb (2011)


Parce que le Drake Azur va passer en mode libre dans Hearthstone, c'est à dire, en gros qu'on ne pourra plus faire l'inclure dans nos decks "de compétition", parlons de dragons qui restent, eux au moins ! Bienvenue dans Les Cités des Anciens 3, déjà ! "La Fureur du fleuve".   

Une carte tellement efficace _et belle ! Ca fait ch*er !!
Je m'en branle de l'équivalent en poussière arcanique, moi !!

Les dragons erratiques nés dans le Désert des Pluies sont tellement fidèles que les habitants n'ont de cesse d'essayer de s'en débarrasser. Les grands pontes ont donc sollicité les parias de leur société haut perchée pour, officiellement, les guider vers l'antique cité de Kelsingra dédiée aux dragons, et, officieusement, pour pousser bestioles et accompagnateurs vers la porte de sortie... Pour faciliter le transfert qui devra se faire par voie d'eau et par voir de terre, on a fait appel au capitaine Leftrin, à son vaisseau Mataf, à une "théoricienne" du dragon nommée Alise, et à son chaperon, le jeune Sédric. Le tome précédent nous avait raconté le démarrage de cette drôle d'expédition...    


Illustration : Robert Lintott
Editions Pygmalion, 2011


Où est-ce qu'on en était ? 

Alors que le caléchage des dragons mal formés se déroule plutôt bien, en dépit des chamailleries de leurs accompagnateurs, les éléments se déchaînent, mettant un bon coup de pied dans leur petite fourmilière flottante. En conséquence d'un tremblement de terre tout à fait incomparable à ceux vécus jusque là par les créatures du Désert des Pluies, le fleuve entre en crue très brusquement, cueillant les protagonistes en pleine action _qu'elle soit louable ou douteuse ; en effet, au moment où le cours d'eau s'emballe, emportant tout sur son passage, Leftrin est en train d'en coller une à Jess, le chasseur opportuniste qui en sait beaucoup trop long sur le passé du capitaine, tandis que Thymara console une Alise en pleurs, toujours prise entre raison et sentiments. Sintara regarde les deux femmes, contrariée : comment va-t-elle faire jouer la concurrence entre ses deux servantes si ces nouilles deviennent amies ? Les reptiles auront tout juste le temps de se mettre à l'abri avant d'être emportés par le courant, mais leurs gardiens seront moins chanceux. Le petit groupe, pas vraiment soudé mais un minimum solidaire va prendre des airs de radeau disloqué, avec toute l'angoisse que peut provoquer un drame aussi soudain. Quant au "pauvre"Sédric, il devra laver d'un plongeon dans les eaux acides sa mauvaise conscience, avec pour seule compagnie la petite dragonne qu'il avait quasiment vidée de son sang quelques jours plus tôt ! 

Pigeons, inquiétudes et fleuve en crue 

Si les titres les romans qu'on coupe et qu'on recoupe à loisir tombent parfois à côté de la plaque, ce n'est pas le cas de La Fureur du fleuve, bien au contraire. Ici, Robin Hobb évoque une catastrophe naturelle vécue de l'intérieur, c'est à dire qu'elle ne nous la décrit pas mais nous en donne une idée via le regard et les yeux affolés de ses personnages. Dans un premier temps, on accorde bien peu d'importance au tremblement de terre ; Leftrin et son équipage l'estiment costaud mais sans plus. A tel point que la crue du fleuve acide les surprend pour de bon. 

http://www.animallols.com 

Sur terre, que ce soit à Terrilville ou à Trehaug, les hommes avec et sans écailles souffrent du manque de visibilité de l'événement et des problèmes de communication aggravés par ce bon tour de la nature. Nous en avons un aperçu grâce à Erek et Detozi, les gardiens des pigeons messagers dont la correspondance ouvre chaque chapitre. Je ne sais pas si j'en avais parlé dans les précédents billets consacrés aux Cités des Anciens, mais leur parenthèse épistolaire, calée entre chaque nouvelle partie du roman, est une petite particularité de la série. Vous aviez pu découvrir les "légendes" des Six Duchés posées comme des enluminures au début des chapitres des L'Assassin Royal, et vous étiez sans doute restés dubitatifs face à l'épopée des serpents de mer amnésiques séparant les différentes scènes des Aventuriers de la Mer. Ici, vous aurez droit aux réflexions croustillantes des oiseliers maîtres des la communication qui assurent la diffusion des infos entre Terrilville et le Désert des Pluies _ et soyez-en sûrs, ils ne manqueront jamais de joindre des messages personnels échanges officiels. Grâce à eux, on comprend que le voyage anormalement long d'Alise et de Sédric inquiète leur entourage ; on mesure également la violence du tremblement de terre et de la montée des eaux du fleuve, qui amène Detozi à considérer dragons et gardiens comme perdus à tout jamais.

"Nous n'avons jamais connu une crue comme celle qui vient de nous frapper. [...] Les ponts et la Salle des Marchands ont subi des dégâts considérables. Je pense que nous ne saurons jamais ce que sont devenus les dragons et leurs gardiens".   

Ces petits interludes sympathiques m'ont fait penser à la correspondance d'Usbek et Rica décrivant avec ironie la société de leur temps dans les Lettres Persanes. Mais bon, vite fait hein ! Ca n'a absolument rien à voir !


Attention Spoiler  à partir du paragraphe suivant... 






Le choix de ne pas choisir 

Dans La Fureur du fleuve, tout le monde a peur et passe à la bagne avant d'avoir eu le temps de dire "fromage". Les parias baroudeurs stressent en comptant les disparus. Pourtant, plus de peur que de mal : un gardien mort, un autre disparu avec son dragon, et un chasseur mangé. Une broutille ! Du coup, les cerveaux et les hormones continuent à bouillir sous les casques des plus jeunes voyageurs, et a fortiori sous celui de la caractérielle Thymara. La fille à écailles ne supporte pas le côté bestial de ses compagnons de route, qui ont su tirer parti de leur mise à l'écart en s'affranchissant des règles sociales, et en baisant dans tous les coins. Son copain Kanaï ayant disparu dans le raz-de-marée, elle comprend qu'elle devient "prenable" pour tous les autres garçons seuls de la troupe. Voyant que ces petits branleurs lui tournent un peu autour, Graffe le chef de meute l'encourage à en élire un : certes, elle sera contrainte de coucher avec un gars qu'elle n'aime pas, mais ça aura le mérite d'éviter qu'elle ne se traîne un essaim d'abeilles au cul jusqu'à Kelsingra. Même son grand ami Tatou lui confirme cette solution de fortune... A l'issue de ces drôles de conversations menées les pieds dans l'eau acide, entre deux sessions d’éviscération de poisson morts, Thymara est doublement outrée : d'une part, elle est scandalisée de devoir renoncer à sa liberté pour avoir la paix. Si les autres se sont résolues à se maquer pour éviter de viol, elle ne compte pas en faire autant ! D'autre part, elle réalise que tout le monde a tiré son coup, ou s'est fait tringler depuis le début de l'aventure, sauf elle ! Entre dégoût de vivre dans un baisodrome et sentiment d'être la seule conne à avoir gardé ses morpions pour elle, la jeune fille fulmine mais tient le coup ! Beaucoup plus qu'Alise à qui on aurait pu attribuer ce rôle au tout début de l'histoire, elle incarne la fille peu soucieuse des attentes sociales et libre de faire ce qu'elle veut de son corps...



Parallèlement, les liens se créent et se renforcent entre les personnages, quels que soient leur nature ; il faut dire que dans l'épreuve, les situations ambiguës deviennent claires comme de l'eau de roche ; Sintara, la dragonne manipulatrice désireuse de susciter l'envie et la jalousie chez ses deux gardiennes, n'hésite pas à sauver la vie de l'une d'elle. Qui l'eût cru ? Sûrement pas elle. Thymara et Tatou se réconcilient et se rapprochent, maintenant que Jerd, enceinte, a officialisé sa liaison avec Graffe. Alise et Leftrin ne vont pas tarder à conclure (malgré les malentendus persistants, ahah). Même Sédric semble avoir un sérieux ticket avec le chasseur Carson, mais ne s'en rend absolument pas compte ! Le bear lui tend des perches de quinze mètres, mais il ne les saisit jamais.. Il semblerait que le précieux secrétaire de Hest soit quelque peu repoussé par la grosse bebar de son soupirant... Par contre, il découvre qu'il est capable de communiquer très nettement avec Relpda, la dragonne cuivrée...


Hagrid, le semi-géant sympa dans Harry Potter

Nous avions dit que le premier tome des Cités des Anciens était un éloge des déphasés. Le deuxième, la consécration des faibles. Eh bien, La Fureur du fleuve, ce sera le livre des moches ! Thymara et Alise comprennent toutes deux qu'on peut être moche et/ou recouvert-e d'écailles, et pourtant désirable. De toute façon, la notion de beauté devient vite dérisoire après un bain dans les eaux acides, dont on ressort forcément la gueule boursouflée...

Une fois n'est pas coutume, Les Cités des Anciens 3 - La Fureur du fleuve m'a un peu agacée : on tourne beaucoup trop autour des histoires de coeur des uns et des autres ; les états d'âme des personnages sont déroutants pour qui a connu l'histoire simple et profonde de Fitz et de Molly, et pour qui a pris la mesure de la passion dévorante du Fou. Cela dit, L'Assassin Royal, Les Aventuriers de la Mer et les Cités des Anciens sont trois oeuvres clairement distinctes qu'on ne peut comparer, bien qu'elles aient été écrites par le même auteur. Soyez-en sûr, les amateurs de Robin Hobb trouveront sans doute que ce troisième tome tient toutes ses promesses !
A vous de vous faire une idée.   

Robin HOBB. Les Cités des Anciens 3 - La Fureur du Fleuve. Pygmalion, 2011. Trad. A. Mousnier-Lompré. 359 p. ISBN 978-2-7564-0419-6



samedi 31 décembre 2016

Les Cités des Anciens 2 - Les eaux acides - Robin Hobb (2010)


Puisque beaucoup d'entre nous ont passé Noël sous le crachin, une bonne crève sur le nez en prime, rendons-nous un petit hommage à travers les aventures de dragons malades immergés dans les eaux corrosives du Désert des Pluies... 




L'histoire

Les jeunes parias chargés d'accompagner les dragons défaillants depuis Trehaug jusqu'à l'ancienne cité de Kelsingra se sont regroupés. Ils font connaissance entre eux et avec les bêtes, avec lesquelles ils se lient pour former des binômes "reptile - gardien". Thymara fait l'expérience de la vie en communauté et en découvre les aléas... Tous sont bientôt rejoints par le  Mataf, navire qui doit les escorter dans leur voyage. A son bord figurent notamment Leftrin, le capitaine, Alise, la spécialiste des dragons venue étudier les curieuses créatures, et Sédric, son ami d'enfance.  

Un périple incertain et dangereux commence, à la grande satisfaction des uns et à la grande frayeur des autres. En effet, si tous rament pour atteindre une destination commune, chacun a en tête ses propres objectifs et compte bien tirer son épingle du jeu quand l'occasion se présentera. Il semblerait que même les plus jeunes des gardiens aient enfin compris qu'il importe plus d'éloigner les dragons gênants que de leur assurer une fin de vie décente...

Si le convoi écailleux n'avance guère dans Les eaux acides _mais quand même un peu plus que Fitz et le Fou sur l'île d'Aslevjal, faut pas déconner ! l'expédition prend une dimension initiatique pour plusieurs personnages. Dans les cerveaux, les chemins se dessinent plus ou moins clairement : les adolescents profitent de l'absence d'adultes et de règles claires pour libérer leurs hormones _comme Tatou, par exemple_, les plus vieux s'improvisent stratèges pour tisser de possibles histoires de coeur (Leftrin pour ne citer que lui), pour se faire du blé ou pour atteindre la gloire et la reconnaissance des pairs. le précieux Sédric et Graffe, sorte de cow-boy solitaire du Désert des Pluies, sont représentatifs de ce dernier cas de figure.

Les Beaux Gosses - Riad Sattouf (2009)

Le périple des faibles

Lors d'un précédent billet consacré au premier tome des Cités des Anciens, je crois que je vous avais dit que la série était bien partie pour être une sorte d'épopée des tordus et autres spécimens mal à l'aise dans leur société. Ou alors, je l'ai juste pensé très fort. Bref, je compléterai cette idée en ajoutant que les pauvres hères qui piétinent dans la fagne des dragons ne sont pas seulement décalés : ils sont faibles.

Déjà, les reptiles auxquels ces femmes et ces hommes ont choisi d'offrir leur vie _car c'est bien ce qu'ils font, tous !_ ne sont pas très frais, il faut bien le reconnaître. Certains d'entre eux en sont conscients et s'en trouvent d'autant plus complexés qu'ils ont la mémoire de leurs anciennes vies, où ils étaient tout fringants. Leur fierté et leur orgueil ne s'accorde plus vraiment à leurs pattes folles et à leurs parodies d'ailes. Cette situation est particulièrement dure à vivre pour Sintara, la dragonne bleue dont Robin Hobb nous raconte assidûment l'évolution depuis son encoconnage. A travers son regard, le lecteur sentira toute la détresse d'un être qui a le souvenir d'avoir été un jour puissant et qui enrage de n'avoir plus une pauvre once de force dans les membres. Ses propos sonnent très justes, malgré l'incongruité de la situation !

Comme un écho, l'auteur nous décrira, vers la fin du volume, la difficulté pour Thymara de devoir se résoudre à quémander de l'aide lorsque ses bras frêles ne suffiront plus à ramener au camp l'élan qu'elle a tué d'une flèche bien placée. La jeune habitante du Désert des Pluies ne devra pas seulement mettre ses muscles à rude épreuve : ses nerfs en prendront aussi un coup. Peu accoutumée à partager sa vie avec qui que ce soit, elle devra lutter contre les avances de Graffe, aussi manipulateur qu'attirant, et jouer des coudes pour reconquérir Sintara, "sa" dragonne _visiblement plus réceptive aux paroles enjôleuses d'Alise qu'aux siennes.

Pour la peine, invoquons un petit dragon mécanique !

La femme de Hest n'a pas vraiment envie de rentrer à la maison, contrairement à Sédric, son chaperon officiel. D'une part, parce qu'elle fuit ainsi l'oppression de son mari et mène enfin une vie qui lui plait au contact des dragons ; d'autre part, elle mangerait bien du Leftrin ! L'appétit est réciproque, c'est le moins qu'on puisse dire. Leur manège ne trompe pas une seule seconde l'oeil perçant de Sédric ! Le coeur du secrétaire _et ami d'Alise autant que de Hest_ s'emballe aussitôt : il aurait tout à perdre, si jamais le marin et la marchande venaient à consommer leur amour. Une relation hors mariage jetterait l'oppropre sur les deux époux jusqu'à Terrilville et montrerait que le "protecteur" a failli à sa mission. Sans nul doute, Hest se détournerait de lui... et ça, Sédric ne le supporterait pas. Résigné à poursuivre l'aventure à bord du Mataf sur les talons d'Alise, le secrétaire trouve une consolation : et si sa proximité forcée avec les dragons était en fait un signe favorable du destin ? Une écaille scintillante récupérée au sol et un peu de sang prélevé sur une bête mourante peuvent rapporter gros lorsqu'on sait y faire,.. Non, Sédric n'est pas une force de la nature ; oui, il aime son confort. Oui, ce drôle de voyage le pompe et l'incommode, mais il est prêt à toutes les extravagances pour se faire bien voir du cynique marchand Hest Finbok...

Gloire aux faibles, gloire à ceux qu'on envoie au casse-pipe en se disant qu'ils ne manqueront à personne : le salut viendra d'eux !


Attention révélation !!!! 



La touche gay !

Si Sédric n'a pas de poutre dans l'oeil quand il s'agit de lire le coeur d'Alise, il n'en a pas plus dans le cul _ce qui aurait tendance à lui manquer un peu plus ! Car oui, il en est, le bougre ! Pour la première fois dans son oeuvre, Robin Hobb met en scène des personnages homos _enfin, (presque) ouvertement, avec passage à l'acte et évocation d'une espèce de San Francisco des Rivages Maudits, où on s'encule allègrement  respecte le mode de vie de chacun. Plus rien à voir avec les sous entendus _magnifiques et émouvants, au passage _ du Fou : à Terrilville, on s'encadre dans les bois et on se fait des petites orgies sympas dans les résidences secondaires des marchands. Pas étonnant que Sédric ait envie de regagner ses pénates et craigne que le temps et la distance fasse oublier jusqu'à son existence au tyrannique Hest.

L'effet de surprise est d'ailleurs assez bien amené, puisqu'on ne devine aucune relation autre qu'amicale entre les deux personnages dans le premier tome, et qu'on pourrait même croire que le jeune Sédric est vaguement épris d'Alise... Ou alors, c'est moi qui ai récupéré la poutre, qui sait !

Une fois n'est pas coutume, on attribuera un Label Rainbow à Les Cités des Anciens 2 - Les eaux acides ! Youhou ! 

Terrilville Do Brasil. Tellement cliché mais tellement bon !

Au final, ce deuxième tome _enfin, deuxième partie du premier volume dans l'édition originale, suivez si vous pouvez ! se lit très vite et très bien. C'est toujours un délice de voir l'auteure déployer sous nos yeux les mécanismes psychologiques humains, pour chambouler l'évolution de son vaste univers. Par contre, je crains d'être un peu saoulée à terme par les amourettes des personnages, c'est pourquoi mon enthousiasme ne transpire pas trop dans ce billet, vous l'aurez vu. Mais il me tarde quand même de savoir comment les dragons tout cassés vont évoluer sur le chemin qui les conduit à l'ancienne cité de Kelsingra ! A suivre !


Robin HOBB. Les Cités des Anciens 2 - "Les eaux acides". Editions France Loisirs, 2010. Coll. "Fantasy". 400 p. ISBN 978-2-298-04830-8

vendredi 11 novembre 2016

Les Cités des Anciens 1 - Dragons et serpents - Robin Hobb (2010)


Ah ! Enfin la suite de l'Assassin Royal et des Aventuriers de la Mer ! Bon, le premier tome de cette "nouvelle" série à succès de Robin Hobb est sorti il y a six ans au moins, mais le plaisir de la découverte ne d'en trouve pas amoindri.   




Les Rivages Maudits, quelques années plus tard... 

Souvenons-nous de la fin des Aventuriers de la Mer et de ses principaux personnages : la dragonne Tintaglia avait fini par lier un pacte avec les hommes du Désert des Pluies. Il s'agissait pour elle d'accompagner les serpents de mer vers leur terrain d'encoconnage afin qu'ils puissent passer l'hiver à l'abri et devenir des dragons à leur tour. La portée de reptiles volants assurerait la défense des peuples du fleuve et des Terrilvilliens contre la menace des galères Chalcèdes. En contrepartie, les humains devraient vénérer les jeunes dragons et subvenir à leurs besoins. 

Une poignée de marchands, de marins, une vivenef et quelques citoyens du Désert des Pluies avaient rendu possible cette périlleuse entreprise par leur persuasion et leur courage. Ainsi le navire Parangon, commandé par Althéa et Brashen, avait joué les intermédiaires entre la dragonne volante et ses petits cousins immergés sur la route de la terre promise. Puis tous trois avaient mis les voiles vers d'autres horizons. 

Les Cités des Anciens débutent alors que les jeunes dragons brisent leur cocon sous les yeux émerveillés de la population locale. Mais tous se rendent compte peu à peu que, malgré leur soif de vivre et l'agressivité qu'ils manifestent, ces rejetons ne sont pas à la hauteur des espérances. Estropiés, faiblards et mal formés pour beaucoup d'entre eux, mentalement retardés pour quelques autres, ils paient le prix fort d'une trop longue errance en mer et d'un encoconnage tardif.

Par conséquent, Tintaglia semble s'en désintéresser et laisse les "bébés" au bons soins des humains désemparés... et effrayés ! Car si les dragonneaux n'ont pas la prestance de leurs ancêtres, ils ont quand même un ventre à remplir ! Les "chasseurs" payés pour leur fournir leur viande quotidienne peinent à suivre la cadence de leurs estomacs ; ne risquent-ils pas de dévorer à belles dents la main qui n'arrive plus à les nourrir ?

Voyant que Tintaglia ne donne plus signe de vie _ et pour cause ! Elle est bien trop occupée à s'accoupler avec Glasfeu, le dragon des Glaces que Fitz et sa bande ont libéré dans le tome 12 de l'Assassin Royal !!, le Conseil du Désert des Pluies et les marchands de Terrilville décident de rompre le contrat qu'ils ont passé avec elle. Une décision radicale est alors prise : éloigner les dragons des hommes, et les emmener dans un endroit où ils ne pourront plus nuire qu'à eux-même. Mais qui va devoir se charger de cette tâche aussi ingrate que dangereuse ?  




L'épopée des inadaptés 

Que fait-on lorsqu'on veut éviter d'avoir à faire le sale boulot ? On s'en décharge sur les cassos et autres illuminés, sur les gens incapables de refuser ou encore sur des particuliers désespérés au point de trouver votre corvée super intéressante ! Dans Dragons et serpents, ces profils-là seront incarnés par Alise, Sédric, Thymara,Tatou... et peut-être le marin Leftrin, capitaine de la vivenef Mataf.  

Robin Hobb a choisi, comme dans les Aventuriers de la Mer, une narration à la troisième personne où l'on voit évoluer parallèlement des personnages qui ne se connaissent pas mais qu'on devine amenés à se rencontrer à plus ou moins long terme. D'abord Leftrin, secrètement détenteur d'un bloc de bois sorcier. Puis Thymara, une jeune fille née dans le Désert des Pluies et porteuse des stigmates qui auraient justifié un abandon à la naissance si son père ne l'avait tant aimée : des griffes et des écailles. Sans avenir à cause de son physique disgracieux, elle est rejetée par tous et doit se méfier de sa mère qui a déjà tentée de la tuer, l'air de rien. Seuls son vieux daron et le jeune Tatou, un ancien esclave tatoué, semblent l'apprécier pour ce qu'elle est... 

A Terrilville, on retrouve avec joie le quotidien des Marchands, toujours engoncés dans leurs traditions, leurs protocoles et leur souci du qu'en dira-t-on. On se souvient d'Althéa et de son non conformisme, on découvre avec Alise une autre manière de contourner le système quand on est une femme moche et instruite. Après s'être associée d'un commun accord avec un marchand imbu de lui-même qu'elle méprise ouvertement et qui n'attend d'elle qu'un héritier, elle parvient à le manipuler assez bien pour lui arracher l'autorisation d'entreprendre un voyage au Désert des Pluies. Pour cette passionnée de dragons, c'est un rêve qui se réalise. Elle partira à condition d'être chaperonnée par le secrétaire de son mari, le gentil Sédric ; qu'importe le peu de confiance qu'on lui accorde, elle échappe ainsi à sa triste condition de femme de marchande et c'est déjà pas mal.  


"Je suis peut-être moche, mais moi un richou me paye ma croisière ! 


De leur côté, les jeunes dragons sont en panique. Grâce au souvenir des générations passées qu'ils portent en eux, il ont pleinement conscience de leur faiblesse. Ils savent d'instinct qu'ils ne sont pas tels qu'ils devraient être, et les rapports au sein de leur "couvée" d'infirmes s'en ressentent. Même si les tensions règnent entre eux, tous trouvent insupportable l'idée de vivre au crochet de pitoyables humains...  

Ce premier volet marque le début de ce qui ressemble fort à une épopée de bras cassés ! Ah, on est bien loin du fier marin, du preux chevalier et du majestueux dragons lanceur de flammes... Même Crocmou blessé était plus convaincant que Sintara, Ranculos (ahah... sans doute un prototype de ratage à mi-chemin entre un enculé et un spéculos ? désolée..) et les autres !  

Les fans de l'Assassin Royal et des Aventuriers de la Mer adoreront forcément, puisque l'histoire s'inscrit dans le même univers _dommage qu'on n'ait plus la carte des Rivages Maudits, d'ailleurs ! et que Robin Hobb arrive toujours à nous relater un contrat de mariage dans son intégralité sans nous perdre en route. Cela dit, il devient plus que jamais nécessaire de savoir où on met des pieds avant de se lancer dans la lecture des Cités : autant on pouvait lire les Aventuriers de la Mer sans connaître Fitz, autant lire les deux cycles de l'Assassin Royal en faisant l'impasse sur les Aventuriers ne risquait pas de gêner la compréhension, autant il me paraît compliqué d'"attaquer" l'oeuvre de Robin Hobb par Dragons et serpents. Si les personnages ne sont pas les mêmes dans dans les précédentes saga, la "mythologie" est posée et considérée comme acquise par le lecteur. On a l'impression que l'auteure a écrit pour son lectorat habituel avant tout... ce qui peut se comprendre, et ce qui nous arrangera bien, nous les groupies. 

le prof Gilderoy Lockart,
homme à fans dans Harry Potter 2 - La chambre des secrets 

Enfin, ce n'est que mon avis ! Si vous en avez d'autres, laissez un commentaire ! 

Vivement la suite ! 

Robin HOBB. Les Cités des Anciens 1 - "Dragons et serpents". Pygmalion, 2010. 336 p. ISBN 978-2-7564-0287-1