vendredi 8 août 2014

Quand la jolie cliente ne revient pas : Hermux Tantamoq Tome 1 : "Le temps ne s'arrête pas pour les souris" - Michael Hoeye (2002)

Avant de partir en vacances, je me suis mis de côté quelques romans pour enfants disponibles au CDI : comme chacun sait, lire des histoires farfelues écrites en gros caractères rend les voyages en train moins fastidieux. Et l'air de rien, la SNCF nous permet parfois de faire des découvertes sympathiques :

Hermux Tantamoq tome 1 "Le temps ne s'arrête pas pour les souris"
Michael Hoeye.
L'histoire 

Bienvenue dans un monde parallèle, celui des souris ! Hermux Tantamoq est horloger dans la petite ville de Pinchester. Aimé de tous et pourtant solitaire, il vit dans un appartement modeste mais confortable en compagnie de Terfèle, sa coccinelle apprivoisée. Son travail le passionne et le déroulement de ses journées est  _on s'en doute, réglé comme une montre : réveil, boulot, petit-déjeuner à 10h avec beignets au café de Lanayda, boulot, retour à la maison, prise de bec avec une voisine chiante particulière, goûter de copeaux de fromage en lisant Couine Hebdo et repos jusqu'au lendemain. Il aurait pu en être ainsi pendant des années, jusqu'à ce qu'un grain de sable vienne se loger dans le mécanisme bien huilé.

Ce grain de sable s'appelle Linka Perflinker : c'est une souris aviatrice. Elle se présente à la boutique d'Hermux pour faire réparer une montre abîmée, et même si son passage est très rapide, elle reste assez longtemps pour taper dans l’œil de l'horloger. Ce dernier se défonce pour redonner vie et éclat à l'objet passablement esquinté, afin qu'il soit fonctionnel pour le lendemain à midi ; mais quand arrive l'heure convenue pas de Mlle Perflinker à l'horizon. Ni l'après-midi. Ni les jours suivants. Tantamoq est à la fois surpris et dépité : il n'aurait jamais cru qu'une telle souris lui poserait un lapin.

A quelques temps de là, un grand rat aussi gracieux qu'un unicellulaire marin et pas plus agréable qu'un bordelais un jour de pluie déboule dans le magasin. Il demande à Hermux de bien vouloir lui remettre la fameuse montre, ce qu'il refuse. Contraint de vider les lieux, le rat s'en va bredouille tout en proférant des menaces ; intrigué, l'horloger ferme le magasin et le suit discrètement : il est impossible qu'une souris aussi classe que Linka Perflinker soit copine avec une grognasse pareille ! Où va-t-il l'emmener ? Quelles drôles de découvertes va-t-il faire ? Difficile d'en dire plus sans dévoiler toute l'histoire, mais sachez seulement qu'il a bien raison de s'inquiéter !

A partir de ce moment-là, la souris tranquille se mue bien malgré elle en détective privé. Car vous l'aurez compris, Hermux n'est pas Mickey Mouse ! Mener l'enquête les quatre pattes dans le sang a de quoi mettre sens dessus-dessous son petit bidon rempli de copeaux de fromage ! Pourtant, stimulé par son coup de coeur _et par la curiosité, il va tenter de se frayer un chemin vers la vérité : s'il parvient à libérer Linka, elle sera à coup sûr impressionnée, et qui sait, il pourra peut-être se la faire trouver en elle une nouvelle amie !



Chez les souris 

Comme le dit si bien Michael Hoeye, "le temps ne s'arrête pas pour les souris". On notera au passage qu'il ne s'arrête pas non plus pour les autres. En lisant le premier tome des aventures d'Hermux Tantamoq, chacun appréciera les spécificités de ce fantastique monde de rongeurs finement construit par le romancier :

  • Les gens ont des noms bizarres chez les souris ! 

L'auteur s'est bien éclaté : "Hermux Tantamoq", "Linka Perflinker", "Pup Schounagliffen", "Tucka Mertslinn"... Seul "Hiril Mennus", LE méchant, a un nom facilement prononçable !



  • Pas de fachos chez les souris ! 

En parcourant les premières pages, je me suis crue dans Souris souris, ce dessin animé quelque peu soporifique qui passait sur France 3 tous les matins, dans les années 1990. A travers de courts épisodes, on suivait les tribulations de deux gentilles souris chargées de récolter les dents de lait des petits humains au péril de leur vie. Et ce, dans le seul but de satisfaire les caprices architecturaux d'une vieille reine tyrannique ! C'était doux, c'était mignon, c'était une autre vision de l'esclavage. Mais si, vous connaissez, c'est obligé !


Du coup, j'ai été rassurée de voir que cette société comptait également d'autres bestioles sympathiques telles que les rats, les taupes et les écureuils de terre. Les coccinelles sont au demeurant réduites à l'état d'animaux domestiques et les serpents, des bêtes féroces à éviter. Tout ce petit monde cohabite plutôt bien, même si Michael Hoeye profite astucieusement de la situation pour faire passer un message de lutte contre le racisme. J'ai noté trois ou quatre situations de quiproquo dans lesquels Hermux essaie de ménager les susceptibilités après avoir commis une boulette.

Conversation téléphonique entre Hermux et un policier
" _ Mais je suis persuadé qu'elle est dans un fichu pétrin. Elle est partie avec trois rats très sournois.
_ Surveillez vos paroles, monsieur Tantamoq. Je suis un rat moi-même, et fier de l'être. Pas d'insultes, je vous prie. 
_ Je ne disais pas cela parce que ce sont des rats. Mais ce n'étaient pas des rats très gentils."

Il me semble que cette manière d'aborder la question des idées reçues des uns et des autres est bien trouvée.


  • Chez les souris, les poulets ne sont pas très efficaces ! 


L'extrait sus-cité m'amène à un constat : il semblerait que Hoeye ait un souci avec la police : les flics de Pinchester sont tout bonnement des rongeurs qui ne veulent se mêler de rien tant que le sang n'est pas venu éclabousser leurs godasses, et qui prennent la mouche facilement. Mais bon, ce sont juste ceux de Pinchester, hein, on est d'accord !!





  • Il y a de beaux fdp traîtres chez les souris !


Pour les souris comme pour le reste de l'Univers, il vaut mieux avoir affaire à un vrai méchant qu'à un faux gentil : lisez bien le livre jusqu'au bout ! Bien sûr, Hermux Tantamoq : le temps ne s'arrête pas pour les souris met en scène des méchants aux défauts bien typés, tels que Turka, la souris insipide de condescendance qui refuse le vieillissement, ou Mennus, le savant fou. Les gentils sont aussi bien braves à tous les niveaux. Malgré tout, le traître est bien là, assis dans l'ombre (hihi, pardon, vraiment). On croit avoir cerné tout le monde ? Eh bien non !

Hermux Tantamoq est un joli roman bien écrit, comme on les aime. Nous. Les adultes. Avant de le lire, je me demandais pourquoi cet exemplaire était aussi rarement sorti du collège (trois fois, pour être précis). Il est épais, certes, pas mais énorme non plus. Quant à la couverture, rien à dire : elle donne envie, y compris aux mecs _ qui ont tendance à croire que les romans, c'est pour les filles. Pourtant, ça ne fonctionne pas.

Pour l'instant, je formulerais deux hypothèses :

_ Les élèves de mon bahut ne sont demandeurs ni d'heroic fantasy, ni de magie, ni d'animaux qui parlent. Ils veulent du réel, du gore qui fait peur, de la baston, du shit, et si possible, du vrai sang sur les pages. Le must étant encore le shit entre les pages _ c'est peut-être la seule condition pour qu'ils adhèrent à une histoire de souris qui parlent. Bref, ce sont des adolescents.
=> Ils sont trop grands pour Hermux.

_ Hermux n'est pas le héros dont on rêve : réparateur de montres, bedonnant, pas vraiment hardi... S'il avance dans ses aventures, c'est au prix de nombreuses boulettes de débutant. Il est évident que Hoeye nous invite à aller au-delà des apparences physiques. Chaque situation vécue par le héros est une réflexion sur les possibilités d'évolution d'une personne, un travail sur les représentations. C'est trop pour eux, ils n'ont pas encore le recul nécessaire pour se dégager de la vision basique et modèle du super-héros, musclé, rapide, très mal fringué, efficace partout. Quoi de plus logique ? pour se construire, il faut bien qu'ils posent leurs fondations sur quelque chose simple. Ensuite viendra le temps de démolir pour reconstruire par-dessus, et c'est là qu'on pourra les aider. Y compris à travers des livres tels que celui-ci. Mais une démarche de médiation sera indispensable, car ils n'iront pas d'eux-même. 
=> Ils sont encore trop petits pour Hermux _oui, même en 3°. 

Tout cela n'engage que moi, bien sûr, même si je n'invente rien !

HOEYE, Michael. Hermux Tantamoq (tome 1) "Le temps ne s'arrête pas pour les souris". Traduit de l'anglais par Mona de Pracontal. Paris : Albin Michel, 2002. 319 p. ISBN : 2-226-12-972-3


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