mardi 19 juillet 2016

L'attaque de la moussaka géante - Panos H. Koutras (1999)

Lors de mon passage au Mirail à Bordeaux, ensemble scolaire privé dont je vous ai parlé maintes fois, j'ai eu l'occasion de travailler tous les samedis matins avec une collègue géniale fan de science-fiction qui m'a ouvert les yeux sur quelques OVNIs cinématographiques, dont L'Attaque de la Moussaka géante. Autant dire que ça m'a pas mal consolée du jeune Sachatte et de ses petits potos bourgeois-bâtards qui faisaient honneur à la sale réputation d'un collège et d'un lycée qui se donnaient du mal, quoi qu'on en dise. Alors Isabelle, si tu passes par là : merci encore de m'avoir fait découvrir ce film ! A mon tour d'élargir le cercle des amateurs de nanars en consacrant un billet à ce long-métrage grec réalisé par Koutras en 1999.



L'histoire (si l'on peut dire)

Nous sommes à Athènes, vraisemblablement à l'aube des années 2000. En cette belle soirée ensoleillée qui laisse entrevoir une nuit torride, chacun vaque à ses occupations : une équipe de chercheurs en astronomie vêtus de blouses roses vérifie que rien de douteux ne vienne assombrir le ciel grec, tandis qu'un trio queer s'apprête à aller faire la fête. Le premier ministre et sa femme toxico s'engueulent au bord de leur immense piscine sous les yeux de leur jeune fils pas vraiment emballé par son assiette de moussaka ; un couple de pantouflards apathiques mangent des chips en regardant la télé. En bref, rien à signaler.

Soudain, une soucoupe volante apparaît ; elle est simultanément repérée par Tara, une dame haute en couleurs qu'on aimerait tous avoir comme pote...





... et Alexis Alexiou, le scientifique qui "étudie les astres" au Centre de recherches cosmiques.




Visiblement, les extraterrestres souhaitent tenter une approche de la population terrienne en débarquant l'une des leurs en plein maquis. Manque de pot, le fils du premier ministre a également choisi cet endroit pour se débarrasser discrètement de sa part de moussaka ; et là, c'est le drame ! Prisonnière des ondes émises par le vaisseau spatial lors de la téléportation de l'ambassadrice choisie, le contenu de l'assiette (mais pas l'assiette !) se met à gonfler, gonfler, jusqu'à prendre des proportions monstrueuses. A partir de ce moment, la moussaka géante ne cessera de se déplacer, écrasant tout sur son passage.  

Vous êtes déjà conquis ? Sachez que le film est disponible en streaming et en intégralité sur Youtube !! 




Tapage médiatique 

Je sais que le moment est très mal choisi pour parler d'un film dans lequel des personnes se font écraser par un monstre fou, alors qu'ils font leur petit bonhomme de chemin sans rien demander à personne. A vrai dire, j'avais commencé à écrire ce petit compte-rendu quelques jours avant l'attentat de Nice, et ce dans le seul but de faire vous faire rire en soulevant les aspects absurdes de ce navet revendiqué. En particulier celui qui forme à mon sens le principal ressort humoristique du film : la réaction des médias locaux, puis nationaux et internationaux face aux ravages de cette "moussaka géante".

Après quelques instants d'incrédulité, pendant lesquels les journalistes privilégient l'hypothèse du canular, la télévision trébuche et s'écrase comme une merde dans le pathos en envoyant à la pelle des images des victimes plus choquantes les unes que les autres. Les médias diffusent en boucle les propos incohérents de témoins choqués ou des vidéos amateurs du morceau de moussaka déambulant dans les rues d'Athènes comme une grosse limace larguée dans un village de Polly Pocket.




Sans oser l'approcher, on dresse un portrait de la bête coiffée de béchamel : quelles sont ses origines ? quels sont ses plans ? que nous veut-elle ? quelles seront ses prochaines cibles ? pourquoi a-t-elle frappé là, et pas ailleurs ? comment s'en débarrasser ?

Les différentes chaînes accordent la parole à des politiques et des notables aux points de vue divers sans que jamais un journaliste n'intervienne pour nuancer... A moins que le zapping effréné des personnages principaux, par qui nous parviennent les images télévisées, nous prive de ces moments privilégiés du débat. Plus rares, certains invités choisissent de se mettre à sa place et de tenter une approche psychologique de la moussaka : s'est-elle sentie agressée à un moment où à un autre ?



On ne parle plus que d'elle partout, elle nous hante, nous obsède ; on n'ose plus taper dans le plat de moussaka familial de peur qu'il nous saute à la gueule et on lit son horoscope en fonction d'elle... 



D'autres assurent qu'elle ne mérite pas notre peur et qu'on ne doit pas s'arrêter de vivre à cause d'elle. De là à tenter le diable... la prudence reste de mise.   



Evi Bey, la journaliste fantasque aux dents longues qui se tape les techniciens dans les toilettes de la chaîne HI TV, est l'incarnation-même des médias avides de scoops et de scandale. Enjambant les cadavres recouverts de sauce barbecue ou d'une quelconque autre substance, ce vautour à l'apparence de femme repère une jeune fille avachie sur le siège conducteur d'une voiture et demande à son cameraman de l'interviewer. Lorsque ce dernier lui fait remarquer que la fille en question est morte, elle n'hésite pas à lui donner les directives suivantes :



Parfait pour rire jaune.  
Tout ce vacarme brassé par les journalistes, toutes ces images tournées sur le dos des victimes, tous ces gens choqués qui n'ont pas eu la force de refuser le micro qu'on leur tendait, et dont les témoignages ne font malheureusement pas avancer le schmilblick... relèvent-ils vraiment de l'exagération ? Avant le 11 septembre, forcément, et c'est pourquoi c'était vraiment très drôle... En 2016, un peu moins, il faut bien le reconnaître.



Le petit plus... 

Vous l'aurez compris, ce pseudo film d'horreur débile au possible et pas effrayant pour deux sous peu être lu de bien des manières. Tout dépend de l'actualité et/ou de ce qu'on a fumé avant. Du coup, je me suis pas mal écartée des propos que je voulais tenir à la base, et c'est sans doute tant mieux pour vous.

Heureusement, l'histoire de coeur décomplexée entre le cherche Alexis et la "modéliste" Tara vient apporter un peu de joie et de douceur dans ce monde de charognards. On appréciera l'ambiance festive du centre de recherches cosmiques, où les scientifiques discutent anniversaires et se draguent gentiment en disant des hétéros qu'ils sont de "l'autre bord". On aimera aussi les gardes-fous de Tara, ce couple d'amis fidèles que forment le terre à terre Dimis et la douce Chanel coiffée de sa perruque bleue. Bien sûr, leur coup de foudre sur fond de soucoupe volante est complètement risible, et bien sûr qu'en regardant la scène du Nescafé glacé sans glaçons et avec trois cuillers de sucre (c'est important) on se demande "pourquoi" ? Mais au moins, c'est une forme d'absurdité qui n'a rien de dangereuse !

C'est assez moche, les effets spéciaux sont... vraiment spéciaux.., la tenue de Tara fait mal aux yeux, la moussaka ressemble plus à un reste de hachis parmentier surgelé qu'à de la moussaka, l'image a un peu trop la tremblote par moments, on se demande toujours pourquoi les gens se sont laissés manger par ce gratin d'aubergines rampant qu'ils voyaient arriver à deux kilomètres, alors qu'ils auraient pu fuir tout simplement. On reste sur la curieuse impression que la riche toxico est le seul personnage à avoir compris le fin mot de l'histoire, mais... ce film existe, et il faut le savoir !

L'attaque de la moussaka géante 
Panos H. Koutras 
Grèce, 1999 
Sortie en France en 2001 
Science-fiction
1h43 


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