dimanche 12 février 2012

Les Aigles Décapitées - Tome 4 - L'hérétique - Jean-Charles Kraehn - 1989



Jamais trois sans quatre ! Le "Cycle de l'Imposteur", composé des trois premiers tomes des Aigles Décapitées, fait place au "Cylcle de l'Hérétique" (tomes 4 et 5). Contrairement aux albums précédents, Jean-Charles Kraehn est à l'origine à la fois des dessins et du scénario dans "L'hérétique".


"... dans ton canap' on est bien"


Où est-ce qu'on en était ? 


Deux ans après le retour vainqueur d'Hughes et Sigwald aux commandes du château de Crozenc, la paix est revenue et la vie a repris son cours. Pourtant, le jeune seigneur est en lutte constante avec sa conscience : il sait que la place qu'il occupe n'est pas légitimement la sienne, et que Dieu lui réserve sans doute quelques embûches en contrepartie. Soucieux de racheter son âme avant que les ennuis n'arrivent, Hughes s'habille en mendigot entreprend un pèlerinage à pied au Mont Saint-Michel. Il y entraîne un Sigwald quelque peu réticent ; après des jours de marche et de prière, les deux aventuriers décident de rentrer par des moyens plus confortables. Parce que bon, c'est bien beau d'éprouver les mêmes déboires que Jésus, mais faut pas abuser quand même !

Il leur faut partir en bateau du Mont Saint-Michel jusqu'à Saint-Malo-de-l'Isle, où ils trouveront à la banque la somme mise de côté pour le retour en terre poitevine. Pendant le voyage, une tempête éclate et le bateau coule en pleine nuit. Hughes, Sigwald et Albizzi, un marchand juif avec qui ils sont sympathisé, s'échouent sur des récifs et sont bien obligés d'y rester jusqu'à marée basse. Le lendemain matin, alors qu'ils se croient sauvés, les trois rescapés se font capturer par une bande de petits naufrageurs déguenillés. Ces gosses obéissent aveuglément au très douteux frère Goliard et à Nolwenn, sa jeune "favorite".    

Un album riche en références historiques 


Plus encore que les précédentes, la BD de Kraehn nous amène au coeur de l'Histoire de France. Albizzi, nouveau personnage central, nous permet de prendre conscience de l'antisémitisme de rigueur dans le pays au XIII° siècle, qu'on a à peine tendance à ne pas évoquer lorsqu'on étudie cette période à l'école. En effet, le marchand juif sauve la mise d'Hughes et Sigwald, prisonniers du frère Goliard, parce qu'il représente l'espoir pour le prêtre hérétique d'obtenir une importante rançon auprès du puissant armateur Hélie de Boisboissel.

Photo Scenario.com

L'intrigue des Aigles Décapitées se construit sur un contexte historique très précis, qu'il faut absolument connaître et comprendre pour mesurer la teneur des événements : la ligue hanséatique, le gouvernement de la Bretagne, les hérésies et les croisades de pastoureaux... A défaut d'être évident, tout est très bien expliqué. Mais des recherches en parallèle peuvent tout de même s'avérer éclairantes. La série se destine de plus en plus destiné à un public adulte, non pas pour la hardiesse des scènes représentées qui reste finalement dans le correct, mais pour ses références pointues. Par ailleurs, Jean-Charles Kraehn a eu le bon sens de consacrer la dernière page de son album à un petit lexique des richesses linguistiques qu'on pouvait entendre à Saint-Malo au Moyen-Age.

Conflits d'intérêts et femmes fatales 

On avait déjà pu le constater dans les autres volumes, les ambitions personnelles des personnages se heurtent et se font ici barrage, plus que jamais. Goliard l'hérétique terré dans le sable domine et utilise une bande de gosses pour rassembler un magot nécessaire à sa fuite. Sa maîtresse Nolwenn ne supporte pas qu'il la trompe avec Aria, une autre donzelle sourde et muette et souhaite se venger de lui lorsqu'elle prend conscience de ses projets malhonnêtes : c'est pourquoi elle décide de délivrer les trois prisonniers de son mentor. Elle est le symbole de la facilité à passer du statut de chasseur à celui de gibier, et inversement. Elle, l'objet, la fille manipulée, se sert de la blessure de Sigwald, pour à son tour devenir détentrice d'un pouvoir. C'est sans scrupules qu'elle use du chantage pour faire avancer Hughes dans les marais, et pour le traîner jusqu'à l'autel : "si tu ne m'obéis pas, si tu ne m'épouses pas, ton ami meurt". Il faut dire que Nolwenn est une fille de caractère, tout comme la blonde Alix qui trotte toujours dans la tête d'Hughes. L'une est riche et blonde, l'autre est pauvre et brune, et ces contrastes primaires sont aussi nets que les deux filles sont intérieurement assez similaires : toutes deux se disent "dures à cuire", mais manifestent une fragilité désarmante face au danger. Devant Hughes, toutes deux refusent de se brader bien qu'elles n'en cachent pas non plus leur envie. Enfin, elles parviennent toujours bon gré mal gré à obtenir ce qu'elles veulent. En conclusion, elles se ressemblent tellement que c'en est un peu dommage : puisqu'on ne voit que deux personnages féminins évoluer en première ligne, pourquoi en faire des clones ?    
 

KRAEHN, Jean-Charles. Les Aigles Décapitées. Tome 4 : "L'hérétique". Glénat. 1989. Coll. "Vécu". 46 p. ISBN 2-7234-1031-5



5 commentaires:

Bubulle!! a dit…

ça y est, j'ai tout lu !! ;-) C'est chouette, parce que je ne lirai pas les bandes dessinées, et tes articles expliquent bien les différents événements, le contexte historique, et présentent clairement les personnages ! En plus tu ajoutes une touche de questionnement "philosophique", tout en faisant le parallèle avec d'autres récits... Tout cela en donnant également ton opinion, dans des articles qui ne sont ni trop courts, ni trop longs ! En un mot : chapeau ! (^^) Continue, c'est super !! :-) (Je tiens à préciser que je suis tout à fait neutre... hihi).

Java a dit…

Merci, la suite viendra bientôt j'espère ! La série des Aigles décapitées s'est terminée l'année dernière seulement !! c'est gentil, mais je crois que tu n'es pas neutre hi hi ! Attention je vais finir par me faire mousser comme un petit crabe sous l'eau chaude !! ;-) Bravo pour ton courage, je sais que ce n'est pas un sujet qui te branche .. à part la dimension philosophique peut-être !! ;-)

Bubulle!! a dit…

;-D C'est vrai, je crois que je ne pourrais pas lire les BD... Mais j'ai pris plaisir à lire tes articles... !
Hihihi, c'est vrai que tes pinces font finir par enfler, LOOL ! Non mais je t'assure que là je peux être neutre (enfin presque^^) !! :-)

Java a dit…

et elles enflent et elles enflent et POUF ! il devient coquillage !!

Bubulle!! a dit…

Hi hi !!^^