dimanche 8 octobre 2017

Le collier de cailloux. Poèmes de passage - Doina Ioanid (2017)


Merci à Babelio et à l'Atelier de l'agneau pour l'envoi de cette bulle rafraîchissante de poèmes en prose intitulée Le collier de cailloux. Poèmes de passage, composée par l'écrivaine Doina Ioanid et traduite par Jan H. Mysjkin.

Minute, je vérifie si je n'ai pas oublié de lettres, ou si je ne les ai pas alignées dans le désordre.. Non, c'est bien ça : Mysjkin. Bravo à lui pour son travail d'orfèvre et ses commentaires qui m'ont donné quelques clefs de lecture. 






"La retraite vous semble encore loin, mais je vous assure qu'elle arrive vite !" nous disait M, la doyenne du collège lors de l'heure syndicale. Attroupés autour d'elle, les autres professeurs listaient leurs doléances de rentrée et évoquaient la question de la grève contre la Loi Travail prévue le mardi suivant. 

On aurait pu lui répondre que la maladie et la mort arrivent tout aussi rapidement, parfois même bien avant la retraite. Mais l'intervention aurait été perçue comme déphasée, sans nul doute. De toute manière, on n'interrompt pas M, du moins pas lorsqu'elle surplombe un auditoire, quand bien même ce serait pour aller dans son sens. C'est ainsi, ne me demandez pas pourquoi ; la situation était telle avant mon arrivée dans l'établissement, et quitte à mener une révolution, j'aimerais autant que ce soit pour une cause utile aux gosses.


Pourtant, on aurait été dans le sujet, pleinement. En lisant Le collier de cailloux. Poèmes de passage, je me suis souvenue de quelques vérités par toujours bonnes à entendre : le temps passe, la vie passe avec lui, la fin arrive inéluctablement. 



Eh ouais, désolée Stefan ! 

Plus que "le collier de cailloux", c'est le sous-titre "poèmes de passage" qui rend le mieux l'atmosphère de cet assemblage poétique. A travers des fragments choisis _ou pas ! de sa vie, Doina Ioanid nous prouve par A + B que l'existence est une route sur laquelle on n'a d'autre choix que de marcher sans s'arrêter. On avance sans pouvoir ni se retourner, ni stopper sa progression le temps de reprendre des forces, de guérir ou tout simplement de savoir ce qu'on veut, ni s'attarder à voir ce qui rend les autres heureux ou malheureux. 

Pourtant, tout serait tellement plus simple et vivable si on pouvait appuyer sur pause, ou déposer ce fameux "collier de cailloux" que forment toutes les expériences de notre vie et qui finit par peser trop lourd. Au point de nous entraver. On remarquera que, sauf erreur de ma part, le "collier" qui donne son titre à l'ouvrage n'est évoqué qu'une seule fois, quelque part au milieu du flot de poèmes. 


"J'ai un collier de petits cailloux. Je les ai ramassés dans les gares, sur les routes asphaltées au ballast, dans les carrières abandonnées, dans mes chaussures, dans les fontaines de nouvelles terrasses, dans les cabas des copains."



Comment ça, vous "n'aimez pas"



Dans la deuxième partie du recueil, celle de la "lettre à Papy Dumitru", c'est le passage d'un monde à l'autre qui est évoqué. Six ans avant l'écriture du recueil, Doina Ioanid _on peut affirmer sans trop se mouiller qu'elle parle d'elle, mais dites-moi si je me trompe ! a perdu son grand-père. Le travail de deuil est difficile. L'homme est passé de "l'autre côté", comme on dit, mais la petite-fille vivante s'efforce à bout de bras de maintenir ouverte la porte coupe-feu. Entre souvenirs d'enfance, idéalisation du grand-père à la vie rustique, et colère d'avoir été lâchement abandonnée par lui, l'auteure ne s'en sort pas. Elle "n'avance" plus, elle ne "passe" plus, elle fait une "glissade ininterrompue" depuis la mort. Ce second chapitre est particulièrement émouvant.    



La mine d'or Playmobil (hihi, je l'ai :-p)
Pourquoi là, maintenant ? Vous verrez bien

La poésie a ceci d'agaçant qu'on ne réussit jamais à percer ses mystères ; c'est l'art du message crypté dans sa forme la plus littéraire. Le collier de cailloux est un recueil très personnel _pourrait-il en être autrement ? et, si bien des passages nous touchent et font écho à nos propres expériences, on a le sentiment de ne pas tout comprendre, de ne pas saisir pleinement l'importance et la valeur de ce qui est dit. On sort troublé de cette lecture, et quelque peu frustré. L'impression d'avoir loupé un chapitre. Alors on relit. On voit autre chose, on comprend le texte différemment, mais... comment être sûr d'avoir compris et/ou ressenti ce qu'il fallait ? Bah, c'est aussi ça, la poésie ! A vous de piocher dans la mine d'or, il y a encore tant à trouver, à voir, à dire ! 

Doina IOANID. Le collier de cailloux. Poèmes de passage. Atelier de l'agneau, 2017. Trad. Jan H. Mysjkin. 70 p. ISBN 978-2-37428-007-3 



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