dimanche 1 septembre 2013

Soyons sérieux : le "Dossier information et citoyenneté" publié sur Médiapart (5 mai 2010)



La Ligue de l'Enseignement s'est associée à Médiapart, journal numérique et participatif, pour traiter des rapports épineux qu'entretiennent les européens d'aujourd'hui avec les médias. Un "dossier information et citoyenneté" a donc été réalisé afin de cerner les points de désaccord entre des deux parties et d'y apporter des solutions en vue d'une "réconciliation".


Voici ce que j'en ai retenu : attention pavé !!! 


En même temps vous étiez prévenus

Mis en ligne depuis trois ans déjà, les propos tenus dans les différents articles sont toujours d'actualité : les lecteurs se méfient systématiquement de ce qu'ils lisent dans les journaux, de ce qu'ils voient à la télévision, et ont tendance à se tourner vers de nouvelles formes de médias, tels que les blogs d'information ou les journaux citoyens, qu'ils considèrent comme étant plus "libres", mais qui sont souvent moins professionnels.


Dans son introduction aux différents articles, Nathalie Dollé, une journaliste qui a beaucoup réfléchi aux enjeux de sa profession et au rôle des médias dans la société, se montre sceptique lorsqu'elle constate cette tendance. Selon elle, les professionnels _ceux qui sont munis de leur carte de presse_ et les rédacteurs amateurs n'ont pas les mêmes objectifs. Les premiers diffusent des informations discutées collectivement puis validées, tandis que les seconds partagent des points de vue subjectifs plutôt que de réelles infos. Même si l'on comprend très bien ses inquiétudes, elle n'évoque pas encore les aspects positifs du phénomène, tels que le pouvoir de liberté d'expression, de dénonciation accordé au citoyen lambda _ dont Patrice Flichy, par exemple, parle assez longuement dans Le sacre de l'amateur, ou la complémentarité possible des médias "traditionnels" et "alternatifs". Mais à ce moment-là, est-ce encore du journalisme ? ou autre chose ? 


Allez, soyons sérieux !

Le dossier s'ouvre sur une interview du journaliste Philippe Merlant par Christine Menzaghi, intitulée "Réconcilier les médias avec leur public". Plutôt en faveur d'une évolution des professionnels de la presse en fonction des nouvelles attentes des lecteurs/auditeurs/téléspectateurs, il y parle de son ouvrage : Médias, la faillite d'un contre-pouvoir. Il pense que les gens ne croient plus vraiment ce qui est dit dans les médias, et que les journalistes n'ont ni une connaissance suffisante de leur public, ni un assez grand attachement au média pour lequel ils travaillent. Quand aux différents journaux, leurs objectifs économiques les éloignent de leurs objectifs premiers. Dans cette interview, le tableau dépeint une vision un peu caricaturale de la situation, mais le livre, co-écrit avec Luc Châtel, est sans doute plus nuancé. Heureusement, des solutions existent ; un effort est attendu de la part des journalistes, au niveau de la qualité de l'information et de la prise en compte du public. Les médias citoyens interviennent alors comme un terrain d'entente et de dialogue entre les "professionnels" et les "amateurs", qui constituent également un public insatisfait potentiel. A nuancer aussi. 


Nathalie Dollé place ensuite le débat à l'échelle de l'UE dans l'article "Enjeux, défis et responsabilités de la presse en Europe". Elle rappelle que, depuis une vingtaine d'années, le fonctionnement de la presse a changé : il s'inscrit dans une logique économique peu compatible avec le professionnalisme du journaliste. Comment appliquer la déontologie lorsque l'information devient une marchandise plus ou moins vendeuse ? La profession évolue en tenant compte de ces paramètres : les pigistes se multiplient, au contraire des "permanents", réduisant l'investissement du journaliste, plus vraiment "attaché" au média pour lequel il travaille. Les reporters amateurs prennent aussi de l'ampleur et alimentent les journaux participatifs en prônant leur bonne foi _ et on veut bien les croire, puisqu'on sait tous n'ont rien à gagner en écrivant. Mais qu'en est-il alors de la qualité de l'information ? Les amateurs peuvent, faute de formation, la mettre à mal ; comment être en mesure de respecter les idéaux fondamentaux de la presse (indépendance, rigueur, transparence, impartialité, honnêteté dans le traitement de l'information) lorsqu'on n'y est pas formé ? Il faut de toute façon composer avec ces incertitudes, alors Nathalie Dollé souligne les possibles solutions déjà mises en oeuvre : le renforcement de l'éducation aux médias dans l'UE, la médiation entre public et rédactions, la réhabilitation des codes de déontologie par les journalistes professionnels. 
-> Un article du Monde datant de la même époque aborde la question de la précarité du statut de journaliste aujourd'hui. 



C'est toujours dans ce souci de qualité de l'information que Nathalie Dollé défend la création d'un conseil de presse, déjà largement mise en place dans les autres pays d'Europe : "La France finira-t-elle par se doter d'un conseil de presse ?" Il présenterait bien des avantages, car il amènerait forcément la réflexion sur le métier de journaliste. Mais cette instance est perçue comme un outil de censure pour beaucoup de lecteurs et de professionnels.

"_Ca va ? Tout le monde suit, jusque là ?
_Euh...." 

Raison de plus pour se pencher sur la manière de "former les artisans de la démocratie". Selon Loïc Hervouet, enseignant en éthique du journalisme, les étudiants de sa discipline ont tous une vision de leur futur métier qu'ils gagneraient à enrichir : concilier les apports théoriques souvent méprisés et la pratique "sur le terrain" serait alors la clé d'un journalisme défenseur de la démocratie et de la citoyenneté. Cela parait évident ? Peut-être, mais visiblement les choses ne se passent pas toujours de cette manière, en partie par manque de méthode et de connaissance de l'évolution du métier. Tiens, j'ai toujours pensé qu'on était bien calés _ voire trop..._ côté formation théorique, en France !


Pour clôturer ce dossier, Roland Cayrol nous fait une révélation : avec Internet, on ne s'informe pas de la même manière que lorsqu'on lit un journal ! Il ne dit pas que cela, heureusement, à Joël Roman qui recueille ses propos, il encourage aussi l'activité des amateurs : "Il faut obtenir que la participation citoyenne se mêle de l'information". L'internaute qui veut s'informer se concentre plus sur les dépêches, les successions d'événements, d'images, que sur la réflexion journalistique autour des informations lues. L'universitaire laisse entendre que les professionnels eux-même suivent le mouvement, et ne sont plus vraiment spécialistes des rubriques qu'ils alimentent. De leur côté, les lecteurs sont mieux armés pour forger leur propre jugement, car ils se méfient des politiques, des médias et des institutions en général. C'est pourquoi leur voix mérite plus que jamais d'être entendue lorsque les débats autour des médias et de l'information ont lieu. Roland Cayrol en profite pour rappeler l'importance d'une éducation aux médias pour tous. Voilà un dialogue intéressant à lire, mais qui me laisse perplexe sur deux points : tout d'abord, la dépêche n'est pas seulement une information sous forme simplifiée ; c'est aussi une information qui a la chance de ne pas être encore trop déformée par des médias sous influence. Pour beaucoup de personnes se réfèrent aux dépêches pour leur aspect "brut" plus que pour leur forme simplifiée. Ensuite, Roland Cayrol botte en touche un peu trop rapidement le problème des grands groupes de presse et de leur monopole sur l'information.


Si tous les contributeurs du dossier n'accordent pas la même importance aux médias citoyens ou à la voix des reporters amateurs, tous s'accordent pour valoriser l'éducation aux médias dès le plus jeune âge et sont en faveur d'une remise en question des professionnels de l'information sur leurs pratiques. 


Ouh, que de couleurs dans ce billet ! On se croirait sur un site Internet de 1997, le fond gris moucheté en moins !

"Dossier information et citoyenneté" (5 mai 2010) (dossier). Mediapart (blogs). 14p. [en ligne] Url : http://blogs.mediapart.fr/edition/societe-de-linformation-et-democratie/article/050510/dossier-de-reflexion-sur-la-qualit. Consulté le 31 août 2013. 


On se tente quelques descripteurs Motbis ? Il me semble  que ce dossier pourrait être lu par des lycéens...


Ou pas !

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