vendredi 19 août 2016

Les drôles de bestioles de la littérature de jeunesse...


Ces derniers mois, je suis tombée sur plusieurs ouvrages pour la jeunesse mettant en scène des animaux un peu particuliers  ; il m'a semblé intéressant d'écrire un billet sur deux d'entre eux. Ce blog n'est sponsorisé ni par la SPA, ni par WWF, mais ça pourrait ! 





Gwin, la martre à cornes dans Coeur d'Encre (2003) 

Illustration de Cornelia Funke
Meggy et son père Mo le relieur coulent une vie paisible, au rythme des livres qu'ils lisent ou qu'ils réparent. Une nuit, Doigt de Poussière, un ami de Mo, vient les chercher pour des raisons obscures. L'homme est un artiste cracheur de feu et sillonne les routes pour donner des spectacles. Il ne possède rien d'autre que son sac à dos et Gwin (j'avoue, j'ai ri), sa martre à cornes. Même si elle quitte rarement le second plan dans ce roman, lui apportant au passage une touche humoristique, la bestiole va se révéler utile aux héros ; elle s'illustrera notamment dans un rôle de messagère discrète lorsque les personnages devront se dispatcher, puis en distribuant quelques coups de dents bien placés. Mais attention, Gwin n'est pas un gentil chien chien fidèle prêt à tout pour aider son maître, bien au contraire. Elle pense à sa peau, et malheur à celui qui tente de l'approcher sans y avoir été invité _ Doigt de Poussière le premier ! la première description qui nous est offerte par Cornelia Funke annonce la couleur :

"L'animal était presque aussi grand qu'un lapin mais beaucoup plus mince, avec une queue touffue qu'il pressait contre la poitrine de Doigt de Poussière. Il enfonçait ses petites griffes dans ses manches tout en regardant Meggie de ses yeux fendus noirs et brillants et, quand il bâilla, il montra ses petites dents pointues comme des aiguilles. 
_ Je te présente Gwin, déclara Doigt de Poussière, si tu veux, tu peux lui caresser les oreilles. Elle dort encore à moitié, elle ne te mordra pas. 
_Parce que sinon elle mord ? voulut savoir Meggie. 
_Tu peux le dire ! s'exclama Mo en s'installant derrière le volant. A ta place, je ne la toucherais pas !"
Libre et chasseuse dans l'âme, la petite martre ne supporte pas le port du collier et n'hésite pas à disparaître durant des heures. Pourtant, c'est elle qui amènera Meggie à y voir plus clair malgré les mystères qui l'entourent : en la reconnaissant au milieu des illustrations du livre que son père lui cache _une martre à cornes, ça ne court pas les rues !, elle va comprendre qu'une passerelle est possible entre les histoires et le monde réel...

Pour les références du livre, voir le billet consacré à Coeur d'Encre.



Odilon, le charat dans Les Oubliés de Vulcain (1995)



Le jour de son quinzième anniversaire, Charley apprend brutalement qu'il n'est pas un être humain comme les autres, mais qu'il a été créé de toutes pièces, comme un bon petit robot doté de superpouvoirs. Choqué et dégoûté d'apprendre aussi brutalement ses origines, il fuit la Terre dans un vaisseau container d'ordures qui le largue sur Vulcain, la planète-poubelle où finissent tous les déchets des humains. Il découvre que des populations défavorisées tentent de survivre tant bien que mal avec (et malgré) les détritus de leurs voisins terriens, jusqu'à ce que la maladie de la "rouille" ne les rattrape inéluctablement... Haut des coeurs ! Heureusement, pour ne pas sombrer dans la déprime après tant de bonnes nouvelles, Charley est épaulé par Odilon, un petit animal lui aussi né d'une expérience scientifique. Cet authentique "charat" tient autant du chat que du rat, comme son nom l'indique : A maintes reprises il était allé regarder le charat à travers les parois de plasverre de la matrice artificielle. Petit à petit, il avait vu l'étrange animal se développer. Du chat, il avait gardé la fourrure soyeuse à poils longs ainsi que les petites oreilles pointues. Du rat, il avait la longue queue annelée et les pattes avant ressemblant étrangement à des mains à quatre doigts."  Soutien moral, peut-être, mais pas seulement. Sans vouloir dévoiler la fin de l'histoire, disons simplement qu'il poussera Charley à prendre une décision importante...

Au passage, ce court roman est parfait pour réfléchir aux problématiques de l'écologie et des inégalités sociales avec les élèves de fin de primaire ou avec les collégiens.

Edition utilisée : 
Danielle MARTINIGOL. Les oubliés de Vulcain. Le Livre de Poche Jeunesse, 2005. coll. "Mondes imaginaires". 189 p. ISBN 2-01-01902-4


Hoak, le cochon parlant dans le manga Seven Deadly Sins




Avec Seven Deadly Sins, vous aurez la joie de découvrir un shônen médiéval complètement tiré par les cheveux ! Le "petit" Méliodas tient le "Boar Hat", une taverne ambulante où la bière est aussi bonne que la bouffe y est dégueulasse. Peu importe les critiques et les moqueries des clients qui se laissent berner par son apparence juvénile : son travail lui permet de recueillir assez vite les ragots du royaume de Britannia ! Le lecteur apprend en même temps que le héros qu'il s'en passe de belles à la cour : les Chevaliers Sacrés ont mis le roi à l'écart et jouissent à présent des pleins pouvoirs. Ils ne gênent pas pour jouer les brutes épaisses lorsqu'il s'agit d'effrayer et de faire payer des impôts aux plus faibles. On devine qu'ils fomentent une guerre...

Un jour, le tenancier voit débarquer un immense chevalier masqué sous son armure métallique... et rouillée. Tous les assoiffés prennent la fuite sans se faire prier : ils ont reconnu en lui l'un des Seven Deadly Sins, une bande de chevaliers mercenaires redoutables qu'on n'a pas vu depuis dix ans dans le secteur de Britannia mais qui, malgré tout, font encore l'objet d'un avis de recherche. Méliodas ne s'y laisse pas prendre : il devine rapidement que quelqu'un se cache sous la grande carapace métallique. En effet, la personne qui a revêtu l'armure n'est autre que la princesse Elizabeth, fille du roi réduit au silence ! Afin de sauver son père des griffes des Chevaliers Sacrés, elle s'est mise en tête de retrouver les fameux Seven Deadly Sins. Elle ne pouvait pas mieux tomber, car il se trouve que le jeune patron du Boar Hat a justement fait partie de la fameuse équipée, il y a fort longtemps...




On peut bien vanter son expertise en alcool et son sens de l'accueil, Méliodas ne serait rien sans Hawk, son fidèle cochon. Si, à première vue, l'animal ressemble fort à ses pairs, on s'aperçoit bien vite qu'il a deux particularités : d'une part, il a le derrière orné d'un trèfle à quatre feuilles ; d'autre part, il parle ! Et pas pour ne rien dire... Plus qu'une simple mascotte, il est la voix de la sagesse, celle qui tente de remettre son jeune patron sur le bon chemin à coups de sermons ! Lorsque Méliodas se laissera aller à tâter les seins de la princesse ou à la mater de trop près, ce qui arrivera somme toute assez souvent.. _ Hawk sera là pour le réprimander, soyez-en sûrs ! Pourtant, le cochon extraordinaire ne se cantonne pas à un rôle de moraliste : quand il s'agit de jouer un bon tour aux Chevaliers Sacrés en revêtant l'armure d'Elizabeth pour les éloigner, il relève le défi sans se faire prier.




Ne préjugez pas non plus de son dynamisme et ne pointez pas du doigt son surplus de gras : il bat au sprint n'importe quel brigand des alentours, une fois qu'il est lancé à pleine vitesse. Pour Méliodas et pour la gentille princesse, Hawk est capable de précipiter l'ennemi dans le ravin d'un coup de groin, et ce, sans le moindre scrupule ! Un véritable ami, quoi !




Pourtant, malgré ses nombreux talents, ce cochon hors du commun _encore que les gorets capables de parler soient plus courants à Britannia qu'ailleurs, puisque Elizabeth dit en "avoir demandé un à Noël" (ok ok...) souffre d'un grand manque de reconnaissance. C'est à lui que revient la lourde tâche de manger tout ce que les clients recrachent lorsqu'ils se risquent à taper dans la tourte de viande de Méliodas. C'est ça ou finir en rôti, alors bon...  De toute façon, toutes les régurgitations du royaume ne suffiraient pas à rassasier un tel porc de compétition !

Peppa Pig n'a qu'à bien se tenir !


Edition utilisée : 
Nakaba SUZUKI. Seven Deadly Sins. 2014, Pika Edition. Coll. "Shônen". 192 p. ISBN 978-2-8116-1356-3


La maman dans Ma mère est un hamster 

Oui oui, parfaitement !



Bahia voit d'un mauvais oeil l'arrivée de Madame Fribule, la nouvelle voisine du dessus : cette vieille dame ressemble vraiment trop à une sorcière, avec ses cheveux blancs, sa verrue, ses talents de guérisseuse et ses animaux de compagnie hors du commun. Lorsque sa mère l'invite à prendre le thé, la petite fille décide de simuler un mal de tête pour éviter toute confrontation, et part faire une sieste. A son réveil, elle réalise avec stupeur qu'elle est seule dans l'appartement... ou presque : un hamster s'agite à ses côtés, pris au piège entre les pattes du chat Patoche. Bahia est intriguée et inspecte le rongeur : d'où peut-il bien venir ? Au bout de quelques instants, elle reconnaît dans les cris de l'animal la voix de sa mère... Un parcours du combattant commence pour "Baba", complètement lâchée par le reste de sa famille : son frère Mathurin est en classe verte et son père est parti en Chine pour des raisons professionnelles. Cerise sur le gâteau : la mère-hamster n'est absolument pas consciente de son état ! Comment lui annoncer la nouvelle ?

Ce court roman illustré crée par Agnès de Lestrade et Fanny Denisse est plein d'une énergie communicative ! Comment s'adapter à une situation improbable _qui relève même du fantastique, l'air de rien ? et garder la pêche dans l'adversité ? Bahia apprendra à réfléchir à toute vitesse pour faire en sorte que sa mère ait une vie décente malgré son état ! Peu importent les apparences, même couverte de poils, sa maman reste sa maman. Or, comme un hamster reste aussi un hamster quoi qu'il arrive, la tâche ne sera pas simple... L'histoire pourra intéresser les profs des écoles et de 6°-5° qui souhaitent mener un débat sur les idées reçues et amener leurs élèves au-delà des préjugés. Ce n'est pas pour rien qu'elle est édités chez Talents Hauts, collection "Livres et égaux".

Bref, à mettre entre toutes les mains, mais hors de portée des matous !


De Lestrade, Agnès. Denisse, Fanny. Ma mère est un hamster. Talents Hauts, 2016. Coll. "Livres et égaux". 64 p., ill. ISBN 978-2-36266-149-5

Aucun commentaire: