samedi 29 juin 2019

C'était pas mieux avant.

Une douzaine de poussins multicolores attentifs aux moindres gestes de trois poules d'âge respectable à la fois impressionnantes et rassurantes. Voilà ce que m'évoque le tableau de cette première rencontre-débat entre les bénévoles de l'association locale des retraités et quelques uns de nos élèves. 

La thématique du jour est : "l'école, c'était comment, avant ?" 

Au CDI, on a disposé les tables en U , on a rapproché le tableau blanc à roulettes, en prenant soin de laisser un passage pour les profs de sport et leur matériel rangé dans la réserve (ouais, longue histoire...), on a sorti les aimants.

Autant de signes qui ne trompent pas les habitués du lieu : aujourd'hui, il va se passer un truc. 
Dehors il s'est mis à neiger, histoire d'apporter un peu plus de magie à l'événement. 

Christmasland

Les intervenantes ont prévu de parler de leur propre expérience de l'école et de l'évolution de la ville, photos et cahiers d'époque à l'appui, avant d'amener les enfants à s'exprimer sur leur quotidien. La richesse de leur parcours et le soin qu'elles ont mis à préparer la séance force l'admiration. Les élèves ne s'y trompent pas, ils ont plein de questions. Comme on pouvait s'en douter, les mythes autour des punitions et châtiments corporels les intéressent tout particulièrement, bande de vautours amateurs de peaux mortes ! 




"_Madame, j'ai une question ! (En même temps, il a toujours une question, lui !). C'est vrai que les maîtres vous giflaient et qu'ils vous tapaient sur les doigts avec une règle ?

La réponse catégorique de l'une des intervenantes me fait grincer des dents...
_ Mais nooon, jamais de la vie ! En France, en tous cas, ça ne se fait plus depuis bien longtemps ! Ca arrivait peut-être dans les années 1800, mais nous, on ne nous a jamais on ne nous a frappé à l'école ! 
_ On est vieilles, mais pas à ce point, hihihi... 

Ah ouais ! Elles sont sérieuses ? Eh bien il faut croire que le 24 est une contrée aussi retirée de la civilisation qu'en retard sur son temps, parce que ça se faisait très bien dans les années 1990, et même 2000 ! Pendant quelques secondes, j'ai envie de débarquer au milieu de leur barda, de tout balancer par terre, même leur porte-plume, SURTOUT leur porte-plume de merde, et de leur demander quel intérêt elles ont à passer sous silence tous ces pervers, tous ces mal baisés qui ont canalisé les frustrations de leurs vies ratées à taper sur des gosses pendant des dizaines d'années. Au nom de "l'éducation", "pour le bien de tous", soi-disant. 

Pourquoi ce déni ? Je me réjouis sincèrement qu'elles n'aient pas été bastonnées, mais enfin ! c'est impossible qu'elles ne sachent pas ! 

J'ai eu envie de leur dire qu'à chaque fois que je passe en courant près de chez l'enflure de truie d'instit qui était censée apprendre l'écriture à ma soeur, mais qui lui a malheureusement fait entrer dans le crâne qu'il était normal et acceptable de se faire violenter et violer, je perds la boule et je me sens inspirée. 
Je crois que je ne serai jamais complète tant que je n'aurai pas fait baigner cette bonne femme dans son sang. 
Je crois que je ne serai jamais complète car, évidemment je ne passerai jamais à l'acte.


Alors, comme toujours, je suis restée bien sagement assise derrière mon bureau avec ma listes d'excellents prétextes pour ne pas bouger : ça ferait flipper les petits, ça n'apporterait rien au débat, et puis je me suis engagée à ne pas intervenir afin de ne pas fausser l'échange entre les élèves et les bénévoles. Il serait irrespectueux de contredire des personnes qui ont bravé la neige pour dialoguer avec la nouvelle génération. Au fond, je sais très bien que je me suis tue parce que j'ai pas eu le courage d'ouvrir ma gueule, cette fois-ci. 

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