Affichage des articles dont le libellé est . Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est . Afficher tous les articles

mercredi 3 janvier 2018

Il faut sauver Saïd - Brigitte Smadja (2003)


J'observe le manège des petits et des plus vieux en me demandant ce qui est préférable : avoir affaire à un gus qui vous déteste ? Ou devoir composer avec un particulier qui vous aime bien, mais qui n'assume tellement pas sa sympathie pour vous qu'il s'impose en public un masque méprisant ou moqueur ? J'en sais rien, mais perso j'ai jamais trop aimé Carnaval. Après, chacun ses délires, hein. La fierté ne tue pas plus que le ridicule, mais elle stérilise plutôt pas mal ! 




En CM2, Saïd était un bon élève. Il aimait aller à l'école, travailler en s'appliquant et chercher des mots nouveaux dans le dictionnaire. Comme Nadine, la maîtresse, avait défini des règles de vie que personne n'aurait songé à contester, il ne craignait pas les injustices et les violences typiques des cours de récréation. Mais cette année, Saïd est en 6ème. Il a quitté le cocon de la primaire pour atterrir dans une bruyante usine à gaz : le collège Camille Claudel.

Au bout de quelques semaines de cours seulement, la désillusion est totale : dans sa classe, personne n'accorde d'importance à ce que disent les professeurs, personne ne semble avoir envie d'apprendre, tout le monde chahute du matin au soir. La cour et les couloirs sont le théâtre de coups, d'insultes, de racket, de trafic. D'abord stupéfait, Saïd devient blasé et perd toute motivation : à quoi bon rester un bon élève, si ça ne lui apporte rien d'autre que des ennuis ?

Alors qu'il espérait trouver dans sa famille une source de réconfort, il se rend compte que l'ambiance se dégrade aussi à la maison. La grande soeur sort avec "un Français", et doit déménager sous la pression du grand frère... qui lui-même s'est mis à dealer. Cerise sur le gâteau, tous réalisent que le petit dernier de la fratrie est devenu sourd à cause d'une otite mal soignée. Les parents, désemparés, ferment les yeux en espérant que l'orage passe : pas besoin d'affronter des problèmes qu'on refuse de voir. Au milieu de tout cela, Saïd file droit, sans faire de vagues, et décroche dans l'indifférence générale.


Puis vient le moment où vous me suggérez de nominer Il faut sauver Saïd dans la Sélection Larmes de Rasoir, mention Prozac D'Or... 

 
... mais en fait, non merci, ce ne sera pas la peine ! 

Perdu dans la jungle du collège, Saïd s'accroche à tout ce qu'il peut pour survivre : un cahier, dans lequel il garde une trace des événements majeurs de son quotidien et quelques définitions de mots nouveaux, son meilleur copain Antoine, un prof autoritaire baraqué _et donc rassurant pour qui ne cherche pas les noises. Ces soutiens sont peu nombreux, mais ils seront indéfectibles et contribueront à la note positive apportée dans les dernières phrases du roman. Habiter dans une cité, aller dans un collège "mal famé", voir son ami mener une existence plus reposante dans la zone pavillonnaire, cacher qu'on est cousin avec la terreur du quartier, qu'on est le frère d'une petite frappe, constater la faiblesse de ses parents... tout cela n'est pas simple, mais tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir comme on dit. De tout façon, se retrouver dans un tel bourbier ne laisse pas le temps de pleurnicher sur son sort !

Bien qu'il compte maintenant une petite quinzaine d'années, cet ouvrage de Brigitte Smadja, auteure majeure de la littérature pour la jeunesse, sonne toujours aussi juste et dépeint vraiment pas mal le choc que vivent certains élèves lors de leur rentrée en sixième. Par rapport à d'autres romans pour la jeunesse qui me sont tombés sous la main, et qui sont par ailleurs très intéressants _je pense à Comment j'ai survécu à la sixième (Marion Achard) et Enfin la sixième ! (Fabrice Colin), il a l'avantage de comparer le fonctionnement de l'école primaire avec celui du collège. 

                                           
                                         

Si le procédé du "cahier-journal de bord" nous permet de comprendre de l'intérieur l'évolution du héros, d'abord nostalgique, puis perplexe et enfin fataliste, il nous donne l'occasion de découvrir tous les drames auxquels un enfant peut assister dans un collège sans que les adultes ne s'en rendent compte ! C'est ainsi qu'on assiste en spectateur au décrochage progressif d'un jeune pourtant déterminé à réussir quelques mois plus tôt. Même si c'est une fiction, Il faut sauver Saïd a de quoi nous faire réfléchir...

Un film du même nom est sorti en 2007 ; je serais assez curieuse de le voir pour travailler dessus avec les élèves, éventuellement. Mais il semble assez difficile à trouver, que ce soit en streaming, en achat VOD/DVD à un prix abordable, ou même en médiathèque. Si vous connaissez une piste (légale de préférence, mais bon, je suis pas raciste), faites-moi signe !



Brigitte SMADJA. Il faut sauver Saïd. L'Ecole des Loisirs, 2003. Coll. "Neuf". 93 p. ISBN 2211072445. 
Illustration de la couverture : Alan Mets. 

vendredi 20 septembre 2013

Sélection de contes pour les élèves de 6° : Contes du cimetière aux beaux jours - Yak Rivais (2004)


Poursuivons notre exploration des contes disponibles au CDI.

 Les Contes du Cimetière aux beaux jours de Yak Rivais plaira à coup sûr aux 6°. Si j'avais d'abord sélectionné ce recueil dans le rayon des contes, c'était pour son côté fantastique : publié dans la collection "Pleine Lune Fantastique" de Nathan, je comptais mettre en valeur _modestement, la diversité du genre étudié. Il se trouve en fait que Yak Rivais a composé toute une série de Contes du Cimetière... dont chaque volume correspond au temps qu'il fait aux alentours des tombes : ...au soleil couchant, dans le brouillard, après la pluie, etc.


Les histoires commencent à peu près toutes de la même façon : un enfant se retrouve, plus ou moins par hasard, dans le cimetière : là, une petite peste croise un chat noir, des garçons shootent dans un ballon qui atterrit de l'autre côté du mur, tandis qu'un autre y est attiré par la danse des feux follets. Il s'y produit alors une rencontre extraordinaire sous les yeux caves de défunts parfois bien bavards ; ayez donc à l'esprit que chez Yak Rivais, les morts sont souvent d'excellent conseil.

Non, malgré tout ce qui peut bien s'y passer de glauque et de magique, le cimetière Saint-Patrick n'effraie personne. Est-ce parce que le soleil est encore haut dans le ciel ? Peut-être. Mais si les enfants n'étaient pas aussi intrépides et insouciants, la sorcière Podebik, le Hurlu et les lavandières spectrales pourraient bien faire un tout autre effet ! Même les grandes figures de la mythologie des fables, des contes et de l'Antiquité n'ont aucune prise possible sur Joëlle _une vraie peste ni sur Corentin et sa ruse. Gaïdik rappelle au Sphinx les limites de ses énigmes universellement connues, et en profite pour le mettre à l'épreuve. Jean-René est désarmant d'innocence et amène les collectionneurs de feux follets à braver les interdits.  

Par l'utilisation d'un registre familier qui parlera aux enfants d'aujourd'hui, par la mise en place d'astucieux jeux de langue, et grâce à l'écriture de situations comiques, Yak Rivais dédramatise la mort et ridiculise clairement ces personnages de contes qui sont censés générer du stress. Quant aux défunts, ceux qu'on entend sans cesse murmurer, voire ronronner sous leurs tombes, ils occupent des rôles d'adjuvants et parfois même de justiciers : tandis que les fantômes amènent Lénan (et sa poupée) à se méfier de la vampire Vorvolaka, la sorcière Podebik se fait casser la gueule par l'esprit d'une armoire à glace.

Je ne peux pas m'empêcher d'associer la Vorvolaka à cette folasse de Drusilla dans Buffy contre les vampires.

Les 7 contes du recueil sont illustrés par l'auteur.

Résumé pour les gosses

Dans ces histoires, les héros sont des enfants qui n'ont pas froid aux yeux et qui n'hésitent pas à s'aventurer dans le cimetière sans se méfier du danger qui les attend. Ils y trouvent des sorcières, des chats qui parlent, des fantômes qui veulent les effrayer mais qui n'y parviennent pas toujours. Si le livre s'intitule Conte du cimetière aux beaux jours, c'est parce qu'ici tout se passe en été ; il faut savoir que l'auteur a écrit des contes pour toutes les saisons.

Rivais, Yak. Contes du cimetière aux beaux jours. Ed. Nathan, Paris. Coll. "Pleine Lune Fantastique". 2004. 169 p. ISBN : 2-09-282631 X

samedi 14 septembre 2013

Sélection de contes pour les élèves de 6° : 14 contes de Russie - Robert Giraud (1999)

Sélection, sélection... C'est vite dit ! 

Disons que les classes de 6° du collège où je bosse sont toutes en pleine étude de contes de fées, et que par conséquent nous nous devons de mettre à leur disposition de quoi compléter leur connaissances ! Pour ce faire, il faudrait déjà que je sache quels ouvrages constituent le rayon dédié... Alors c'est parti pour une session lecture de contes, accompagnée d'un compte rendu critique et d'une présentation destinée aux enfants.  

Comme ils lisent tous déjà Charles Perrault en classe, et qu'ils vont en bouffer jusqu'au BAC, la mise en perspective psychanalytique en prime _ parce que, pour ceux qui ne le savaient pas encore, le loup ne rôde dans la forêt que pour baiser le Petit Chaperon Rouge, autant leur proposer d'autres univers.

Aujourd'hui, sortez les moufles et tondez vite le Père Castor pour vous faire un bonnet car nous partons en Russie !


Comme vous pouvez le voir, la photo vient le blusch.fr !


14 contes de Russie - Robert Giraud 



Nous voici plongés dans un monde où les animaux sauvent le monde : les brochets magiciens savent se montrer reconnaissants pour ceux qui ne les extirpent pas des eaux glacées, où le renard est aussi fourbe que partout ailleurs, où la vache devient protectrice de l'orpheline. Mais les poupées ne sont pas en reste, et les pommes magiques pèsent leur poids dans la vie des hommes. Face à tant de féérie, l'homme paraît bien futile, tout fils de tsar soit-il ; si bien que dans les 14 contes de Russie, on se passe d'autant plus de morale que tout ne finit pas toujours bien !

Dites-le moi si je me trompe, mais les histoires populaires russes sont rarement arrivées jusqu'à nous lorsque nous étions enfants. Sans doute est-ce pour cette raison que mon choix s'est d'abord porté sur des recueils de contes de tous horizons, dont celui-ci, adapté par Robert Giraud en direction des jeunes lecteurs. Chacune des 14 photos de paysages sibériens qu'il nous expose ici sont précédées d'un petit paragraphe explicatif afin que nos lacunes face à la culture russe ne freinent pas notre lecture : ainsi, on ne s'étonnera pas de la récurrence du prénom Ivan au fil des textes, des noms de peuples plus exotiques les uns que les autres, de certains traits de caractère de la sorcière-ogresse Baba Yaga et du fait que les papys dorment systématiquement sur le poêle. Personnellement, j'ai apprécié certaines précisions, moi qui étais partie à la cool dans ma lecture, mise en confiance par une poignée d'ouvrages de Dostoïevski.

Le recueil se divise en trois parties très inégales : 9 "contes du peuple russe", 2 "contes des peuples d'avant" _ ancêtres des Russes, 2 "contes des peuples d'à côté _populations de Sibérie, du Caucase. Si le premier grand chapitre a pour décor l'univers des tsars, des princesses et des guerriers, les deux autres mettent à l'honneur des héros tout droit sortis de la plèbe.    

Le résumé pour les gosses (vous allez voir, j'aime bien les prendre pour des neuneus) :

Tous les pays, toutes les cultures ont leurs contes. Lorsque vous lirez les 14 contes de Russie, vous saurez comment on vivait, là bas, autrefois. N’hésitez pas à venir les découvrir car on ne vous a sans doute jamais raconté les histoires qui sont écrites dans ce livre! Pourtant, elles sont amusantes, effrayantes, pleines de magie, elles aussi, surtout lorsqu’elles se déroulent dans la forêt ou dans les déserts enneigés. Ce sera l’occasion pour vous de savoir ce dont la sorcière Baba Yaga est capable, d’entendre parler des animaux, et de voir ce qui arrive aux gens qui pensent que rien n’est plus important que l’argent !   



Bon, j'en ai encore quelques uns à lire, alors j'y retourne ! Si vous avez des suggestions... 

GIRAUD, Robert. 14 contes de Russie. Flammarion. Coll. "Castor Poche". 1999. 160 p. ISBN : 2-08-164406-1