Sunny, volume 2 sur 6 !
Retournons au Japon de la fin des années 70, plus exactement au foyer des Enfants des Étoiles après un premier tome qui avait fort bien planté le décor. Pour rappel, Sunny raconte le quotidien d'une dizaine d'enfants séparés de leurs parents pour diverses raisons et placés temporairement dans ce centre d'accueil. Sous la responsabilité d'une équipe d'éducateurs qui mettent tout en oeuvre pour qu'ils cohabitent sans s'étriper, ils gèrent comme ils peuvent l'éloignement et les problèmes familiaux. Chacun fait avec ses armes : Sei _le binoclard en couverture_ s'isole, le petit Jun fait autant de tapage que son corps minuscule le permet, Kiiko la joufflue ruse pour attirer l'attention sur elle, Haruo provoque les adultes. Leur dénominateur commun est une vieille voiture Nissan Sunny hors d'usage plantée dans la cour du foyer ; ils la squattent à tour de rôle pour rêver à une vie meilleure.
Vous trouverez un billet consacré au volume 1 ici.
Où est-ce qu'on en était ?
Comme on pouvait s'en douter, ce deuxième volet nous laisse entrevoir la complexité d'une bande de jeunes plus ou moins paumés ; contrairement à ce que la couverture peut laisser penser, Sei n'a plus la place de personnage central qu'il occupait dans le premier tome, en tant que nouvel arrivant. C'est plutôt Haruo, le garçon aux cheveux blancs, qui bouffe les vignettes par ses coups de sang et son insolence à l'égard de son entourage.
Kiiko ne supporte plus Megumu : cette dernière lui semble trop gentille, trop calme, trop désireuse de devenir amie avec les filles "des maisons" pour être honnête. Qu'est-ce qu'elles ont de plus qu'elles, ces filles-là, hormis une famille aimante ? Pour attirer l'attention sur elle, Kiiko invente de toutes pièces une histoire de kidnapping dont elle aurait été victime.
Un nouveau s'installe "pour quelques jours" : Tôru, six ans, les yeux larmoyants, espère que sa mère viendra vite le récupérer... Il faut d'abord qu'elle résolve quelques problèmes. Malgré son jeune âge, Haruo ne se gêne pas pour le secouer en lui disant qu'elle aura très certainement oublié son existence d'ici là. Sei est plein d'empathie pour ce colocataire hypersensible et le prend aussitôt sous son aile. Haruo guette leur amitié naissante sur coin de l'oeil, mi moqueur mi jaloux.
A l'occasion de la journée d'accueil des parents à l'école primaire, Adachi a dispatché l'équipe d'éducateurs dans différentes classes pour que tous les enfants du foyer scolarisés ici aient un "représentant" à leurs côtés, à défaut d'un membre de leur famille. Pour compléter l'effectif, il a fait appel à Makio, un ancien pensionnaire des Enfants des Étoiles qui s'en est visiblement bien sorti. Beau, cool, heureux propriétaire d'une voiture, il a la cote auprès des gosses ; Haruo lui-même est son fan numéro 1.
Bien que ses bons résultats au collège fassent de lui un élève prometteur, Kenji ne veut toujours pas aller au lycée. Par contre, son envie de quitter le foyer définitivement est toute nouvelle ; sans doute cette idée lui est-elle venue au contact de ses nouveaux amis : Haruna, une adolescente perdue dans sa vie et en proie à de violentes crises de colère, Seki un jeune homme plus âgé qu'eux, et quelques autres pelés pas très raisonnables.
Le dernier chapitre du manga est consacré au séjour de l'insupportable Haruro chez sa mère, une bien étrange bonne femme...
Un boulot ingrat
Sunny 2 est un poil plus sombre que le volume d'ouverture, où gravité et bonne humeur étaient parfaitement équilibrées. En même temps, Matsumoto avait pour objectif de composer un manga réaliste ; il ne pouvait donc pas éluder les problématiques propres aux enfants placés, telles que le sentiment d'abandon, la stigmatisation _à l'école, on distingue bien les "enfants du foyer", qui passent le portail en meute matin et soir, des "autres", la marginalisation qui en découle _effective mais parfois exagérée par les gosses concernés, la difficulté de vivre avec des frères et sœurs qui n'en sont pas et qu'on ne connaît pas bien... Le tout à la fin des années 70, comme le laissent entendre quelques indices culturels disséminés ça et là _une mention à un groupe de musique, un combat de catch regardé à la télé par les enfants... : par conséquent, l'ouverture d'esprit n'est pas forcément au rendez-vous, et on croise toujours un con pour te rappeler que tu ne vis pas avec ceux qui t'ont fait.
Sauf erreur de ma part, voici la chanson dont il est question.
Southpaw - Pink Lady
Heureusement, l'équipe d'éducateurs est là pour amortir les chocs ; peut-être que je me répète par rapport au billet précédent, mais ce manga a l'avantage de mettre en avant le boulot de ces adultes qui accompagnent des petits de tous âges H24. On est loin des orphelinats à la Dickens, gérés par des bonnes sœurs tortionnaires et/ou pédophiles. Ici, Adachi, Miztsuko et les autres sont des gens responsables, respectables, de vrais repères. Mais, comme toutes les bonnes poires cachées sous un masque d'autorité, ils peuvent devenir des cibles idéales pour des enfants en pleine découverte de leur capacité à provoquer et à blesser. Le chapitre 9 _celui sur la journée portes ouvertes à l'école primaire_ est particulièrement parlant. Adachi s'est cassé le cul à faire un planning, à organiser des visites pour chaque niveau, à conduire tout le petit monde sur place, pour finalement se faire afficher par un Haruo plus teigne que jamais : sachant qu'il n'est pas sous son autorité à ce moment-là, puisqu'il est en classe, le mioche aux cheveux blancs se permet de l'interpeller au milieu du cours pour lui demander de se casser.
"Adachi, qu'est-ce que tu fais là ?"
"T'es pas le bienvenu ici !"
"Ouais va-t-en Adachi !"
"On n'a pas besoin de toi."
Plus tard, les gosses joueront à pierre - feuille - ciseaux pour éviter de rentrer avec lui au foyer, préférant la compagnie du beau Makio. Bref, aucun respect. Bon, le type est expérimenté et ne se laisse pas atteindre par la cruauté de ces enfants en souffrance ; il opte pour l'ignorance et la dérision. Si j'insiste lourdement sur ce passage du manga, c'est parce qu'il peint une facette du métier d'éducateur qu'on passe souvent sous silence : tu te dois de te donner à fond, et si tu le fais correctement, tes petits protégés n'en seront pas dupes. Mais ne t'attends pas à des remerciements ou à un retour de leur part. Il est même fort probable qu'ils te crachent à la gueule en retour. Ainsi va la vie. Protège-toi, fie-toi à ta bonne conscience et n'attends surtout pas que tes efforts soient reconnus pour les poursuivre, sinon t'es bon pour changer de branche.
Antonio Inoki, l'une des stars des Enfants des Étoiles.
Parents transparents
Même tarif, je suppose, pour le métier de parent. Alors là, dans le rayon des darons qui ne remplissent pas le contrat, Sunny a tout ce qu'il vous faut. Précédemment, nous avions fait connaissance avec le père alcoolique ET crasseux _l'un n'implique par forcément l'autre_ de Kenji, aujourd'hui nous avons affaire à la maman ultra distante de Haruo. Il semblerait que cette executive woman pas spécialement dans le besoin ait daigné accordé trois jours de sa vie à son fils, avec qui elle n'échangera rien d'autre que des banalités. Alors que celui-ci manifeste son besoin de vivre avec elle, la femme zappe la question et finit par lui demander de ne plus l'appeler "maman" et d'utiliser son prénom à la place. Ambiance. Sur le chemin du retour _qu'il effectue seul, Haruo n'aura plus qu'à faire le caïd. Après tout, sur qui peut-il s'appuyer si ce n'est sur ce personnage ?
J'ai assez spoilé comme ça, inutile d'en faire des tonnes ; les Sunny font partie de ces BD qu'on se garde de côté pour les vacances, ou en guise de récompense pour avoir enfin réglé ce truc chiant qu'on laissait traîner depuis des mois. Sensible au contenu, j'ai peu prêté attention au trait de Matsumoto et à la forme du manga de manière générale pour cette fois-ci. Inutile de le faire maintenant, je ne dirais que des platitudes et / ou des conneries. Une prochaine fois !
MATSUMOTO, Taiyou. Sunny Vol. 2. Kana, 2015. Coll. "Big Kana". 214 p. ISBN 978-2-5050-6281-3
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