mercredi 19 février 2014

Un dimanche de craquage livresque à Bordeaux : Détenu 042, Yua Kotegawa (2002)



Dans la vie, y en a qui se passionnent pour les fringues. Moi c'est plutôt les bouquins ! 


Ok !!


          Mais non, je ne parle pas que de livres...
          Un jour, je vous le prouverai ; mais pas aujourd'hui !



        
       
           Qui dit "vacances d'hiver" dit passage obligé par Bordeaux ! J'ai profité de l'ouverture dominicale de la FNAC et de la bouquinerie du cours Victor Hugo pour me lâcher sur les manga et BD. Le craquage s'est opéré dans un but purement professionnel d'approfondissement de mes connaissances en littérature pour la jeunesse, histoire d'atteindre les objectifs de la politique d'acquisition du CDI. Si si ! 


"Même Silver Spoon ?
_ Surtout Silver Spoon ! C'est l'histoire d'un gosse qui se retrouve dans un lycée agricole alors qu'il n'aime pas la campagne : sensibilisation à l'orientation mon gars, à l'importance du projet professionnel, du webclasseur ONISEP et tout et tout !"

"Même Détenu 042
_ Bien sûr ! C'est un manga qui traite de la peine de mort à travers la reconversion d'un meurtrier comme jardinier dans un lycée. En plus, l'intrigue est développée sur cinq volumes : tellement pratique en collège !" 

"Même Judge ? 
_ Oui oui.. Ok, ça a l'air un peu gore. Mais des thèmes intéressants y sont abordés : rapports familiaux, remords, culpabilité... Enfin d'après le résumé... 

"Même Walking Dead ?
_ ... Ouais non. Là j'avoue, c'est juste pour oim."  


Détenu 042, Yua Kotegawa (2002) 

Le Quai des Livres ne propose pas énormément de manga, mais ceux qu'on y trouve valent le détour. Quand j'ai lu le résumé sur la couverture de Détenu 042, je me suis dit que j'attendrai un peu avant de m'équiper des six premiers tomes de l'énergique Fairy Tail, que je peux trouver en anime sans aucune difficulté.



Condamné à mort pour avoir été reconnu coupable de sept meurtres, Tajima Ryôhei moisit dans sa cellule en attendant que la sentence soit mise à exécution. Il ne sait pas qu'à l'extérieur, le gouvernement japonais réfléchit à l'abolition de la peine capitale : elle pourrait prochainement être remplacée par une condamnation du criminel à effectuer des travaux d'intérêts général jusqu'à la fin de ses jours. Ah, un détail : au préalable, le détenu se sera vu implanter une puce dans le cerveau, capable de lui faire exploser la tête à la moindre pensée violente.

Une équipe de chercheurs est désignée pour "tester" ce dispositif sur un cobaye qu'on aura extrait de son cachot ; Tajima est l'heureux élu. Une fois que le professeur Shiina, le scientifique chargé du bon fonctionnement des opérations, lui a communiqué son "nouveau" nom ("Détenu 042") et l'a engagé à bien se tenir, sinon "paf, pastèque" !, le voilà largué dans un lycée dont il sera chargé de l'entretien des locaux et du jardin.

On comprend bien que la "liberté" de Tajima est toute relative, même si elle demeure préférable à la mort : l'homme est placé sous surveillance 24/24, observé et analysé comme un rat de laboratoire. Il est sans cesse provoqué par les ados qui respectent d'autant moins sa fonction qu'ils connaissent ses antécédents et ne cherchent qu'à lui faire péter la cervelle. Il est insulté, explicitement mis au rang de sous-homme. Shiina le pousse à se maîtriser au mieux, non pas parce qu'il tient à le voir vivre encore longtemps, mais parce que si le Détenu 042 mourrait dès le début, l'expérience aurait un goût d'échec. Petit à petit, le lecteur a envie de le voir surmonter les injures et tenir le coup, même s'il a tué à maintes reprises.

Quelques allusions laissent penser que le meurtrier n'en est pas à sa première épreuve : combats, dettes, problèmes familiaux, enlèvement de plusieurs années ? On n'est pas loin de lui trouver des circonstances atténuantes. Yume, la lycéenne aveugle qu'il prend rapidement sous son aile, est déjà prête à lui accorder une chance de devenir un homme meilleur.

 Détenu 042 m'a d'abord intriguée pour les questions quasi philosophiques qu'il soulève : où commence et où s'arrête la liberté ? pour ou contre la peine de mort ? est-on irrécupérable lorsqu'on a tué ? Peut-on apprécier quelqu'un malgré son passé plus que glauque ? On pourra se dire que tant de questions ne trouveront pas de réponse ici, étant donné qu'elles sont seulement effleurées ou traitées de manière peu approfondie. Tout va très vite, trop vite dans ce premier tome, mais peut-on vraiment reprocher cette rapidité d'exposition à Yua Kotegawa ? Il fallait bien qu'elle nous présente les personnages, les enjeux, les lieux de l'action... Les quatre suivants nous laisseront peut-être le temps de nous creuser tous ces sujets. En attendant, l'histoire peut servir de support à un débat au collège ou au lycée, et je pense le proposer aux gosses incessamment sous peu. Pour mon plus grand bonheur, comme l'imaginent fort bien ceux qui me connaissent, la mangaka a jugé bon d'insérer dans ce seinen* les prémices d'une histoire d'amûr très niaise entre Tajima et une fille (voire deux ? la suite éclairera sûrement notre lanterne à ce sujet).


Une recherche sur Internet révèle que ce titre vieux de douze ans ne semble pas avoir laissé beaucoup de traces dans le monde de la BD en général.
Pourtant, personnellement, j'ai bien aimé ! C'est peut-être parce que j'y connais rien.

KOTEGAWA, Yua. Détenu 042. Version française. Kana (Dargaud-Lombard). 2006. 210 p. ISBN 2-50500-007-7
Première publication au Japon : 2002


Résumés de mes autres craquages à suivre !


Si des connaisseurs passent par là, qu'ils ne se gênent pas pour m'indiquer des possibles boulettes figurant dans ce billet. Y a plein de codes que je ne connais pas encore dans l'univers du manga, donc n'hésitez pas à laisser vos remarques et critiques ! 

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  * Si j'ai bien compris, les seinen sont les manga destinés aux jeunes hommes qui ont dépassé le stade de l'adolescence à supposer que ce soit possible

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