samedi 30 mai 2020

[COMICS] Superman Aventures - Volume 1 - Paul Dini ; Scott McCloud ; Rick Burchett ; Bret Blevins ; Mike Manley ; Terry Austin ; Marie Severin (2016)

Pour la quinzième fois, j'efface le "bonjour" d'ouverture de ce mail que je n'enverrai pas.
Même les simples formalités doivent être mûrement réfléchies.


Deux livres, deux ambiances ! Il y a quelques jours, nous nous sommes intéressés au premier tome de la BD Superman : identité secrète. Comme j'ai écrit le compte-rendu avant d'avoir lu la deuxième partie, j'ai apparemment fait un certain nombre d'erreurs d'interprétation, ce qui m'a valu de me faire allumer par une connaisseuse de passage sur Babelio. Je vous engage donc, une nouvelle fois, à aller découvrir l'oeuvre par vous-même et de ne pas vous arrêter à mes petits résumés : je découvre tout juste les univers des comics, donc oui, je dois dire de grosses conneries ! Bref, passons.  

En attendant, continuons à explorer les différentes facettes de ce personnage de Superman dont nous connaissons tous le costume vite fait, mais pas forcément l'emplacement des poches intérieures !



Sur les conseils de mon collègue le prof d'arts plastiques spécialiste de BD _ouais toujours le même _ j'ai glissé le volume 1 des Superman - Aventures dans la commande de titres voués à lancer ce fameux "Atelier Comics", qui n'aura finalement jamais vu le jour. Après le retard à l'allumage, la rude concurrence du club ciné calé le même jour comme de par hasard, mon ignorance totale de ce champ culturel et la mise en place tardive d'un partenariat avec la bibliothèque... c'est le coronavirus qui aura fini d'enfoncer le clou. Il faut croire que tous les méchants de Marvel et de DC s'étaient mis d'accord pour faire capoter le bordel.      


  
Les histoires 

Forte de son succès à la télévision à la fin des années 1990, la série animée Superman, l'ange de Metropolis a été adaptée en comic books par ses créateurs, peu de temps après. Pour les scénaristes Paul Dini (l'inventeur d'Harley Quinn) et Scott McCloud, il ne s'agissait pas de retranscrire à la lettre les divers épisodes ou de proposer une "suite" au dessin animé, mais plutôt de raconter sous format papier de nouvelles aventures se déroulant dans le même univers. Le projet a permis de donner le jour à de nombreuses histoires, et ce jusqu'en 2002 ; dix d'entre elles figurent dans la BD que nous avons entre les mains.

Superman, l'ange de Métropolis 
25 ans plus tard, le retour !


Publié en 2016, ce premier volume de Superman - Aventures est déjà suivi de quatre autres ; un cinquième tome ne devrait plus tarder à sortir. Forcément, il endosse la lourde charge de planter le décor et de présenter toutes ces figures incontournables qui colorent le quotidien de Metropolis.
  • Le premier épisode intitulé "l'homme d'acier" raconte l'affrontement de Superman et de son clone robot maléfique, dont le commanditaire n'est autre que l'horrible businessman Lex Luthor, l'ennemi numéro 1 du héros... 

  • Son ennemi numéro 1, mais pas son seul opposant ! Le cyborg Metallo est le trouble-fête de l'épisode 2. Défiguré, puis maintenu en vie avec une carcasse de fer, il résistera juste assez longtemps pour permettre au héros de s'illustrer, dans une ville où ses exploits commencent à créer l'effervescence.
  • L'histoire suivante nous rappelle qu'il y avait aussi des fourbes sur l'idyllique planète Krypton : Brainiac en est la preuve. Cette intelligence artificielle a dérobé et emmagasiné toute les connaissances scientifiques, toutes les découvertes faites dans les labos de Krypton avant de fuir sur Terre _et d'échapper ainsi à l'explosion fatale. Tout ce qui manque à Brainiac, c'est un "globe" magique qui a été légué à Superman par ses parents, et qui lui permet de revivre en boucle l'Histoire de sa terre d'origine : il va essayer de le lui subtiliser en lançant une armée de chats noirs robotisés (?) sur Metropolis... Ok, pourquoi pas... Mais le rescapé de Krypton n'a aucune envie de lui céder ce bijou de famille. 
  • L'épisode 4 se focalise sur Jimmy Olsen, le jeune photographe du Daily Planet qui débute dans le métier et qui se lamente de ne pas être pris au sérieux par son boss. Une course poursuite entre Superman et les sbires de Lex Luthor va lui donner l'occasion de s'illustrer. 

  • On arrive au chapitre 5, le moment "presque féministe" de l'album ; suite à un fâcheux coup de foudre, l'animatrice radio Leslie Nillis est devenue la maléfique Electra. D'habitude, elle est furieusement remontée contre Superman, qui est indirectement responsable de sa transformation, mais ici ce n'est pas le propos : elle se découvre un soudain (et véritable) besoin de défendre la cause des femmes dans les médias. Tant d'altruisme pourrait en bouleverser plus d'un... mais qui croit encore en la sincérité d'Electra ? 
  • Quelle horreur que ce petit elfe teigneux au nom imprononçable ! J'ai beau chercher dans mes souvenirs, je crois que Mister Mxyzptlk m'a complètement échappé. Ici, il entraîne Superman dans une histoire rocambolesque où le héros devra remonter le temps pour empêcher qu'une chaîne d'événements catastrophiques se produise. Metropolis est menacée ! 

  • Une fois n'est pas coutume, les épisodes 7 et 8 se suivent. Le professeur Hamilton et son équipe ont inventé une machine capable de rétrécir les malfaiteurs : comme ça, ils prennent moins de place en prison. Encore faut-il les tenir à l'oeil ! En se moquant un peu vite du général kryptonien Jax-Ur et son associée Mala, qu'ils viennent de réduire à la taille d'un trombone, Superman et Hamilton relâchent leur vigilance. Les deux "méchants" prennent le contrôle de l'appareil et parviennent à le diriger vers l'Ange de Metropolis. Qui a déjà vu un combat de moustiques ?
  • "Le retour du héros" sort du lot : cette aventure est plus émouvante que les huit précédentes réunies. On quitte le petit univers du Daily Planet pour découvrir le quotidien d'une famille ordinaire de Suicide Slum, un quartier populaire de Metropolis. Frank a deux héros : Superman _parce qu'il l'a vu sauver un chien prisonnier des flammes, et Lex Luthor _parce qu'il est riche. Ce dernier est juste responsable de la mort de son père, mais évidemment il ne le sait pas.  
  • Avec son sourire figé et ses yeux énormes, Toyman est sans doute le méchant le plus inquiétant de Métropolis. Sachez que dans cette ultime péripétie, on tombe dans le vice pur et dur : Superman doit gérer des figurines programmées pour voler l'argent de poche des enfants pendant qu'ils dorment ! Le super-héros va pouvoir compter sur l'aide de la jeune Tasha pour stopper les frais.  

De toutes ces histoires courtes, sympathiques, très faciles à suivre, deux chapitres m'ont particulièrement marquée.

Peut-on faire sa meuf à Metropolis ?  

Prenant appui sur le personnage d'Electra, "L'équilibre des pouvoirs" (chapitre 5) révèle de fortes inégalités entre hommes et femmes dans la belle cité de Metropolis. Après avoir lu cette aventure, on a la pupille assez entraînée pour voir qu'en fait, les disparités sont présentes dans toute la BD. Mais comme elles se produisent sur des événements de second plan, on ne les remarque pas tout de suite.   

Cela me fait d'ailleurs penser à une émission que j'ai écoutée en podcast il y a quelques semaines : invitée de Spotlight, la journaliste Marine Turchi expliquait qu'elle avait analysé des heures d'émissions du Masque et la Plume de France Inter, réussissant ainsi à compacter toute une flopée de remarques sexistes proférées par les journalistes : son enquête met en évidence l'ambiance misogyne du programme. En tant qu'auditrice occasionnelle du Masque, j'avoue que ça m'a fait un vieux choc : évidemment j'ai déjà pesté en entendant un chroniqueur faire une remarque déplacée, ou s'allier à deux autres bourrins pour mieux rabrouer leur collègue journaliste. Mais ça restait un micro-drame sur une heure de radio, vite noyé dans le flot culturel. Sans même lire l'article, le résumé qu'elle en fait dans le podcast fait prendre conscience de la gravité du problème.*

Iris Brey était l'autre invitée de l'émission. 
J'ai pas encore lu ce livre,.

C'est un peu pareil pour les filles, dans Superman. A la première lecture, on ne fait pas attention, parce que nos préjugés sont tellement ancrés en nous que certaines situations ou paroles clairement sexistes ne nous font pas réagir. Mais une fois que le déclic a eu lieu, on ne voit plus qu'elles.  
 
"On dirait c'est la faute de l'infirmière"
T'avais qu'à être là, mec ! Au lieu de gueuler comme un putois...
Où est le respect des soignants ?  


Bref. 

En prenant la foudre, Electra a gagné les pleins pouvoirs sur l'électricité : cela lui permet de faire à peu près tout ce qu'elle veut.. sachant qu'elle ne veut pas toujours le bien des gens.  Au début de notre histoire, elle est sur un lit d'hôpital, mise à l'isolement depuis un certain temps. Alors qu'elle écoute la radio pour tromper l'ennui, elle entend un animateur bien rétrograde en mettre plein la gueule aux femmes. 

Electra a alors une révélation : dorénavant, elle utilisera ses dons pour défendre la cause des femmes. Sans aucune difficulté, elle disparaît de sa chambre et n'attend pas pour faire des siennes : surgissant d'un écran d'ordinateur de la rédaction du Daily Planet, elle met le grappin sur Lois Lane. Pourquoi vient-elle l'informer de ses projets ? Peut-être pour la rallier à sa cause ? On ne sait pas trop. Ce qui est certain, c'est que la journaliste ne lui fait pas du tout confiance. Electra a beau jouer la carte de la sororité, la journaliste refuse de parlementer avec elle. 

Peu de temps après, les braves gens de Metropolis remarquent que les chaînes de télé ont été sabotées : au JT, seules les éditions présentées par des femmes sont diffusées correctement ! Une grande première... Toutes les rédactions doivent donc méchamment bousculer leur mode de fonctionnement habituel, puisque généralement, seuls les hommes se retrouvent face à la caméra. 


Une première entrevue entre Electra et Superman _il fallait bien des gros bras pour rétablir cette insupportable situation de femmes aux commandes de la presse_ donne du fil à retordre au héros. "L'équilibre des pouvoirs" est sans doute la seule aventure qui mettra Superman en grande difficulté, incapable de vaincre sereinement son ennemi. Il en chie tellement qu'il s'abaisse à aller chercher son ennemi Lex Luthor, pour qu'il l'aide à mater cette gonzesse. Visiblement, l'émancipation des femmes est un cas de force majeur, nécessitant une alliance aussi mesquine qu'improbable, et pas mal décevante pour qui adule Superman. 



Un duel à la loyale (hum) est organisé entre Electra et Superman. Ambiance combat de catch. Lex est tapi dans l'ombre, prêt à dégainer si ça devient trop tendu pour le héros _et il va faire ça très bien. Eh ouais, devinez quoi : ils finissent par glorieusement la défoncer, à deux contre un... Une pirouette scénaristique permettra à Superman de sauver son image de gentil, se délestant de sa goujaterie sur Lex Luthor. Electra au tapis, les télés remarchent et les femmes reviennent sagement à leur place, ouf, on l'a échappé belle. Fin de l'histoire. Pff.  




Le lecteur ouvert d'esprit a quand même de quoi être décontenancé : si l'intention et l'idée de départ de l'aventure sont plutôt bonnes, le final prend quand même des airs de triomphe de l'homme sur la femme. Est-ce une hésitation des scénaristes à créer une issue plus "osée" ? sont-ils sciemment pessimistes ? En tous cas, on ne sait plus trop sur quel pied danser. Un peu comme quand une personne essaye de vous faire un compliment, mais qu'elle se foire par maladresse, donnant l'impression de vous vanner plus qu'autre chose. Comme vous tirez un peu la gueule, elle essaie de redresser la situation, mais ne fait que s'enfoncer. Ou alors j'exagère : les dernières vignettes laissent entendre que si Electra a perdu la bataille, elle a peut-être semé ses graines auprès de la journaliste Angela Chen et de Mercy, l'"assistante" de Lex Luthor. 

Bien que ces deux femmes soient des personnages secondaires du petit monde de Superman, elles sont néanmoins très présentes dans la série.  

Reprenons l'album depuis le début, en nous concentrant sur les figures féminines. On distingue deux catégories de filles : les fortes personnalités et les bobonnes. 

  • La journaliste Angela est constamment en mode hyène : toujours tirée à quatre épingles, prête à vanner, un brin opportuniste, un sujet de travail l'intéresse à partir du moment où il est vendeur. Elle a compris que le pouvoir et les scoops ne viendraient pas à elle, mais qu'en se bougeant un peu le cul elle pouvait attraper une part du gâteau. L'éthique, la déontologie, les valeurs du journalisme... elle en parlera quand elle aura du temps. Pour l'instant, elle a un témoin important à interviewer. Pas de pitié pour les croissants ! Et n'allez pas essayer de lui carotter une heure sup. L'exemple à suivre... pour qui veut se faire du blé. 



  • Evidemment, Electra crève les vignettes dans lesquelles elle apparaît ; pas la peine d'en remettre une couche puisqu'on a déjà beaucoup parlé d'elle, mais il me semble que c'est LE personnage à retenir de ce premier tome de Superman Aventures. Même rendue flagada par les scientifiques des S.T.A.R Labs, puis réduite à l'état de poupée de chiffon par la cousine taser de la Grosse Bertha (merci Lex Luthor), la peste survoltée garde un bon espoir de revanche. Elle reviendra, c'est certain. 
  • Tasha, la nièce de Ron, apparaît dans la toute dernière histoire _celle des figurines possédées voleuses de pièces jaunes. C'est une bonne surprise qui touchera les jeunes, puisqu'elle montre qu'on peut être une gamine et avoir autant de jugeote qu'un adulte, si ce n'est plus. Seul Superman accordera de l'importance à ses "théories" d'enquêteuse qui font bien marrer tout le monde.     

Passons aux bobonnes qui se sont mises au service des méchants : Mercy et Mala. Elles sont d'autant plus énervantes qu'elles sont complètement indispensables à la réussite de leur connard respectif, mais demeurent toujours en retrait _ ça se voit jusque dans les dessins.  

                                              

Le premier qui me dit que Mercy est mise en valeur parce qu'on voit son visage en entier, je le fracasse.
  • Le pire, c'est que Mercy sait très bien bolosser les gens, quand elle veut. Pourquoi adopte-t-elle un comportement de toutou au contact de Lex Luthor et s'abaisse-t-elle à lui faire des massages ? A ce niveau-là, j'espère au moins qu'elle se le tape. 
  • Même tarif pour Mala, la subordonnée du général kryptonien borgne Jax-Ur. Enfin presque, car Mala tente quand même de s'imposer... sans succès. Une scène de l'épisode "Question de taille" est quand même hyper énervante : alors que Jax-Ur a trouvé un moyen de retrouver sa taille normale, puis de carrément devenir un géant, il refuse d'en faire profiter Mala, qui est pourtant son alliée. Réaction de celle-ci : "bien, Général", avec un regard plein de lassitude. Il l'a envoyée se faire foutre, donc elle accepte. C'est la vie. Ils devaient être un peu protestants, sur Krypton. Putain.    

"Il ne peut y en avoir qu'un comme moi"
Ouais je sais, les photos sont pourries. 


  • Je voulais parler de la rousse amoureuse de Superman dans le deuxième chapitre. Celle qui tourne aux bretzels et qui se proclame en couple avec le super-héros. Celle qui fait semblant d'être au bord du gouffre juste pour que le héros en collants vole à son secours. Devinez quoi : à force de jouer avec le feu, elle finit par avoir de vrais problèmes ! Cette fille _est-ce qu'on dit son nom, même ? n'est pas vraiment "soumise", mais elle est tellement calamiteuse et insignifiante qu'elle dessert l'image de la femme. Gommons ce personnage.  
Avec sa grosse bouche, là !  
  • Entre ces deux catégories, Lois Lane se promène sans jamais clairement se positionner. Tantôt femme forte qui revendique ses principes de journaliste exemplaire, asexuée capable de mettre des coups de pression à ses interlocuteurs pour que le travail soit fait dans les temps, tantôt victime qui n'attend que d'être sauvée par les muscles de Superman, Lois est difficile à cerner. A première vue, cette fille n'a pas de vie : son hobby le plus exaltant consiste à bizuter ce mou de genou de Clark. Mais faisons comme elle : ne nous arrêtons pas aux apparences. N'oublions pas non plus que cette série respecte à peu près la chronologie du "mythe" de Superman : dans cette première BD, le héros vient juste de réaliser quelques exploits à Metropolis. Il est très mystérieux, on n'est pas certain qu'il soit bien intentionné, et Lois n'a pas encore eu le temps de tomber sous son charme. Pas la peine, donc, de juger la journaliste trop vite car, en bon personnage principal, elle va sans doute considérablement évoluer. Pour l'instant, elle a juste une grande gueule, rien dans le ventre et ne se prend pas pour de la merde. Mais tout cela va changer, c'est certain.  
Elle fait bien de préciser car cela n'a rien d'évident.
     
Tapage médiatique 

Contrairement aux apparences, le but de cet article n'est pas de démolir une BD qui remplit très bien son rôle de divertissement ; ces quelques remarques faites sur les personnages féminins mis en scène ne doivent pas vous en détourner. 

Je n'ai pas envie de trop enfoncer Lois Lane de toute façon, car elle a le mérite de mettre en valeur le métier de journaliste. En lisant l'album, vous remarquerez qu'une partie non négligeable de l'action se situe dans les bureaux du Daily Planet. Assister à la vie de la rédaction nous fait réfléchir à l'impact des médias sur la bonne société de Metropolis

Superman nous est d'abord présenté comme phénomène médiatique : grâce à ses sauvetages, il fait le buzz avant l'heure. S'il est souvent sujet d'enquêtes, il connaît à peu près toutes les ficelles du métier de journaliste, et pour cause : il redevient le journaliste Clark Kent lorsque sa mission est accomplie. Sous son air innocent, Kent observe et protège son identité de super-héros, se garde bien de prendre parti : n'en demandez pas trop à Clark-la-Suisse. Il est nouveau, vous savez... 



Lois se méfie du gars qui vole _ n'oubliez pas de croiser vos sources ! Angela se frotte les mains en pensant à son futur scoop _vivement le prochain exploit !, Brainiac s'appuie sur une bête rumeur pour attirer Superman dans un traquenard. Le jeune Jimmy Olsen se bat pour faire reconnaître ses talents de photographe, gagner quelques dollars et faire son trou au Daily Planet. En piratant les radios et la sainte télévision, Electra sait qu'elle frappe fort et que son message va être entendu : effectivement, la situation est très vite considérée comme urgente. Les scénaristes nous font cadeau d'un bel exemple de censure au standard dans l'épisode "L'égalité des pouvoirs", en nous présentant un animateur radio qui coupe la parole aux intervenants qui ne partagent pas son avis. 

A une époque où Internet n'est pas encore un passage obligé dans la recherche d'informations, les médias de masse sont un peu les baromètres de la société : ils sont présents dans presque tous les chapitres, et pas seulement pour agrémenter le décor...      

Luthor le self-made-man 
 
...C'est devant l'écran de télé d'un appartement miteux qu'il partage avec sa mère et sa soeur que Frank assiste au discours de Lex Luthor, son héros. On pourrait se demander d'où sort l'admiration de ce jeune homme vénère pour l'homme d'affaires véreux. En principe, quand on est pauvre, on est censé détester les riches qui se la pètent, non ?! Il explique à sa soeur, qui ne pige pas sa nouvelle lubie : Lex est devenu son "modèle" lorsqu'il a compris qu'il n'était pas un bourge comme les autres : lui aussi a grandi dans un quartier populaire. S'il a réussi à s'extirper de sa condition, c'est grâce à son travail et à sa persévérance.  

Pour Frank, le Lex Luthor qu'il voit sur le petit écran est un exemple, une autre pointure que son père le taulard mort en prison, dont sa mère défend obstinément la mémoire. Il ne connait rien des circonstances de la condamnation de ce père qu'il méprise, sans quoi son jugement serait sans doute plus nuancé. Mais le moment des révélations approche. 

Si vous aimez les histoires de lutte des classes, d'ascension sociale et de méchants qui ont un sens de l'honneur caché au plus profond d'eux-mêmes, "Le retour du héros" sera sans doute votre chapitre préféré. 

 


Le détail qui fait plaisir 

Entre chaque chapitre, une "fiche-personnage" vient se glisser, en guise d'intermède. C'est marrant, c'est plutôt dans les mangas qu'on voit ça, d'habitude ! On y apprend le nom du personnage, son statut (gentil ou méchant, en gros), qui sont ses amis, ses ennemis, de quelle planète ils viennent... Cette idée est la bienvenue pour les novices, qui pourront tout de suite se repérer dans l'univers de Superman sans passer par les classiques. Les connaisseurs y trouvent aussi leur compte puisque ces fiches précisent la date de la toute première apparition du personnage dans un comic-book, puis dans la série animé.

Bande de rageux ! 

Dit-elle après avoir défoncé le chapitre 5. Mais je le redis : c'était pas si mal, et les scénaristes ont le mérite d'avoir essayé de parler féminisme !  

Autant le préciser d'emblée, les auteurs ont ciblé un public jeune. Pas de gros mots, pas de combats gores, pas de cul, pas de quête identitaire... juste une succession d'histoires très accessibles dans lesquelles Superman s'illustre et finit par l'emporter. Je préfère le préciser car j'ai lu ça et là des critiques négatives sur cet album, lui reprochant notamment sa fadeur, ses intrigues simplistes, un fâcheux manque de suspense, l'absence d'un fil rouge qui lierait les chapitres entre eux ; ah ah, ce n'est pas faux ! Sauf que vous oubliez que ce sont des histoires pour enfants. Pour un jeune lecteur qui veut se distraire un peu, avec une BD pleine de couleurs vives, il me semble que c'est tout aussi convenable qu'un Picsou Magazine. De plus, cet univers risque d'être une vraie découverte pour eux, car la série Superman, l'ange de Métropolis commence à bien dater : je ne suis pas sûre qu'elle ait été diffusée à la télé dernièrement.

Paul DINI (scénario) Rick BURCHETT (dessin) ; Terry AUSTIN (encrage) ; Marie SEVERIN (couleur). Superman Aventures - Vol. 1. DC Comics. Coll. Urban Kids. 2016. 272 p. ISBN 978-2-3657-7854. 
 
Créateurs originaux : Jerry SIEGEL et Joe SHUSTER.  


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